En France, la laïcité de l’État est une question sensible. Notre pays a connu trois siècles de guerre civile religieuse, ouverte ou larvée. Les principaux courants qui en ont été protagonistes sont toujours présents et actifs. L’instauration de la laïcité comme principe organisateur et pacificateur de notre République est le résultat de cette histoire. Depuis la loi fondatrice de 1905 instituant la séparation des Églises et de l’État, le débat a été ouvert à de nombreuses reprises sous des formes diverses et les citoyens s’y sont toujours engagés avec conviction. Le discours du président de la République, par la radicalité de sa rupture avec les principes constants de la République sur ce sujet, semble devoir ouvrir une nouvelle période de confrontation.

Le discours de Latran

Un manifeste global

Ce discours ne doit pas être lu comme l’expression de la sensibilité personnelle de Nicolas Sarkozy en matière religieuse. Certes, le président est, selon ses propres termes, un « catholique de tradition et de coeur ». Personne ne lui en fait grief. C’est une conviction qui relève de la sphère privée.

Au demeurant il n’est pas le premier président de la République française à être croyant et pratiquant.

Le discours du président de la République devant le chapitre de Saint-Jean-de-Latran, est une parole officielle prononcée au nom de la République française. C’est celle du président de la République es qualité, représentant tous ses concitoyens français, au moment où il accepte d’endosser une fonction honorifique liée par tradition folklorique à sa charge, celle de chanoine de Latran, paroisse de l’État du Vatican dans la ville de Rome. Sur le moment, puis à la suite de son allocution, le président a souligné à diverses occasions l’importance particulière de ce discours. Il s’agit bien d’une définition des principes et de la vision auxquels il entend se référer à propos de la place du fait religieux dans la vie des sociétés modernes en général et de la religion catholique en France en particulier. Les discours qu’il a ensuite prononcés à Ryad en Arabie saoudite, puis pour ses voeux devant le corps diplomatique ou à l’occasion de la réception des chefs religieux à l’Elysée ont confirmé l’importance du discours de Latran dans la définition de la politique que veut conduire le chef de l’État. Il existe ainsi une sorte de continuité entre ses différentes expressions qui se complètent de façon assumée. Elles dessinent un tableau d’ensemble. Il se fonde sur une analyse du rapport de la société humaine au fait religieux. Il s’articule, par degré, avec une approche qui prétend ancrer la démonstration dans une prétendue aspiration irrépressible des individus pour la transcendance.

Le discours de Latran est assumé comme un discours de rupture avec les précédentes prises de position des présidents de la République française à propos des rapports avec l’Église catholique. Mais cette rupture n’est pas seulement l’énoncé d’un nouveau cadre conceptuel. Elle fonctionne comme une transgression, c’est-à-dire comme une inversion du point de vue qui avait prévalu jusqu’à présent.

On constate en premier lieu que le président Nicolas Sarkozy a adopté l’angle sous lequel l’Église catholique romaine se situe dans ses controverses avec la République française depuis sa fondation et même face à ses rois sous l’Ancien régime. De bien des façons c’était le préalable à l’énoncé de la nouvelle politique.

Une relecture orientée de l’histoire de France

Quand l’histoire de France cesse d’être une matière scientifique pour devenir un récit politique, deux lectures se présentent le plus souvent. La version républicaine traditionnelle raconte l’émergence progressive et douloureuse de la nation et de la souveraineté populaire au fil d’une histoire de conflits avec l’Église et l’Ancien régime monarchiste. L’autre raconte la supposée permanence chrétienne de l’histoire des Français et positionne faits et jugements dans leur relation à cette fidélité. C’est, pour faire simple, la Gesta deii per francos de Grégoire de Tours, la « geste de Dieu à travers les Francs ». Évidemment cette histoire est censée être construite en osmose étroite avec la papauté. Parmi tant d’autres cet état d’esprit est celui qu’évoque cette mise en garde du pape Léon XIII dans les années de la République française renaissante : « La France ne saurait oublier que sa providentielle destinée l’a unie au Saint-Siège par des liens trop étroits et trop anciens pour qu’elle veuille jamais les briser. De cette union, en effet, sont sorties ses vraies grandeurs et sa gloire la plus pure. Troubler cette union traditionnelle, serait enlevé à la nation elle-même une partie de sa force morale et de sa haute influence dans le monde ». [1]. Cette vision se réfère volontiers à de supposées « racines » qui lieraient le présent au passé profond et dont l’amputation menacerait l’identité même du pays. Comme si chacun était uni au passé par cet organe mystérieux et comme si le passé était autre chose qu’une reconstruction opérée par chacun en fonction des préoccupations du présent ! Le président de la République a fait sienne cette seconde lecture de l’histoire de France. « Comme Benoît XVI, déclare le président, je considère qu‘une nation qui ignore l‘héritage éthique, spirituel, religieux de son histoire commet un crime contre sa culture, contre ce mélange d‘histoire, de patrimoine, d‘art et de traditions populaires, qui imprègne si profondément notre manière de vivre et de penser. Arracher la racine, c‘est perdre la signification, c‘est affaiblir le ciment de l‘identité nationale, c‘est dessécher davantage encore les rapports sociaux qui ont tant besoin de symboles de mémoire ».

