Document de travail présenté par la République islamique d’Iran à la Conférence des Parties chargée d’examiner le Traité sur la non prolifération des armes nucléaires 2010

1. L’un des principaux problèmes rencontrés dans l’application du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), qui ne prévoit aucun mécanisme pour y faire face, est que certains États dotés d’armes nucléaires ne s’acquittent pas de leurs obligations. Le statut de l’AIEA prévoit bien un mécanisme pour vérifier que les États non dotés d’armes nucléaires s’acquittent de leurs obligations au titre de l’article III du Traité mais rien n’a été prévu en cas d’inobservation des autres dispositions du Traité, notamment par des États dotés d’armes nucléaires. Une des tâches principales de la Conférence d’examen est de recenser ces cas pour trouver moyen d’y répondre pleinement. La République islamique d’Iran souhaite présenter ci-après ses vues sur la question.

2. Les conférences d’examen ont pour mandat d’envisager des principes, des objectifs et des moyens s’agissant de promouvoir l’application intégrale du Traité, notamment le désarmement nucléaire, qui en est l’un des principaux piliers. La Conférence doit étudier de manière approfondie l’application des dispositions du Traité relatives au désarmement et à la non-prolifération nucléaires ainsi qu’à la promotion de la coopération sur les utilisations de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques, à savoir les articles I, III, IV et VI, ainsi que les objectifs énoncés dans le préambule du Traité.

3. Pour aborder la question du désarmement nucléaire, il faut assurément examiner les engagements passés non tenus et envisager des mesures concrètes de désarmement ainsi que de nouvelles initiatives visant à l’élimination complète des armes nucléaires. À cet égard, les États dotés d’armes nucléaires ont l’obligation fondamentale d’appliquer en particulier les dispositions visant à créer un monde totalement exempt de l’horreur qu’inspirent les armes nucléaires. Il était de bon augure qu’après la fin de la guerre froide et l’affrontement Est-Ouest, des tentatives soient faites par certains États dotés d’armes nucléaires pour réduire leur dépendance à l’égard de ces armes, sortir leurs armes nucléaires de l’état opérationnel et arrêter de cibler des États particuliers.

4. En revanche, certains faits nouveaux ont gravement porté atteinte à l’exécution des obligations de désarmement nucléaire au titre du Traité. Il est regrettable que certains aient propagé l’idée que les États dotés d’armes nucléaires n’avaient, au titre du Traité, aucune obligation juridique, voire politique, de procéder à un désarmement nucléaire. L’un de ces États dotés d’armes nucléaires a dit un jour que « l’article VI ne comprenait qu’une phrase » et a fait valoir que, comme il ne faisait pas référence aux États dotés d’armes nucléaires, ne prévoyait pas de calendrier et ne fixait pas de délai pour réaliser le désarmement nucléaire, « il ne laissait nullement entendre que le désarmement nucléaire devait précéder un désarmement général et complet ».

5. Malgré les grands espoirs d’une amélioration véritable que suscitait la Nuclear Posture Review (Évaluation du dispositif nucléaire) des États-Unis, avec la possibilité de dissiper les craintes existantes quant au rôle des armes nucléaires, la doctrine nucléaire de ce pays, qui vient d’être rendue publique, n’a pas été à la hauteur des attentes de la communauté internationale, et son examen révèle une tendance troublante et persistante. L’accent que continue de mettre cette doctrine sur le maintien des armes nucléaires, le recours à une politique de dissuasion obsolète, l’allocation de plusieurs milliards de dollars à la modernisation des arsenaux des États-Unis, la limitation des réductions des armements nucléaires à leur seul démantèlement qui implique que l’État en cause veut se soustraire à l’obligation de les éliminer, et l’invocation de nouveaux prétextes pour conserver des armes nucléaires indiquent clairement que les États-Unis n’ont toujours pas l’intention de s’acquitter des obligations que leur impose l’article VI.

