Les élections législatives allemandes ont certes donné la majorité qui lui manquait à la chancelière Angela Merkel, mais elles n’ont pas clarifié les fondements politiques du pays. L’Allemagne fédérale reste un État sous contrôle des troupes US et ses élites ont le regard fixé vers Washington. Karl Müller appelle à la restauration de la souveraineté.
Les élections au Bundestag allemand étant passées, on ne peut se contenter de laisser aux groupes parlementaires de la coalition qui se dessine, ni aux autres partis et à leurs organisations, ni non plus aux mass média pas vraiment libres, le soin de réfléchir à la future politique du pays.
Plus que jamais, c’est aux citoyens et citoyennes, à la société civile, de réfléchir, examiner, discuter des projets et de la façon de les mettre en place.
C’est pourquoi, les réflexions suivantes sont à prendre comme une invitation à nos lecteurs, notamment allemands, à déterminer eux-mêmes un « programme de gouvernement » des citoyennes et citoyens.
– 1. L’Allemagne doit s’efforcer d’être plus démocratique ! Ceci avait déjà été exigé il y a 40 ans par le chancelier allemand Willy Brandt. Malheureusement sans succès.
Le principe inscrit dans la Constitution que tout le pouvoir émane du peuple n’est pas assez pris au sérieux. En réalité, c’est un petit groupe, qui se prend pour une élite, qui décide de la politique du pays.
La façon de prendre les décisions, et les conséquences qui en découlent, sont devenus insupportables. De plus il est parfaitement absurde de prétendre que les citoyens ne sont pas capables de saisir les questions politiques et de prendre des décisions. Prétendre que seuls une « élite » et des « experts » peuvent s’en charger, est absurde et erroné.
– 2. À cela s’ajoute que dans la politique allemande les décisions ne sont pas prises de manière souveraine. Ce n’est pas uniquement parce que – comme tous les autres pays – l’Allemagne est tenue par des traités internationaux et est de plus membre de l’Union européenne et de l’OTAN.
Les élites politiques allemandes sont au service d’autres maîtres que du peuple allemand, ils trahissent constamment, en tant que membres du gouvernement, la Loi fondamentale et leur serment politique.
Ils violent aussi sans cesse le droit international du fait de leur allégeance à la politique des États-Unis et d’Israël. Ils couvrent, et de ce fait soutiennent, de graves crimes de guerre, de même que des crimes contre l’humanité et participent même à des guerres allant à l’encontre du droit international.
L’Allemagne est toujours occupée par des troupes étrangères. On prétend même qu’il y aurait des accords secrets suite auxquels le gouvernement allemand aurait renoncé à une partie de ses droits souverains [1]. Ce serait à vérifier d’urgence.
La souveraineté du peuple, telle qu’elle est comprise par le Tribunal constitutionnel dans ses décisions comme un droit fondamental de liberté et de démocratie, n’est pas divisible.
Une politique de grande puissance, de la part de l’Allemagne, dans l’intérêt de quelques-uns dans le pays ou à l’étranger, ne relève pas de la souveraineté, mais exprime bien la soumission d’un vassal qui recherche la protection de son maître.
– 3. L’Allemagne doit démilitariser radicalement sa politique étrangère. En effet, depuis 20 ans, soit depuis l’effondrement du bloc de l’Est et du rattachement de la RDA au territoire régi par la Loi fondamentale, l’Allemagne a, pas à pas, militarisé sa politique étrangère, en envoyant ses troupes dans des interventions à l’étranger, ce qui avait d’ailleurs été annoncé par le ministre de la Défense d’alors, Volker Rühe (CDU). C’est se moquer ouvertement des victimes des guerres et des destructions que de parler, comme le font les élites allemandes, de la nécessité de « surmonter le tabou frappant les questions militaires » (Gerhard Schröder) et de vouloir « transformer » la Bundeswehr en une armée destinée à s’engager en permanence dans le monde entier (Livre blanc de la politique de sécurité de l’Allemagne et de l’avenir de la Bundeswehr publié en 2006).
