Au Liban, Najib Mikati est en train de former son gouvernement. Celui-ci aura surtout pour tâche d’organiser les prochaines élections dans le contexte du départ des troupes syriennes. Aujourd’hui, les protagonistes libanais sont tournés vers l’échéance électorale et surtout vers ses suites, qui pourraient bien être un accroissement des exigences états-unienne pour un désarmement du Hezbollah.
Dans une lettre ouverte à un ami anonyme, publiée par Le Figaro, Hassan Nasrallah secrétaire général du Hezbollah, dénonce l’influence d’Israël et des États-Unis dans les bouleversements que connaît son pays. Il affirme que si son parti est désarmé, Israël pourra alors agir à loisir au Liban. Il demande à la France de cesser sa politique ayant mené à l’adoption de la résolution 1559 et, au contraire, d’aider à l’unification nationale libanaise. Dans le même quotidien, Fouad Naïm, directeur de Radio Orient, se réjouit du départ syrien et de la victoire de l’opposition, qu’il annonce comme la gagnante de l’élection à venir. Bien que le postulat de départ de l’auteur soit le contraire de celui d’Hassan Nasrallah, il arrive à la même conclusion que le secrétaire général du Hezbollah : à l’heure actuelle, compte tenu du contexte régional et national, le désarmement du « parti de Dieu » n’est pas possible. Il n’est envisageable que dans le cadre d’un accord de paix régional. Il demande donc à la communauté internationale d’accepter les propositions de négociations de Bachar El Assad.

Pendant ce temps, aux États-Unis, le débat sur le remodelage du Proche-Orient se poursuit. Toutefois, loin de s’interroger sur la pertinence d’une telle politique, ce sont les méthodes à employer ou les cibles prioritaires qui font débat. Ce n’est pas l’impérialisme qui pose question chez les élites états-uniennes, mais son application. Faut-il privilégier la force ou employer la méthode douce « à l’ukrainienne » ? Sur quel pays s’appuyer ? Quelle place réserver à Israël dans ce schéma ?
Augusto Lopez-Claros du Forum économique mondial et Danielle Pletka de l’American Enterprise Institute appellent les pays arabes à la réforme dans l’International Herald Tribune et se montrent menaçants. Plus qu’une démocratisation, c’est à une réforme économique libérale qu’ils appellent ces pays. Selon eux, il s’agit du seul moyen de permettre la croissance économique. Il s’agit surtout d’un moyen d’ouvrir davantage ces pays aux capitaux états-uniens. Les auteurs justifient ces transformations au nom de la lutte contre le terrorisme, mais plus encore de la lutte contre l’installation de régimes hostiles aux États-Unis. Dans ce texte, on note que comme au temps de la Guerre froide, la démocratisation n’est pas tant un objectif en soi qu’un moyen d’installer des régimes plus efficaces que les précédents. Les auteurs concluent leur texte par une mise en garde : si les pays n’évoluent pas par eux mêmes, alors ils doivent s’attendre à des révolutions. Ce qui se passe au Liban semble dans toutes les têtes.
La Jordanie, pays allié de Washington, pourrait bien être sur la liste des pays à « réformer » suivant cette logique. L’ancienne conseillère de Madeleine Albright, Maggie Mitchell Salem, note dans le Daily Star que les néo-conservateurs préparent l’opinion états-unienne à une politique plus agressive contre Amman comme ils le font déjà avec l’Égypte et l’Arabie saoudite. Pour l’auteur, la monarchie hachémite s’est crue protégée en raison de sa docilité sur le plan internationale, mais aujourd’hui il lui faut également accepter que les États-Unis fixent sa politique intérieure. C’est la soumission la plus totale qui est désormais exigée. Démonstration de ce principe, la représentante républicaine de Floride, Ileana Ros-Lehtinen se livre à une tentative de racket dans le Jerusalem Post : si les États arabes n’utilisent pas les revenus du pétrole pour financer l’Autorité palestinienne comme le souhaite Washington et Tel-Aviv, le Congrès états-unien pourrait les considérer comme des ennemis. Avec les conséquences que cela implique.

La politique à adopter vis-à-vis d’Israël est débattue à Washington. Pour certains, Tel-Aviv est un allié contre les Arabes et il faut le soutenir coûte que coûte ; pour d’autres, le remodelage en douceur du Proche-Orient via des révolutions colorées ne peut avoir lieu que si on parvient à faire lâcher du lest à Israël et qu’on lui fait adopter une position moins jusqu’au boutiste. Le chercheur français Pascal Boniface revient sur ce débat dans deux textes publiés le même jour.
Dans une interview au site Oumma.Com consacrée à la politique étrangère des États-Unis et au « choc des civilisation », il affirme que les néo-conservateurs sont en train de créer les conditions d’une confrontation avec le monde musulman. Suivant cette logique, ils ne souhaitent rien imposer à Israël, un allié précieux. Cette alliance pourrait même aller jusqu’à l’adhésion à l’OTAN. Dans Gulf News, l’auteur examine cette éventualité et note des signes inquiétants d’un rapprochement entre l’Alliance atlantique et le gouvernement Sharon. Rappelant que l’OTAN a encore théoriquement comme seule mission la défense de l’Europe occidentale, il met en garde les Européens contre cette adhésion : les intérêts d’Israël ne sont pas ceux de l’Europe.

Alors qu’on débat de l’avenir de la défense européenne et de l’OTAN, le ministre allemand de la Défense, Peter Struck décrit dans les grandes lignes sa politique dans une interview au Berliner Zeitung. Pour lui, l’Allemagne a réussi à dépasser le tabou de la modernisation de l’armée et du déploiement des troupes à l’étranger. Il faut poursuivre ce processus et construire une armée allemande modernisée. Il s’abstient par contre de décrire précisément dans quel cadre devraient servir ces troupes, une défense européenne indépendante ou l’OTAN ?