Tendances et événements au Proche-Orient

Nouvelle donne dans le paysage irakien

Les derniers combats entre l’Armée du Mehdi, dirigée par l’imam Moqtada Sadr, et les troupes irakiennes, ont laissé apparaître de nouvelles donnes militaires et politiques qui ne peuvent en aucun cas être ignorées dans toute analyse de la situation dans ce pays occupé par les États-Unis :
 1. Le mouvement sadriste a prouvé son enracinement populaire et l’Armée du Mehdi a démontré des capacités militaires exceptionnelles. Les rapports de presse font état de désertions massives et de ralliement à l’Armée du Mahdi dans les rangs des troupes régulières irakiennes. Celles-ci ont été incapables d’enregistrer le moindre succès sur le terrain, contraignant l’aviation et les troupes terrestres états-uniennes et britanniques à intervenir à plusieurs reprises. La débâcle des troupes gouvernementales réduit à néant tous les efforts des États-Unis visant à armer, former et entraîner une armée irakienne qui serait, pour eux, une sorte de force auxiliaire.
 2. Les articles parus dans la presse US montrent que les différentes parties se rejettent la responsabilité de la débâcle face à l’Armée du Mehdi lors de la bataille que George Bush s’est rapidement empressé de couvrir, voire de soutenir. Selon les analystes, ce dernier épisode de la tragédie de l’Irak va envenimer les relations entre le gouvernement de Nouri al-Maliki et l’administration de l’occupation états-unienne.
 3. De nombreux spécialistes commencent à voir dans Moqtada Sadr et son puissant mouvement la principale force dans l’Irak de demain. Dès le début, Moqtada s’est farouchement opposé à l’occupation étrangère et au partage de l’Irak. Il s’est par ailleurs continuellement opposé aux conflits sectaires et confessionnels entre sunnites et chiites.
 4. Les nouvelles réalités sur le terrain laissent présager l’accélération des développements sur la scène irakienne dans les mois à venir. Les actions de résistance anti-US vont vraisemblablement se renforcer et s’étendre à d’autres régions du pays, ce qui va perturber les plans des États-uniens, notamment celui qui consiste à réorganiser leur présence militaire dans le cadre de bases permanentes et à céder le contrôle des grands centres urbains à leurs auxiliaires irakiens.

Presse et agences internationales

HAARETZ (QUOTIDIEN ISRAELIEN)
Le Hezbollah pourrait tenter de mener des opérations dans le sud du Liban contre le nord d’Israël en se cachant derrière une autre organisation paramilitaire, ce qui pourrait le décharger des accusations formulées contre lui, aux dires de responsables des services de sécurité qui se sont exprimés devant la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset. « Nous avons clairement identifié une activité intense dans les rangs du Hezbollah », ont affirmé ces mêmes officiers. Le Hezb « est en train de se renforcer à tous les niveaux, il améliore ses systèmes, ses unités, et reçoit un grand nombre d’armes de moyenne et longue portée. Le Hezbollah se prépare pour une éventuelle escalade qui pourrait avoir lieu à la frontière nord. Nous n’excluons aucune possibilité, il existe des estimations qui soulignent que le parti pourrait entreprendre une attaque sous couvert d’une autre organisation » militaire, ont ajouté les officiers israéliens. Répondant à une question concernant la présence de missiles de longue portée au sein de l’arsenal du Hezbollah, les officiers ont indiqué que le parti « est en train d’opérer dans le sud du Liban, principalement dans les villages, en secret et dans les rangs des civils ».