Dés lors, à propos de son installation comme chanoine honoraire de Saint -Jean-de-Latran il proclame. « J‘assume pleinement le passé de la France et ce lien si particulier qui a si longtemps uni notre nation à l‘Église ». En effet… La démonstration va donc être un florilège de poncifs éculés. Rien n’est plus parlant que cette phrase d’accroche du début de son propos. « C‘est par le baptême de Clovis que la France est devenue Fille aînée de l’Église. Les faits sont là. En faisant de Clovis le premier souverain chrétien, cet événement a eu des conséquences importantes sur le destin de la France et sur la christianisation de l‘Europe. » C’est, collées l’une derrière l’autre, plusieurs légendes chères à l’historiographie catholique la plus désuète. Le « fait », quoiqu’en dise le président, est très loin « d’être là »… En effet le baptême de Clovis n’est pas du tout un fait historique avéré. Ses rares mentions sont extrêmement évasives dans les textes religieux de référence. En vérité le roi franc fut allié avec l’Église romaine au moment où l’un et l’autre y avaient un intérêt mutuel. Le roi franc pour entrer dans le Sud gallo-romain bien christianisé, l’Église romaine pour réprimer la contagion de l’hérésie arienne qui menaçait son autorité dans le clergé. En fait de conversion et autre prodige spirituel, c’est en réalité la première forme d’alliance entre Église et pouvoir politique en vue d’un objectif commun de domination mutuellement assistée. Le reste des évocations historiques ne vaut pas mieux. Clovis n’est pas du tout le premier souverain chrétien. Avant lui l’empereur Constantin et quelques autres ou bien l’empereur Théodose l’étaient déjà. De même nombre de princes et princesses burgondes comme la propre épouse de Clovis l’étaient avant lui. On mesure aux erreurs flagrantes du récit historique sa vocation purement allégorique. Le président fait sienne une légende pour suggérer l’évidence de la leçon qu’elle est censée porter. « Au-delà de ces faits historiques, c‘est surtout parce que la foi chrétienne a pénétré en profondeur la société française, sa culture, ses paysages, sa façon de vivre, son architecture, sa littérature, que la France entretient avec le siège apostolique une relation si particulière. Les racines de la France sont essentiellement chrétiennes » Essentiellement, c’est-à-dire en ce qui concerne son essence même, sa nature intime. L’inné des Français, pour Nicolas Sarkozy serait chrétien.

On doit s’attarder un peu sur le recours à l’histoire profonde du pays pour comprendre que l’exercice n’est pas neutre en lui-même. Tant que le président cite des écrivains et des gens d’Églises, il est dans son rôle d’évocation de la participation des Français à une histoire religieuse qui a beaucoup compté pour eux. Mais quand ces évocations portent sur des personnages politiques, il en va tout autrement. Notamment quand il s’agit d’évocation de personnages d’Ancien régime. Entre l’Ancien régime et la République, c’est la rupture qui fait sens, et non l’apparente impression de continuité que donnent la permanence des lieux et la suite des générations. La rupture est celles des principes, des valeurs, des mobiles d’action, des objectifs. Se référer à une histoire commune avec l’Ancien régime pour un gouvernant républicain, c’est prendre le risque permanent du contre sens politique. Sans aucun doute le président ne le sait pas. Peut-être n’y a-t-il jamais réfléchi. Il n’empêche. La Référence à Louis IX, canonisé par l’Église et connu sous le nom de « saint Louis » est particulièrement malheureuse. On comprend qu’il s’agit de montrer que le pouvoir lui-même en France a été si près du catholicisme qu’il a été reconnu par lui comme figure exemplaire de ses propres valeurs. C’est d’ailleurs un classique des admonestations des papes à tous les souverains français avec qui ils ont été en conflit : citer comme contre modèle « saint louis » leur ancêtre ! Le président veut donc en saluer la « contribution spirituelle » et la « signification morale de portée universelle ». Rien n’est plus discutable. Les raisons qui ont valu au roi Louis IX d’être canonisé par l’Église et l’expression de sa piété dans ses décisions politiques ne méritent pas l’hommage d’un républicain. Et peu nombreux sont ceux qui voudraient s’en réclamer s’ils ne s’arrêtaient pas à la légende aimable du roi rendant la justice sous son chêne. En effet le roi Louis IX (1214-1270) fut l’initiateur des boucheries et du fiasco de la 7ème (1248-1254) et de la 8ème croisades (1270). Il s’illustra surtout dans des persécutions sans précédent contre les hérétiques et les juifs. C’est ainsi qu’il institutionnalisa une répression féroce du blasphème par le supplice du pilori et du percement de la langue au fer rouge. En 1242, il soutient une controverse théologique contre le Talmud et ordonne un autodafé de Talmuds à Paris. En 1254, il bannit de France les Juifs qui refusent la conversion. Le succès n’ayant pas été total, il revient à la charge en 1269 pour instaurer le port par les Juifs de signes vestimentaires distinctifs : la rouelle pour les hommes et un bonnet spécial pour les femmes. Le but, annoncé publiquement à l’époque, est de prévenir tout risque de mariage mixte en application d’une recommandation papale de 1215 qui n’avait jamais été appliquée jusqu’alors en France. On voit que le maniement des références et des symboles d’osmose avec la papauté comporte le risque de prendre à son compte une histoire et des préoccupations qui sont précisément ce avec quoi la laïcité de l’État Républicain a voulu rompre. Le discernement serait tout aussi utile quand il s’agit d’évoquer une sainte figure comme celle de Bernard de Clairvaux (1090-1153) grand prédicateur de la 2ème croisade (1147-1149) qui s’était alors rendu célèbre par ses mots d’ordre radicaux « le baptême ou la mort » ou encore « conversion ou extermination »…

