Bonsoir, tout le monde.

Je vous remercie des propos que vous venez de tenir, Strobe, et de votre amitié longue de nombreuses années. C’est pour moi un vif plaisir que de me joindre à vous pour ce premier forum États-Unis-Islam qui se tient en Amérique. Son Excellence l’émir et le peuple du Qatar ont accueilli ce forum pendant des années avec générosité. Comme Strobe vient de le dire, j’ai participé au forum tenu à Doha l’année dernière à titre d’invitée, et ce fut pour moi un honneur. Aujourd’hui, je suis ravie de vous accueillir à Washington. Je tiens à remercier Martin Indyk, Ken Pollack et le centre Saban de l’institut Brookings d’avoir pris la relève et élargi l’auditoire. Je veux aussi saluer tous mes collègues du corps diplomatique qui sont présents parmi nous ce soir, notamment le ministre d’État des affaires étrangères du Qatar, le ministre des affaires étrangères de Jordanie et le secrétaire général de l’Organisation de la conférence islamique.

Au fil des ans, le Forum États-Unis-Islam a fourni l’occasion de célébrer les réalisations diversifiées des musulmans à travers le monde. Du Qatar, pionnier de solutions énergétiques novatrices et futur hôte de la Coupe mondiale, aux pays aussi divers que la Turquie, le Sénégal, l’Indonésie et la Malaisie, tous offrent leur propre modèle de prospérité et de progrès.

En outre, ce forum nous procure l’occasion de discuter de l’ensemble des défis, diversifiés eux aussi, auxquels nous nous heurtons tous, à savoir la nécessité de faire face à l’extrémisme violent, l’urgence qu’il y a de parvenir à la création de deux États à l’issue d’une solution négociée entre Israël et les Palestiniens, l’importance aussi qu’il y a d’épouser la cause de la tolérance et des droits universels de l’homme dans toutes nos communautés.

Je tire une fierté particulière du fait que, cette année, le Forum prend acte des apports des milliers de musulmans américains qui font tant pour assurer la force de notre pays. Comme l’a dit le président Obama au Caire, « l’islam a de tout temps fait partie de l’histoire de l’Amérique », et jour après jour les musulmans américains nous aident à écrire de nouvelles pages.

Je n’ai pas besoin de rappeler à cet auditoire distingué que nous sommes réunis à un moment historique pour une région en particulier, celle que forment le Proche-Orient et l’Afrique du Nord. Aujourd’hui, le long hiver arabe commence à connaître le dégel. Pour la première fois depuis des dizaines d’années, une occasion réelle de changement durable se présente, une occasion réelle offerte aux peuples de faire entendre leur voix et de voir leurs priorités entrées en ligne en compte.

Cette situation nous amène tous à nous poser des questions majeures :

Les peuples et les dirigeants du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord vont-ils chercher maintenant à résoudre les problèmes politiques, économiques et sociaux qui persistent dans la région en agissant dans un plus grand souci d’inclusion ? Vont-ils faire fond sur les progrès des dernières semaines et répondre aux aspirations, si longtemps déniées, à la dignité et aux chances de réussir ? Ou bien, lorsque nous nous réunirons dans le cadre de ce forum dans un an, dans cinq, ou dans dix, les perspectives de réforme se seront-elles dissipées et nous souviendrons-nous de ce moment comme d’un mirage dans le désert ?

Seuls les peuples et les dirigeants du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord sont en mesure de répondre à ces questions. Les États-Unis ne possèdent certainement pas toutes les réponses. En fait, ici même à Washington, nous nous creusons la cervelle pour tenter de résoudre nos difficultés politiques et économiques. Pour autant, les États-Unis sont déterminés à œuvrer en partenaires pour concourir à libérer le potentiel de la région et l’aider à réaliser ses espoirs de changement.

Certes, de grandes choses ont déjà été accomplies. Les soulèvements à travers la région ont mis à nu des mythes qui ont été beaucoup trop longtemps invoqués pour justifier la stagnation et le statu quo : le mythe selon lequel les gouvernements peuvent s’accrocher au pouvoir sans avoir à répondre aux aspirations de leur peuple ni à respecter ses droits ; le mythe selon lequel le changement dans la région ne pourra se produire qu’au prix de la violence et du conflit ; et le mythe, le plus pernicieux de tous, selon lequel les Arabes ne partagent pas les aspirations universelles à la liberté, à la dignité et aux chances de réussir.