AL-GOUMHOURIYA (QUOTIDIEN EGYPTIEN)
 Éditorial
« Le sommet de Damas est loin d’être le sommet des courageux, comme l’a désigné la presse syrienne. Il a été une occasion pour réitérer des propos dont il ressort que la Syrie s’est affranchie des pressions internationales sous lesquelles ploient les autres États arabes qui ont abdiqué devant les États-Unis et Israël, contrairement à la Syrie combattante et intrépide ! Il est bizarre le caractère dit « courageux » de tels régimes qui se targuent de l’indépendance de leur décision, affirmant qu’ils ne craignent ni l’isolation ni les sanctions. Or, les gens n’ont connu de ces régimes que la soumission et l’oppression des plus faibles d’entre eux. Ils ont glorifié leur présence militaire au Liban, sachant notamment qu’ils n’ont pas tiré une seule balle lors des six opérations d’invasion par Israël de ce pays, qui a connu le martyre à cause des Syriens. Les Syriens eux-mêmes ont oublié le sens de la résistance. Ils ont accepté l’occupation du Golan et coexisté avec les Israéliens. Le courage est devenu pour eux un slogan creux et un moyen d’incitation morale ou, disons-le simplement, du verbiage. »

MENA (AGENCE DE PRESSE EGYPTIENNE)
Le président égyptien Hosni Moubarak a discuté mercredi au Caire avec les dirigeants jordanien et palestinien des moyens de faire avancer le processus de paix au Proche-Orient. M. Moubarak a d’abord rencontré séparément le président palestinien, Mahmoud Abbas, et le roi Abdallah II de Jordanie. Une rencontre tripartite a suivi. Les trois dirigeants ont évoqué les efforts en vue de donner une impulsion au processus de paix entre Israéliens et Palestiniens et tout ce qui concerne la question palestinienne. Le chef de l’État égyptien a également abordé les derniers développements sur la scène arabe avec le roi Abdallah II.

• Mahmoud Abbas a souligné le « sérieux » des discussions de paix avec les Israéliens, tout en se montrant prudent sur la possibilité d’un accord avant la fin 2008. « Nous sommes maintenant dans un processus de négociations dans lequel nous discutons des questions essentielles, nous abordons les questions liées au statut final », a-t-il déclaré à l’issue de son entretien avec M. Moubarak. « Il y a des discussions sérieuses entre toutes les parties concernées —Palestiniens, Israéliens et aussi États-uniens— sur le fait que nous devons profiter de l’année 2008 pour parvenir à un accord avec Israël sur le statut final », a-t-il ajouté. « Maintenant, je ne peux pas dire qu’à la fin 2008 nous arriverons » à un accord, a-t-il toutefois précisé. « Je ne peux pas parler de progrès tant qu’on n’a pas commencé à rédiger. Lorsque nous rédigerons, nous sentirons que nous avons commencé à progresser », a-t-il encore dit. Pour l’instant, il y a « un échange d’opinions, un dialogue (...) en profondeur », a-t-il exposé.

• Les autorités égyptiennes ont découvert trois tunnels destinés à la contrebande à la frontière entre l’Égypte et la bande de Gaza. Les tunnels découverts au nord de Rafah dans un champ sont vides, mais des traces de pas indiquent qu’ils ont été utilisés récemment. Ils ont été détruits et aucune arrestation n’a été signalée. L’Égypte annonce régulièrement la découverte de tunnels, généralement destinés au trafic d’armes vers la bande de Gaza. Israël accuse l’Égypte de ne pas lutter suffisamment contre cette contrebande. Le Caire assure œuvrer sans relâche contre les souterrains clandestins.

• Les forces de sécurité irakiennes doivent être encore renforcées et certaines unités ne sont pas « à la hauteur de la tâche », a estimé mercredi le commandement US en Irak, faisant le bilan d’une semaine de combats entre ces forces gouvernementales et l’Armée al-Mahdi. « Il reste encore beaucoup de travail à faire en développant et en renforçant les capacités des forces de sécurité irakiennes », a estimé le porte-parole de l’armée américaine, le général Kevin Bergner. « Par-dessus tout, la majorité des forces irakiennes ont rempli leur mission. Mais certaines n’ont pas été à la hauteur de la tâche et le gouvernement irakien prend les mesures nécessaires dans leur cas », a expliqué le général Bergner. « Cela prendra du temps avant que la poussière provoquée par ces événements ne retombe et il reste de nombreux défis » pour les forces gouvernementales, notamment dans les domaines de la logistique, du transport et de la coordination avec les autorités civiles, a reconnu le général Bergner.

