Le Liban semble depuis 30 ans être destiné à toujours devoir faire appel à une puissance étrangère pour se débarrasser d’une autre, avant d’en appeler une nouvelle. Ce sera la Syrie contre l’OLP, Israël contre la Syrie et l’OLP, à nouveau la Syrie contre Israël et enfin... la France, les États-Unis et le monde entier contre la Syrie. A chaque fois, ces changements ont coûté leur lot de victimes.
Galvanisée par un assassinat et aidée par une conjoncture internationale favorable, l’opposition libanaise vient de réussir l’impensable : bouter la Syrie hors du Liban. Après plus de quinze ans d’un pouvoir suffoquant et sans partage, Damas va retirer ses troupes et ses services de renseignement mais gardera de toute évidence une présence "politique" certaine. Damas garde en effet sur place un allié de taille dans le Hezbollah, qui partage avec la Syrie la volonté de résister à Israël et de s’opposer au plan d’un "Grand Moyen-Orient" américain. Cette alliance est d’autant plus fondée que le Hezbollah est la prochaine victime désignée de la résolution 1559. Il semble que les États-Unis soient prêts à lâcher du lest et à accorder un moratoire, mais tôt ou tard les États-Unis demanderont au prochain gouvernement, vraisemblablement formé par l’actuelle opposition, de désarmer le parti chiite. Le risque d’un retour de la Guerre civile avec l’application de cette mesure est grand.
À Beyrouth, certains veulent croire que sans la tutelle syrienne le Hezbollah déposera les armes de lui-même. C’est oublier que ce parti se veut l’avant garde de la résistance à Israël et qu’il n’est pas le " client " de Damas. Quand le cheikh Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, affirme que ses combattants ne sont pas des mercenaires à la solde de Damas, ce n’est pas pour prendre ses distances vis-à-vis de la Syrie, mais au contraire pour mieux souligner que son alliance avec ce pays est d’ordre stratégique et non une relation de maître à esclave. Si on veut désarmer le Hezbollah, il faut avant tout organiser une solution pacifique régionale qui inclut la Syrie. Par deux fois, Bachar el-Assad a proposé l’ouverture de négociations ; il faut espérer que la communauté internationale répondra à cet appel.

Source
Le Figaro (France)
Diffusion 350 000 exemplaires. Propriété de la Socpresse (anciennement créée par Robert Hersant, aujourd’hui détenue par l’avionneur Serge Dassault). Le quotidien de référence de la droite française.

« Soigner la Syrie pour épargner le Liban », par Fouad Naïm, Le Figaro, 15 avril 2005.