Voilà onze jours que le personnel médical de Gaza appelle au secours en vain. Onze jours qu’il attend urgemment que la Croix rouge internationale force le passage, du côté d’Israël ou de l’Égypte, pour lui apporter une aide à l’échelle de cette immense catastrophe.

Tous ceux qui ne se laissent pas abuser par la propagande israélienne, déversée sur les écrans de télévision avec la complaisance de rédactions sans scrupules, sont bouleversés et indignés par la guerre menée par Israël contre des civils.

Une guerre qui a pour objectif de détruire leurs lieux de vie, écoles, mosquées, universités, hôpitaux, en violation du droit international en temps de guerre, et en particulier de la Quatrième convention de Genève relative à la protection des civils.

Nous étions sidérés hier, 5 janvier, en entendant un chirurgien norvégien dire sur la BBC, le cœur brisé de peine, visiblement épuisé, qu’Israël avait transformé Gaza en "enfer" et qu’il "bombardait 1,5 millions de Palestiniens enfermés en cage" ; dire que les tués et les blessés qui sont arrivés à l’hôpital depuis le 27 décembre étaient tous des civils, qu’il n’y avait eu qu’un résistant ; dire qu’ils étaient abandonnés, qu’il n’y avait que deux médecins occidentaux à Gaza ; et s’indigner de l’absence des agents humanitaires au moment de cette colossale catastrophe.

Les citoyens suisses, dont le pays est dépositaire des Conventions de Genève, étaient en droit d’attendre de leur gouvernement - et en particulier de vous, Mme Calmy-Rey, en votre qualité de responsable du Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE) - une condamnation ferme et sans faux fuyants de cette guerre criminelle. Au lieu de cela, malheureusement, le DFAE s’est borné, dans un communiqué du 4 janvier :
 à déclarer que « les tirs de roquettes du Hamas aussi bien que l’action militaire israélienne doivent prendre fin, afin de mettre un terme aux souffrances infligées à la population civile », et que « l’arrêt des combats doit garantir la réouverture immédiate de tous les points de passage vers Gaza et la levée du blocus israélien, pour permettre l’acheminement rapide de l’aide humanitaire »,
 à appeler les parties « au respect intégral du droit international humanitaire, à commencer par la protection de la population civile, l’accès aux victimes et la proportionnalité de la riposte »,
 et à protester contre l’interdiction d’entrée à Gaza signifiée à une équipe du Comité international de la Croix Rouge « alors que toutes les conditions étaient réunies ».

En mettant l’agressé et l’agresseur sur le même plan, le DFAE a donné une certaine impunité à Israël, un encouragement à continuer de massacrer des civils.

Le gouvernement suisse sait pourtant parfaitement qu’Israël est une puissance occupante qui défie depuis des décennies toutes les résolutions de l’ONU, qui ne respecte pas le droit international, et qui pratique l’apartheid.

Il sait parfaitement que, selon le droit international, les Palestiniens ont le droit de résister contre l’occupation. Il sait que la population de Gaza, sous blocus israélien depuis près de deux ans, subit une punition collective d’un autre âge, au mépris du droit international. Il sait que le Hamas a été porté au pouvoir par un scrutin démocratique et qu’il représente légitimement la population de Gaza. Il sait que le Hamas a respecté pendant six mois la trêve, cessé les tirs de roquettes alors qu’Israël, de son côté, a rompu la trêve le 4 novembre [1] et s’est toujours refusé à ce qui devait en être la contre partie : la levée du blocus affectant l’ensemble de la population.

Il sait aussi qu’il n’y a aucune commune mesure entre les quelques pertes civiles subies par les habitants d’Israël du fait des roquettes tirées sur Sderot, et les milliers de victimes civiles palestiniennes, hommes, femmes et enfants, dues aux bombardements ou aux « assassinats ciblés israéliens », qui sont ni plus ni moins des exécutions sommaires illégales.

L’absence de courage politique et la mollesse des réactions du gouvernement dont vous faites partie, ont des conséquences meurtrières à Gaza.

Les médecins qui luttent dans ses hôpitaux pour sauver des vies, attendaient de nos gouvernements démocratiques une claire et franche condamnation des actes criminels commis l’armée israélienne contre une population rendue exsangue par deux ans de blocus et de privations, une population ghettoïsée, privée d’eau, privée de nourriture.

Une population qui, au plus profond de sa détresse, attendait que des politiques occupant des positions de pouvoir soient à la hauteur de leurs responsabilités, mettent tout en œuvre pour exiger que l’innommable cesse, et exigent le retrait immédiat et définitif des troupes d’occupation et d’agression israéliennes.

Le peuple palestinien de Gaza, comme tout peuple, a droit à la sécurité, a droit à être protégé.

Nous demandons à notre gouvernement de condamner enfin, sans faux fuyants, cette guerre criminelle et d’intervenir fermement auprès de l’Etat juif d’Israël pour qu’il se retire immédiatement de Gaza et lève le blocus illégal qui l’étrangle depuis longtemps.

[1Les médias et les diplomates, tels M. Bernard Kouchner, mentent quand ils disent que le Hamas a rompu la trêve (comme M. Sarkozy l’affirmait encore jusqu’à aujourd’hui). Ce n’est pas le Hamas qui l’a rompue mais Israël dès le 4 novembre, quand son armée a assassiné cinq militants Palestiniens à Gaza. Et en a tués sept autres dans la même période, ainsi qu’un paysan. Après ces deux attaques de l’armée israélienne, qui ont fait 13 morts en quelques jours, le 5 novembre la branche militaire du Hamas a déclaré que la trêve avait été rompue par Israël bien avant l’échéance du 19 décembre, et qu’il n’était pas tenu pour responsable.