Le calcul politique, selon lequel on arriverait à habituer les gens à cette politique inhumaine, ne doit pas jouer. Ce serait un retour collectif dans la sauvagerie. Le fait que l’Allemagne mène depuis des années des guerres doit être mis en avant, afin de les faire cesser.
Si par contre, on entend dire en tout premier lieu dans les partis qui s’apprêtent à former le nouveau gouvernement allemand qu’il faut élever considérablement le plafond du nombre de soldats à envoyer en Afghanistan, c’est marquer une ignorance effrontée de la volonté de la majeure partie de la population, et cela mérite une réponse cinglante.
Au lieu d’occuper des pays militairement et de les soumettre économiquement, l’Allemagne devrait, en politique internationale, se mettre du côté des peuples opprimés, du droit international et de l’équité.
– 4. Le 11 septembre 2001 ne fut pas seulement le prétexte à des guerres dévastatrices, mais dès ce jour-là, en Allemagne comme dans d’autres pays, les droits à la liberté des citoyens et citoyennes furent limités et l’État s’est immiscé toujours plus profondément dans la sphère privée des gens.
Il apparaît de plus en plus avec certitude que l’État allemand se prépare activement en vue de désordres à l’intérieur, voire des affrontements au caractère de guerre civile, afin de pouvoir faire intervenir l’armée, à laquelle on donnerait l’autorisation de faire feu. Et c’est le Traité de Lisbonne lui-même qui s’en fait le garant.
Il existe des plans envisageant ces affrontements violents du fait d’un mécontentement aggravé, accompagné d’un énorme potentiel de violence dans la population. La situation est bien plus critique qu’on ne se l’imagine. Un auteur allemand, Udo Ulfkotte, en a tracé, dans son livre [2] un tableau édifiant. La situation est explosive, d’autant plus que certains services secrets mettent la main à la pâte.
Un retour en arrière exige un désarmement sur tous les plans, une modification de comportement – et surtout plus de justice.
– 5. Depuis 40 ans l’État allemand ne cesse de s’endetter, ayant accumulé dès avant la crise une dette énorme de 1,6 billions d’euros, qui exigent chaque année le paiement de 100 milliards d’euros d’intérêts à différents instituts financiers. Tout cet argent fait défaut ailleurs.
La crise financière mondiale a incité le gouvernement d’augmenter cet endettement de plusieurs centaines de milliards, ce qui fera grimper la dette à plus de 2 billions d’ici quelques années, si on ne donne pas un coup de barre.
Il est déjà trop tard pour s’opposer aux conséquences négatives de cet endettement. Néanmoins, un changement de cap se révèle nécessaire, se fondant sur un consensus de la société en ce qui concerne les tâches à accomplir, notamment les rentrées d’argent et les dépenses de l’État.
Seul un dialogue honnête et largement mené, sans idéologie, peut permettre de décider des tâches de l’État, cela de façon démocratique avec la participation de tous les citoyens et sans censure. Peut-être que l’Allemagne a besoin d’une réforme étatique et financière qui se fonderait – un peu comme en Suisse – beaucoup plus sur le principe de la subsidiarité, restreignant le rôle centralisateur de l’État, renforçant les petites unités au niveau des communes. L’article 146 de la Loi fondamentale offre la possibilité aux Allemands de se doter d’une nouvelle Constitution.
Il est grand temps d’engager une réflexion sur le comportement et les pouvoirs des instituts financiers, sur les dessous de leur politique. Il faut fondamentalement remettre en question la manière du financement des dépenses étatiques et privées.
– 6. Un point central du débat des citoyens doit être la justice sociale. Les différences de revenus, de fortunes et de position sociale, telles qu’elles se sont développées au cours des 20 dernières années vont à l’encontre du sentiment d’équité et menacent la paix sociale. La justice sociale présuppose un sentiment de communauté et n’a rien à voir ni avec un darwinisme social néolibéral, ni avec un État social agissant avec une largesse indigne, car s’en prenant à la liberté des gens.