6. Il ne fait aucun doute que la décision prise de moderniser les armes nucléaires et de consacrer des milliards de dollars à la construction de nouvelles installations nucléaires va à l’encontre de l’obligation qu’ont les États dotés d’armes nucléaires d’en réduire systématiquement le nombre et est une violation manifeste de l’article VI du Traité. Malgré les vives préoccupations exprimées par la communauté internationale, en particulier par le Mouvement des pays non alignés, les États-Unis n’ont pas tenu compte des inquiétudes suscitées par la modernisation de leurs arsenaux nucléaires et ont continué de construire de nouvelles installations, sous prétexte de disposer d’armes nucléaires plus fiables.

7. En outre, les États dotés d’armes nucléaires devaient, immédiatement et de bonne foi, œuvrer concrètement pour exécuter rapidement et sérieusement les obligations que leur impose le Traité, notamment l’article VI et honorer les engagements qu’ils ont pris au titre de la décision de 1995 sur les principes et objectifs de la non-prolifération et du désarmement nucléaires et de la résolution sur le Moyen-Orient. Toute réduction des armes nucléaires, qu’elles soient stratégiques ou non, devrait se faire de manière transparente, vérifiable et irréversible. Les réductions prévues par le nouveau traité START ne sont pas vérifiables sur le plan international, et elles ne sauraient donc dissiper les craintes des États parties.

8. La coopération en matière nucléaire des États-Unis avec le régime sioniste, ainsi que l’a nettement mis en évidence l’accord conclu lors de la visite en février 2000 du Secrétaire à l’énergie des États-Unis dans les territoires occupés, est en fait un autre aspect des violations par ce pays des obligations découlant de l’article I et une source de préoccupation pour tous les États parties au Traité, en particulier les pays du Moyen-Orient, qui y sont tous parties. Cet accord prétendument conclu à des fins pacifiques et au titre de la coopération nucléaire entre les États-Unis et le régime sioniste est aussi une violation manifeste du paragraphe 2 de l’article III, selon lequel la coopération de tout État partie au Traité pour la fourniture d’équipements ou de matières à des fins pacifiques n’est autorisée que si les matières brutes ou les produits fissiles spéciaux sont soumis aux garanties requises par le Traité. Les installations nucléaires militaires et l’arsenal nucléaire du régime sioniste, qui ne sont pas soumis aux garanties, constituent une menace réelle pour tous les pays de la région et pour la paix et la sécurité internationales. Le deuxième accord signé par le Directeur de la Commission israélienne de l’énergie atomique et le Président de la Commission de réglementation nucléaire des États-Unis, qui permet au régime sioniste d’accéder à la plupart des données et technologies nucléaires les plus récentes disponibles aux États-Unis, constitue un autre exemple de non-respect par ce pays des dispositions du Traité. Les États-Unis n’hésitent apparemment pas à appuyer le programme d’armements nucléaires de ce régime et le document classé secret défense en date du 23 août 1974 qui a été divulgué montre clairement le rôle joué par les États-Unis pour doter le régime sioniste d’armes nucléaires.

9. En outre, sur la question du partage nucléaire, les États dotés d’armes nucléaires sont tenus d’honorer l’engagement qu’ils ont pris d’appliquer intégralement l’article I. Ils devraient éviter toute mise en commun d’armes nucléaires, au titre d’arrangements de sécurité de quelque nature que ce soit entre eux, avec des États non dotés d’armes nucléaires ou des États non parties au Traité.

10. Il faut interdire le transfert d’équipements, d’informations, de matières, d’installations, de ressources ou de dispositifs nucléaires et la fourniture d’une assistance scientifique ou technologique dans le domaine nucléaire pour accroître la capacité nucléaire militaire de tout État, sans exception, qui n’est pas partie au Traité, en particulier du régime sioniste, dont les installations nucléaires non soumises à garanties menacent la sécurité et la stabilité au Moyen-Orient. La Conférence d’examen devrait à cet égard prendre clairement la décision d’interdire tout partage d’armes nucléaires et toute coopération entre les États parties et non parties au Traité. La Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction pourrait servir d’exemple à cet égard.

11. S’agissant de l’article III, la nouvelle décision du Groupe des fournisseurs nucléaires, un Groupe fermé et opaque qui prétend avoir été créé pour renforcer le régime de non-prolifération, a gravement porté atteinte au Traité. Cette décision est une violation manifeste du paragraphe 2 de l’article III qui dispose que la coopération de tout État partie au Traité pour la fourniture d’équipements ou de matières à des fins pacifiques n’est autorisée que si les matières brutes ou les produits fissiles spéciaux sont soumis aux garanties requises par le Traité.

