Les élections du 30 janvier en Irak ont montré la complexité des conséquences du renversement de Saddam Hussein. Il faudra du temps pour juger les conséquences de l’invasion états-unienne. Toutefois, ceux qui annonçaient l’apocalypse se sont trompés : les élections n’ont pas été la débâcle annoncée, la participation été élevée et malgré la prolifération des listes, on voit une majorité se dégager à l’assemblée irakienne. Toutefois, le boycott sunnite a pour conséquence une assemblée irakienne ne reflétant pas de façon adéquate la mise en place d’un gouvernement stable et cohérent. Cependant, malgré ses imperfections, cette élection marque un tournant dans l’histoire irakienne : la fin de la domination sunnite.
Si les électeurs kurdes et chiites ont suivi leurs dirigeants communautaires et ont voté, ce n’est pas par attachement à la démocratie mais parce qu’ils ne veulent plus être sans pouvoir. C’est également la raison du boycott sunnite. Ces derniers n’acceptent pas leur perte de pouvoir. Toutefois, le jury n’a pas encore rendu son verdict concernant la transformation de l’Irak. Rien ne dit que les élus, peu habitués à cet exercice, parviendront à former une coalition. Il n’y a pas non plus de garantie que l’on n’aboutira pas à une théocratie à l’iranienne, même si les propos des chiites sont plutôt rassurants. Difficile également de savoir comment évoluera la question kurde.
On s’oriente sans doute vers une situation marquant peu de différences par rapport à ce qui se passait avant les élections. Nous n’assistons ni à une victoire de la démocratie, ni à une descente dans l’anarchie. Toutefois, la fin de l’hégémonie sunnite est un fait. L’émergence d’un pays arabe dominé par les chiites aura de grandes conséquences pour la cohésion du nationalisme arabe.

Source
Daily Star (Liban)

« Neither a democratic victory nor a descent into anarchy », par Shlomo Avineri, Daily Star, 23 mars 2005.