Merci cher Silvan, bonjour à chacune et chacun d’entre vous. Je suis heureux de vous retrouver dans cette salle que je commence à connaître dans ce superbe ministère des Affaires étrangères, et de poursuivre ainsi le dialogue que j’ai engagé avec le gouvernement israélien depuis mon arrivée à la tête de la diplomatie française. Ce dialogue est jalonné de plusieurs étapes. Il n’y a pas si longtemps en arrière au mois d’octobre, je venais ici à Jérusalem pour ma première visite bilatérale. J’avais promis de revenir, je suis revenu. Nous nous sommes retrouvés avec Silvan Shalom, il y quelques jours, pour une cérémonie très émouvante à New York où j’ai tenu à m’exprimer, au nom du gouvernement français, à l’occasion du 60ème anniversaire de la libération des camps de concentration nazis, comme je me suis trouvé, aux côtés du président Chirac à Auschwitz il y a quelques jours, où nous avons eu un long entretien avec le président Katzav. Dans quelques jours, j’aurai le plaisir d’accueillir Silvan Shalom à Paris pour l’inauguration de la nouvelle ambassade d’Israël dans notre pays.

Nous avons des raisons de davantage nous parler. Nos relations sont très bonnes sur le plan bilatéral, meilleures d’ailleurs qu’on ne le dit, qu’on ne le lit quelquefois dans la presse israélienne ou dans la presse française. Et donc, nous voulons, à partir de cette qualité des relations, améliorer encore les échanges culturels, universitaires, en matière de recherche, et naturellement, sur le plan économique.

Au milieu de cette relation entre nos deux pays, il y a naturellement une question importante et grave, qui nous concerne tous et qui est celle, dans nos sociétés, de la résurgence de l’antisémitisme. J’ai pu dire à nouveau aujourd’hui, comme j’ai eu l’occasion de le dire à l’ensemble des présidents des organisations juives américaines que j’ai rencontrées à nouveau il y a quelques jours à New York, la détermination totale du président de la République Jacques Chirac et celle du gouvernement contre l’antisémitisme, contre toutes les formes de racisme ou de xénophobie. C’est ainsi d’ailleurs que vous devez comprendre la décision de justice qui a été immédiatement prise en France à propos de la chaîne Al Manar. Et nous continuerons de la même manière à être intransigeants dans ce double devoir que j’ai exprimé à la tribune des Nations unies : le devoir de mémoire et le devoir de vigilance. Jacques Chirac d’ailleurs, dans son discours à Auschwitz, a été extrêmement clair, avec la même détermination.

Je me trouve aujourd’hui dans cette région, en Israël, et ce soir dans les Territoires palestiniens, à un moment extrêmement important que nous mesurons tous, vous d’abord ici, mais nous aussi à vos côtés, dans une atmosphère qui est à la fois grave, nouvelle, et fragile, où il y a une certaine espérance avec ce dialogue qui reprend entre Ariel Sharon et le nouveau président palestinien Mahmoud Abbas. J’avais dit ici, et on peut bien le redire aujourd’hui, qu’il n’y a pas de paix au Proche-Orient sans dialogue entre les Israéliens et les Palestiniens. Ce dialogue est en train de reprendre et nous voulons l’encourager et l’accompagner. Ce dialogue nécessite aussi, de part et d’autre, des décisions courageuses et difficiles qui sont en train d’être prises entre ces partenaire de la paix qui vont se rencontrer demain. J’avais dit moi-même ici que la décision de se retirer de Gaza était une décision courageuse. Je l’ai dit, il y a quatre mois, et je le pense. On le voit bien en regardant la situation politique etles réactions ici en Israël. Nous voulons accompagner Israël comme les Palestiniens pour que ce retrait soit une réussite et, qu’au-delà du retrait, il y ait, avec cette réussite, la paix et le développement économique. Et puis, il y a aussi de l’autre côté des décisions courageuses que le président, M. Abbas, est en train de prendre et a pris déjà, avec un discours extrêmement clair pour réformer et restructurer les services de sécurité, assurer une plus grande sécurité pour son peuple et pour Israël, lutter contre toutes les formes de violence et faire repartir l’économie dans les Territoires palestiniens.

