Tendances et événements au Liban

Le 14-mars tempère son discours belliciste

Le paysage politique et médiatique libanais a enregistré, ces dernières 24 heures, les développements suivants :
 1. L’escalade sans précédent initiée par le discours belliciste du 14-mars a, quelque peu, reculé. Les ténors de la coalition pro-US ont essayé d’expliquer leurs propos, qui ont réveillé chez les Libanais les souvenirs de la guerre civile, par la nécessité de mobiliser leur base populaire dans le but d’assurer une participation massive au meeting du 14 février commémorant le troisième anniversaire de l’assassinat de Rafic Hariri. Des émissaires dépêchés par Saad Hariri et Walid Joumblatt au président de la Chambre, Nabih Berry, et au chef druze de l’opposition, l’émir Talal Arslan, ont tenté d’atténuer l’impact des incidents de Aïn el-Tiné et d’Aley, lorsque des partisans des deux dirigeants loyalistes ont attaqué la résidence de Berry et une permanence du parti d’Arslan.
 2. Le commandement de l’armée a ordonné un déploiement massif des troupes sur le terrain pour garantir un climat de sécurité à la population choquée par les discours des va-t-en-guerre du 14-mars. Les propos bellicistes de Saad Hariri, Walid Joumblatt et Samir Geagea ont même effrayé les partisans des loyalistes ainsi que les milieux d’affaires qui ont cru que le pays était à deux doigts de la grande explosion. Mais la détermination de l’opposition à ne pas se laisser entraîner dans la guerre et les déclarations apaisantes de ses dirigeants ont rassuré les gens.
 3. L’Égypte et l’Arabie saoudite sont intervenues pour appeler au calme et pour tenter de replâtrer l’initiative arabe. L’ambassade du royaume wahhabite à Beyrouth aurait joué les émissaires entre Nabih Berry et Saad Hariri.
 4. La publication des conclusions de l’enquête sur le massacre du « dimanche noir », le 27 janvier, a contribué à détendre l’atmosphère. Le parquet militaire a requis des peines pouvant aller à cinq années de travaux forcés à l’encontre de deux officiers, onze militaires et 54 civils (Voir ci-dessous des extraits de l’acte d’accusation).
 5. Diverses sources font état d’un projet de règlement de la crise proposé par Nabih Berry et qui serait actuellement examiné dans les capitales concernées par la crise libanaise.

Principaux développements

 RESUME DES CONCLUSIONS DE L’ENQUETE SUR LES INCIDENTS DU 27 JANVIER
Le parquet militaire a souligné que les balles qui ont provoqué la mort de six civils ont été tirées « sans intention de tuer ». Les poursuites sont engagées contre deux militaires et 53 civils par défaut.
• Poursuites contre inconnu pour le meurtre d’Ahmad Hamzé (le responsable d’Amal tué au début de la manifestation).
• Poursuites contre deux officiers (des commandants) et 11 soldats, dont deux par défaut, pour avoir contrevenu aux consignes militaires et tiré en direction des manifestants, sans intention de tuer, provoquant la mort de 6 civils et en blessant d’autres.
• Poursuites contre un officier (un colonel) et cinq soldats pour avoir contrevenu aux consignes militaires dans l’exercice de leurs fonctions, sans atteinte à autrui.
• Poursuites contre des civils arrêtés pour port d’arme illégal, participation aux émeutes, violence contre des militaires.
• Poursuites contre 58 civils, dont 53 par défaut.
• Poursuite contre tout civil que l’enquête identifiera pour incendies de véhicules civils, atteinte à la propriété d’autrui, tentative de meurtre de militaires et de civils par balle et par grenade à main, dont un officier atteint à son casque, tirs sur des véhicules militaires.
• Poursuite contre toute personne identifiée comme ayant jeté une grenade à main dans le quartier de Aïn el-Remmané, dans le but de tuer ceux qui se trouvaient dans la rue.
Ahmad Hamzé, responsable du comité de coordination du mouvement Amal, n’aurait pas été abattu par l’armée, puisqu’il est tombé sous une balle de kalachnikov, une arme que ne possédait pas la troupe déployée dans le secteur. La mort de Hamzé continue de constituer une énigme pour les enquêteurs. L’hypothèse avancée par certains selon laquelle il aurait été abattu par un franc-tireur à partir du toit d’un immeuble à Aïn el-Remmané, n’a pas été exclue.
Les enquêteurs ont interrogé en tout 85 témoins oculaires civils, recueilli les dépositions des personnes blessées dans les incidents, les dépositions de 120 militaires, et ont identifié toutes les personnes qui ont été filmées sur les toits des immeubles.

