Luis Moreno-Ocampo, procureur de la CPI
©UN Photo/JC McIlwaine

Le Président M. Araud (France)  : En vertu de l’article 39 du Règlement intérieur provisoire du Conseil de sécurité, j’invite M. Luis Moreno-Ocampo, Procureur de la Cour pénale internationale, à participer à la présente séance.

Je donne la parole à M. Moreno-Ocampo.

M. Moreno-Ocampo (parle en anglais) : J’ai l’honneur de rendre compte au Conseil des activités menées par le Bureau du Procureur en application de la résolution 1970 (2011). Le 26 février, le Conseil a adopté à l’unanimité la résolution 1970 (2011), par laquelle il a déféré au Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) la situation en Libye et a souligné que les auteurs des attaques devaient être amenés à répondre de leurs actes, y compris les attaques perpétrées contre des civils par des forces placées sous leur contrôle.

Mon rapport, qui a été envoyé au Conseil avant la séance pour qu’il puisse l’examiner, décrit en détail l’analyse factuelle et juridique faite par le Bureau en vue de l’application de cette résolution. Sur la base de cette analyse, nous avons décidé d’ouvrir une enquête le 3 mars. Dans l’exécution du mandat que lui a confié le Conseil au titre de la résolution 1970 (2011), le Bureau doit appliquer les normes établies par le Statut de Rome. Il doit, au moyen d’une enquête indépendante et impartiale, établir la vérité sur les crimes qui auraient été commis en Libye. C’est ce que nous sommes en train de faire.

Pour enquêter sur les crimes commis en Libye, le Bureau a mené plus de 15 missions dans 10 États différents. Au 26 avril, 45 dépositions d’individus qui ont une connaissance directe des crimes commis, avaient été recueillies ou engagées. Plus de 569 documents, dont des vidéos et des photos, avaient été obtenus et examinés. Le Bureau n’a pris aucune déclaration en Libye même afin de s’acquitter de son devoir de protection envers les témoins.

La coopération accordée par les États et par les organisations régionales et internationales conformément au paragraphe 5 de la résolution 1970 (2011), a été un élément critique des progrès rapides de l’enquête libyenne.

La commission d’enquête créée par le Conseil des droits de l’homme, qui coopère également avec le Bureau depuis sa création, a indiqué qu’elle était disposée à poursuivre cette coopération. La commission d’enquête est en train d’établir le rapport – qui doit être fini à la fin du mois de mai – qu’elle soumettra au Conseil des droits de l’homme. Nous attendons ce rapport avec intérêt et nous sommes impatients d’avoir accès aux données réunies par la commission, lesquelles seront très utiles à l’avenir pour le Bureau du Procureur. Nous avons discuté avec le Président de la commission des difficultés qu’il y a à établir la vérité pendant un conflit armé et de l’importance des activités menées par la commission sur le terrain.

Les preuves réunies confirment les craintes et les préoccupations exprimées dans la résolution 1970 (2011). Il y a deux mois, le Conseil de sécurité se déclarait gravement préoccupé par la situation en Jamahiriya arabe libyenne, et condamnait la violence et l’usage de la force contre des civils. Il regrettait vivement les violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme, notamment la répression exercée contre des manifestants pacifiques et la mort de civils et dénonçait sans équivoque l’incitation à l’hostilité et à la violence émanant du plus haut niveau du Gouvernement libyen et dirigée contre la population civile, et considérait que les attaques systématiques et généralisées actuellement commises en Jamahiriya arabe libyenne contre la population civile pourraient constituer des crimes contre l’humanité.

Les preuves réunies par le Bureau du Procureur confirment cette évaluation. Elles donnent des motifs raisonnables de penser que des attaques généralisées et systématiques contre la population civile, y compris des meurtres et des actes de persécution, qui constituent des crimes contre l’humanité, ont été et continuent d’être perpétrées en Libye. En outre, depuis la fin du mois de février, la Libye est le théâtre d’un conflit armé. Dans ce contexte, il existe également des informations dignes d’intérêt quant à la commission alléguée de crimes de guerre. Les travaux de la commission d’enquête seront d’une importance capitale pour permettre de comprendre pleinement les crimes qui auront été commis pendant le conflit armé.