La pertinence des références louangeuses à l’Ancien régime dans le discours d’un président de la République n’est pas seulement sujette à caution du point de vue des principes républicains. Elle ne l’est pas seulement à l’égard de l’exactitude des faits sur lesquels il pense pouvoir prendre appui. Elle l’est aussi du point de vue du choix partisan que le président opère à l’intérieur de cette histoire quand il résume les rapports des rois avec la papauté à une fidèle allégeance. Ainsi quand il affirme qu’après le supposé baptême de Clovis, « à de multiples reprises ensuite, tout au long de son histoire, les souverains français ont eu l‘occasion de manifester la profondeur de l‘attachement qui les liait à l‘Église et aux successeurs de Pierre ». Car les rapports des rois de France avec la papauté sont aussi une longue histoire de conflits très durs où l’une et l’autre des deux parties a cherché à se rendre maître de l’autre pour utiliser à son profit le pouvoir dont il disposait dans son domaine temporel ou spirituel. Le fait est que ce sont les papes qui ont été à l’initiative de ces tentatives de prises de contrôle et qu’ils ont échoué. Les rois de France ont été souvent beaucoup plus efficaces quand à leur tour ils se sont mêlés de vouloir contrôler la papauté. Certes le pape Boniface VIII à tenté en 1300, d’imposer son autorité au roi de France Philippe le Bel avec la bulle Unam sanctam. Sans succès. Mais les rois de France ont fabriqué la papauté d’Avignon…. Ils ont dénoncé dès 1418 les « abus » du pape et limité son pouvoir sur l’Église de France. Ils ont instauré ou rétabli, à de multiples reprises, des mesures de contrôle ou de rétorsions contre les menées des « successeurs de Pierre ». La vérité historique est donc très loin de la légende papale de rois humblement agenouillés à leurs pieds pour prendre conseil…. On ne peut oublier que deux rois de France, Henri III et Henri IV, furent assassinés par des « fous » sous influence directe des ligues catholiques. Enfin on sait que les papes condamnèrent toutes les législations royales de tolérance depuis les décrets du roi Henri II autorisant en France le séjour des juifs chassés d’Espagne jusqu’à l’édit de Nantes. On mesure mieux alors combien cette histoire concrète est loin de la légende que le président de la République a choisi de prendre à son compte.

Une lecture cléricale de la loi de 1905

Le choix partisan des références prises dans l’histoire de l’Ancien régime ne fait que préparer dans le discours de Latran un alignement du vocabulaire du président de la République bien plus spectaculaire et politiquement alarmant dans le jugement porté sur la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905. Cette loi n’a jamais été analysée par l’Église de Rome comme une simple loi d’organisation de la vie commune d’un pays démocratique. Son opposition porte sur le fond de ce qu’implique la séparation des Églises et de l’État. Cette opposition est totale. Elle est constante. Elle a été rappelée jusqu’en 2005 par le pape Jean-Paul II. La citation de son propos est indispensable pour comprendre l’état d’esprit qui anime le Vatican à ce sujet et dont le vocabulaire choisi par ses porte parole rend compte. On sera alors d’autant plus stupéfait de retrouver les mêmes termes dans la bouche du président de la République française. Voici ce qu’écrit Jean-Paul II aux évêques de France le 11 février 2005 : « En 1905, la loi de séparation des Églises et de l’État fut un événement douloureux et traumatisant pour l’Église en France. » Retenons ces deux adjectifs : douloureux et traumatisant. Ce n’est pas de l’inventaire des biens d’église dont il est question ni du refus de la masse des Français de répondre aux appels à la résistance que leur lançait le clergé dont il est question à propos de ce traumatisme. C’est du fond. L’explication du pape est claire : c’est la rupture avec le modèle de la religion d’État qu’il dénonce. Voici comment il résume cette « souffrance » à propos de la loi de 1905 : « Elle réglait la façon de vivre en France le principe de laïcité et, dans ce cadre, elle ne maintenait que la liberté de culte,