Aujourd’hui, la nouvelle génération de jeunes rejette ces fausses assertions. Comme nous le savons et comme nous l’avons vu, les jeunes refusent d’accepter le statu quo. Les censeurs ont beau déployer toute leur énergie, les jeunes se connectent au monde extérieur en usant de moyens que ni leurs grands-parents ni même leurs parents n’auraient pu imaginer. Ils découvrent maintenant d’autres options, par le biais des chaînes d’informations par satellite, via Twitter et Facebook, au Caire comme à Tunis. Ils savent qu’une vie meilleure peut être à leur portée — et ils sont prêts aujourd’hui à saisir cette occasion.

Toutefois, ces jeunes ont hérité d’une région qui se trouve prise au dépourvue, à maints égards, face à leurs attentes croissantes. Les défis qu’elle présente ont été bien documentés dans toute une série de Rapports sur le développement humain arabe, rapports historiques établis par des auteurs indépendants et publiés par le Programme des Nations unies pour le développement. Ces rapports représentent la somme des connaissances des universitaires et autres intellectuels arabes les plus en vue. Il faudra être à la hauteur des enjeux si l’on veut que ce moment historique soit fidèle à la promesse qu’il contient en germe. C’est pourquoi en janvier, à Doha, quelques semaines seulement après l’immolation par le feu d’un jeune marchand de rue tunisien poussé par le désespoir à commettre un tel acte de protestation publique, je me suis entretenue avec des dirigeants de la région de la nécessité de presser le pas pour satisfaire les besoins et les aspirations de leur peuple.

Au XXIe siècle, les conditions matérielles de vie ont des répercussions plus fortes que jamais sur la stabilité et la sécurité nationales. Il n’est pas possible que les gens ne soient pas au courant de ce qui se passe à l’extérieur de leur petit univers. L’équilibre du pouvoir ne se mesure plus en fonction du seul nombre de chars d’assaut ou de missiles. Les stratèges doivent maintenant tenir compte de l’influence croissante des citoyens eux-mêmes — des citoyens connectés, organisés et souvent frustrés.

À une certaine époque, ceux d’entre nous qui se battaient pour la société civile, ou qui œuvraient avec des minorités marginalisées ou en faveur des femmes, ou qui se concentraient sur les jeunes et la technologie, s’entendaient dire que leurs préoccupations étaient nobles, mais sans urgence. C’est une assertion fausse de plus qui est partie à vaux l’eau. À la vérité, ces thèmes sont — avec d’autres — au cœur de l’exercice réfléchi du pouvoir et ils doivent figurer au centre de toute discussion qui a pour but de chercher à résoudre les questions les plus pressantes de la région.

En premier lieu, les dirigeants et les citoyens de la région peuvent-ils réformer leur économie qui est trop tributaire des exportations pétrolières et dont le développement est retardé par la corruption ? Dans l’ensemble, les pays arabes sont moins industrialisés en 2007 qu’ils l’étaient en 1970. Le taux de chômage est souvent le double de la moyenne mondiale, et pire encore pour les femmes et les jeunes. Tandis qu’un nombre croissant d’Arabes vivent dans la pauvreté, entassés dans des bidonvilles manquant d’hygiène, d’eau propre et d’approvisionnement fiable en électricité, une petite élite concentre entre ses mains une part toujours plus grande des terres et de la richesse de la région. Le Rapport sur le développement arabe humain de 2009 prend acte de ces tendances et note que ces conditions créent, je cite, « une dynamique de marginalisation (…) qui augure d’une mauvaise situation ».

Pour inverser cette dynamique, il faut s’attaquer à une seconde question : Comment faire aller de pair la réforme économique et le changement politique et social ? Selon le rapport établi en 2009 par Global Integrity, les pays arabes, pratiquement sans exception, sont dotés des systèmes de lutte contre la corruption parmi les plus faibles au monde. Leurs citoyens vivent depuis des dizaines d’années sous le régime de la loi martiale ou de mesures d’urgence. Les partis politiques et les groupes de la société civile sont soumis à la répression et à des mesures de restriction. Les appareils judiciaires sont loin d’être libres ou indépendants. Quant aux élections, quand il y en a, elles sont truquées.

