Pour les démocrates, les républicains modérés et beaucoup d’alliés des États-Unis, Colin Powell était la seule voix raisonnable et modérée dans une administration Bush dominée par les durs comme Dick Cheney ou Donald Rumsfeld. Certains pensent que, sans Powell, la politique de l’administration Bush lors du précédent mandat aurait été encore plus unilatérale et arrogante. Aussi, son remplacement par l’une des proches collaboratrices de George W. Bush, qui a toujours été du côté des faucons du Pentagone, met fin à la dernière note d’équilibre dans cette administration. En fait, il ne faut pas voir Powell comme un libéral, il n’a jamais prouvé qu’il l’était.
Powell a fait ses premiers pas en politique étrangère sous Ronald Reagan et George H. Bush où il a soutenu le réarmement face à l’URSS, le soutien aux Contras au Nicaragua, l’invasion du Panama et de l’Irak et en tant que chef d’état-major en 1993, il s’opposa au projet d’intervention humanitaire dans les Balkans de Bill Clinton. Il ne s’est jamais fortement opposé aux conseillers de Bush et même si, selon ce qu’il a dit à Bob Woodward, il n’était pas favorable à la guerre, une fois que la décision a été prise, il ne l’a jamais remise en cause et il a suivi le mouvement. Il n’a jamais influencé l’administration Bush, mais elle s’est servi de sa notoriété.
Il a certes réussi à convaincre le président d’éviter la confrontation avec la Chine, mais le nombre de ses défaites est bien plus considérable, de Kyoto (il défendait une initiative américaine de contre-proposition sur le réchauffement climatique) à Guantanamo (il soutenait l’application des accords de Genève), de la Corée du Nord et de l’Iran (il souhaitait conduire une politique conjuguant de vraies incitations aux menaces) jusqu’au Proche-Orient (il suggérait que l’Amérique s’implique pleinement dans son rôle d’arbitre), sans parler des politiques commerciales et de l’environnement.
Dans ces conditions, la disparition du modéré ne changera pas grand-chose.

Source
Le Monde (France)
The Boston Globe (États-Unis)

« The truth about Colin Powell », par Philip H. Gordon, Boston Globe, 17 novembre 2004.
L’auteur signe, cette fois avec Justin Vaïsse, un texte aux arguments identiques sur le fond bien que différent dans la forme dans Le Monde : « Le testament brouillé de Colin Powell », 19 novembre 2004.