reléguant du même coup le fait religieux dans la sphère du privé et ne reconnaissant pas à la vie religieuse et à l’Institution ecclésiale une place au sein de la société. La démarche religieuse de l’homme n’était plus alors considérée que comme un simple sentiment personnel, méconnaissant de ce fait la nature profonde de l’homme, être à la fois personnel et social dans toutes ses dimensions, y compris dans sa dimension spirituelle. » Chaque mot compte dans cette présentation.. Ce que dit le président de la République n’en est que plus stupéfiant. « Je sais les souffrances que sa mise en œuvre a provoquées en France chez les catholiques, chez les prêtres, dans les congrégations, avant comme après 1905. » C’est très exactement le point de vue clérical. Et le président poursuit de façon tout aussi incroyable en donnant raison après coup aux rébellions de l’Église : « Je sais que l‘interprétation de la loi de 1905 comme un texte de liberté, de tolérance, de neutralité est en partie, reconnaissons le, une reconstruction rétrospective du passé. » Enfin il conclut : « C‘est surtout par leur sacrifice dans les tranchées de la Grande guerre, par le partage de leurs souffrances, que les prêtres et les religieux de France ont désarmé l‘anticléricalisme ; et c‘est leur intelligence commune qui a permis à la France et au Saint-Siège de dépasser leurs querelles et de rétablir leurs relations » Tout est blessant dans cette déclaration. La stigmatisation de la loi au motif qu’elle n’aurait pas été à l’époque une loi de liberté, acquitte la papauté de l’époque de ses appels à la désobéissance à la loi. La présentation du clergé comme la victime de la situation donne raison au refrain constant de la propagande cléricale. Et plus choquant encore l’évocation du rôle des prêtres dans la guerre de 14, non comme citoyens faisant leur devoir, mais comme représentants d’un corps constitué. Sur ce sujet, si mal choisi, il reste à apprendre au président de la République que dans sa condamnation de la loi de 1905 le pape de l’époque protestait aussi contre le fait que l’on décide d’ « […] arracher les clercs à leurs études et à la discipline ecclésiastique pour les astreindre au service militaire ». Comme si c’était l’anticléricalisme qu’il fallait désarmer alors et non plutôt le cléricalisme forcené qui se déchaina contre la loi de 1905. Le Président aurait du lire, avant de parler, le texte de l’encyclique Véhementer nos publiée en 1906. La violence du ton rappelle assez bien le niveau de tensions que l’Église s’est efforcée de créer à l’époque. Jugeons sur pièce. « Qu’il faille séparer l’État de l’Église, dit l’encyclique, c’est une thèse absolument fausse, une très pernicieuse erreur. Basée, en effet, sur ce principe que l’État ne doit reconnaître aucun culte religieux, elle est tout d’abord très gravement injurieuse pour Dieu, […] Nous lui devons donc, non seulement un culte privé, mais un culte public et social, pour l’honorer. » « En vertu de l’autorité suprême que Dieu nous a conférée, déclare le pape, nous réprouvons et nous condamnons la loi votée en France sur la séparation de l’Église et de l’État comme profondément injurieuse vis-à-vis de Dieu, qu’elle renie officiellement, en posant en principe que la République ne reconnaît aucun culte. » Et l’encyclique appelait ouvertement à l’insoumission à la loi : « En conséquence, nous protestons solennellement de toutes nos forces contre la proposition, contre le vote et contre la promulgation de cette loi, déclarant qu’elle ne pourra jamais être alléguée contre les droits imprescriptibles et immuables de l’Église pour les infirmer. » Le Vatican mènera ensuite une politique de provocation systématique contre la loi de 1905 et son application. Ainsi Pie X interdit aux catholiques d’organiser les associations cultuelles sur lesquelles reposait le système d’attribution des locaux religieux prévus par la loi de 1905. L’interdit ne sera officiellement levé par le Vatican qu’en 1924. Pendant 20 ans donc, le Vatican incita donc au sabotage de la loi et contribua directement aux conditions difficiles de son application.

