Les Français qui souhaitent comprendre ce qui se passe au Liban ont été quelque peu surpris des affirmations aussi préremptoires que contradictories de la presse parisienne.

Ainsi, Le Monde du 14 mai 2008 écrit :
« Après avoir tenté, dans un premier temps, de s’interposer entre les belligérants alors qu’ils se contentaient de pierres et de gourdins, les militaires libanais se sont tenus à distance lorsque les armes ont commencé à parler. Ils ont ainsi laissé le champ libre aux milices du Hezbollah et de ses alliés qui ont pris d’assaut des permanences, des institutions sociales et civiles de leurs adversaires et sévi contre la population. La majorité reproche au commandement de l’armée de n’avoir pas su saisir l’occasion qui lui était offerte d’exercer son autorité dès lors que la majorité avait proclamé sa détermination à ne pas se laisser entraîner dans les combats. Les sunnites constituent près de 60 % des 75 000 hommes de l’armée, au sein de laquelle les chrétiens et les chiites sont presque à égalité. Au début du conflit, plusieurs officiers chiites ont menacé de démissionner si l’armée sévissait contre les miliciens du Parti de Dieu, fer de lance de l’opposition. D’après des sources de la majorité, la colère gronde à présent parmi des officiers et sous-officiers chrétiens et musulmans sunnites, mécontents de la tournure prise par les choses » [1]

Tandis que Le Figaro du même jour écrit :
« Forte de 70 000 hommes, l’armée, professionnelle depuis l’année dernière, est constituée à 70 % de chiites, surtout dans la troupe. Les officiers se répartissent moitié-moitié entre chrétiens et musulmans, sunnites ou chiites » [2].

Et Libération :
« L’armée libanaise est considérée par l’ensemble des forces politiques comme l’ultime institution étatique qui fonctionne et peut garantir un semblant de neutralité dans le pays. Elle est respectée et bénéficie d’un réel capital de sympathie au sein de l’opinion publique (…) Ses rapports avec le Parti de Dieu sont extrêmement étroits comme c’est le cas avec l’ensemble des partis libanais. La politique affichée de l’armée est favorable au concept de résistance tel qu’établi par le Hezbollah. Au Sud notamment, il existe une réelle coordination entre l’armée et le Hezbollah » [3].

Sans surprise, car comme d’habitude [4], c’est Le Monde qui ment. Le quotidien tente à longueurs de colonnes de nier les divisions politiques du Liban et de leur substituer des clivages communautaires. Et comme ce type d’analyse ne fonctionne pas, il en vient à truquer grossièrement les chiffres.

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[1] « L’attitude de l’armée lors des attaques du Hezbollah à Beyrouth provoque le malaise de la majorité » par Mouna Naïm, Le Monde du 14 mai 2008.
[2] « L’armée libanaise, présente, mais inactive », par Pierre Prier, Le Figaro, 14 mai 2008.
[3] « L’armée libanaise joue le rôle d’acteur-tampon », entretien d’Isabelle Dellerba avec Karim el-Mufti, Libération du 13 mai 2008.
[4] Voir les "une" du Monde reproduites en annexe de L’Effroyable imposture 2.