Ceci m’amène à poser une troisième question, souvent négligée : la porte qui donne sur la citoyenneté et la participation à part entière sera-t-elle enfin ouverte aux femmes et aux minorités ? Le premier Rapport sur le développement arabe humain, publié en 2002, avait constaté que la participation politique et économique des femmes arabes était la plus faible au monde. Les rapports suivants n’étaient guère plus encourageants. Celui de 2005, par exemple, notait que la promotion des femmes constituait, et je cite encore, « une condition sine qua non de la Renaissance arabe, qui est indissociable et intimement liée au devenir du monde arabe et à l’accomplissement du développement humain en son sein ».

Il n’est pas question ici du rôle de la religion dans la vie des femmes. Les musulmanes jouissent depuis longtemps de droits et de possibilités plus vastes au Bangladesh ou en Indonésie, par exemple. Prenons aussi l’exemple du droit de la famille au Maroc ou du Code du statut personnel de la Tunisie. De l’Égypte à la Jordanie et au Sénégal, les communautés commencent à s’insurger contre les pratiques bien établies que sont le mariage des enfants, les crimes d’honneur et l’excision. À travers le monde, nous voyons de nos propres yeux que l’islam et les droits de la femme sont compatibles. Malheureusement, d’aucuns s’emploient à saper ces progrès et à exporter une idéologie violemment antiféministe dans d’autres communautés musulmanes.

Toutes ces questions épineuses, du chômage bien enraciné à la corruption généralisée et au manque de respect envers les femmes et à la carence d’options qui s’offrent à elles, nourrissent la frustration des jeunes de la région. Et ce n’est pas un changement de dirigeants qui les satisfera — pas si le népotisme et une économie fermée continuent d’étouffer les possibilités et la participation, ou si les citoyens ne peuvent pas compter sur la police et les tribunaux pour protéger leurs droits. Les éminences grises de la région, à l’intérieur comme à l’extérieur des gouvernements, doivent monter au créneau et forger une vision positive de l’avenir avec le peuple. Généraux et imams, cadres des milieux d’affaires et bureaucrates, quiconque a tiré parti du statu quo et l’a renforcé a un rôle à jouer. Tous ont aussi beaucoup à perdre si les extrémistes et ceux qui ont l’esprit de contradiction s’installent dans le vide qui aura été créé.

La quatrième question cruciale qui se pose est donc la suivante : comment l’Égypte et la Tunisie doivent-elles s’y prendre pour cimenter les progrès accomplis ces derniers mois ?

Les anciens manifestants s’interrogent : Comment pouvons-nous rester organisés et continuer de nous impliquer ? La réponse, c’est qu’il faudra former des partis politiques et des coalitions pour la défense des droits. Il faudra veiller à œuvrer de concert pour résoudre les grosses difficultés réelles auxquelles se heurtent ces deux pays. Au Caire le mois dernier, je me suis entretenue avec de jeunes militants qui étaient passionnés et convaincus de leurs principes, mais qui tentaient encore de débrouiller l’écheveau des considérations politiques pratiques. Un journaliste égyptien chevronné et vieux routier de la dissension, Hisham Kassem, s’est dit inquiet cette semaine à l’idée que la réticence à passer du stade de la protestation à celui de la politique, et je le cite, « ne compromette les acquis de la révolution ». Il a donc exhorté les jeunes à traduire leur passion dans un programme de travail positif et à jouer la carte de la participation politique pour l’accomplir.

Tandis que les peuples égyptien et tunisien revendiquent toutes les responsabilités du citoyen, nous comptons sur les autorités intérimaires pour garantir leurs droits fondamentaux, notamment la liberté de réunion et d’expression, pour assurer la sécurité dans les rues et pour promouvoir la transparence et l’inclusion.

