Mikhail Saakasvili et Viktor Yushchenko, respectivement vainqueur de la « révolution » en Géorgie et en Ukraine, signent une commune Déclaration des Carpates dans Le Figaro. Ils récusent les accusations de manipulations de foules et affirment incarner la liberté qui se lève à l’Est.
Si bien commencée, l’année 2005 s’annonce radieuse pour les néo-conservateurs. Elle devrait voir s’accomplir leurs volontés de renversement des régimes ennemis et de « démocratisation » généralisée.
Arch Puddington, directeur de la Freedom House, se félicite dans le Jerusalem Post de la marche vers la liberté des États du Proche-Orient (qui échappent aux islamistes) et d’Europe centrale (qui échappent à la Russie). Tandis que, dans le Los Angeles Times, Joshua Muravchik, de la NED/CIA, contemple avec délectation la multiplicité des scrutins annoncés cette année. Palestine, Irak, Arabie saoudite, Liban, Égypte, Yémen, Oman, c’est tout le monde arabe qui va goûter aux élections.
Leur discours est merveilleux comme une happy end de film hollywoodien, mais il faut ne pas être bien exigeant pour confondre des alternances manipulées et des élections truquées avec la vraie liberté. Ou il faut être bien cynique pour qualifier de « démocratisation » le fait de voler la souveraineté d’un peuple pour le gouverner de l’étranger.

Perter Bergen ironise dans l’International Herald Tribune sur ces musulmans qui voient des complots sionistes et états-uniens partout, mais doivent finalement attendre des secours états-uniens et non ceux de leurs frères musulmans lorsqu’ils sont victimes de catastrophes, comme le tsunami.
Wallid Phares reprend le même type d’argument dans le Washington Times. Les jihadistes interprètent toutes les catastrophes comme des châtiments divins, aussi il ne leur reste qu’à se taire quand la nature frappe des musulmans. En définitive, ce sont les Marines sauvant des musulmans à Aceh qui incarnent le Bien.
Chacun y va donc de son hypocrisie : loin d’être philanthropiques, les dons des États et des entreprises visent à secourir les populations pour se réserver les marchés de reconstruction ; quant au déploiement des marines états-uniens, il permet au Pentagone de réinvestir ses bases en Thaïlande et de relancer la contre-insurrection face à la guérilla à Aceh.
Il n’en reste pas moins que les opinions publiques occidentales partagent un « moment d’émotion télévisuelle » qui les fait réagir avec générosité. Précisément, face au vacarme humanitaire pour les victimes du tsunami et au silence pour celles d’Irak, l’humoriste Terry Jones n’a plus envie de rire. Dans le Guardian, il vitupère contre cette charité ostentatoire pour ceux qui souffrent d’une catastrophe naturelle à laquelle on ne pouvait rien. Pour lui, elle souligne par contraste l’inaction complice qui entoure les victimes que l’on a consciemment provoquées par une guerre sans nécessité.