La France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne ont signé un accord avec l’Iran pour tenter de trouver une solution au « problème » créé par les activités de l’Iran dans le cycle du combustible nucléaire. Il consiste en des discussions sur le problème nucléaire mais également sur les relations politiques et économiques. En fonction de la sincérité des parties, il s’agit soit d’un vaste et louable projet, soit d’un piteux subterfuge pour gagner du temps. On ne peut que louer cette initiative et espérer qu’elle parviendra à créer un modus vivendi entre les pays occidentaux et l’Iran, mais il est bon de se pencher sur la position des Européens face à Téhéran.
Les Européens exigent que l’Iran abandonne, de façon permanente, ses activités dans le cycle du combustible nucléaire et, en échange, ils lui offrent l’approvisionnement en équipement et en combustible de son programme nucléaire. Toutefois, il est bon de rappeler à ceux qui ont la mémoire courte la relation de l’Iran avec les trois pays européens qui l’interpellent maintenant. L’Allemagne a refusé d’accorder la licence d’exportation concernant les équipements complets des deux centrales nucléaires construites à Bushehr, au sud de l’Iran bien qu’ils existent et qu’ils aient été intégralement payés par l’Iran depuis plus de 25 ans, la France a refusé à l’Iran le droit de faire enrichir son uranium dans l’usine du Tricastin appartenant à la société Eurodif alors que l’Iran était associé au capital de cette société à hauteur de 10 %, la Grande Bretagne n’était pas associée au programme iranien mais elle a participé au front du refus en retenant un envoi d’uranium appartenant à Téhéran qui transitait par l’Angleterre à destination de l’Iran. On aurait pu citer d’autres exemples concernant ces pays. Cela montre que l’Iran a été lésé dans ses relations nucléaires avec l’Europe en subissant des pertes colossales et en accumulant des retards importants dans la réalisation de son programme malgré les engagements passés de ces pays. Face à ce désengagement, l’Iran a investi massivement dans un programme nucléaire autonome qui a été couronné de succès. Qu’y a-t-il de si étrange, de si surprenant, de si inacceptable dans la réaction de l’Iran à la situation pénible dans laquelle les pays européens se complaisaient à le tenir ? Reproche-t-on à l’Iran d’avoir eu l’outrecuidance de développer les mêmes technologies qui sont le fonds de commerce et le moyen de puissance des pays avancés ? Fallait-il que l’Iran renonce à son programme nucléaire parce que cela ne plaisait pas aux pays occidentaux ? Maintenant que les Européens proposent à l’Iran des relations plus équilibrées à condition que l’Iran renonce à ses activités dans le cycle du combustible nucléaire, un esprit logique pourrait être tenté de poser un certain nombre de questions :
– Pourquoi l’Occident insiste tellement pour que l’Iran renonce à ses activités concernant le cycle du combustible nucléaire ? Le Traité de non-prolifération encourage en effet la développement du nucléaire civil et les échanges technologiques dans ce domaine. Les pays occidentaux semblent craindre le développement d’armes nucléaires, mais le directeur général de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) a affirmé que rien ne vient prouver que l’Iran tente d’acquérir des armes.
– Aujourd’hui qu’est-ce qui a changé pour que les Européens envisagent la reprise des relations et de la coopération avec l’Iran, en particulier dans le domaine nucléaire ?
– Il semble que ce qui a amené les Européens à modifier leur position envers l’Iran est le fait que Téhéran a réalisé une percée technologique importante dans le cycle du combustible nucléaire. Dès lors, pourquoi l’Iran accepterait de s’arrêter en si bon chemin ? Et si cette arme technologique est si efficace, pourquoi l’Iran commettrait-il l’erreur de s’en priver définitivement ?
– Si Téhéran accepte l’accord, qu’est-ce qui prouve que cette fois les Européens tiendront parole ?
– Si l’Iran demande des réparations pour les dommages subis à cause du non-respect des promesses européennes, quel sera l’attitude des pays européens ?
Ces questions, auxquelles il faudra apporter des réponses cohérentes et convaincantes, montrent que les discussions engagées entre les pays européens et l’Iran s’annoncent difficiles et tortueuses, et demandent beaucoup de temps pour aboutir. Il faut cependant espérer que les discussions permettront d’arriver à un résultat.
« Nucléaire iranien : quelques questions aux Européens », par Akbar Etemad, Le Monde, 20 janvier 2005.
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