Zbigniew Brzezinski présente sa vision de l’administration Bush II dans une interview accordée au journal japonais Mainichi Daily News. Il juge que la politique étrangère des États-Unis devrait rester sensiblement la même bien qu’elle puisse prendre une inclinaison plus pragmatique et plus réaliste sous l’impulsion de la nouvelle équipe du département d’État, et il appelle donc les Européens et les Japonais à soutenir cette équipe contre les néo-conservateurs. La seule alternative à la politique de l’administration Bush serait donc de soutenir certains membres de l’administration Bush. Il minimise l’importance du discours inaugural et la « guerre à la tyrannie » lancée par George W. Bush, feignant d’ignorer les satisfecits des faucons suite à ce discours. Il affirme que l’administration Bush ne changera pas réellement de politique, ne se montrera pas plus agressive avec la Russie et la Chine mais utilisera l’argument des Droits de l’homme contre l’Iran, alors que ce qui est en jeu c’est la question nucléaire.
En effet, depuis le mensonge des armes de destruction massive irakienne, l’argument de l’armement d’un pays est à manier avec prudence. Comment convaincre la communauté internationale de l’existence d’une menace aujourd’hui ?
Dans le Washington Post, l’ancien directeur du groupe de surveillance de l’Irak David Kay met en garde la nouvelle administration de ne pas renouveler les erreurs commises lors de l’avant-guerre d’Irak : les mêmes recettes ne marcheront plus. Washington ne peut pas rester crédible en utilisant les « preuves » fournies par des exilés ou en dénigrant le travail des inspecteurs de l’AIEA.

Or, dans le cas de l’Irak, une fois l’argument des armes de destruction massive discrédité, c’est l’argument de la démocratisation qui a prévalu. Dans le cas de l’Iran, et dans le cadre de la nouvelle politique de « démocratisation » définie par George W. Bush, c’est donc l’argument des Droits de l’homme qui va être mis en avant pour justifier une agression de l’Iran. Ainsi, Condoleezza Rice a autant dénoncé l’Iran pour la question des Droits de l’homme que pour son programme nucléaire lors de sa tournée européenne.
En lieu de corollaire à ce discours, le Los Angeles Times publie le texte d’une « blogueuse » iranienne portant le pseudonyme de Farouz Farzami, qui dénonce les entraves à la liberté d’expression en Iran et décrit ses 36 jours d’incarcération sans jugement pour avoir rédigé un « blog » dénonçant le régime iranien. Compte tenu de l’emploi d’un pseudonyme, ces propos, qu’on ne peut pas rejeter comme faux par principe, ne peuvent cependant pas non plus être pris pour argent comptant car ils sont totalement invérifiables. On se souviendra que par le passé, Washington n’a pas hésité à créer de toute pièce des témoins d’atteintes aux Droits de l’homme dans les pays que les États-Unis souhaitaient attaquer. La seule information fiable que fournit cette article est liée au choix de publication de cet article. Il indique en effet que l’on est en train de préparer l’opinion US à une attaque de l’Iran.
Cette attaque est redoutée par la Prix Nobel de la Paix 2003, Shirin Ebadi, et par le chercheur d’Human Right Watch, Hadi Ghaemi, écrivant dans le New York Times et l’International Herald Tribune. Les auteurs rappellent que si la situation des Droits de l’homme n’est pas idéale en Iran, il existe un tissu d’organisation capable de se mobiliser et de faire reculer le pouvoir. Comment pourrait-on soutenir les Droits de l’homme en organisant des bombardements ?