Cette année, malheureusement, nous avons été témoins de trop d’attaques violentes, de l’Égypte à l’Irak et au Pakistan, qui ont fait des dizaines de morts parmi des minorités religieuses et ethniques, ce qui s’inscrit dans le droit fil d’une tendance mondiale inquiétante documentée d’ailleurs dans le rapport annuel du département d’État sur les droits de l’homme dans le monde, publié vendredi dernier. Les communautés du monde entier essaient avec beaucoup de mal de trouver le juste équilibre entre la liberté d’expression et la tolérance de points de vue impopulaires. Il incombe à chacun de nous de défendre les droits universels des personnes de toutes confessions et de toutes convictions. J’applaudis l’Organisation de la conférence islamique pour le rôle moteur qu’elle a joué récemment en vue de faire adopter par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU une résolution qui dénonce fermement la discrimination et la violence fondées sur la religion ou les convictions, mais qui ne limite ni la liberté d’expression ni la liberté du culte.

En Égypte comme en Tunisie, nous avons observé également des signes inquiétants concernant les droits des femmes et les possibilités qui leur sont offertes. Jusqu’à présent, les femmes sont exclues des principaux mécanismes de prise de décisions pendant cette phase de transition. Quand elles manifestaient aux côtés des hommes place Tahrir durant les premiers jours de la révolution, elles agissaient elles aussi pour produire le changement en Égypte. Quand elles ont de nouveau défilé sur cette place pour célébrer la Journée internationale de la femme dans leur nouvelle démocratie, elles ont été en butte à des harcèlements et des insultes. On ne peut pas prétendre à la démocratie quand on exclut la moitié de sa population.

Le fruit d’une longue expérience, nous savons que la tâche de construire une démocratie couronnée de succès n’en finit jamais. Plus de deux cents après notre révolution, nous y travaillons encore. Parce que le changement, le vrai changement, exige du temps, des efforts laborieux et de la patience - mais le jeu en vaut vraiment la chandelle. Comme le disait récemment une militante égyptienne des droits de la femme, « il faudra qu’on se batte pour nos droits ... La tâche sera ardue, et il faudra exercer des pressions, mais c’est ça, la démocratie ».

Dans une démocratie, il faut persuader ses compatriotes, hommes et femmes, de s’engager dans le chemin que l’on souhaite suivre. On sait bien que la démocratie ne peut pas se transplanter d’un pays à un autre. Les gens ont le droit et le devoir d’imaginer leur propre gouvernement. Ceci dit, il existe des droits universels qui s’appliquent à tous et des valeurs universelles qui sous-tendent les démocraties dynamiques partout au monde.

Une leçon tirée des transitions vers la démocratie, c’est que l’on peut être tenté de reprendre systématiquement les vieux combats au lieu de se concentrer sur la nécessité d’assurer dorénavant la justice et la responsabilisation. Jamais je n’oublierai la vue de Nelson Mandela, à un déjeuner qu’il avait organisé après avoir été investi président, accueillir trois de ses anciens geôliers. Pour lui, ces personnes étaient aussi importantes que tout roi, président ou premier ministre présents dans l’assistance parce que, lorsqu’il était impuissant, étant en prison, elles l’avaient traité avec dignité. Elles voyaient en lui un être humain. Cette attitude l’a aidé à surmonter ces souffrances. Il n’a jamais tourné ses regards vers le passé avec colère, préférant affronter l’avenir avec espoir.

Les États-Unis s’engagent à être solidaires des peuples de l’Égypte, de la Tunisie et de la région pour appuyer la construction d’une démocratie durable qui produira des résultats concrets en faveur de ceux qui les méritent. Nous voulons soutenir les aspirations dont l’importance est incontournable. À cet égard, nos valeurs et nos intérêts convergent. L’histoire l’a démontré : les démocraties tendent à être plus stables, plus pacifiques et, en fin de compte, plus prospères. Reste maintenant à savoir comment nous pouvons passer du stade où nous sommes à celui où nous souhaitons être.

J’en arrive donc à la cinquième question, celle qui se pose à nous autres Américains : Comment les États-Unis peuvent-ils former un partenariat efficace avec les peuples de la région ? Que pouvons-nous faire ensemble non seulement pour consolider la stabilité à court terme, mais aussi pour assurer la durabilité à long terme ?