Nous voulons encourager ce double mouvement de réformes qui exige, encore une fois, beaucoup de courage de part et d’autre, comme nous voulons dire qu’il faut, au-delà des quelques semaines et des quelques mois qui viennent et qui vont être difficiles et importants, préserver l’horizon tel qu’il est fixé par la Feuille de route avec cette double exigence d’un Etat d’Israël vivant dans la sécurité - encore une fois, la France ne transigera jamais avec la sécurité d’Israël - et un avenir pour les Palestiniens avec la création de leur Etat à côté d’Israël.

Je suis ici, comme d’autres d’ailleurs, Condoleezza Rice est dans la région et je la retrouverai à Paris demain soir, la commissaire Ferrero-Waldner est également présente ici ? nous sommes ici pour voir, concrètement comment la France, en tant que pays membre de l’Union européenne peut aider Israël, aider les Palestiniens à aller ensemble de l’avant vers la paix.

Q - Monsieur le Ministre, est-ce que vous pensez que les Etats-Unis pourraient attaquer l’Iran à cause de la question nucléaire. Et quelle est la position de la France à ce sujet ?

R - Condoleezza Rice a dit elle-même que l’hypothèse d’une intervention militaire était une question qui ne se posait pas. Nous ne sommes pas dans cette option vis-à-vis de l’Iran. Nous sommes dans l’option qui est, je crois, la plus utile et qu’il faut réussir, du dialogue politique pour convaincre ce grand pays, qui a une place importante dans cette région - c’est un peuple qu’il faut respecter -, de renoncer définitivement à l’arme nucléaire, de comprendre qu’il n’en a pas besoin pour être respecté, pour jouer son rôle, pour engager et poursuivre son développement. Voilà l’esprit de la démarche que les Européens ont engagée et en tête, en avant-garde des Européens, trois pays, dont le mien, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Je tiens d’ailleurs à dire qu’aucun des trois n’aurait pu, seul, engager ce dialogue et ces négociations avec l’Iran. C’est parce que nous sommes ensemble que nous avons pu le faire et c’est d’ailleurs la preuve du début d’une diplomatie européenne à laquelle je travaille.
Et donc, nous sommes en avant-garde. Nous travaillons en bonne intelligence avec tous les autres pays européens, nous sommes soutenus par la Russie, nous sommes accompagnés par la Chine, nous échangeons des informations, et naturellement, nous souhaitons le soutien, nous en avons besoin, de la communauté internationale pour réussir cette démarche qui consiste à obtenir de l’Iran un renoncement à l’arme nucléaire. Cette région n’a vraiment pas besoin de prolifération d’armes de destruction massive, et en même temps, parce que l’Iran a besoin de se développer, nous lui avons proposé, nous avons offert un dialogue sur le plan de la coopération industrielle, en matière d’énergie, et en matière politique.
Donc, nous en sommes là, et je pense que tout le monde a intérêt à ce que cette négociation politique réussisse. Nous avançons dans cette négociation les yeux ouverts.

Q - Monsieur le Ministre, vous avez eu des entretiens avec M. Pérès et avec votre homologue. Comment sentez-vous l’état d’esprit des Israéliens à la veille de ce sommet de Charm el-Cheikh ? Pensez-vous que cela peut déboucher sur la reprise d’un dialogue politique ?

R - Dans les entretiens que j’ai eus avec Silvan Shalom, avec Shimon Pérès, comme ceux que j’aurai avec le Premier ministre Ariel Sharon tout à l’heure, naturellement nous allons parler, et nous avons parlé, des conditions de la réussite de cette première étape importante, courageuse qu’est le retrait de la bande de Gaza et des conditions de cette réussite pour aboutir d’abord à la stabilité, à la sécurité pour Israël et les Palestiniens et à la viabilité économique. Et Silvan Shalom vient de développer quelques-uns de ces aspects : la circulation, la gestion des frontières et je pourrais ajouter, le port, l’aéroport, l’agriculture le tourisme, les investissements qui sont attendus. C’est une demande très précise qu’a faite Shimon Pérès aux Européens, en demandant aux entreprises européennes de venir. Je lui ai répondu que, pour venir, il faut avoir confiance dans un processus de stabilité. Il faut avoir un horizon. Vous voyez donc, tout se tient, mais ce mouvement est engagé. Vous le voyez bien, la confiance, pour se reconstruire, prendra du temps entre Israéliens et Palestiniens. Mais nous sommes au moment où ce nouvel état d’esprit est en train de se nouer, comme en témoigne la réunion de demain, entre deux chefs du gouvernement qui doivent se respecter, se considérer comme des partenaires. Je pense personnellement que Mahmoud Abbas est le partenaire pour la paix pour Israël.
Ce mouvement-là est donc engagé, et nous voulons simplement dire, en tant que Français ou en tant qu’Européens, que nous voulons accompagner, bien sûr par des crédits, bien sûr par de l’assistance technique, mais aussi par notre capacité politique, ce processus, au côté des Américains, au côté des Russes et des pays de la région. Nous voulons accompagner cette nouvelle ambiance, cette relance du processus.

