Au printemps 1985, j’étais le seul journaliste israélien à couvrir une manifestation anti-israélienne devant l’université Bir Zeit. Il y avait une atmosphère électrique et cela aurait pu tourner au lynchage si un homme, d’un geste, n’avait calmé la foule. Cet homme, c’était Marwan Bargouthi et ce jour là nous sommes devenus ami. J’appris qu’il avait acquis cette autorité non pas par les compromis et la corruption, mais par son travail acharné dans les camps de réfugiés palestiniens.
Je l’ai fréquenté jusqu’au début de l’Intifada en septembre 2000 et j’ai été dégoûté par la violence qu’il défendait. Aujourd’hui, je pense qu’il mérite ses cinq condamnations à la prison à vie par la justice israélienne. Malheureusement, la violence est une composante essentielle du conflit et aucun des dirigeants palestiniens actuels n’a les mains propres. En outre, ils sont corrompus et cela leur a fait perdre toute crédibilité auprès des Palestiniens. Si on veut profiter de la fenêtre d’opportunité offerte par la réélection de George W. Bush et la mort de Yasser Arafat, il faut que des décisions stratégiques soient prises : Israël doit faire des concessions douloureuses et les Palestiniens doivent reconnaître la légitimité d’Israël, ce qui signifie un abandon du droit au retour et un accord garantissant une majorité juive dans les frontières israéliennes réduites.
Pour cela, il faut négocier et Israël serait avisé de prendre contacts avec Bargouthi, un homme qui a le potentiel pour devenir le Mandela palestinien.

Source
Ha&8217;aretz (Israel)
Quotidien de référence de la gauche intellectuelle israélienne. Propriété de la famille Schocken. Diffusé à 75 000 exemplaires.

« He’ll yet be their Mandela », par Avinoam Bar-Yosef, Ha’aretz, 7 décembre 2004.