Vendredi dernier, le Conseil des droits de l’homme, à Genève, a évoqué la situation alarmante qui règne en République démocratique du Congo (RDC), plus précisément la guerre qui sévit dans l’Est du pays. La France, qui préside actuellement l’Union européenne, a demandé, soutenue par 16 États membres du Conseil des droits de l’homme et 23 États jouissant du statut d’observateur, une session extraordinaire du Conseil afin d’examiner la situation des droits de l’homme en RDC et d’exiger des parties au conflit qu’elles respectent les droits humains et mettent fin aux actes de guerre. Parallèlement, l’Égypte, au nom du groupe des États africains, a fait une seconde déclaration qui demande avant tout de lutter ­contre les causes du conflit, c’est-à-dire l’exploitation criminelle des richesses du sous-sol et le soutien des milices armées par des États étrangers.

La session avait été précédée de préliminaires répugnants. Deux ministres congolais, celui de la justice et celui des droits de l’homme, qui voulaient faire le déplacement pour cette session et manifester ainsi leur volonté de collaborer avec la communauté internationale, n’ont pas pu obtenir un visa qui leur aurait permis d’arriver à temps. Le désir des États africains de reporter, pour cette raison, la session au lundi s’est heurté au refus de l’UE, affront qui rappelle les années noires de la colonisation. Il était donc évident, dès le départ, que l’on ne souhaitait pas un débat sérieux.

Au cours des discussions, ces deux positions se sont retrouvées dans les déclarations des différents pays. Les États industrialisés n’ont absolument rien dit de l’exploitation criminelle des ressources naturelles pratiquée depuis des décennies, pas plus que des livraisons illégales d’armes à Nkunda.

Au lieu de cela, on a reproché au gouvernement congolais de ne pas remplir sa mission consistant à protéger les habitants contre les violences. On a eu peu à peu l’impression qu’il ne s’agissait pas de manifester sa solidarité avec les victimes et de stopper de manière catégorique la guerre menée par Nkunda mais d’affirmer une politique de puissance.

Dans une déclaration, l’ambassadeur de la RDC s’est montré très affecté par la situation catastrophique de la population et a insisté sur le danger qu’il y a à continuer de déstabiliser le pays et à diviser la province orientale. Il a demandé que l’étranger cesse de livrer des armes à Nkunda et que l’on combatte les causes des violations des ­droits de l’homme et non les symptômes. La Haut-Commissaire aux droits de l’homme Navanethem Pillay a évoqué l’ampleur des violences : « La crise de la situation des droits de l’homme, qui s’étend, n’est pas limitée au Kivu et elle provient de différents mouvements violents, notamment l’Uganda Lord’s Resistance Army dont les exactions ont provoqué dans la province orientale un afflux de réfugiés, des viols, des assassinats et le recrutement forcé d’enfants soldats. » Mais à vrai dire, elle n’a pas non plus parlé du rôle joué par le gouvernement du Rwanda.

Vu les différentes déclarations et les deux positions, il est apparu de plus en plus nettement que l’on ne jouait pas cartes sur table : les États industrialisés n’ont pas évoqué le Rwanda et l’Ouganda dont on sait qu’ils fournissent des armes au chef des rebelles Nkunda.

Les représentants des États occidentaux n’ont pas analysé clairement les causes des tueries. On n’a pas pu s’empêcher de penser que les États occidentaux voulaient affaiblir le gouvernement central congolais et qu’en conséquence, ils ne tenaient pas à exiger de l’agresseur qu’il respecte les droits de l’homme et mette fin immédiatement au génocide silencieux.

Dans cette situation, les reproches réitérés adressés au gouvernement congolais ne ­peuvent avoir qu’un objectif, celui de se donner un prétexte pour intervenir militairement au Congo. Sous le slogan de la « responsabilité de protéger » on va installer, dans le style néocolonialiste, un protectorat de l’ONU ou de l’OTAN afin d’assurer aux États industrialisés l’exploitation des ressources du sous-sol pendant les prochaines décennies. Réserve-t-on au Congo ce qu’a vécu la République de Yougoslavie il y a 10 ans ? Sous prétexte d’intervention humanitaire, l’OTAN a attaqué le pays et divisé le Kosovo avec l’aide de l’ONU. La gigantesque base états-unienne du Kosovo, Camp Bondsteel, montre de quoi il s’agissait vraiment.

Aujourd’hui déjà, les États-Unis entretiennent une très importante ambassade à Goma. Seront-ils, comme pour le Kosovo, les premiers à reconnaître un nouvel État, le Kivu, et à s’assurer l’accès illimité à ses richesses minières ? Les pays occidentaux ­jouent un jeu hypocrite. Les Congolais qui souffrent depuis des décennies ne peuvent pas en attendre une solidarité authentique et une protection véritable dans cette situation désespérée. Il est donc d’autant plus important que les pays non alignés élèvent la voix, dénoncent les vraies causes du conflit et exigent le respect des droits de l’homme et du droit international ainsi que l’arrêt immédiat des combats.