Il est toujours difficile de développer une position critique sur une question relative à Israël sans voir son propos mal interprété, déformé et souvent trahi. La polémique fait rage aujourd’hui en Italie autour de la Foire du Livre de Turin (on entend tout et n’importe quoi) et voilà que Pierre Assouline rend compte des faits sur son blog (monde.fr) de façon tendancieuse en déformant sciemment, purement et simplement les termes du débat.

Rappelons les faits. La Foire du livre de Turin avait d’abord désigné l’Égypte comme invité d’honneur puis a changé d’opinion et a choisi de célébrer Israël puisque cela correspondait aux soixante ans de la création de cet État. Un mouvement s’est mis en place, lancé par des partis politiques, des personnalités et des associations qui militent pour les droits des Palestiniens demandant à ce que l’on changeât d’invité d’honneur car il était à leurs yeux indécents de célébrer un État – en en faisant un « invité d’honneur » - alors que son gouvernement ne respecte pas la minimum des droits humains et humilie quotidiennement le peuple palestinien. Devant le refus des responsables de la Foire du Livre de Turin, le mouvement a appelé les écrivains et le public à le boycotter. Questionné par l’agence de presse italienne ANSA sur cet « appel au boycott », j’ai clairement soutenu qu’il n’était pas normal, ni humainement décent, de célébrer Israël au moment où l’on sait la politique que mène cet État et son gouvernement dans les territoires occupés et dévastés.

Il est donc clairement question de critiquer le choix de cet « invité d’honneur » et non d’empêcher les auteurs israéliens de s’exprimer ni même de débattre avec eux ! La propagande mensongère s’est alors mise en marche : il s’agirait d’une démarche antisémite ! Un refus de la liberté d’expression ! Ou encore, comme l’écrit Pierre Assouline, « un boycottage des écrivains israéliens » avec, en sus, une citation de moi totalement inventée. J’aurais « répondu à La Repubblica :”Il est clair qu’on ne peut rien approuver de ce qui vient d’Israël” » D’abord, je n’ai jamais parlé à quiconque de La Repubblica et je n’ai jamais tenu de tels propos !!! J’ai dit et répété que toutes les femmes et tous les hommes de conscience – et cela ne concerne pas seulement les Palestiniens ou les Arabes - devaient, à mon sens, boycotter la Foire (comme le Salon de Paris d’ailleurs) dont l’invité d’honneur était un pays qui ne respectait pas le droit et la dignité des peuples. J’ai précisé que notre refus du silence complice sur la scène internationale était le seul vrai moyen de faire cesser la violence au Moyen-Orient !

N’est-il pas curieux de voir les défenseurs aveugles de la politique israélienne déformer les propos, mentir et affirmer qu’une telle position est similaire à de l’antisémitisme ou au déni du droit de parole des auteurs israéliens !? Qui donc a parlé de cela !? Refuser de « célébrer » Israël et sa politique d’oppression n’a rien à voir avec l’antisémitisme ou le déni de la liberté d’expression. Ne devrait-on pas entendre la voix du poète israélien Aaron Shabtaï affirmant qu’il boycotterait à titre personnel « tant la Foire du livre de Turin que le Salon du livre de Paris en ne se joignant pas à la délégation de son pays ». Il précise : « Je ne pense pas qu’un État qui maintient une occupation, en commettant quotidiennement des crimes contre des civils, mérite d’être invité à quelque semaine culturelle que ce soit. Ceci est anti-culturel ; c’est un acte barbare cyniquement camouflé en culture. Cela manifeste un soutien à Israël, et peut-être aussi à la France, qui appuie l’occupation. Et je ne veux pas, moi, y participer. »

On dira bien sûr que Aaron Shabtaï est colonisé par la haine de soi et que cela lui fait prendre le parti des « antisémites » de la terre… On connaît ce refrain. Ou alors, s’agit-il là du simple bon sens… le silence de la communauté internationale vis-à-vis du traitement des Palestiniens est déjà suffisamment honteux pour que l’on n’ajoute pas l’offense à l’indigne. Une conscience humaine avec un minimum de valeurs, de principes et de dignité ne peut s’associer à cette mise à l’honneur d’un État dont les pratiques politiques et militaires sont une insulte à nos consciences et à notre honneur.