Ce qui était en cause, pour l’Église catholique, ce n’était pas seulement la séparation de l’Église et de l’État mais toutes les mesures de laïcisation de la société. Le pape dénonçait en effet que les lois républicaines prévoient de « violer la sainteté et l’inviolabilité du mariage chrétien par des dispositions législatives en contradiction formelle avec elles […] laïciser les écoles et les hôpitaux […] On a abrogé la loi qui ordonnait des prières publiques au début de chaque session parlementaire et à la rentrée des tribunaux […] supprimé les signes traditionnels à bord des navires le Vendredi Saint […] effacé du serment judiciaire ce qui en faisait le caractère religieux […] banni des tribunaux, des écoles, de l’armée, de la marine, de tous les établissements publics enfin, tout acte ou tout emblème qui pouvait, d’une façon quelconque, rappeler la religion. » Cette indignation, nous nous contentions de la trouver risible, rétrospectivement. Mais s’il faut entendre le président de la République la justifier après coup comme une « souffrance » et plaider que la loi ait été à l’époque moins tolérante et soucieuse de liberté qu’il y parait, on doit alors rappeler au nom de quelle conception obscurantiste de la tolérance et de la liberté le pape condamnait la loi dans son encyclique ! Voici ce qui serait en cause selon lui : « Les dispositions de la nouvelle loi sont, en effet, contraires à la Constitution suivant laquelle l’Église a été fondée par Jésus-Christ. Il en résulte que cette Église est par essence une société inégale […] dans le corps pastoral seul, résident le droit et l’autorité nécessaires pour promouvoir et diriger tous les membres vers la fin de la société. Quant à la multitude, elle n’a pas d’autre devoir que celui de se laisser conduire et, troupeau docile, de suivre ses pasteurs. (…) la religion est la règle suprême et la souveraine maîtresse quand il s’agit des droits de l’homme et de ses devoirs »

Une amnistie de l’intolérance cléricale

Ce rappel du point de vue réel de la papauté face à la loi de 1905 montre à quel point son vote et son application a été un rapport de force et non un compromis, du fait de l’Église et d’elle seule. Ce qui est une reconstruction du passé c’est de passer sous silence les motifs dogmatiques qui sont à l’origine du comportement politique agressif du pape à l’époque et de ses successeurs depuis. Les extraits de leur expression officielle, cités précédemment, le montrent. Mais on pourrait aussi bien rappeler le contexte politique d’alors qui vit, par exemple, le pape refuser de recevoir le président de la République française de l’époque parce que celui-ci avait rencontré le chef de l’État italien à Rome, ville sur laquelle le pape maintenait une revendication territoriale ! Surtout on devrait, pour bien comprendre la tension du moment, rappeler quels avaient été les plus récents rappels officiels de la doctrine catholique, car c’est eux qui ont aussi fortement contribué à la réaction de bons sens qu’a été la loi de 1905. Les papes les avaient opposés de façon constante aux revendications et aux avancées républicaines. L’étroitesse et la violence du ton et des énoncés sont stupéfiantes. Elles rappellent pourquoi le modéré Aristide Briand avait pu conclure à une « incompatibilité fondamentale » entre l’Église traditionnelle et la démocratie. Ainsi l’encyclique Mirari Vos de 1832 dénonce de la liberté d’opinion et de conscience : « De cette source empoisonnée de l’indifférentisme, découle cette maxime fausse et absurde ou plutôt ce délire : qu’on doit procurer et garantir à chacun la liberté de conscience ; erreur des plus contagieuses (…) » Ou la dénonciation de la liberté de la presse : « À cela se rattache la liberté de la presse, liberté la plus funeste, liberté exécrable, pour laquelle on n’aura jamais assez d’horreur et que certains hommes osent avec tant de bruit et tant d’insistance, demander et étendre partout. » Puis l’encyclique Quanta Cura de 1865 fait l’inventaire des « principales erreurs de notre bien triste époque, comme idées fausses et opinions trompeuses et perverses ». Par exemple l’idée que « la volonté du peuple constitue la loi suprême dégagée de tout droit divin ». C’est la légitimité du suffrage universel et des travaux parlementaires qui sont ainsi niées ! Il y a aussi la condamnation de la « liberté de manifester hautement et publiquement les opinions » présentée comme « liberté de perdition ». Et, plus peccamineux si cela est possible, « le plein pouvoir laissé à tous de manifester ouvertement et publiquement toutes leurs pensées et toutes leurs opinions, jette plus facilement les peuples dans la corruption des moeurs et de l’esprit, et propagent le fléau de l’indifférentisme »

Quand les débats qui vont conduire à la loi de 1905 se nouent de longue main dans les sociétés progressistes et les loges maçonniques, le discours de l’Église de l’époque est celui de cette incroyable dogmatisme. Peut-être a-t-on oublié qu’il va jusqu’à contester l’idée même d’une autonomie de la raison et de la morale. L’encyclique Quanta Cura (1865) en dénonce « le principe impie et absurde du naturalisme » qui voudrait « que la société humaine soit constituée et gouvernée sans plus tenir compte de la Religion ». Elle théorise le cléricalisme en affirmant que « la puissance de salut de l’Église catholique doit s’exercer librement, non moins à l’égard des individus que des nations, des peuples et de leurs chefs »et réaffirme la nécessité « que la religion catholique soit considérée comme l’unique religion de l’État ». Telle est l’ambiance intellectuelle qu’organise à l’époque la papauté en face des doctrines républicaine de souveraineté populaire pleine et entière dans tous les domaines de la vie en société. Comment comprendre que le président de la République, dont la fonction est l’héritière de cette lutte davantage que de mythique baptême de roitelets francs ou de prédicateurs de croisades puisse, quand il l’évoque, ne retenir que les « souffrances » du clergé sectaire et violent qui s’y est opposé de toutes ses forces ?