Dans cet objectif, le gouvernement Obama était à peine constitué qu’il commençait déjà à réorienter la politique étrangère des États-Unis à l’égard de la région et du reste du monde. Nous avons mis au cœur de nos efforts les partenariats avec les populations, et pas seulement ceux avec les gouvernements. Notre gouvernement a rapidement réagi aux récents événements et il a réaffirmé les principes qui nous guident. Le président et moi-même avons évoqué ces questions à maintes reprises, tout dernièrement en fin d’après-midi aujourd’hui. Et je sais que le président abordera plus en détails la politique des États-Unis à l’égard du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord au cours des prochaines semaines.

Nous partons du principe que les intérêts et les valeurs essentiels des États-Unis n’ont pas changé, notamment pour ce qui est de notre volonté de promouvoir les droits de l’homme, de résoudre les conflits de longue date, de contrecarrer les menaces iraniennes et de vaincre Al-Qaïda et ses alliés extrémistes. Cela implique la recherche renouvelée d’une paix globale entre Arabes et Israéliens. Le statu quo entre les Palestiniens et les Israéliens n’est pas plus soutenable que les systèmes politiques qui se sont écroulés au cours des derniers mois. Ni l’avenir d’Israël en tant qu’État juif démocratique ni les aspirations légitimes des Palestiniens ne peuvent se réaliser de manière sûre sans la solution négociée de deux États. Et s’il va de soi que seules les parties prenantes peuvent faire les choix difficiles nécessaires à l’avènement de la paix, rien ne peut remplacer le rôle directeur actif que continueront de jouer les États-Unis. Le président et moi-même sommes déterminés à agir en ce sens.

Nous sommes convaincus que les populations de la région partagent nos préoccupations. Nous ne cesserons de collaborer étroitement avec nos partenaires de confiance - dont un grand nombre se trouve aujourd’hui dans cette salle - pour promouvoir nos intérêts communs.

Nous savons qu’une approche universelle ne s’applique pas à une région aussi diverse en ces temps aussi flous. Comme je l’ai déjà dit, les États-Unis ont des relations particulières avec les pays de la région. Nous sommes liés au Bahreïn par une amitié vieille de plusieurs décennies et qui, nous l’espérons, se poursuivra longtemps encore. Mais nous avons clairement indiqué que la sécurité ne saurait à elle seule venir à bout des difficultés auxquelles les pays se heurtent. La violence n’est pas et ne doit pas être la réponse. La seule solution, c’est processus politique qui fait avancer les droits et les aspirations de tous les citoyens du Bahreïn. Nous avons exprimé nos préoccupations tant en public que directement aux responsables bahreïniens et il continuera d’en être ainsi.

De même, les États-Unis soutiennent fermement la population du Yémen qui cherche des possibilités accrues ainsi que des réformes politiques et économiques capables de répondre à ses aspirations. Le président Saleh doit trouver le moyen de sortir de l’impasse actuelle afin que des changements politiques de fond puissent se produire à courte échéance et de manière ordonnée et pacifique.

Comme l’a dit le président Obama, nous condamnons fermement la violence perpétrée depuis quelques semaines par le gouvernement syrien contre les manifestants pacifiques. Le président Assad et le gouvernement de Damas doivent respecter les droits des citoyens syriens qui revendiquent les libertés qui leur sont refusées depuis longtemps.

Face à l’avenir, les États-Unis seront guidés par une évaluation attentive de tous les facteurs sur le terrain et par leurs valeurs et leurs intérêts inébranlables, ainsi que par un autre élément : le fait que nous croyons en la région. Il n’y a aucune raison, à notre avis, qu’elle ne figure pas parmi celles qui sont les plus progressistes, les plus prospères, les plus pacifiques et les plus épanouies du monde. Quand nous regardons les autres régions qui ont connu des changements - parfois violents, parfois difficiles - nous ne voyons aucune raison pourquoi celle-ci ne pourrait pas connaître la réussite.

Partout où nous le pourrons, nous redoublerons d’efforts pour établir des liens plus solides avec la population elle-même - avec la société civile, avec les cadres des milieux d’affaires, avec les communautés religieuses, avec les femmes et avec les minorités. Nous réévaluons nos interactions avec les citoyens sur place, et nous voulons que ces derniers participent à l’établissement des priorités. Par exemple, alors que nous investissons dans la nouvelle démocratie égyptienne et que nous encourageons le développement durable, nous sollicitons des propositions relatives à des projets de dons auprès d’une vaste gamme d’organisations locales. Nous voulons de nouveaux partenaires. Nous voulons investir dans de nouvelles idées. Nous explorons de nouveaux moyens d’utiliser les technologies de connectivité pour élargir le dialogue et ouvrir les lignes de communication.