12. Ladite décision, qui a été adoptée sous la pression des États-Unis, constitue également une violation de l’engagement de promouvoir l’universalité du Traité, pris par les États dotés d’armes nucléaires, au titre de la décision de 1995 sur les principes et objectifs de la non-prolifération et du désarmement nucléaires ainsi que du Document final de la Conférence des Parties chargée d’examiner le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires en 2000. La décision de ce Groupe est contraire à l’obligation de promouvoir l’universalité du Traité et a gravement compromis son autorité et son intégrité. Cette décision est une nouvelle manifestation de la politique des deux poids, deux mesures et de discrimination pratiquée dans l’application des dispositions du Traité.

13. Cela fait longtemps que les États-Unis n’exécutent pas les obligations que leur impose le Traité, lequel dispose en son article I que « tout État doté d’armes nucléaires qui est Partie au Traité s’engage à ne transférer à qui que ce soit […] des armes nucléaires », puisqu’ils ont transféré des centaines d’armes nucléaires à certains États qui n’en sont pas dotés, sous l’égide de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord. Les armes nucléaires déployées par les États-Unis dans d’autres pays sont totalement intégrées dans l’infrastructure militaire de ces derniers.

14. La recherche commune sur les têtes nucléaires menée par deux États dotés d’armes nucléaires constitue un motif de préoccupation grave pour les États qui n’en sont pas dotés et est un exemple de violation grave de l’article I du Traité. D’après des données publiées le 9 février 2009, l’armée américaine utiliserait une installation d’armes atomiques en Grande-Bretagne pour mener des recherches sur son propre programme de têtes nucléaires. À cet égard, des responsables de la défense des États-Unis ont déclaré que des recherches « d’une grande importance » sur les têtes nucléaires avaient été menées à l’Atomic Weapons Establishment d’Aldermaston (Berkshire) dans le cadre d’un accord secret liant les Gouvernements américain et britannique.

15. Les mesures prises pour moderniser les armements nucléaires en s’accrochant à des arrangements et à des justifications surannés datant de la guerre froide amènent l’opinion publique à se poser sérieusement des questions. Le déploiement de centaines d’armes nucléaires dans des États qui n’en sont pas dotés et la formation dans les pays hôtes de pilotes de bombardier capables de manipuler et de lâcher les bombes nucléaires américaines sur des États dotés ou non d’armes nucléaires vont à l’encontre de la lettre et de l’esprit du Traité et constituent une inobservation manifeste du Traité par les États-Unis et l’Union européenne. Il est frappant de relever que la nouvelle Nuclear Posture Review des États-Unis admet clairement cette inobservation du Traité et indique que les armes nucléaires déployées dans les États de l’Union européenne y demeureraient. La Conférence d’examen ne saurait rester indifférente face à cette violation évidente du Traité. En outre, le risque d’incidents nucléaires dus à des activités terroristes nécessite une solution viable pour faire face à ces transferts d’armes. Ceci a amené un grand nombre de personnes, y compris les parlements de ces pays, à demander l’exécution des obligations énoncées dans le Traité et le retrait des forces nucléaires de leurs territoires.

16. Les États-Unis et d’autres États nucléaires persistent à invoquer, ce qui est dangereux, des doctrines obsolètes et le rôle traditionnel de la « dissuasion ». Depuis que les premières bombes atomiques, d’un pouvoir de destruction 10 000 fois supérieur à celui des dispositifs explosifs antérieurs, ont été larguées sur Hiroshima et Nagasaki en août 1945, les États-Unis ont conçu et fabriqué des bombes thermonucléaires 1 000 fois plus destructrices que les bombes à fission. Le maintien de milliers de ces bombes dans les arsenaux des États-Unis et d’autres puissances nucléaires menace la civilisation et l’humanité elle-même, en proie à l’horreur et à la panique. En persistant à conserver des bombes nucléaires ou en se contentant de démanteler certaines d’entre elles, les États nucléaires sont eux-mêmes source de prolifération. Tant qu’un seul État doté d’armes nucléaires ou une seule puissance nucléaire non partie au Traité insistera pour conserver l’option nucléaire, les autres États dotés d’armes nucléaires feront de même et l’on ne sortira jamais de ce cercle vicieux. Aussi, les États non dotés d’armes nucléaires qui ont déjà renoncé à l’option nucléaire s’interrogent à juste titre sur la raison d’être de ces armes terribles. Dans quelles circonstances et à quelles fins l’emploi ou la menace des pires armes de destruction massive les plus destructrices qui soient pourraient-ils jamais être justifiés ?

