Dans le drame ukrainien, l’administration Bush et l’Union européenne ont coopéré. Si les Ukrainiens peuvent finalement voter librement et que l’on évite l’émergence d’un empire russe autoritaire à la frontière de l’Europe, ce sera grâce à cet accord. Un désastre annoncé se sera transformé en opportunité et cela ne serait pas arrivé sans l’emploi combiné du « soft power » des États-Unis et de l’Union européenne pour forcer Vladimir Poutine à cesser son coup d’État. Peut-être que ce qui vient de se passer offre le modèle de l’action future en commun.
L’Europe n’est un acteur global que dans le domaine commercial, mais dans aucun autre domaine géopolitique. Peu d’Européens aspirent de toute façon à un rôle global et les États-Unis doivent donc cesser de s’inquiéter concernant l’émergence d’une superpuissance européenne hostile. Il faut aussi que les États-Unis cessent de penser que l’Europe va porter une partie des responsabilités stratégiques globales. Par contre, l’Europe peut remplir une tâche essentielle : développer la démocratie et l’économie de marché dans ses régions frontalières. C’est un travail essentiel, surtout maintenant que Poutine veut restaurer l’empire russe.
L’aimant démocratique européen avale les problèmes plutôt que de les affronter à l’américaine. Toutefois cela ne pourrait avoir lieu sans la puissance états-unienne. C’est ce qu’on a vu dans les Balkans. Malheureusement, la vision d’une Europe s’étendant indéfiniment pour devenir une forme d’empire démocratique, une conception défendue par Robert Cooper, Joschka Fisher ou Tony Blair, n’a pas que des partisans en Europe. La France s’y oppose.
Les États-Unis sont souvent indifférents vis-à-vis de l’Europe, ils ne devraient pas.

Source
Washington Post (États-Unis)
Quotidien états-unien de référence, racheté en août 2013 par Jeff Bezos, fondateur d’Amazon.

« Embraceable E.U. », par Robert Kagan, Washington Post, 5 décembre 2004.