Je voudrais d’abord décrire les cas de crimes contre l’humanité sur lesquels le Bureau a enquêté. Les preuves indiquent que les événements survenus en Égypte et en Tunisie ont poussé les forces libyennes à commencer à se préparer à l’éventualité de manifestations dans le pays. En janvier déjà, des mercenaires avaient été recrutés et emmenés en Libye.

Les incidents ont commencé les 15 et 16 février. Les forces de sécurité ont arrêté deux avocats qui réclamaient la justice pour les 1 400 victimes des massacres de la prison d’Abou Salim en 1996. Le 17 février, des milliers de manifestants pacifiques protestant contre ces arrestations se sont réunis sur la place à proximité de la Haute cour de justice de Benghazi. Les forces de sécurité ont investi la place et auraient tiré à balles réelles sur la foule, faisant de nombreux morts parmi les manifestants. Cela a été lé début d’une série d’incidents similaires dans différentes villes de Libye.

Les efforts déployés pour couvrir les crimes ont rendu difficile l’évaluation du nombre précis de victimes, mais selon des informations dignes de foi, pendant le seul mois de février, 500 à 700 personnes auraient été tuées par balles. Il est difficile d’en estimer le nombre total car les corps des morts ont été retirés des rues et des hôpitaux. Les médecins n’étaient pas autorisés à dresser des listes des morts et des blessés admis dans les hôpitaux après le début des affrontements violents. Les forces de sécurité auraient été stationnées dans les hôpitaux où elles arrêtaient les blessés qui cherchaient à se faire soigner. Le fait d’être blessé est la preuve de l’opposition au régime, et selon la loi libyenne, défier l’autorité du régime constitue un délit. Pour éviter d’être punis ou de risquer la mort, de nombreux manifestants cherchaient à se faire soigner chez des particuliers et n’emmenaient pas les morts ou les blessés dans les hôpitaux.

Outre ces incidents, les informations réunies par le Bureau indiquent qu’à Tripoli et dans d’autres zones contrôlées par le régime, les civils seraient victimes de différentes formes de persécution. Il a été fait état d’arrestations systématiques, de tortures, de tueries et de disparitions forcées à Tripoli, Al Zawiyah et Zintan, ainsi que dans la région montagneuse du Nefoussa. Les victimes seraient des civils qui ont pris part à des manifestations, sont considérés comme étant déloyaux vis-à-vis du régime ou ont livré leur témoignage à des médias internationaux, des militants ou des journalistes, et des citoyens égyptiens et tunisiens qui ont fait l’objet d’arrestations et d’expulsions en masse en raison de leurs liens présumés avec le soulèvement populaire. Les mosquées où ils priaient ont été détruites.

Il existe également des informations dignes d’intérêt quant à la commission alléguée de crimes de viol. Les victimes de viols auraient été arrêtées et harcelées. Dans un cas qui a fait couler beaucoup d’encre, une femme a expliqué aux médias internationaux qu’elle avait été violée par des membres des forces de sécurité en raison de ses liens présumés avec les rebelles. Le Bureau examine ces allégations.

Plusieurs sources ont également fait état de l’arrestation illégale, du mauvais traitement et du meurtre de personnes originaires d’Afrique subsaharienne soupçonnées à tort d’être des mercenaires. Des groupes de manifestants en colère auraient attaqué ces personnes à Benghazi et dans d’autres villes et en auraient tué des dizaines. À Benghazi, les nouvelles autorités auraient arrêté un certain nombre d’Africains subsahariens, et on ne sait pas au juste s’il s’agit de travailleurs immigrés innocents ou de combattants, devenus désormais des prisonniers de guerre.

Qui plus est, des crimes de guerre auraient été commis dans ce contexte, notamment au moyen d’armes imprécises comme des munitions à fragmentation, des lance-roquettes multiples et des mortiers, et d’autres types d’armes lourdes dans des zones urbaines densément peuplées, notamment à Misrata. I1 a également été signalé que des forces bloquaient l’acheminement de l’aide humanitaire. D’après certaines sources, des civils auraient été utilisés comme boucliers humains et des civils et des prisonniers de guerre auraient été torturés dans le cadre du conflit armé.