La justice sociale ne se limite pas au fait de soutenir les malheureux en matériel ou en soins. Cela doit aller de soi.
C’est bien plutôt la possibilité pour tout un chacun de s’épanouir. Cela présuppose une vision de l’homme où chacun est capable de se développer en parfait accord avec sa dignité. Chaque être humain possède ce potentiel social et la communauté a le devoir de contribuer à sa réalisation.
– 7. Cela concerne aussi la vie professionnelle et économique. Là où l’homme n’est plus un loup pour l’homme, comme par exemple dans les entreprises familiales des couches moyennes, ou bien dans les coopératives où règnent les principes de l’entraide, du sens de la responsabilité et l’autogestion, là où les travailleurs gèrent avec succès leur entreprise, alors la possibilité d’un épanouissement est largement donnée, beaucoup plus que dans les grandes entreprises bureaucratisées et anonymes.
Dès lors qu’on produit pour le bien-être général on se préoccupe plus de l’environnement et donc du bien des générations futures. Une économie durable a plus de chance de réussite quand tout le monde se sent concerné et responsable.
– 8. C’est dès l’enfance que sont posés les fondements d’une vie commune future. Il faut donc dès leurs plus jeunes années développer le sens social des humains, de telle façon qu’il soit appliqué tout au long d’une vie. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, où l’on assiste à une déchéance et une violence accrues chez un toujours plus grand nombre d’enfants et d’adolescents – ce qui va dans l’intérêt de certains cercles.
« Je veux une jeunesse violente, dominatrice et cruelle […] sans aucune faiblesse ni tendresse. L’image du merveilleux carnassier, épris de liberté doit jaillir de ses yeux. » C’était le programme d’Adolf Hitler.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Qui veut faire dérailler nos enfants et notre jeunesse ? Des auteurs tels qu’Udo Ulfkotte [3] ou Thierry Meyssan [4] ont démontré que les manifestations violentes en France et en Grèce étaient dirigées par des services secrets.
Pour quelles raisons déploie-t-on tant d’efforts pour ancrer dans la tête de nos enfants le sens de la violence ? Cela demande d’urgence une correction. C’est une mission importante et fondamentale qui ne peut être accomplie que par un effort commun de toute la société.
– 9. Nos valeurs, qui reposent sur l’éthique, doivent être vécues réellement. Nous ne manquons pas de valeurs, mais on n’en tient que trop peu compte.
Un « programme de gouvernement » voulu par les citoyens et citoyennes, ne se défait pas de la responsabilité, mais la conforte d’un accord commun.
La démocratie, c’est beaucoup plus que d’aller aux urnes tous les quatre ans. C’est une question de conduite, de conception, la volonté de s’informer afin de se former une opinion et de l’afficher. C’est marquer son intérêt au bien-être commun et sa volonté d’y participer. C’est savoir écouter les autres et s’engager pour eux. C’est aussi la volonté de régler les conflits pacifiquement, par négociations. Savoir accepter des compromis et respecter les accords conclus, en se souvenant du contenu de l’article 1 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui affirme que tous les humains sont nés libres et égaux en droit et en dignité, cela dans le sens de la fraternité universelle. •
[1] On ignore le contenu exact des accords secrets signés par l’Allemagne lors de la fin de l’occupation militaire alliée. Ndlr.
[2] Udo Ulfkotte. Vorsicht Bürgerkrieg ! Was lange gärt, wird endlich Wut. [Attention, guerre civile ! Ce qui fermente longtemps, explose enfin], 2009, ISBN 978-3-938516-94-2
[3] Udo Ulfkotte. Der Krieg im Dunkeln. Die wahre Macht der Geheimdienste. [La guerre dans l’ombre. Le vrai pouvoir des services secrets], 2006, pp.56, ISBN 978-382 1855783
[4] « La CIA et le laboratoire iranien » et « La "révolution colorée" échoue en Iran », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 17 et 24 juin 2009.
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