Je suis convaincu qu’un très grand nombre de gens vont changer d’avis quant au référendum sur le traité constitutionnel, dans un sens comme dans l’autre. En ce début de campagne, les défenseurs du « oui » à ce texte ont cru que la victoire allait de soi et ils ont trop tardé à se construire un argumentaire solide. Pour relancer la campagne du « oui », il faut écouter les Français.
Le débat n’appartient pas qu’aux formations politiques, nous devons entendre la voix des associations, des défenseurs des droits de l’homme, des droits des enfants, des défenseurs de la paix, de la laïcité et des Églises. Tous doivent défendre les valeurs du modèle démocratique européen, qui est peut-être une évidence à nos yeux, mais qui, à l’échelle de la planète, reste une exception. La campagne référendaire doit être la campagne des peuples européens.
Ce traité est tout sauf un traité libéral. Pour la première fois, un texte européen prend en compte le fait social. L’expression « cohésion sociale » y figure même. La véritable avancée du texte est dans l’affirmation d’un modèle social européen, fondé sur l’égalité des droits, l’égalité entre les hommes et les femmes, le droit à l’information des salariés, la lutte contre les discriminations, les droits de l’homme. C’est donc l’énoncé de valeurs communes à nos 25 démocraties. Quand la France est inquiète, elle a tendance à se retourner vers l’État. Du coup, tout ce qui est perçu, à tort ou à raison, comme affaiblissant l’État, comme remettant en cause la proximité des services publics, est rejeté.
Il ne faut pas se tromper de débat, l’enjeu du référendum n’est pas de choisir le candidat à l’élection présidentielle, de désigner un nouveau gouvernement ou de remettre en cause l’organisation du Parti socialiste. De grâce, ne créons pas de débat de politique intérieure au sein du débat européen !

Source
Le Figaro (France)
Diffusion 350 000 exemplaires. Propriété de la Socpresse (anciennement créée par Robert Hersant, aujourd’hui détenue par l’avionneur Serge Dassault). Le quotidien de référence de la droite française.

« Ce traité est tout sauf libéral », par Jean-Louis Borloo, Le Figaro, 31 mars 2005. Ce texte est adapté d’une interview.