Déclarations publiques

 MICHEL AOUN, CHEF CHRETIEN DE L’OPPOSITION
« Ni la Syrie ni l’Iran ne s’immiscent dans les négociations actuelles en rapport avec la crise libanaise. Je négocie et personne ne se mêle de cela. Nous avons la même position à l’égard de la Syrie, quand d’autres n’avaient pas de problèmes avec ce pays. Ni la France, ni les États-Unis, ni n’importe quel autre pays arabe ne peut nous influencer, il est du devoir de l’opposition libanaise elle-même de résoudre le problème de la présidentielle (…)
L’initiative arabe comprend trois articles principaux et trois articles supplémentaires qui ont été ajoutés lors de la dernière conférence des ministres arabes des Affaires étrangères. L’initiative comprend l’élection immédiate du président de la République, la mise en place immédiate d’un gouvernement puis le vote d’une loi électorale. Elle aborde aussi le programme ministériel et la répartition des portefeuilles. Les forces de la majorité veulent dissocier les éléments de cette feuille de route, et soutiennent que puisque tout le monde est d’accord pour élire un président de la République, il faut donc procéder uniquement à l’élection du président.
La feuille de route est en fait complète, même s’il existe une chronologie dans son application. Il faut se mettre d’accord sur l’ensemble des dates tout de suite, dans 6 mois ou dans un an. Nous ne devons pas appliquer une seule clause de la feuille de route sans nous être mis d’accord sur l’application des autres clauses. Il est interdit qu’il y ait une véritable participation de l’opposition au gouvernement. Mais l’opposition n’acceptera pas cela.
Amine Gemayel, m’a dit que je voulais intégrer le gouvernement afin de le paralyser. Tout cela veut dire que l’on présume que mon intention est mauvaise. Je lui ai répondu : « Doucement, cheikh Amine. D’abord c’est vous qui avez paralysé la présidence de la République. N’est-ce pas vous qui l’avez marginalisée ? N’est-ce pas vous qui avez paralysé le Conseil constitutionnel ? Malgré tout cela nous avons continué à nous rendre au Parlement. N’est-ce pas vous qui avez fait perdre au gouvernement son caractère légitime et qui l’avez malgré tout maintenu au pouvoir, foulant aux pieds l’article 95 de la Constitution ? Je suis fier de respecter les termes de l’entente que j’ai signée avec mes partenaires. Je ne veux pas faire ce que les autres font, ils vendent leurs partenaires à la première occasion (…)
Les menaces de Walid Joumblatt ont inacceptables. Nous connaissons ses véritables capacités. Il est incapable d’arracher un sel missile à la Résistance. D’ailleurs, ses propos sont étranges. A-t-il été mis dans le secret d’une nouvelle attaque israélienne contre le Liban ? »

 WALID MOALLEM, MINISTRE SYRIEN DES AFFAIRES ETRANGERES
« Nous espérons que les efforts du secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, aboutiront à une solution au Liban qui conduirait à l’élection d’un président de la République avant la tenue du sommet arabe (prévu les 29 et 30 mars à Damas). La Syrie soutient l’initiative arabe, comme un plan global qui serait appliqué d’une manière consensuelle par les Libanais. La Syrie regrette escalade au Liban qui ne sert pas l’entente dans le pays. »

 AMINE GEMAYEL, ANCIEN PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE (14-MARS)
« Il faut se rappeler que c’est le martyre de Rafic Hariri qui a déclenché la révolution du Cèdre, bouté l’armée syrienne hors du Liban, et rendu l’espoir et la confiance à tous les Libanais. Le rassemblement national du 14 février devrait être un véritable plébiscite en faveur du Liban, de la vie et de l’homme. Il faudra que l’on dise non à l’effritement de l’État, ce dernier étant en fin de compte la véritable cible. Que reste-t-il de l’État ? La terre. Nous savons parfaitement comment cette terre est violée, à travers les périmètres de sécurité qui échappent totalement au contrôle de l’État et qui se sont autoproclamés autonomes au détriment de la souveraineté de l’État. Ce sont des périmètres interdits à l’État et à ses forces de sécurité. Ils constituent le plus grand défi à la souveraineté et à l’autorité de l’État. Ajoutons à cela ce qui se passe au centre-ville, l’occupation des biens privés et publics dans cet espace. Tout cela nous pousse à nous interroger : que reste-t-il de l’État face à toutes ces violations et toutes ces menaces ? La coupe a débordé. Le peuple libanais en a assez des agissements de l’opposition et de leurs menaces permanentes. »

 MOHAMMAD FNEICH, MINISTRE DEMISSIONNAIRE (HEZBOLLAH)
« Je déplore les propos qui ont évoqué une période détestable de l’histoire du Liban, appelant à la confrontation et annonçant une nouvelle guerre civile. Il est inadmissible que des chefs et des responsables tiennent des propos aussi abjects devant les médias. Le discours de la guerre civile ne doit jamais être employé. Si leur objectif est de mobiliser la population pour commémorer un évènement national, ils n’ont fait que nuire à la commémoration et au souvenir (de Rafic Hariri). Le Hezbollah et l’opposition resteront attachés à la paix civile et il faudrait revenir à l’entente pour édifier la patrie sans semer la zizanie entre les Libanais.

 WIAM WAHHAB, ANCIEN MINISTRE (OPPOSITION)
« Des anciennes et des nouvelles milices sont en train d’exploiter la commémoration de l’assassinat du martyr Rafic Hariri pour préparer une nouvelle guerre. Que ceux qui aiment Rafic Hariri suspendent son portrait sur leurs balcons. J’appelle les Libanais à ne pas répondre présents à l’appel de ceux qui veulent transformer le 14 février en référendum sur la guerre civile. »

Tendances et événements au Proche-Orient

Les tentatives de torpillage du sommet arabe de Damas échouent

Les préparatifs du sommet arabe de Damas, prévu les 29 et 30 mars prochains, vont bon train. Les tentatives des États-Unis et des arabes dits « modérés » de torpiller cette échéance semblent avoir échoué. La convocation d’un sommet arabe extraordinaire, qui avait été envisagée un certain temps, n�%

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