Merci beaucoup. J’aimerais tout d’abord exprimer une satisfaction double, intime et profonde, à l’occasion de l’organisation de cet événement.
Ma première satisfaction et mes remerciements sincères s’adressent, pour sa présence ici, parmi nous, au président de la République française, Jacques Chirac. C’est pour moi un grand honneur de le recevoir et de partager avec lui un événement tel que celui-ci, c’est-à-dire un événement pour la défense de l’Europe, pour la défense de son traité constitutionnel et pour la défense du "oui" au référendum du 20 février prochain. Et je crois que le président Chirac représente dignement son pays, une nation qui est la patrie de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Un pays voisin et ami, un pays voisin et un allié pour le projet de construction européenne. Un pays décisif pour la naissance puis le développement et la construction de l’Union européenne.
Je crois qu’il y a très peu d’images aussi éloquentes de ce que représente l’Union européenne que cette relation franco-espagnole. Une entente entre les peuples ; le fait que nous ayons étendu la liberté, amélioré le dialogue, que nous exprimions le souhait de partager la reconnaissance de celui qui ne partage pas la même langue, la même histoire, et pourtant la volonté d’écrire l’histoire ensemble pour qu’elle soit plus forte, au bénéfice des générations à venir. Je crois que cet événement est un exemple de l’identité, de ce que nous appelons l’Union européenne. Cette union que nous voulons consolider encore aujourd’hui, grâce à sa Constitution.
Nous sommes ici, le président de la République française et le président du gouvernement espagnol, deux pays qui ont une longue histoire commune, avec des moments excellents ou plus difficiles. Mais aujourd’hui nous partageons quelque chose d’essentiel et c’est l’Europe. Nos deux peuples sont maintenant unis pour très longtemps, grâce au projet européen. Nous avons ici un leader politique, le président de la République, Monsieur Jacques Chirac, de centre-droite, et un président socialiste, qui défendent avec le même enthousiasme et la même force le "oui" à la Constitution européenne.
Je crois que c’est cela l’Europe, c’est l’unité, au-delà des peuples, des territoires et des clivages. Il est vrai que certains pourront se demander si Jacques Chirac est effectivement ou non un leader de centre-droite. Je le dis tout simplement lorsque l’on doit le comparer avec d’autres leaders politiques que nous connaissons bien. Quoi qu’il en soit, permettez-moi de profiter de cette cérémonie en faveur de la Constitution européenne pour reconnaître publiquement la position digne et courageuse de Jacques Chirac lorsqu’il s’est prononcé contre la guerre et en faveur de la paix au nom de toute l’Europe.
Mon second motif de satisfaction, c’est que cet événement se tient ici, en Catalogne, dans la ville de Barcelone. Jacques, nous sommes ici sur une terre, parmi un peuple, qui sont plus européens que quiconque au monde. Nous sommes sur une terre et face à un peuple qui a toujours été largement une référence en matière de vocation européenne, et qui démontré sa notion de la valeur du travail, de l’esprit d’entreprise, de la soif de culture, d’une vocation à la solidarité. C’est pourquoi cette terre et ce peuple ont écrit de très belles pages de l’histoire, et ils sont la meilleure manifestation de ce que signifie l’Europe. Merci à la Catalogne et aux Catalans.
Aujourd’hui, je répète quelque chose qui pourrait paraître évident pour tous les citoyens de notre pays, quelque chose que nous ne devons pas oublier si nous voulons être justes envers le passé récent : l’Europe et son unité ont permis, bien plus que tout autre élément, de consolider la paix et la démocratie, la paix et la démocratie en Europe, mais également en Espagne, la paix et la démocratie pour un nombre de pays de plus en plus important, pour des millions de citoyens et de citoyennes, et qui nous ont permis, enfin, d’éradiquer une fois pour toute la guerre et les dictatures sur le continent européen.
L’Europe et son Union nous ont menés sur la voie de la prospérité et de la solidarité. Personne ne mettra en doute le fait que nous vivons bien mieux au sein de l’Union européenne. L’expérience de l’Espagne constitue certainement un magnifique exemple à cet égard. Grâce à notre adhésion, nous avons assis des bases solides de stabilité économique et de progrès social. Et nous devons dire aujourd’hui à tous les citoyens que ces bases économiques solides et cette garantie de démocratie, cette tranquillité que donne la paix, vont être renforcées grâce à la Constitution européenne ; une Constitution qui nous donne une identité commune et qui, de plus et c’est là que se place sa grandeur, permet de sentir l’identité propre à chacun et chacune. Par exemple l’identité catalane, la profonde identité catalane, qui a vocation à se développer, à grandir. Sachez que tous ceux qui veulent développer cette identité catalane dans le cadre de l’Union européenne peuvent compter sur moi.