• Les dirigeants des 26 pays de l’OTAN ont entamé mercredi soir à Bucarest un sommet indécis de trois jours, qui doit décider ou non si l’Ukraine et la Géorgie pourront obtenir un statut de candidat officiel à l’alliance militaire occidentale. Mais les espoirs des deux anciennes républiques soviétiques s’amenuisaient en raison de l’opposition ferme de deux des principaux membres de l’alliance, la France et l’Allemagne, alors qu’à l’OTAN toute décision nécessite le consensus. Le président américain George W. Bush a pressé hier ses alliés d’accueillir les deux pays dans le Plan d’action en vue de l’adhésion (MAP), ultime étape, sans garantie, avant une entrée à terme dans l’alliance. Mais la chancelière allemande Angela Merkel est restée ferme. Elle a réitéré son opposition à la proposition américaine. « Nous sommes parvenus à la conclusion qu’il est malgré tout encore trop tôt pour donner le statut du MAP à ces deux pays », a déclaré la chancelière, tout en soulignant que l’opposition de l’Allemagne n’était pas de principe, ni éternelle. « La porte est ouverte », a-t-elle dit. Mardi, le Premier ministre français François Fillon avait clairement signifié la désapprobation de la France, au nom de « l’équilibre des rapports de puissance en Europe et entre l’Europe et la Russie ». La Russie est farouchement opposée à toute extension de l’OTAN encore un peu plus à l’Est. L’Allemagne, la France, qui emmènent un groupe d’environ dix pays, estiment que l’Ukraine et la Géorgie ne sont pas des démocraties assez mûres et stables pour l’OTAN.

• Les autorités israéliennes ont décidé de distribuer à la population des masques à gaz dès le début de l’année 2009 dans l’éventualité d’une attaque à l’arme non conventionnelle, a indiqué la radio publique. Cette initiative revient au vice-ministre de la Défense, Matan Vilnaï, qui a fait part de cette décision lors de la réunion à huis clos du cabinet restreint de sécurité présidé par le Premier ministre, Ehud Olmert. Le responsable des services d’urgence de l’État, le général de réserve Zéev Zuckran, interrogé par la radio publique, a recommandé à la population de ne pas s’affoler et a qualifié la décision de distribuer les masques de « technique » et non pas liée à une dégradation de la situation sécuritaire dans la région.