La haine des Lumières

Cette interrogation n’est pas de pure forme polémique. Le discours de Latran répond sur ce plan spécifique. Le président considère que le processus dont le siècle et le courant des Lumières sont l’apothéose n’est pas le mouvement qui compte à ses yeux, quand bien même a-t-il fait « naitre l’ère moderne » selon le mot de Goethe à propos de la grande Révolution française. Au contraire. Pour Nicolas Sarkozy, le président de la République, les Lumières appartiennent à un espace intellectuel auto limité. De ce fait meme, elles sont intrinsèquement dangereuses. Son analyse à ce sujet, telle qu’elle est formulée dans le discours de Latran, sert de matrice pour d’autres discours et interviews de presse. Son importance n’a d’égal que sa gravité. « Depuis le siècle des Lumières, déclare le président, l‘Europe a expérimenté tant d‘idéologies ! Elle a mis successivement ses espoirs dans l‘émancipation des individus, dans la démocratie, dans le progrès technique, dans l‘amélioration des conditions économiques et sociales, dans la morale laïque. Elle s‘est fourvoyée gravement dans le communisme et dans le nazisme. Aucune de ces différentes perspectives - que je ne mets évidemment pas sur le même plan - n‘a été en mesure de combler le besoin profond des hommes et des femmes de trouver un sens à l‘existence. » Ce serait assez que ces mots aient été prononcés pour que n’importe quelle conscience républicaine se sente profondément blessée par la violence de l’injure qui est ainsi faite. Mais ce qui sans doute est le plus affligeant et consternant est que ces mots aient été empruntés quasi littéralement au pape Jean-Paul II luimême pour qui le rejet des Lumières est un élément central de la construction dogmatique du catholicisme. Pour ce dernier en effet, les Lumières sont le terreau des crimes et tragédies politiques du vingtième siècle. Dans le texte intégral du chapitre « Lumières et idéologies du mal » du document intitulé Mémoire et Identité paru en mars 2005, Jean- Paul II étend sa condamnation à la Renaissance elle-même. La raison de fond est parfaitement cohérente. C’est la négation de toute part de vérité pour tout ce qui ne procède pas de la révélation. Ces prémices sont d’ailleurs rappelées avec force en conclusion des raisonnements exposés par le pape : « « Le code moral provenant de Dieu est la base intangible de toute législation humaine dans n’importe quel système, en particulier dans le système démocratique. La loi établie par l’homme, par les parlements et par toute autre instance législative humaine, ne peut être en contradiction avec la loi naturelle, c’est-à-dire, en définitive, avec la loi éternelle de Dieu. » Cette conclusion doit être connue pour bien mesurer toute la portée du raisonnement papal et comprendre la radicale incongruité du ralliement qu’y proclame le président de la République. Le moment est donc venu de citer ce qui se rapporte à l’analyse des Lumières dans le texte de Jean-Paul II pour mesurer quel « copié/collé » est le discours du président sur ce point ! « Les idéologies du mal sont profondément enracinées dans l’histoire de la pensée philosophique européenne, écrit le pape ! […] Dans la mentalité des Lumières, le grand drame de l’Histoire du Salut, le fait que l’homme a été racheté et est devenu participant de la vie même de Dieu par l’action du Christ, tout cela avait disparu. L’homme était resté seul : seul comme créateur de sa propre histoire et de sa propre civilisation ; seul comme celui qui décide de ce qui est bon et mauvais, comme celui qui existerait et agirait même si Dieu n’existait pas. Et si l’homme peut décider par lui-même, sans Dieu, de ce qui est bon et de ce qui est mauvais, il peut aussi disposer qu’un groupe d’hommes soit anéanti. Des décisions de ce genre furent prises sous le IIIème Reich. […] Des décisions analogues furent prises par le parti communiste de l’Union soviétique et des pays soumis à l’idéologie marxiste. […] Cela est arrivé parce que Dieu en tant que Créateur a été rejeté, et du même coup la source de détermination de ce qui est bien et de ce qui est mal. » Les Lumières « drame dans l’histoire du salut », c’està- dire dans la relation de Dieu à sa création, à l’origine des crimes nazis ! On apprécie mieux après cela toute l’impudence hypocrite de l’accusation mille fois répétées par les cléricaux quand ils dénoncent le « sectarisme » et « l’intolérance » des laïques.