Les Iraniens ont-ils raison de craindre une attaque ? Notons que la Révolution islamique d’Iran reste un symbole à briser pour les néo-conservateurs. En effet, qu’on souscrive ou non à son idéologie, il faut noter que la Révolution de 1979 est la dernière grande révolution de l’ère des décolonisations. À cette occasion l’Iran, bien qu’indépendant en droit, l’est devenu de fait en chassant l’influence états-unienne. Or, le programme qui est mis en place aujourd’hui depuis Washington consiste justement à re-coloniser la région. On comprend d’autant plus les craintes de l’Iran que ce pays a subi une agression territoriale en 1980 par l’Irak sans réaction du Conseil de sécurité de l’ONU. Pourquoi le droit international aurait-il plus de poids aujourd’hui pour le défendre alors qu’il n’a pas empêché une autre agression récente, celle de l’Irak cette fois ?
Cependant, contrairement à sa situation en 1980, l’Iran n’est plus isolé. Il est lié économiquement à la Chine et se rapproche militairement de la Russie.
L’écrivain Gore Vidal note toutefois dans The Independent que ces trois pays sont trois cibles, déclarées ou non, des États-Unis. L’auteur pronostique une prochaine attaque contre l’Iran et s’interroge sur l’identité de la cible suivante, et où cette guerre sans fin mènera les États-Unis. Il constate sans détour que le régime est en train de changer aux États-Unis et que la guerre perpétuelle voulue par les néo-conservateurs offre des nouveaux pouvoirs à l’exécutif états-unien, qui a déjà taillé en pièce tous les contre-pouvoirs. Toutefois, pour lui, il ne s’agit que d’une perpétuation et d’une amplification de la politique d’Harry Truman. Pris dans cette fuite en avant belliqueuse, Gore Vidal espère que les États-Unis n’en viendront quand même pas à une guerre contre la Russie et la Chine, comme tout semble indiquer malheureusement.

Le développement des tensions entre Washington et Moscou et Téhéran, ainsi que la position forcément stratégique de cette région, font de l’Asie centrale une zone très sensible. L’ambassadeur de Turquie en Russie, Kourtoulouch Tashkent, explique la position de son pays au milieu de ce « grand jeu », dans Nezavissimaïa Gazeta. Compte tenu de sa position délicate, il s’efforce de ne mécontenter personne. Ainsi, il affirme qu’Ankara est favorable à l’intégrité territoriale des pays de la région mais tient compte des aspirations des régions autonomes de Géorgie. Il défend une position analogue pour la Tchétchénie. L’ambassadeur condamne également par anticipation toute attaque contre l’Iran.
Le journal de Boris Berezovski, Kommersant, publie une interview du dirigeant séparatiste tchétchène en exil Aslan Maskhadov. Celui-ci affirme vouloir signer une trêve avec la Fédération de Russie et se désole que celle-ci lui soit refusé. Par ailleurs, il nie que cette proposition ait un lien avec l’enlèvement de sa famille par les forces russes (une donnée presque totalement ignorée par la presse occidentale) et affirme ne plus avoir aucun lien avec Chamil Bassaïev, dont le groupe est responsable du massacre de Beslan, bien que celui-ci ait accepté le cessez-le-feu demandé par Maskhadov. Pour la publication de cette interview, le journal a reçu un avertissement des autorités russes.
Pour le gouvernement russe, le séparatisme tchétchène est instrumentalisé contre la fédération de Russie et fait partie d’une vaste manœuvre qui vise à l’éclatement du pays après celui de l’URSS. Izvestia donne la parole à Konstantin Kossatchev, secrétaire de la Commission des Affaires étrangères de la Douma, Léonid Gozman secrétaire du bureau politique du SPS et Akram Khouzam, chef du bureau moscovite de la chaîne Al Jazeera sur les relations entre la Russie et l’Occident. Pour les trois hommes, il ressort que la Guerre froide n’a pas pris fin et que la politique d’endiguement se poursuit via de nouvelles méthodes, notamment la présentation de la Russie comme un État autoritaire à visée expansionniste dans les médias occidentaux. Comme pour leur donner raison, le champion d’échec et président du Comité Free Choice 2008, Gary Kasparov, réitère son discours anti-Poutine en direction des milieux d’affaires dans le Wall Street Journal. N’ayant pas peur des outrances verbales, il qualifie Vladimir Poutine de « Caligula de Moscou » après que James Woolsey l’ait présenté comme le « Mussolini de Moscou », que Zbigniew Brzezinski l’ait dépeint comme un « Benito Mussolini russe », etc.