17. La France a également annoncé l’ajout à son arsenal nucléaire d’un sous-marin nucléaire lanceur de missiles balistiques. Le Président français aurait déclaré que « les forces nucléaires françaises étaient un élément clef de la sécurité du continent européen ». Au mépris de ses obligations internationales, la France s’efforce de trouver et de définir de nouveaux rôles et de nouvelles missions pour ses forces nucléaires, afin de justifier leur maintien malgré la fin de la guerre froide. Ce faisant, il a même recouru à des méthodes irresponsables telles que la manipulation du renseignement et la peur pour promouvoir des programmes qu’autrement sa population n’appuierait pas.

18. Qui plus est, des responsables français ont récemment annoncé qu’ils entendaient mettre au point un nouveau plan de modernisation des arsenaux nucléaires et des forces armées et qu’ils affecteraient 377 milliards d’euros à ce plan d’ici à 2020, ce qui représente une nouvelle violation du régime du Traité. Ces faits sont des plus préoccupants et méritent d’être pris au sérieux par la prochaine Conférence d’examen.

19. La décision du Royaume-Uni de renouveler et de continuer à renforcer son arsenal nucléaire en approuvant le programme Trident est totalement contraire à l’article VI du Traité et va à l’encontre de la décision unanime de la Conférence d’examen de 2000. Le programme Trident peut provoquer et, en réalité, élargir la course aux armements nucléaires au-delà de la rivalité traditionnelle entre les deux plus grandes puissances nucléaires ; c’est donc une source particulière de préoccupation pour la communauté internationale et un échec manifeste des efforts déployés dans le monde pour promouvoir le désarmement et la non-prolifération nucléaires. Malgré les appels lancés par la communauté internationale et l’opinion publique pour qu’il soit mis fin à ce projet, des responsables du Royaume-Uni ont annoncé que des milliards de livres sterling seraient alloués à un programme visant à remplacer les sous-marins nucléaires Trident de la Grande-Bretagne.

20. L’inexécution des obligations énoncées dans le Traité ne se limite pas à la violation des articles I, III et VI de celui-ci par les États-Unis et leurs alliés. Certains États ont aussi constamment violé les dispositions de l’article IV, qui prévoit une coopération internationale et des transferts de technologies nucléaires pacifiques aux États parties au Traité. À l’encontre de ces obligations, les États-Unis sont à l’origine des restrictions unilatérales imposées à cet égard aux États parties au Traité, en particulier aux pays en développement. Ce non-respect de l’article IV du TNP mérite d’être examiné de manière approfondie par la Conférence d’examen.

21. Tous les États parties au Traité non dotés d’armes nucléaires considèrent qu’ils ont un droit inaliénable de chercher à acquérir la technologie nucléaire à des fins pacifiques et à la développer, et qu’ils peuvent donc investir des ressources humaines et matérielles dans ce domaine. Les restrictions imposées par les fournisseurs nucléaires qui visent des programmes nucléaires à des fins pacifiques peuvent affecter l’ensemble de l’industrie et toutes les sources possibles d’approvisionnement en matériels et équipements des États parties au Traité, ce qui compromet gravement les plans de développement, en particulier dans les pays en développement. Les violations manifestes de l’article IV par certains États qui empêchent des États parties d’exercer leur droit inaliénable, tout comme les sanctions illégales et unilatérales, sont des plus préoccupantes pour les pays en développement. La Conférence doit étudier sérieusement ce problème.

Référence ONU : TNP/CONF.2010/WP.62