Tout semblait sourire à Asif Ali Zardari. Le veuf de Benazir Bhutto et leader du Parti populaire a été instantanément considéré comme le prochain président du Pakistan dès la démission du général Musharraf connue.

Pourtant cette candidature ne fait pas l’unanimité à Washington. Dans son édition publiée le 20 août 2008, Newsweek revient sur les accusations de corruption dont fait l’objet l’étoile montante de la politique pakistanaise. Contrairement aux déclarations de M. Zardari, le procès que lui ont intenté les autorités suisses pour blanchiment d’argent ne serait pas clos et il serait toujours sous la menace d’une condamnation à une peine d’emprisonnement.

Lorsque Mme Bhutto était Premier ministre, elle avait nommée son mari ministre des Investissements. Ce qui équivalait, selon un témoin cité au procès, à « nommer Dracula à la tête de la banque du sang ». M. Zardari aurait prélevé systématiquement des rétro-commissions sur tous les marchés publics à l’étranger. Il acquit à l’époque, le surnom de « Monsieur 10 % ». Il aurait également été mêlé à un vaste trafic de stupéfiants.

Bien que le couple Bhutto-Zardari ait toujours nié les faits et se soit retranché derrière le secret de comptes off shore, la découverte de quelques factures payées en liquide a jeté le doute. Identifié formellement, M. Zardari avait du reconnaître ainsi l’achat d’un collier de diamants chez un joaillier londonien pour 117 000 £ de provenance inconnue.

Newsweek, qui consacre un article détaillé à l’affaire, se garde d’expliquer l’actuel imbroglio juridique. Les poursuites initiales ont été engagées par le Pakistan (alors dirigé par Nawaz Sharif, devenu depuis allié de M. Zardari). Cette plainte a été retirée par Islamabad, il y a quelques mois, dès le retour de M. Zardari au pouvoir. Mais l’enquête du juge Daniel Devaud a fait apparaître des violations à la législation suisse, qui elles continuent à être poursuivies. Le réalisme politique pourrait toutefois pousser la Suisse à proposer un règlement à l’amiable : le dossier pourrait être clos si M. Zardari s’acquittait des sommes dues à l’État et d’une amende substantielle. Le tout, bien sûr, payé par le contribuable pakistanais, une seconde fois volé par le politicien corrompu.

La position de Washington est difficile, car si M. Zardari était écarté de la la présidence, celle-ci reviendrait à son rival de toujours, Nawaz Sharif. Lequel fait également l’objet de procédures judiciaires pour détournement de fonds publics…

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Sources : « Affaire Bhutto : Berne suspecte un trafic de stupéfiants » par Fati Mansour, « Benazir Bhutto et son mari condamnés en Suisse : un héritage de l’ère Bertossa » par Denis Masmejan, « La justice genevoise rattrapée par la réconciliation pakistanaise » et « Quel sort la justice genevoise doit-elle réserver à l’affaire Bhutto ? » par Fati Mansour, Le Temps, 5 juin 1998, 7 août 2003, 19 octobre 2007 et 21 février 2008 ; « Zardari on the Hot Seat », par Mark Hosenball et Michael Isikoff, Newsweek, 20 août 2008 ; « Zardari still facing Swiss probe, says Newsweek », par Masood Haider, Dawn, 22 août 2008.