Alors que nous mettons au point nos stratégies d’appui aux transitions en cours, nous savons que les peuples de la région n’ont pas risqué leur vie pour voter une seule fois. Ils comptent sur la démocratie pour créer de nouveaux emplois, extirper la corruption, dégager des possibilités qui les aideront, eux et leurs enfants, à tirer profit au maximum de l’économie mondiale. C’est pourquoi les États-Unis œuvreront de concert avec les citoyens et leurs dirigeants pour créer des économies plus ouvertes, dynamiques et diversifiées, lesquelles mènent à une prospérité davantage partagée.

À courte échéance, les États-Unis fourniront un soutien économique immédiat pour aider les démocraties en transition à surmonter leurs premiers défis, et c’est ainsi que l’Égypte recevra 150 millions de dollars.

À moyen terme, alors que l’Égypte et la Tunisie consolident leurs démocraties, nous collaborerons avec nos partenaires pour appuyer un plan-cadre ambitieux de croissance durable, de création d’emplois, d’investissements et de commerce. La Société de promotion des investissements à l’étranger fournira jusqu’à 2 milliards de dollars pour encourager les investissements privés au Proche-Orient et en Afrique du Nord - notamment aux petites et moyennes entreprises. Nous comptons œuvrer de concert avec le Congrès pour établir des fonds pour l’entrepreneuriat en Égypte et en Tunisie qui soutiendront des marchés concurrentiels et donneront aux petites et moyennes entreprises accès à des capitaux bon marché. Notre Programme pour l’entrepreneuriat dans le monde recherche de nouveaux partenaires et de nouveaux créneaux. En outre, nous voulons améliorer et élargir les zones d’investissement désignées pour permettre aux entreprises égyptiennes d’exporter leurs produits en franchise de droits aux États-Unis.

Pour stimuler les investissements du secteur privé, nous collaborons avec l’organisation « Partners for a New Beginning » que président l’ancienne secrétaire d’État Madeleine Albright, Muhtar Kent, de la société Coca-Cola, et Walter Isaacson, de l’institut Aspen. Cette organisation a été fondée consécutivement au discours du président Obama au Caire, et elle compte parmi ses dirigeants les présidents directeurs-généraux de sociétés telles qu’Intel, Cisco et Morgan Stanley. Ses responsables organiseront un sommet à la fin du mois de mai pour mettre en relation des investisseurs américains avec de nouveaux partenaires dans les démocraties en transition de la région, en vue de créer des emplois et de développer le commerce.

Sous les auspices de ces « Partenaires pour un nouveau départ », le Partenariat États-Unis-Afrique du Nord pour les possibilités économiques est en train de former un réseau de partenaires et de programmes des secteurs public et privé destinés à renforcer l’intégration économique des pays du Maghreb. En décembre dernier à Alger, le Partenariat a tenu une conférence qui a réuni plus de 400 participants des États-Unis et d’Afrique du Nord : jeunes chefs d’entreprises, cadres des milieux d’affaires, investisseurs en capital-risque, et personnalités de la diaspora. Ces contacts directs ont déjà contribué à tracer le canevas d’initiatives transnationales qui serviront à créer des emplois, à former la jeunesse et à appuyer les jeunes entreprises. Une conférence de suivi se tiendra dans le courant de l’année au Maroc.

À plus long terme, nous discutons des moyens d’encourager une intégration économique plus étroite non seulement dans toute la région, mais aussi avec les États-Unis, l’Europe et le reste du monde. On trouve au Proche-Orient et en Afrique du Nord aussi bien des nations riches qui regorgent de capitaux que des pays moins nantis et en quête d’investissements. Forger des liens commerciaux et économiques entre ces voisins pourrait créer quantité d’emplois. Et de l’autre côté de la Méditerranée, l’Europe représente un autre énorme potentiel d’échanges commerciaux et d’investissements supplémentaires. Si l’on parvenait à diminuer les barrières douanières rien qu’en Afrique du Nord, on pourrait voir le produit intérieur brut de la Tunisie et du Maroc croître de 7 % à 8 %, ce qui pourrait apporter une nouvelle richesse dans la région de l’ordre de centaines de millions de dollars.

