Tout le monde se focalise sur le potentiel nucléaire de l’Iran, mais il pourrait y avoir un scénario bien pire. Convaincre l’Iran de rester un État non-nucléaire est un objectif important de sécurité transatlantique et Washington et l’Europe devrait travailler ensemble pour s’assurer que les mollahs respectent l’accord de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA). Toutefois, si l’Iran ne respecte pas cet accord, il est douteux que l’Europe et les États-Unis utilisent l’option militaire. La menace nucléaire iranienne n’est pas immanente et l’objectif de la stratégie euro-américaine pour l’Iran devrait être avant toute chose sa démocratisation et son intégration, pas forcément sa dénucléarisation. Si le prix à payer pour un Iran démocratique et de le laisser développer une petite capacité nucléaire, qu’il en soit ainsi.
De toute façon, il n’existe pas de bonnes options militaires. Une attaque n’aurait pas le soutien de l’ONU et l’invasion de l’Irak montre qu’une victoire militaire ne permet pas une transformation d’un pays en démocratie et en économie de marché. Une frappe ciblée sur les sites nucléaires ne calmerait pas l’obsession iranienne pour la bombe et isolerait les réformistes. Cela saperait tous les efforts de démocratisation du Moyen-Orient. Le point central d’une stratégie vis-à-vis de l’Iran doit être la préservation du processus de réforme et le renforcement des forces pro-occidentales dans le pays. En outre, vu le prix du pétrole aujourd’hui, des sanctions contre l’Iran fragiliseraient l’économie mondiale. Si l’Europe perd le gaz iranien, la position de la Russie sera renforcée tandis que l’économie états-unienne est trop fragile pour perdre le pétrole iranien. De toute façon, la Chine s’opposerait aux sanctions.
L’administration Bush ne semble pas prête à tolérer un Iran nucléaire. À Washington, on pense que la menace à moyen terme d’un Iran nucléarisé surpasse les bénéfices à long terme d’un Iran démocratique. Cette analyse n’est pas pertinente et l’Europe doit appliquer sa propre stratégie.

Source
International Herald Tribune (France)
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« There are worse things than a nuclear Iran », par Borut Grgic, International Herald Tribune, 2 décembre 2004.