Il fallait en finir avec notre principal fléau il y a 20 ans, le pouvoir soviétique, une bande de jésuites absolus qui avait tout le pouvoir entre les mains. Merci Mikhail Sergeïévitch Gorbatchev, si la Perestroïka n’avait pas eu lieu, je ne sais pas comment nous aurions fini. Le potentiel militaire était devenu critique, nos secrétaires généraux aimaient la guerre et la vie des Russes ne comptait pas pour eux. Vous savez que Plekhanov [1] ne soutenait pas Lénine, son élève qui voulait faire la révolution ? Il disait " on ne peut pas construire la démocratie là où elle n’a jamais existé et où le peuple ne comprend pas ce que c’est ". Les Russes sont monarchistes par nature, nous ne pourrons jamais oublier Staline car il était le dernier monarque, élu mais monarque. Nous nous sommes toujours battus pour le pouvoir et non pour la démocratie. Regardez les députés, ils défendent la liberté ? Non ils ont obtenu des traitements de ministres, des datchas, des voitures, des appartements. Le travail idéal pour un russe, c’est de ne rien faire et d’être payé pour. Pouchkine était d’accord, il pensait que la Russie était une nation jeune mais en même temps très vieille, millénaire. Elle a vieilli mais elle n’a pas grandi, elle n’est pas devenue plus sage.
Notre pays est culturellement désuni, c’est historiquement un mélange de culture villageoise paysanne basée sur l’église et la commune et de culture urbaine, de noblesse. C’est Lénine et non Hitler qui a organisé les premiers camps de concentration contre la culture bourgeoise, l’intelligentsia. La collectivisation a définitivement dévasté la culture villageoise. Nous avons perdu ces deux cultures et aucune ne l’a remplacée. Après cette procédure, le peuple ne peut pas se forger d’idée nationale. Les petits-bourgeois ont gagné, ils triomphent aujourd’hui. Je respecte énormément Poutine, je comprends l’état du pays dont il a hérité, un pays où la spéculation est l’activité préférée. J’ai espoir que nous puissions faire quelque chose de la génération qui grandit actuellement.
La constitution proposée par Sakharov il y a 20 ans n’a pas été acceptée car personne ne voulait perdre le pouvoir. Elle aurait permis de conserver une unité économique sur le territoire de l’ancienne URSS. Le Russe a besoin d’une idée pour avancer, il doit croire en quelque chose et Poutine a compris qu’il n’est pas possible de vivre en société sans une idée fédératrice. Où la trouver ? Nous sommes à la frontière entre l’Est et l’Ouest, entre l’Islam et le catholicisme et notre instinct est de chercher un ennemi sur lequel reporter nos peurs. Pourquoi vivons-nous mal ? C’est à cause de l’ennemi. Il reste beaucoup de gens très bien en Russie, ils vivent en majorité en province, là tout le monde se connaît, le grand capital ne les a pas corrompus, ils vivent différemment, dans la tradition familiale mais nous savons peu de chose sur eux.
« Мы вечно в поисках врага », par Boris Vassiliev, Argoumenty i Fakty, 16 mars 2005. Ce texte est adapté d’une interview.
[1] Premier grand théoricien du marxisme en Russie
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