Les populations du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord ont le talent voulu pour bâtir des économies dynamiques et des démocraties durables et elles en ont l’énergie - à l’image des peuples qui se sont engagés dans cette voie après être restés longtemps à la traîne en raison du caractère fermé de leur système politique et économique, de l’Asie du Sud-Est à l’Europe de l’Est et à l’Amérique latine.

Non, la tâche ne sera pas aisée. Bien des obstacles sont à surmonter. Et malheureusement, l’Iran sert d’avertissement aux transitions en cours. Les aspirations démocratiques de 1979 ont été torpillées par une nouvelle dictature brutale. Les dirigeants iraniens ont systématiquement poursuivi une politique de violence à l’étranger et de tyrannie à l’intérieur du pays. À Téhéran, les forces de sécurité ont passé à tabac et détenu des manifestants pacifiques, et récemment elles en ont même tué plusieurs, alors que le président iranien se donnait en spectacle en dénonçant la violence contre les civils en Libye et ailleurs. Il n’est pas seul à faire preuve d’hypocrisie. Les propagandistes d’Al-Qaïda ont essayé de lier les mouvements pacifiques des populations de la région à leur idéologie meurtrière. Leurs affirmations selon lesquelles ils parlent au nom des dépossédés et des défavorisés n’ont jamais sonné aussi faux. Leur raisonnement que la violence est la seule voie vers le changement n’a jamais été aussi pleinement discrédité.

Le mois dernier, nous avons été témoins d’un événement incroyable, même en ces temps extraordinaires : les soldats du colonel Kadhafi ont tourné leurs armes contre leurs compatriotes. Ses avions-chasseurs et ses hélicoptères militaires ont donné libre cours à un règne de terreur contre une population qui n’avait aucun moyen de se défendre face à une attaque aérienne. Les centaines de milliers d’habitants de Benghazi étaient pris pour cible.

Naguère, face à une crise de ce genre, les dirigeants de l’Afrique du Nord et du Proche-Orient fermaient les yeux ou se serraient les coudes. Mais pas cette fois-ci. Pas en cette ère nouvelle. L’Organisation de la conférence islamique et le Conseil de coopération des États du Golfe ont publié des déclarations très fermes. La Ligue arabe a convoqué une réunion au Caire, malgré l’agitation associée à la transition démocratique qui prenait place en Égypte, pour condamner la violence en Libye et suspendre l’adhésion de ce pays, et ce bien que le colonel Kadhafi en assume alors la présidence par roulement. L’Organisation a ensuite appelé à l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne. Je tiens à remercier le Qatar, les Émirats arabes unis et la Jordanie qui ont fourni des avions pour la mettre en œuvre.

Mais ce n’est pas tout. La Ligue a affirmé - et je cite - « le droit du peuple libyen de voir ses revendications aboutir ainsi que de bâtir son propre avenir et ses institutions dans un cadre démocratique ». C’est une déclaration remarquable. Elle fait naître l’espoir.

Tous les signes de progrès que nous avons vus au cours des derniers mois n’auront de substance que si d’autres dirigeants, dans encore plus de pays, se rallient à cet esprit de réforme en allant plus vite et plus loin, s’ils œuvrent de concert avec leurs citoyens pour relever les défis les plus pressants de la région - pour diversifier leurs économies, ouvrir leurs systèmes politiques, faire campagne contre la corruption, respecter les droits de tous leurs citoyens, et y compris ceux des femmes et des minorités.

Ce sont ces questions qui détermineront si les peuples de la région profiteront au mieux de ce moment historique ou s’ils retomberont dans l’ornière de la stagnation.

Les États-Unis seront à leurs côtés en tant que partenaires, œuvrant pour le progrès. Nous sommes engagés dans l’avenir de cette région et nous avons foi dans le potentiel de son peuple. Nous attendons le jour où tous les citoyens du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord - en fait, du monde entier - auront la liberté de poursuivre la réalisation du potentiel que Dieu leur a donné. C’est l’avenir que nous devons tous nous efforcer de réaliser.

Je vous remercie tous beaucoup. (Applaudissements)