À l’issue d’une tentative du Conseil supérieur français de l’audiovisuel d’interdire à Eutelsat de diffuser en Europe la chaîne libanaise Al Manar, une convention provisoire avait été signée ces jours-ci entre l’opérateur et le Conseil. Cependant, considérant que cet accord a immédiatement été violé, le Conseil a entrepris une nouvelle action en vue de l’interdiction. L’imbroglio juridique révèle les contradictions de la doctrine française en matière de liberté d’expression audiovisuelle.
Dans Le Monde, le président du Conseil, Dominique Baudis, explique que son intention de départ était d’interdire la diffusion en Europe sur Eutelsat, mais que la législation ne lui en donnait pas le pouvoir. Aussi s’est-il efforcé de faire changer la loi dans un sens plus répressif. Mais, même sous l’empire du nouveau texte, le Conseil d’État n’a pas pu sanctionner Al Manar. Force est de constater que, juridiquement, il est impossible d’agir. Le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, a d’ailleurs annoncé, le 2 décembre au Sénat, qu’il proposerait à nouveau de modifier la loi pour pouvoir interdire la chaîne. Une concertation sera bientôt conduite par le Conseil européen des ministres de la Culture et de la Communication.
Ces différentes autorités réagissent, non sans raisons, mais de manière inappropriée, au scandale de la diffusion par la chaîne libanaise d’une série adaptée du Protocole des sages de Sion. Cependant, ce texte antisémite, qui est un faux fabriqué il y a un siècle par la police tsariste, est considéré par les tribunaux français comme une œuvre de fiction, condamnable moralement, mais pas pénalement. Rien ne peut donc s’opposer à sa transposition à l’écran. Et l’on ne comprend pas très bien comment un texte, certes nauséabond, pourrait être en vente libre en librairie, mais interdit à la télévision. La proposition française implique donc une redéfinition du droit d’expression dans l’Union, voire une modification de la Convention européenne des Droits de l’homme.
De son côté, Roger Cukierman, président du Conseil représentatif des institutions juives de France, dénonce dans le même quotidien les « mauvaises fréquentations » de la France. Son argument principal laisse apparaître que plus encore qu’un programme particulier, ce qui motive son militantisme en faveur de l’interdiction de la chaîne est qu’elle relaye la pensée du Hezbollah, parti politique libanais et organisation armée de résistance à l’occupation israélienne.
Dès lors, on comprend mieux la passion soulevée par ce dossier. Il ne s’agit pas d’interdire un programme. D’autant que la série a été diffusée en 2003, qu’Al Manar en a reconnu le caractère odieux et l’a retirée de l’écran. Non, il s’agit d’interdire la chaîne, c’est-à-dire d’interdire au Hezbollah de s’exprimer en Europe. On touche là à une autre particularité du « paysage audiovisuel français » : si les partis politiques sont autorisés à éditer des journaux, ils ne peuvent détenir de chaînes de radio ou de télévision. Celles-ci sont toutes soumises à une obligation de pluralité à l’intérieur même de leurs programmes. L’État, qui n’a renoncé au monopole des médias audiovisuels que depuis une vingtaine d’années, continue à disposer de journaux audiovisuels (et de chaînes pour les diffuser). Georges Pompidou les qualifiait de « voix de la France » et ses successeurs les présentent habilement comme des services publics, ce qu’ils ne sont évidemment pas. En définitive, en contradiction avec les principes constitutionnels, l’État entend conserver le monopole de la propagande politique audiovisuelle.
Dernière observation, M. Cukierman est plus sioniste que les Israéliens : en effet, il lui paraît indispensable d’interdire cette chaîne alors qu’elle est autorisée en Israël même. Cette orientation, qui l’a conduit à soutenir le Front national, le pousse à tenir des propos toujours plus excessifs : il conclut sa tribune en invitant les enfants de France à préserver « une République saine physiquement ».

Réfugié en France, le général Aoun se réjouit dans Le Figaro des pressions exercées à sa demande par les États-Unis contre son propre pays et contre la Syrie. Sans remords, il affirme que la guerre du Liban n’était pas une guerre civile, mais une résistance à un envahisseur islamo-progressiste et palestinien. Et il regrette de ne pas avoir pu y mettre fin par un « Septembre noir » à la jordanienne, c’est-à-dire en massacrant les foyers de réfugiés palestiniens.
Ce texte constitue sans aucun doute un appel au meurtre de masse, mais il ne semble pas avoir soulevé d’indignation.

Le lieutenant-général Peter Leahy s’interroge dans The Age sur les réformes de l’armée australienne. Il note que cette armée n’a plus pour seule mission de défendre le territoire, mais de projeter des forces tous azimuts, là où les intérêts du pays sont en jeu. Bref, loin de ne servir que de supplétifs aux forces états-uniennes, cette armée doit servir à maintenir la zone d’influence océanienne.

Le cabinet du nouveau patron de la CIA, Porter Goss, a commencé une contre-offensive médiatique pour justifier la purge en cours. Ainsi, l’ancien agent de la CIA Ron Marks assure, dans le Washington Times, que le personnel de l’agence approuve la reprise en main de la direction par Porter Goss. C’est possible, d’autant que seuls les agents révoqués parlent à la presse. Mais c’est incertain, car les annonces de réorganisation générale ne peuvent qu’inquiéter les personnels.

Le sénateur Norm Coleman, qui préside la sous-commission qui enquête sur le programme pétrole contre nourriture, exige la démission de Kofi Annan dans le Wall Street Journal. Il est avéré que le fils du secrétaire général des Nations unies a reçu pendant huit ans des indemnités d’une société participant à ce programme. Les sénateurs états-uniens y voient la preuve de la corruption de M. Annan et une bonne raison pour se débarrasser de lui. Avec onctuosité diplomatique, l’ambassadeur états-unien à l’ONU a déclaré qu’il ne voulait pas anticiper sur les conclusions de l’enquête et provoquer le chaos, mais que l’ONU devait coopérer avec le Sénat pour lever les ambiguïtés.
On retrouve là la technique classique du département d’État : poser des exigences qui atteignent la souveraineté de leur interlocuteur en sachant qu’elles ne pourront pas être acceptées, et signifier qu’un refus serait la preuve d’une culpabilité. Ainsi, M. Annan ne peut accepter de soumettre l’ONU au Sénat des États-Unis, et ce faisant, il se condamne lui-même en donnant l’impression qu’il fuit la justice.
De son côté, Kofi Annan profite de la publication du rapport Un monde plus sûr, pour observer à voix haute, dans Le Monde et le Los Angeles Times, que la campagne dont il fait l’objet intervient alors qu’il tente de rendre l’ONU plus efficace, et à un moment où les États-Unis veulent la dissoudre.