L’âme européenne, représentée par cette Constitution est forgée dans les droits des citoyens et des citoyennes, qui sont stipulés dans la Charte des droits fondamentaux et dans les principes essentiels de notre coexistence. Il y a parmi ceux-ci des principes, des aspirations, des conquêtes, qui ont demandé bien du temps pour apparaître dans les textes normatifs, dans les lois qui réglementent notre coexistence, telles que la non-discrimination, dans toutes les situations. Donc, non-discrimination de qui que ce soit : le temps de la non-discrimination des droits de toutes ces personnes est arrivé, indépendamment de leur condition. Le moment de la non-discrimination est venu et quand je parle de non-discrimination, je parle de l’Union européenne, et cela veut dire Constitution européenne.
En ce qui concerne la tolérance, l’Union européenne est une grande école de tolérance, où se rejoignent vingt-cinq pays, de nombreuses langues, et le catalan dans peu de temps, dans laquelle on trouve des pays qui représentent des cultures et des peuples bien différents. Et le principe directeur de notre façon d’être et d’agir, c’est le principe de tolérance. C’est un principe essentiel pour forger les meilleurs destins de cette coexistence : non-discrimination, égalité entre hommes et femmes, justice, tolérance. Tout cela est formulé dans le texte constitutionnel de façon moderne, de manière profonde, et surtout avec des garanties pour l’efficacité de leur mise en œuvre auprès de tous les citoyens et citoyennes de l’Union européenne.
Cette Constitution consacre également l’idée d’une Europe unie dans la diversité sans imposer de caractère uniforme, avec un respect considérable et expresse de la richesse culturelle, des singularités, des options et des intérêts pluriels qui existent au sein de l’Europe. Avec ce traité constitutionnel, on reconnaît et on part du point de vue que cette diversité se trouve dans la nature même de cette Europe. Donc la reconnaître, la préserver, c’est garantir le succès et la force de l’Union.
En Europe, il y a de la place pour tous et toutes, même si nous sommes nombreux : vingt-cinq Etats, quatre cent cinquante millions d’habitants qui veulent mettre en place un grand système de liberté, de démocratie, de solidarité, et de cohésion entre l’Etat et le citoyen. Une Europe qui recherche une croissance équilibrée pour tous ses membres, une Europe engagée vers un modèle social qui lui est propre, et qui n’est comparable avec aucun autre modèle social d’aucune autre région du monde ; un modèle social qui cherche à être le plus juste et le plus avancé du monde, orienté vers le plein-emploi et vers le développement durable.
C’est le grand projet que nous propose la Constitution européenne, voilà la chance à saisir, une chance historique qui s’offre à nous. Nous sommes témoins de cette chance historique et nous en sommes également les acteurs. Cette opportunité, qui nous appelle, pour que nous lui apportions notre espoir, qui doit nous permettre de voir comment nous allons refonder cette histoire pour la renforcer, comment nous allons nous unir un peu plus et faire que d’autres peuples du monde disposent de cette voix de l’Europe comme voix de référence pour leur propre développement.
Je crois qu’il s’agit donc que l’Europe soit réellement nôtre, de combler le fossé entre le projet européen et la réalité quotidienne des citoyens, que nous nous nous sentions partie prenante à ce projet de coexistence, qui a défendu par le passé au mieux les valeurs de progrès et les aspirations des citoyens.
Le vote sur la Constitution européenne est un acte de reconnaissance des succès auxquels l’Europe est parvenue jusqu’ici, et c’est aussi un vote d’espoir dans l’approfondissement d’un projet commun, ambitieux et digne. Un projet qui porte ses fruits, dont nous portons la responsabilité et que nous devons projeter vers l’avenir, pour les générations actuelles mais surtout pour les suivantes. C’est pour cela que nous sommes aujourd’hui réunis pour parler de la Constitution européenne, avec toute la charge symbolique que cela suppose.
C’est également pour cette raison qu’ici aujourd’hui à Barcelone, côte à côte avec le président Chirac, je vous demande de participer avec enthousiasme à ce référendum. Je suis intimement convaincu qu’il s’agit d’un moment unique pour exprimer notre appui inconditionnel au projet de l’Union européenne, et légitimer ainsi le projet constitutionnel. Je suis donc certain que le mieux à faire, c’est d’obtenir une participation maximale à ce processus électoral. Comme nous avons pu le constater, comme on a pu le démontrer tout au long de cette réunion à Barcelone avec le président Chirac, il ne s’agit pas d’une question partisane, parce que la décision que nous allons prendre, le 20 février, n’est pas la décision de partis, mais la décision de pays. C’est la décision de partager l’avenir avec les autres peuples d’Europe, afin que nous puissions tous connaître un XXIème siècle, qui ne soit pas un siècle de guerre et de dictatures, mais de paix et de liberté.
Nous, les Espagnols, Monsieur le Président Chirac, amis de la France et de toute l’Europe, nous savons quelle sera notre réponse : oui, nous voulons un avenir de liberté et de progrès, et nous le dirons le 20 février à voix haute et intelligible, pour que tous puissent nous suivre en Europe. Merci.
Source : Ministère français des Affaires étrangères
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