À quelques jours des élections en Irak, une partie des commentaires fait apparaître un décalage inattendu avec la réalité qui contraint Washington à réviser d’urgence ses objectifs et sa stratégie.
L’expert en armement Scott Ritter rappelle dans le Guardian que c’est au nom de la menace imaginaire des armes de destruction massive que la Coalition a attaqué l’Irak. La démocratisation n’a été évoquée qu’une fois la supercherie des ADM éventée. En d’autres termes, Washington n’a jamais cherché à « apporter » la démocratie en Irak et les élections en cours ne visent qu’à justifier a posteriori la conquête du pays.
Le pasteur Jesse Jackson s’indigne dans El Periodico de la prétention bushienne d’imposer la démocratie au bout du fusil. Il ne s’agit bien sûr que d’une tromperie de plus car la vraie démocratie est le fruit d’une long processus populaire. Au demeurant, l’administration Bush est mal placée pour parler de démocratie alors qu’elle est en train d’organiser chez elle une société à deux vitesses, une pour les riches, une pour les pauvres.
À l’inverse, de nombreux quotidiens occidentaux (La Libre Belgique, El Periodico, Clarin etc.) donnent la parole à un théologien chiite irakien, sheikh Dia al-Shakarchi, qui démontre non seulement la compatibilité de l’islam et de la démocratie, mais que la démocratie est un devoir islamique. Ce point de vue est d’autant plus bizarre qu’il répond à une problématique exclusivement occidentale pour finalement conclure que l’on peut fonder la démocratie sur une injonction religieuse. L’auteur, à peu près inconnu dans son pays, est sponsorisé par George Soros qui diffuse sa tribune pour le ravissement de la presse occidentale.
Dans la même veine, Michael Rubin assure aux lecteurs du Washington Post que la démocratie est bien en marche en Irak. Les élections seront une réussite en ce qu’elles prouveront que c’est pour le Bien des Irakiens que la Coalition a bombardé leur pays faisant plus de 100 000 morts civils.
Cependant, la réalité sur le terrain, c’est que le scrutin n’aura aucune légitimité et que l’on attend dans les bureaux de vote moins du quart des électeurs. Surtout, il est désormais évident que les États-Unis sont pris à leur propre piège : l’Iran a conseillé aux chiites irakiens de participer au scrutin pour accéder légalement au pouvoir. Même si beaucoup d’entre eux s’y refusent, la participation d’une partie des chiites sera suffisant pour leur assurer la victoire, d’autant que tous les sunnites et les laïques ont choisi le boycott. Le spectre d’un Irak formant avec l’Iran, la Syrie et le Hezbollah libanais un « croissant chiite » opposé à Washington prend forme.
Pour l’ancien conseiller national de sécurité, Anthony Lake, dans le Boston Globe, il faut vite trouver une excuse pour le repli.
Sifflant la mi-temps, les deux mentors de la politiques étrangères US, Henry A. Kissinger et George P. Schultz, signent une tribune commune dans le Washington Post, Clarin et l’International Herald Tribune. Il est urgent de démembrer le « croissant chiite » en formation, donc de truquer les élections pour accélérer la partition de l’Irak.

Le quotidien russe Vremia Novostyey a eu la bonne idée d’interroger les deux prétendants au poste de Premier ministre du nouveau gouvernement ukrainien à quelques jours d’intervalle. L’un et l’autre se disent persuadé d’être bientôt nommé par Viktor Yushchenko.
La milliardaire Yuliya Tymoshenko assure avoir abandonné le monde des affaires pour se consacrer au service de ses concitoyens. Elle élude la question du mandat d’arrêt lancé par Interpol à son encontre après qu’elle eut corrompu des généraux russes à des fins mafieuses ; et déplore les accusations de corruption portées contre son mari, actuellement en fuite.
Le milliardaire Piotr Porochenko déclare distinguer ses affaires de la politiques et en veut pour preuve qu’il n’a pas hésité, en son temps, à passer dans l’opposition. Bien que membre de la nouvelle majorité présidentielle, il ne manque pas l’occasion pour souligner le caractère peu ukrainien de M. Yushchenko, et de rappeler que, contrairement à une idée reçue, les Russes n’ont pas d’intérêts économiques en Ukraine.
En définitive, le trop hésitant Porochenko a été écarté au profit de Mme Tymoschenko. On peut se demander comment l’Ukraine « libre » sera représentée sur le plan international, sachant que ce Premier ministre ne pourra se déplacer sans encourir les foudres d’Interpol et ne pourra, de toute manière, jamais entrer en Russie. Elle y rejoindrait en prison les généraux qu’elle avait acheté.