Laïcité et choc des civilisations

Cependant, l’outrance de ce point de vue a son mérite. Elle signale avec force la piste par laquelle le « raisonnement » religieux fournit une passerelle conceptuelle efficace vers un autre corps de doctrine plus trivialement préoccupé de réalité géopolitique. Il s’agit de la théorie du « choc des civilisations » formulée par Samuel Huntington. Elle est au coeur de la pensée du président Sarkozy à propos de la réalité mondiale de notre époque. Il y a exprimé à de très nombreuses reprises son adhésion intellectuelle. C’est au point que l’on peut se demander si les manifestations d’enthousiasme religieux du président ne sont pas la conséquence de son adhésion à cette théorie plutôt que l’inverse. Le raisonnement de politique étrangère serait premier, l’intime conviction religieuse serait seconde. On pourrait être conduit vers cette conclusion par l’écart remarquable qui apparaît entre la vie réelle du président et ses déclarations de foi religieuse et d’adhésion à la morale catholique. Sans entrer dans les détails qui nous égareraient dans les colonnes de la presse people, on retiendra seulement combien il est étrange qu’une personne excommuniée du fait de ses divorces puisse accepter d’être « chanoine honoraire » de la paroisse du Vatican lui-même. Mais il faudrait alors s’étonner que ceux qui l’ont excommunié n’y voient eux-mêmes aucun obstacle, alors même que leur intransigeance doctrinale peut-être aussi violente que les citations précédentes l’ont rappelé…

Le choc des civilisations

La théorie du choc des civilisations a été exposée par Samuel Huntington professeur à l’université de Harvard aux États-Unis. Son texte a été publié en français en 1997.

En voici un résumé sommaire. Selon lui l’histoire des conflits humains dans le monde occidental a connu trois âges. D’abord quand les princes voulaient étendre leurs territoires (de 1648 à 1789). Puis quand les nations et les peuples ont voulus bâtir leurs empires (1789 à 1918). Enfin quand les idéologies se sont confrontées sur toute la surface du globe (1918 à 1989). Commence désormais l’âge des conflits de civilisations. La civilisation est le niveau concret le plus large auquel un individu s’identifie. Elle est un donné qu’on ne choisit pas mais qui s’impose à soi. Il délimite en même temps un espace politique pertinent : eux et nous, ami ennemi. Pour l’essentiel les lignes de fracture entre civilisations sont religieuses. Elles dessinent la géographie politique réelle puisque chaque appartenance religieuse recherche l’appui des siens. Ainsi les Tchétchènes musulmans avec les nations musulmanes, les Arméniens avec les chrétiens et ainsi de suite. Dans ce paysage, la civilisation musulmane n’aurait que des frontières sanglantes, avec les autres blocs civilisationnels et il en irait de même entre nations musulmanes. Cet état de fait résulte du contenu culturel qui est le sien. Dans ce contexte, l’Occident dont la population est minoritaire, depuis qu’elle est passée de 44 % du total mondial à 13 %, est menacé de déclin et de submergement. Elle doit donc faire face. Et pour cela elle doit commencer par s’assumer.

Il est important de rappeler que la cohérence interne de cette présentation ne valide pas pour autant l’objectivité de ses énoncés. Nombreux sont les chercheurs qui ont aussitôt démontré le caractère très relatif de chacune des idées pourtant proposées comme des certitudes. Par exemple, le concept de civilisation est moins étanche que ne l’affirme Samuel Huntington. La description d’une civilisation à partir du fondement religieux est un réductionnisme. Elle n’est donc pas pertinente. Enfin la filiation de cette théorie et ses emprunts aux penseurs du déclin de l’Occident d’avant la Deuxième Guerre mondiale l’expose aux suspicions que ces sources ont déjà mérité dans le contexte des années trente. Une remarque enfin a de l’importance pour comprendre le positionnement de Samuel Huntington après l’énoncé de sa thèse. Il ne milite pas pour le choc annoncé. Au contraire. Son travail se présente comme un outil pour éviter le conflit qui menace. C’est une habileté de méthode que le président de la République fait également sienne au fil de ses discours. Il n’en reste pas moins que du seul fait de son énoncé, la théorie du choc des civilisations formule une lecture globale de la réalité qui génère ses propres prescriptions implicites.

Le monde post idéologique selon Nicolas Sarkozy

C’est elles que les discours de Nicolas Sarkozy reprennent à leur compte à tout propos. La « politique de civilisation » est son leitmotiv, déclinaison en français de l’argumentaire d’Huntington. Ainsi, quand il a présenté ses vœux au corps diplomatique. Il a affiché sans détours, à la fois sa vision de l’ordre du monde et le positionnement qu’il en déduit. « Deux défis contribueront à structurer la société internationale du XXIème siècle, peut-être plus profondément que les idéologies ne l’ont fait au XXème siècle. Le premier défi est celui du changement climatique […]

