Si l’Occident ne défend pas les Droits de l’homme et les libertés de base en Russie, il devrait au moins défendre la libre entreprise, mais la seule protestation contre la prise de contrôle de Yukos par Vladimir Poutine est venue d’une cour de justice du Texas.
Si vous voulez savoir ce qui va advenir en Russie, il vous suffit d’écouter Poutine et de vous préparer au contraire de ce qu’il dit tant il s’est spécialisé dans le double langage orwelien. Hitler avait pour mantra : « Nous voulons la paix » ; Poutine affirmait avant qu’il ne centralise encore davantage le pouvoir en annulant l’élection des gouverneurs de province, qu’il ne toucherait pas à la constitution. Aujourd’hui, en cas d’attaque terroriste, la constitution peut même être suspendue par le FSB. Au début de la crise de Beslan, Poutine avait déclaré que la vie des enfants était sa priorité, mais le lendemain les forces de sécurité passaient à l’assaut et des centaines d’enfants mourraient. De même, Poutine a affirmé qu’il ne plongerait pas Yukos dans la banqueroute.
Les soi-disant dirigeants du monde libre n’ont rien dit contre ces assauts contre la vérité. Peut-être craignent-ils de ne plus pouvoir rentrer en Russie. En effet, une loi récente interdit de délivrer un visa aux étrangers s’étant montré « discourtois » vis-à-vis de la Russie. Aujourd’hui, les entreprises occidentales Deutsche Bank AG, ABN Amro Holding NV, BNP Paribas SA, Dresdner Kleinwort Wasserstein et J.P. Morgan Chase & Co aident Gazprom à prendre le contrôle de Yukos. C’est du racket. Les dirigeants de Yukos subissent la vendetta du Kremlin pour intimider les autres entrepreneurs. Quand on soutient une dictature, il ne faut pas être étonné de devoir en payer le prix quand celle-ci s’écroule sous le poids de son incompétence.
Il faut cesser de croire qu’on peut influencer Poutine, il faut lui dire non et dire non au fascisme.

Source
Wall Street Journal (États-Unis)

« Say It in Russian : ’Caveat Emptor’ », par Gary Kasparov, Wall Street Journal, 21 December 2004