Pendant des mois, les forces démocratiques d’Ukraine avaient averti les responsables à Kiev et dans les autres capitales européennes que notre élection présidentielle ne serait, ni libre, ni juste, à cause des interventions du gouvernement et de la censure de la presse. Dès le premier tour de l’élection, le 31 octobre, les gouverneurs régionaux se sont associés à la police et à d’autres responsables d’État pour bourrer les urnes, falsifier le dépouillement et intimider les commissions électorales. Les commissions électorales locales ont fermé les yeux, mais malgré les fraudes massives de mon adversaire, la commission électorale centrale a dû reconnaître que j’avais gagné le premier tour.
Lors du second tour, les bureaux de vote des régions de l’Est sont restés ouverts deux heures après avoir été officiellement fermés, la participation a dépassé les 100 %, les observateurs ont été empêchés de contrôler les votes, des contrôleurs de petits partis ont été agressés par des voyous encadrés par la police qui ont également bourrés les urnes. Il ne s’agit que des quelques exemples des 11 000 violations du scrutin enregistrées. Le comble de la fraude a été atteint quand, le 22 novembre, la commission électorale centrale a déclaré Yanukovych vainqueur malgré deux sondages indépendants affirmant le contraire. Malheureusement pour les responsables à Kiev, ils n’avaient pas imaginé que des milliers d’électeurs mécontents descendraient alors dans la rue. Ils n’ont pas compris l’exaspération de la population fatiguée qu’on viole ses droits. Aujourd’hui, ils sont obligés de reconnaître que la population a pris les choses en main.
Aujourd’hui, nous devons tirer quatre conséquences importantes :
 L’élection en Ukraine, après l’adhésion à l’Union européenne de huit anciens pays du bloc soviétique, va avoir un impact sur l’avenir de l’Europe et de la Russie.
 Grâce à la télévision, le monde a vu aujourd’hui une Ukraine radicalement différente. Le monde a devant les yeux une noble nation européenne, une nation qui a adopté de véritables valeurs démocratiques et, ce qui est encore plus important, qui se dressera pour défendre ces valeurs avec dignité.
 Le monde a regardé dans les yeux des millions de braves gens de tous âges, de toutes confessions et de toutes ethnies qui manifestaient pacifiquement pour défendre leurs droits. Sans agitation, sans violence et sans faire couler le sang ; c’est ce qu’a vu la communauté internationale.
 Le peuple d’Ukraine a montré au monde que nous sommes prêts à intégrer la Communauté européenne bien plus que le régime en place. Cette position est soutenue par tous les élus, seuls les responsables nommés par le pouvoir s’y opposent. Le régime sortant menace en permanence l’Europe de séparatisme et de dissolution de l’Ukraine. J’affirme en ayant conscience de la gravité de mes mots : il s’agit d’une menace artificielle et fictive. Cette menace n’existe pas et nous ne permettrons pas à trois gouverneurs de l’agiter.

Source
Le Monde (France)
Wall Street Journal (États-Unis)

« Our Ukraine », par Viktor Yushchenko, Wall Street Journal, 3 décembre 2004.
« Personne n’étouffera la liberté de notre Ukraine », Le Monde, 7 décembre 2004.