Le deuxième défi est celui des conditions du retour du religieux dans la plupart de nos sociétés. C’est une réalité, seuls les sectaires ne le voient pas. C’est une réalité incontournable qui avait, en son temps, été prévue par Malraux. Dans mon discours de Saint-Jean-de-Latran, discours auquel j’attache beaucoup de prix, j’ai précisé ma conception d’une laïcité où la place de la religion serait définie en termes plus positifs. » On notera le lien fait d’un seul mouvement entre l’affirmation de la centralité du fait religieux, la dénonciation des « sectaires » qui le nieraient et la remise en cause du modèle laïque en vigueur en France ! Rien ne souligne mieux que cet enchainement le caractère étroitement idéologique de cette analyse de la réalité du monde… De cette vision du monde il déclare déduire une stratégie globale. Elle suit exactement la recommandation de Samuel Huntington. « J’ai d’abord voulu situer, franchement et nettement, et là est la première rupture, la France au sein de sa famille occidentale. » On relèvera d’abord comment cette appartenance vient en écho de son analyse devant les ambassadeurs de France en août 2007 au cours de laquelle il avait diagnostiqué que le « Premier défi, sans doute l’un des plus importants » pour le monde serait : « comment prévenir une confrontation entre l’Islam et l’Occident » Puis on soulignera comment cette référence à la « famille » exprime la force quasi biologique du lien de civilisation. Ce positionnement est présenté comme une rupture et cette rupture située par rapport au contenu du discours de Latran. C’est un tout en effet. La référence à la « famille occidentale » de la France se poursuit dans tout le reste du discours, les pays de l’Est étant qualifiés de « derniers arrivés dans la famille » et le reste du monde étant qualifié d’ « extérieur de la famille occidentale ». Il est très frappant d’observer que pour le président, cette appartenance à une civilisation lui crée un devoir égal à celui qu’il reçoit de son mandat de gardien des institutions de son pays. Le balancement d’une séquence du [discours de Ryad-article154955.html] le souligne avec force : » J’ai le devoir de faire en sorte que chacun, qu’il soit juif, catholique, protestant, musulman, athée, franc-maçon ou rationaliste, se sente heureux de vivre en France, se sente libre, se sente respecté dans ses convictions, dans ses valeurs, dans ses origines. Mais j’ai le devoir aussi de préserver l’héritage d’une longue histoire, d’une culture, et, j’ose le mot, d’une civilisation ». Cette construction intellectuelle est déclinée de façon très détaillée dans l’organisation du discours que le président a prononcé peu avant à Ryad, en Arabie saoudite. Tous les paramètres de la théorie du choc des civilisations y sont repris. Et d’abord la centralité du fait religieux comme fondement dorénavant explicatif de l’histoire humaine. « Je ne connais pas de pays dont l’héritage, dont la culture, dont la civilisation n’aient pas de racines religieuses. » déclare Nicolas Sarkozy devant le roi wahhabite. Il enfonce le clou : « Je ne connais pas de culture, pas de civilisation où la morale, même si elle incorpore bien d’autres influences philosophiques, n’ait un tant soit peu une origine religieuse. (…) Dans le fond de chaque civilisation il y a quelque chose de religieux, quelque chose qui vient de la religion. » En fait la religion est à l’origine de la civilisation elle-même. « Ce sont les religions, proclame-t-il, malgré tous les forfaits qui ont pu être perpétrés en leur nom, qui nous ont les premières appris les principes de la morale universelle, l’idée universelle de la dignité humaine, la valeur universelle de la liberté et de la responsabilité, de l’honnêteté et de la droiture. » La religion est surtout à la racine de l’universalité. Elle est l’universel concret. « C’est peut-être dans le religieux explique Nicolas Sarkozy, que ce qu’il y a d’universel dans les civilisations est le plus fort. » Et cela jusqu’au point où la religion est déclarée comme le vecteur par lequel la nature humaine elle-même est rendue possible. Le président proclame en effet « cette vérité qu’il y a dans toutes les religions, les croyances et les cultures quelque chose d’universel qui permet à tous les hommes de se reconnaître comme faisant partie de l’Humanité, de se parler, de se comprendre, de se respecter, de s’aimer ». Dans ces conditions le dialogue des religions est le ressort le plus efficace de la constitution d’une communauté internationale apaisée. « Quand Sa Majesté le Roi Abdallah rencontre le Pape, ce geste a plus d’importance pour la paix et pour l’avenir de la civilisation que bien des conférences internationales » explique le chef du deuxième réseau diplomatique du monde ! Tout se tient. Si les lumières sont la source des crimes du précédent siècle, les religions sont le gage de la paix à l’époque contemporaine ! La religion est bien le futur post idéologique de l’ordre du monde. La coalition des religions est alors l’avenir souhaitable et utile. C’est ainsi, à propos de cette rencontre du pape et du sultan, que le président de la République est conduit a prononcer cet exorde incroyable dans la bouche d’un chef d’État laïque : « En faisant ce geste d’une portée immense, d’une portée symbolique, il signifie au monde, ce geste, qu’aux yeux du Roi, le temps n’est plus pour les religions à se combattre entre elles, mais à combattre ensemble contre le recul des valeurs morales et spirituelles, contre le matérialisme, contre les excès de l’individualisme. »

 Pour lire la seconde partie de cet article, cliquez ici.

[1Allocution de Léon XIII aux pèlerins français, 13 avril 1888.