Q - (A propos du dialogue entre Israéliens et Palestiniens)

R - Si vous me permettez d’ajouter un mot à ce que vient de dire Silvan Shalom et qui est extrêmement important. D’abord, comme il vient de le dire, le dialogue est une exigence, un préalable au Processus de paix. Il se fait d’abord entre Israéliens et Palestiniens. Et s’ils discutent entre eux, c’est parce qu’ils ont envie de discuter entre eux, qu’ils se respectent, qu’ils sont des partenaires, et c’est la clé. J’allais dire, c’est d’abord leur affaire que de se mettre autour d’une table comme ils vont le faire demain. Et nous sommes là pour encourager cela, mais c’est d’abord leur affaire.
Deuxièmement, c’est peu de dire que, dans les 25 ans passés, l’Europe n’a pas vraiment été engagée sauf peut-être par des crédits pour le développement économique, dans un règlement global. Je pense que cette situation va changer et que c’est utile, pour que, cette fois-ci, même s’il faut être prudent, le processus qui s’engage entre Israéliens et Palestiniens aille jusqu’au bout, c’est à dire l’objectif que nous recherchons de ces deux Etats vivant côte à côte. Je pense que pour que cela marche, on a naturellement besoin à nos côtés, d’abord des pays de la région, comme vient de le dire Silvan. On a besoin impérativement des Etats-Unis, et c’est le sens de la visite que le Dr Rice fait en ce moment et de la nouvelle détermination américaine telle que le président Bush l’a exprimée. Et on a besoin également de l’engagement européen. Et nous sommes prêts, avec les membres du Quartet qui se réunira, à accompagner ce mouvement. En tout cas, je veux travailler à cet engagement européen dont je pense qu’il est indispensable pour que cela marche.
J’ajoute que l’Europe n’est pas seulement importante pour la Palestine, et pour le développement de l’Autorité palestinienne, elle a aussi une proximité économique avec Israël. Regardez les échanges économiques entre Israël et l’Europe. Il y a beaucoup de raisons pour lesquelles l’Europe doit parler et agir d’une seule voix dans cette région. Et je suis là aussi pour cela.

Q - La France ne regrette-t-elle pas le soutien qu’elle a accordé à Yasser Arafat ?

R - Franchement, je ne comprends pas votre question. Nous avons respecté et dialogué, et dans l’histoire assez récente, nous n’avons pas été les seuls. Je me souviens d’avoir vu le président palestinien, Yasser Arafat sur le perron de la Maison blanche il y a quelques années, ou dans d’autres capitales, à Bruxelles ou ailleurs. Nous avons dialogué et respecté le président que se sont choisi les Palestiniens.
Aujourd’hui Yasser Arafat est mort. Une période différente est ouverte. J’observe d’ailleurs que, cela n’a pas encore été dit, dans cette circonstance grave pour le peuple palestinien, la manière dont Mahmoud Abbas a été élu, démocratiquement, avec une vraie transparence reconnue par toute la communauté internationale, est une preuve de maturité et de dignité du peuple palestinien. Donc, aujourd’hui, ce nouveau président qui a une vraie légitimité, qui devra d’ailleurs conforter encore sa légitimité et la légitimité de son Autorité par des élections municipales et des élections générales, est là, et nous voulons travailler avec lui. Quant à l’héritage de Yasser Arafat, il appartient d’abord aux Palestiniens d’en juger, et à l’histoire.

Source : Ministère français des Affaires étrangères