Les nominations de l’équipe Bush II sont beaucoup plus difficiles que prévues. Après le retrait de Bernard B. Kerik et le refus de Joe Lieberman, les postes de secrétaire à la sécurité de la patrie et de directeur central du renseignement restent vacants.
La confirmation par le Sénat d’Alberto Gonzales comme Attorney general s’annonce sportive. Aussi le juge John Cornyn prend-il une fois de plus la défense de son ami dans le Washington Times. Une douzaine de prestigieux officiers supérieurs, dont l’ancien chef d’état-major interarmes John Shalikashvili, vient en effet d’écrire à la commission compétente du Sénat pour demander que cette nomination soit rejetée si le postulant ne s’engage pas à respecter le Code militaire. En arguant que les combattants irréguliers ne sont pas protégés par la Convention de Genève et qu’ils peuvent donc être torturés pendant les interrogatoires, M. Gonzales a mis les soldats états-uniens en danger. Ainsi que le rappellent ces officiers, le seul moyen de protéger ses propres hommes de la torture s’ils sont faits prisonniers est de s’interdire de la pratiquer sur ses propres prisonniers. Cependant, le juge Cornyn ne l’entend pas ainsi. Pour lui la fabuleuse carrière d’Alberto Gonzales est une nouvelle illustration du « rêve américain ». Il n’y a aucune raison d’avoir des égards particuliers pour des terroristes.
En outre, l’épreuve de force opposant Donald Rumsfeld à une partie des officiers supérieurs se poursuit et s’amplifie. Une large faction de l’US Air Force lui reproche ouvertement de refuser une dotation en F/A-22 Raptor et de chercher à imposer par tous les moyens le JSF/F-35, à la fois pour des raisons d’économie et pour renforcer la Coalition anglo-saxonne. L’Army, quant à elle, lui reproche de ne pas avoir suffisamment anticipé le bourbier irakien. Cette fois, c’est son vieil ami Newt Gingrich, l’ancien président de la Chambre des représentants, qui se porte à son secours. Le bilan de Rumsfeld est excellent, écrit-il dans le Christian Science Monitor. Il faut continuer à lui faire confiance et l’épauler dans sa réforme du Pentagone face à des officiers arc-boutés à leurs privilèges.
Par ailleurs, la purge a commencé au département d’État et se poursuit à la CIA. On vient d’apprendre le remplacement du chef du service analyses qui s’ajoute aux quelques dizaines de rotations déjà effectuées en quelques semaines à la tête de l’agence. Haviland Smith, ancien chef de bureau de la CIA, déplore dans le Washington Post ce jeu de massacre. S’il est vrai que des agents du service des opérations clandestines et du service des analyses ont organisé des fuites dans la presse pour nuire à la campagne électorale de George W. Bush, alors Bush devenu président devait les sanctionner. Au lieu de cela, il a entrepris une punition collective qui désorganise une agence en première ligne dans la guerre au terrorisme.
À vrai dire, c’est toute la politique de l’administration Bush qui suscite la crainte. L’ancien conseiller de Ronald Reagan, Patrick J. Buchanan s’interroge dans Antiwar.com : qui a donné ordre à la NED de renverser les gouvernements alliés de la Russie en Serbie, en Géorgie, en Biélorussie et en Ukraine ? Soros, McCain, Albright et Woolsey agissent-ils en franc-tireurs ou George W. Bush a-t-il vraiment décidé de détruire l’acquis de ses prédécesseurs et de nous aliéner la Russie ?
Le pire est à venir : la NED a planifié une opération de changement de régime… en Russie, en 2008. Elle pousse pour le moment le joueur d’échecs Gary Kasparov et son Comité pour le libre-choix. C’est le moment des outrances sans imagination. Dans son rôle d’aspirant président, Kasparov dénonce dans le Wall Street Journal les mensonges de Vladimir V. Poutine, qu’il compare sans surprise à Hitler.
De son côté, l’ancien inspecteur en désarmement Scott Ritter observe avec stupéfaction dans le Christian Science Monitor le gouffre qui sépare le projet états-unien de bouclier anti-missile de la réalité technologique russe. L’administration Bush entend dépenser 800 à 1200 milliards de dollars dans la décennie à venir pour un système de défense capable de détruire en vol les SS-25 russes. Mais Moscou en est déjà aux SS-27 Topol-M, dont il vient de réussir les tests avec succès, et que le futur bouclier anti-missiles ne pourra pas intercepter. Il faut arrêter ce gâchis et renouer diplomatiquement au lieu de chercher l’affrontement.

Mais dans les États-Unis d’aujourd’hui, il y a de moins en moins de place pour le débat et la critique. L’éditorialiste Mattew Continetti s’en prend à la députée Cynthia McKinney, qu’il accuse de « conspirationnisme démocrate ». À la suite d’un de nos articles paru en Amérique latine, la jeune militante noire a eu le tort de s’interroger publiquement sur l’identité des bénéficiaires des spéculation boursières du 11 septembre 2001. Ses soupçons sur le Carlyle Group, fond de gestion commun des familles Bush et Ben Laden, en ont fait la bête noire des néo-conservateurs. Il lui est également reproché de soutenir le journaliste Michael Ruppert, selon lequel les attentats du 11 septembre ont été fomentés par des militaires US. Le Weekly Standard l’accuse donc d’anti-sémitisme (ce qui n’a rien à voir) et, à défaut de citations précises à lui reprocher, accuse son père d’anti-sémitisme. La chasse aux sorcières est ouverte.