Tendances et événements au Liban

Une longue phase d’attente

Tout semble indiquer que la crise libanaise est entrée dans une longue phase d’attente qui pourrait s’étendre jusqu’à la fin du mandat Bush, en raison de la décision de l’administration états-unienne de geler tous les dossiers en suspens, malgré les menaces de frappes contre l’Iran, Gaza, la Syrie et le Liban. Divers milieux libanais pensent que les chances d’un déblocage prochain sont quasi nulles, de même que les scénarios de guerre globale dans la région. Les promesses faites par Washington à ses alliés de bouleversements radicaux des rapports de force ne sont que des vœux pieux. Ceci dit, quelques-uns des foyers de tensions pourraient connaitre une certaine effervescence. C’est ainsi que le mouvement de la Résistance palestinienne (Hamas) n’écarte pas une agression d’envergure contre la bande de Gaza, qui continue de résister en dépit du blocus inhumain imposé à sa population.
Dans ce contexte, la scène libanaise présente les caractéristiques suivantes :
 1. Quelque 100 000 professeurs et enseignants des secteurs public et privé observent ce jeudi une grève pour protester contre la cherté de vie et réclamer une majoration des salaires. Devant l’ampleur du phénomène, le mouvement pro-US du 14-mars, qui a toujours critiqué les mouvements de contestation populaire à caractère social, s’est vu contraint d’appuyer timidement les revendications des professionnels du secteur de l’éducation. L’opposition, qui a de tout temps soutenu ces mouvements, a demandé aux syndicalistes issus de ses rangs de ne pas politiser ce mouvement afin de le mettre à l’abri des tiraillements politiques.
 2. Les indices sur la reculade des loyalistes se multiplient concernant leurs menaces de replâtrer ou d’élargir le gouvernement de facto, proférées avant le sommet de Damas. Mais cela ne signifie pas pour autant que la voie soit ouverte devant un règlement de la crise, laquelle devrait connaître des développements nouveaux à la lumière de la tournée arabe et européenne du président de la Chambre. Nabih Berry veut essayer d’obtenir le plus large soutien à son projet de relance du dialogue national autour de la question de l’élaboration d’une loi électorale. Le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, réinvesti dans sa mission au Liban par le sommet arabe, n’a pas fixé de rendez-vous pour son retour.
 3. L’opposition observe de près les préparatifs pour les plus grandes manœuvres de l’histoire d’Israël qui doivent commencer le 6 avril près de la frontière avec le Liban. Ils s’accompagnent de menaces du ministre israélien de la Défense contre le Hezbollah. Mais de nombreux spécialistes pensent que l’Etat hébreu n’a pas récupéré ou accumulé les capacités nécessaires pour lancer une nouvelle guerre contre le Liban.
 4. Dans un entretien accordé au quotidien As-Safir (Proche de l’opposition), le commandant en chef de l’armée, le général Michel Sleimane a annoncé son intention de quitter ses fonctions le 21 août au plus tard. Le candidat consensuel à la présidence de la République s’est déclaré favorable à la loi électorale de 1960 (défendue par l’opposition).
 5. Le quotidien al-Akhbar (Proche de l’opposition) a révélé qu’al-Qaïda est toujours présente au Liban et a pu adapter ses réseaux aux circonstances politiques et sécuritaires ambiantes dans le pays, surtout celles qui sont apparues après la bataille de Nahr el-Bared.
 6. Deux importants rassemblements parlementaires de l’opposition (Celui du Hezbollah et celui du bloc populaire, allié de Michel Aoun) ont réclamé la libération immédiate des quatre généraux incarcérés depuis le 31 août 2005 dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri. Les parlementaires ont estimé que ces arrestations sont arbitraires et politiques. Le comité des droits de l’homme des Nations unies et le Département d’État US avaient émis le même avis. Aucune accusation n’a été dirigée contre les quatre généraux.
 7. Les critiques se sont poursuivies contre le ministre saoudien des Affaires étrangères, Saoud al-Fayçal, qui avait accusé l’opposition de bloquer toute solution à la crise libanaise. Ce sont surtout des milieux sunnites de l’opposition qui ont adressé ces critiques.

Déclarations

 COMMUNIQUE DU BLOC PARLEMENTAIRE DU HEZBOLLAH
« Le sommet de Damas a eu lieu en temps voulu et au lieu convenu en dépit des tentatives états-uniennes et des pressions exercées en vue de faire échec. Le sommet a pavé la voie à l’instauration d’un climat régional adéquat, dans l’objectif de rectifier les relations arabo-arabes, à la lumière d’une vision stratégique commune et d’un plan d’action pour traiter des dossiers chauds de la région, à leur tête la question palestinienne et le conflit israélo-arabe. Le discours ferme et sérieux de la présidence du pays hôte et sa prestation ont confirmé l’attachement de la Syrie à la solidarité et à une action arabe commune. L’Administration US, qui a usé de tous les moyens, de son influence et de l’aide de ses alliés, n’a pas réussi à faire échec au sommet (…) Il apparaît clairement dans le rapport du chef de la commission d’enquête internationale dans l’affaire Hariri qu’il n’existe aucun motif juridique pour perpétuer la détention des quatre officiers libanais. »

 AMINE GEMAYEL, ANCIEN PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE (14-MARS)
« Tous les canaux du dialogue doivent rester ouverts avec le président Nabih Berry et avec toute autre partie. Le président de la Chambre est le pilier et la plaque tournante de la communication entre les différentes parties politiques. »

 SAMIR EL-JISR, DEPUTE DU BLOC HARIRI
« Je ne suis pas optimiste quant à la période à venir parce qu’il ne s’est rien passé pour que la situation change. Malgré cela, l’insistance formulée par les pays arabes en ce qui concerne l’initiative arabe et les propos tenus par le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Saoud el-Fayçal, apportent un peu d’optimisme. »

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions allemande, arabe, anglaise, espagnole et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise, espagnole et arabe.