Les élections britanniques auront lieu le 5 mai prochain. Le programme travailliste s’abstient de toute référence à la guerre d’Irak et une bonne partie de la presse, qui a soutenu cette opération militaire, évite également la question. À l’opposé, The Guardian se fait le porte-voix de tout ceux qui veulent punir Tony Blair pour son soutien aveugle à l’administration Bush.
L’ancien sous-secrétaire à la Défense états-unien, Dov S. Zakheim, explique aux lecteurs du quotidien arabe de Londres Dar Al-Hayat l’importance des ONG dans la « démocratisation » du Proche-Orient. Pour lui, les États-Unis ont initié un processus de libéralisation du Proche-Orient qui doit être rendu irréversible par le soutien à la société civile. Insistant sur l’importance de donner un visage arabe à cette réforme, il récuse toute possibilité de concevoir des sociétés séculières dans les pays musulmans (bien que la Turquie soit un pays musulman laïque comme l’était l’Irak avant l’invasion). Ce faisant, il vend à l’avance à l’opinion arabe les prochaines campagnes de déstabilisation sur le modèle de la « Révolution du Cèdre », mais en passant par des ONG ou des groupes religieux.
L’une des prochaines cibles de ces campagnes de déstabilisation pourrait être l’Égypte, pays qui suscite toujours plus d’intérêt chez les faucons et qui subit une pression constante dans les médias alors même que le président Hosni Moubarak prépare sa succession. Une pression qui rappelle aux pays arabes que personne n’est à l’abri de la politique de remodelage du Proche-Orient.
La journaliste états-unienne Maria Golia commente l’attentat du 7 avril au souk du Caire dans le Daily Star et profite de l’occasion pour reprendre la vulgate rhétorique ayant permis de passer de la guerre au terrorisme à la « guerre à la tyrannie » : l’Égypte est une société sclérosée qui développe le désespoir dans son peuple et ce désespoir alimente le terrorisme. Minimisant les dernières réformes électorales promises par Hosni Moubarak, elle demande à l’Égypte d’aller plus loin. Ce texte peut être interprété comme un soutien à une tribune publiée quelques jours plus tôt dans le même quotidien. Mona Makram-Ebeid secrétaire générale du parti d’opposition égyptien Hizb al-Ghad s’y exprime sur la réforme des institutions égyptiennes dans un texte diffusé par Project Syndicate et publié par le Daily Star et le Taipei Times. Bien qu’elle affirme être favorable à une réforme fondée sur l’histoire et la culture égyptienne (comme Dov Zakheim) et ne pas répondre aux pressions des États-Unis, le moins que l’on puisse dire est que son texte vise avant tout à séduire l’opinion anglo-saxonne. Elle affirme par exemple que son parti s’inspire de l’esprit qui animait l’Égypte avant la révolution de 1952, c’est à dire à l’époque du protectorat britannique, et son parti a pour projet une nouvelle constitution dont les premiers mots sont une adaptation de celle des États-Unis : « Nous, le peuple d’Égypte ». Enfin, elle affirme que les transformations du système politique égyptien sont le fruit de la politique de l’administration Bush.
Les élections britanniques auront lieu le 5 mai prochain. Elles pourraient permettre à Tony Blair d’obtenir un troisième mandat historique. Les sondages en font d’ailleurs le favori du scrutin. Dans cette campagne, le programme travailliste s’abstient de toute référence à la guerre d’Irak et une bonne partie de la presse, qui l’a soutenue, évite également la question. Le Premier ministre sortant a d’ailleurs reçu le soutien des organes de presse de l’empire de Rupert Murdoch. S’opposant à cette tendance, le quotidien de gauche britannique, The Guardian se fait le porte-voix de tout ceux qui veulent punir Tony Blair par les urnes pour son soutien aveugle à la politique de l’administration Bush.
L’opposante irakienne, Haifa Zangana a été la première à s’insurger contre l’oubli de la guerre dans la campagne. Rappelant la propagande travailliste sur l’Irak avant guerre, elle met en évidence qu’aucune des promesses n’a été tenue : le terrorisme qui n’existait pas en Irak est aujourd’hui une réalité, la démocratie est absente et les conditions de vie des Irakiens ne se sont pas améliorées. Pourtant, aujourd’hui le gouvernement souhaite faire passer cette question à la trappe. Elle appelle les électeurs à remettre cette question dans le débat et à sanctionner M. Blair. Il ne faut pas oublier les crimes commis lors de cette guerre illégale. S’associant à ce point de vue, l’analyste des questions géostratégiques du Guardian, Jonathan Steele, et le journaliste états-unien, Dahr Jamail, estiment qu’à l’occasion de l’offensive contre Falloudja, les Britanniques se sont rendus complice d’un nouveau Guernica. Pire encore, au moment où Robert B. Zoellick se rend sur les lieux du crime pour voir par lui même les effets de cette attaque, Tony Blair et Jack Straw se refusent à aller constater ce à quoi ils ont participé. L’historien et écrivain britannique, Richard Gott, compare la situation actuelle aux années 1930. Retournant l’accusation traditionnelle contre les pays s’opposant à la guerre d’Irak, il estime que c’est Tony Blair, et non le « camp de la paix », qui est comparable à Neville Chamberlain. En faisant tout pour contenter les États-Unis en dépit de leur politique d’agression, il a fixé son action dans la droite ligne du signataire des accords de Munich. L’auteur appelle la Grande-Bretagne à changer de bloc d’alliance, comme l’ont fait les Espagnols, et de rejoindre l’axe continental Paris-Berlin-Moscou-Pékin contre Washington. Pour cela, il appelle les électeurs à voter pour tous les partis qui se sont opposés à la guerre, espérant qu’ils pourront former une coalition chamboulant les lignes de partages traditionnels du pouvoir.
Comme beaucoup au Royaume-Uni, l’auteur souhaite la fin du bipartisme britannique tel qu’il existe depuis près de 60 ans, espérant que le nouveau clivage se fera sur l’attitude à tenir face aux États-Unis.
Le réalisateur et acteur britannique, Lord Richard Attenborough, militant historique du New Labour, essaye d’éteindre l’incendie. Toujours dans le Guardian, il explique aux lecteurs qu’il faut faire abstraction de la guerre d’Irak et observer les réalisations du gouvernement travailliste dans les services publics et l’aide au développement des pays pauvres. On aurait pu espérer une autre réaction au néo-colonialisme de Tony Blair, de la part de celui qui avait illustré les massacres commis par le colonisateur britannique en Inde, dans son film Gandhi.
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