Aprés avoir rencontré à Washington la secrétaire d’État Hillary Clinton, le secrétaire au Trésor Timothy Geithner, et le secrétaire à la Défense Robert Gate, le Premier ministre de facto de l’Autorité palestinienne [1], Salam Fayyad, a participé au forum annuel de l’Institut Aspen [2] dans le Colorado.

Le samedi 4 juillet 2009, il a participé à une table ronde avec Madeleine Albright et la sénatrice Dianne Feinstein. Puis il a été interrogé en public par l’ancien directeur de la CIA James Woolsey, par l’ancien ambassadeur US en Israël Martin Indyk, et par le journaliste du New York Times Tom Friedman.

Au cours de cette rencontre, James Woolsey lui a demandé :
« Si le [futur] État palestinien est un État de droit, et si des juifs veulent vivre dans un lieu comme Hébron, ou n’importe où dans l’État palestinien, pour quelque raison que ce soit ou par attachement historique, pourquoi ne seraient-ils pas traités comme les Arabes israéliens le sont [actuellement en Israel où ils représentent un sixième de la population]. C’est-à-dire qu’ils pourraient être un sixième de la population. Ils pourraient élire de vrais députés dans une authentique Assemblée palestinienne, jouir de la liberté de religion, d’expression, et le plus important, ils pourraient dormir la nuit sans craindre que quelqu’un force leur porte et les tue ».
Salam Fayyad a répondu :
« Je ne vais pas vous contredire. Et je ne suis pas quelqu’un qui dira qu’ils seront ou devraient être traités d’une manière différente que les Arabes en Israël. En fait, le genre d’État que nous voulons avoir, que nous aspirons à avoir, est un État qui épousera définitivement les hautes valeurs de tolérance, de co-existence, de respect mutuel et de respect de toutes les cultures et religions. Aucune discrimination quelle qu’elle soit, sur aucune base quelle qu’elle soit. Les juifs, pour autant qu’ils choisissent de rester et de vivre dans l’État de Palestine jouiront de ces droits et certainement, ils n’en jouiront pas moins que les Arabes israéliens en jouissent maintenant dans l’État d’Israël » [3]

Cette déclaration, longuement applaudie par le public, a soulevé de vives réactions en Palestine. Au-delà des belles phrases, elle implique que les colonies juives seront légalisées. Dès lors, on ne voit plus très bien pourquoi l’administration Obama en demande le gel.

Par ailleurs, si dans une période idéale, les Palestiniens de l’État d’Israël et les juifs de l’État palestiniens doivent avoir les mêmes droits que les autres citoyens, on ne comprends pas pourquoi avoir privé soixante ans durant des millions de Palestiniens de nationalité et vouloir créer aujourd’hui deux États plutôt qu’un État binational comme préconisé jadis par l’ONU. Sauf, bien entendu à ce que toutes ces belles paroles n’engagent que ceux qui y croient.

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[1] Selon la loi fondamentale palestinienne, le Premier ministre doit être confirmé par l’Assemblée. Cependant, M. Fayyad, qui a été nommé Premier ministre par le président Mahmoud Abbas en juin 2007, ne s’est jamais présenté devant le Parlement. De son côté, le Hamas a constitué un autre gouvernement à Gaza dirigé par le Premier ministre Isamel Haniyeh. Ce dernier n’a pas non plus été confirmé par l’Assemblée. Non pas qu’il ne l’ait pas souhaité, mais parce que les députés du Hamas ont été enlevés avec l’aide du gouvernement Fayyad et sont retenus en otage en Israël.

[2] Sur l’institut Aspen, lire « L’Institut Aspen élève les requins du business ». Sur le rôle de l’Institut Aspen en Palestine, lire « La "solution à deux États" sera bien celle de l’apartheid », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 2 septembre 2004 et 13 janvier 2008.

[3] Texte original
James Woolsey : « Now, if there is to be the rule of law in a Palestinian state, and if Jews want to live in someplace like Hebron, or anyplace else in a Palestinian state, for whatever reasons or historical attachments, why should they not be treated the same way Israeli Arabs are ? (…) That would be, there could be a sixth of the population consisting of them. They could vote for real representatives in a real Palestinian legislature, freedom of religion, freedom of speech, and most importantly, be able to go to the sleep at night without worrying someone is going to kick down the door and kill them »
Salam Fayyad : « I’m not going to disagree with you. And I’m not someone who will say that they would or should be treated differently than Israeli Arabs are treated in Israel. In fact the kind of state that we want to have, that we aspire to have, is one that would definitely espouse high values of tolerance, co-existence, mutual respect and deference to all cultures, religions. No discrimination whatsoever, on any basis whatsoever. Jews to the extent they choose to stay and live in the state of Palestine will enjoy those rights and certainly will not enjoy any less rights than Israeli Arabs enjoy now in the state of Israel ».