Le Proche-Orient se trouve aujourd’hui à un tournant et il est possible de secouer le marasme dans lequel il se trouve depuis plusieurs années.
Les décisions prises par Ariel Sharon n’ont pas été appréciées à leur juste valeur en Europe, où elles ont subi le poids des préjugés. Pourtant, le plan de désengagement de la bande de Gaza et du nord de la Samarie représente un véritable changement stratégique dans la politique israélienne, un changement qui a provoqué de grandes tensions dans la société israélienne. Ariel Sharon a agi en chef de gouvernement qui oriente la politique et qui résiste à la facilité de l’immobilisme. De l’autre côté, Yasser Arafat a dirigé son peuple pendant 45 ans, sans vouloir le sortir de la confrontation et du conflit. En 1993, avec les accords d’Oslo, il a donné l’impression qu’il avait troqué la tenue militaire pour l’habit de chef politique, mais une barrière psychologique trop grande l’a empêché d’opérer véritablement cette mutation. Depuis son retour dans les territoires, la souffrance des Palestiniens n’a fait qu’augmenter. Pendant ce temps-là, les attentats reprenaient et l’Autorité palestinienne lançait la deuxième Intifada, un processus bien plus maîtrisé qu’il n’y paraît.
La disparition de Yasser Arafat laisse la population palestinienne dans un immense désarroi. Il est crucial de prendre des mesures pour empêcher les courants les plus extrémistes de prendre la direction des Palestiniens. Il faut aider le courant modéré, majoritaire, mais ayant du mal à faire entendre sa voix. Pour cela, il faut instaurer une véritable démocratie dans l’Autorité palestinienne. Dans le même temps, bien que la démocratie soit consubstantielle à l’État d’Israël, il ne faut pas minimiser le danger représenté par les extrémistes qui menacent la vie du Premier ministre israélien. Toutefois, au bout du compte, l’État juif saura affronter cette difficulté autour de la coalition droite-centre-gauche constituée par Ariel Sharon.
Que le plan de désengagement donne lieu à des négociations bilatérales avec les Palestiniens ou avec la communauté internationale ou pas, cela ne change rien à la volonté d’Ariel Sharon de se retirer de la bande de Gaza. Quoi qu’il en soit, le soutien de la communauté internationale est indispensable pour la réussite de ce désengagement, pour éviter que les Palestiniens ne soient livrés à l’anarchie et à la guerre des gangs. Les États-Unis l’ont compris, mais l’Union européenne reste méfiante. La participation de l’UE au plan de désengagement est souhaitable, mais pas indispensable. Par contre, l’Autorité palestinienne doit engager sa responsabilité pour que la « feuille de route » puisse enfin coïncider avec la création d’un État palestinien pacifique.

Source
Le Monde (France)

« Sombre période, mais les chemins du possible sont ouverts », par Nissim Zvili, Le Monde, 21 novembre 2004.