Le nombre total de personnes qui ont péri depuis le début du conflit se chiffre par millier. Le nombre de déplacés, d’après l’ONU, comprend 535 000 travailleurs migrants, réfugiés et demandeurs d’asile, et 327 342 Libyens déplacés à l’intérieur de leur pays.

Mme Navi Pillay, la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme ; Mme Radhika Coomaraswamy, la Représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU pour les enfants et les conflits armés, et Mme Margot Wallström, la Représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit ont toutes les trois clairement parlé de présomptions de crimes.

Je terminerai en évoquant les prochaines mesures à prendre. Conformément aux dispositions du Statut de la Cour, j’ai le devoir d’axer les enquêtes et les poursuites sur les personnes portant la plus lourde responsabilité pour les crimes les plus graves, en me fondant sur les éléments de preuve recueillis au cours de l’enquête. Seront notamment visés ceux qui auraient ordonné, encouragé, financé ou organisé la commission des crimes allégués.

Sur cette base, dans les prochaines semaines, m’acquittant, en tant que Procureur, du mandat défini dans la résolution 1970 (2011) du Conseil de sécurité, je vais porter l’affaire devant la Chambre préliminaire de la Cour pénale internationale. Je demanderai aux juges de délivrer un mandat d’arrêt à l’encontre de trois personnes, qui portent la responsabilité la plus lourde pour les crimes contre l’humanité commis sur le territoire de la Libye depuis le 15 février.

Pour tous les faits qui vont être présentés aux juges, les victimes sur lesquelles les forces de sécurité ont tiré étaient des civils non armés et rien n’atteste que les forces de sécurité aient été la cible d’une quelconque attaque. Pour étayer le dossier, mon Bureau a recueilli différents éléments de preuve. Chaque incident est attesté par au moins deux témoins oculaires, des documents et, dans de nombreux cas, des photographies ou des enregistrements vidéo. Si besoin est, d’autres procédures seront engagées compte tenu de l’ensemble des crimes qui auraient été perpétrés par différentes personnes dans le cadre de la situation en Libye, y compris des crimes de guerre. Avant d’agir, j’informerai au préalable le Conseil de sécurité.

Ma demande présentée, la Chambre préliminaire peut décider d’y faire droit, de la rejeter ou de demander un complément d’information à mon Bureau. Si les juges décident de délivrer des mandats d’arrêt, leur exécution incombera tout d’abord aux autorités territoriales concernées.

Mon Bureau est toujours dans l’attente d’une réponse des représentants du régime de Tripoli en ce qui concerne l’exécution des mandats d’arrêt.

Le Conseil national de transition s’est engagé à exécuter tout mandat d’arrêt et a sollicité la coopération de la communauté internationale.

L’arrestation des personnes ayant ordonné la commission de ces crimes contribuera à assurer la protection des civils en Libye. Si les personnes qui ont ordonné ces crimes ne sont pas interpellées et arrêtées, les crimes se poursuivront au même rythme. Les actions judiciaires auront un effet dissuasif en mettant hors d’état de nuire les personnes qui ont ordonné des crimes et en envoyant un message clair aux autres auteurs potentiels, en Libye et ailleurs, à savoir que la communauté internationale ne tolérera pas de tels crimes.

Les arrestations ne pourront pas avoir lieu sans une planification et une préparation solides, ce qui prend du temps. La communauté internationale doit prendre des mesures dès maintenant pour faciliter concrètement de tels préparatifs.

Comme l’a déclaré le Secrétaire général, M. Ban Ki-moon à Kampala :

« À présent, nous avons la Cour pénale internationale [...] tribunal permanent, incroyablement puissant, bras de la justice. Il n’y aura pas de retour en arrière. Dans cette nouvelle ère de l’imputabilité, ceux qui commettent les crimes les plus graves contre l’homme seront tenus pour responsables. »

Le Président  : Je remercie le Procureur Moreno-Ocampo de son exposé.

Je donne maintenant la parole aux membres du Conseil.

Sir Mark Lyall Grant (Royaume-Uni) (parle en anglais) : Je remercie le Procureur pour son rapport et pour son exposé de ce matin. Je saisis également cette occasion pour le féliciter une nouvelle fois, ainsi que son équipe, de leurs efforts inlassables pour que justice soit rendue aux victimes de crimes internationaux. Les risques importants qu’ils prennent pour défendre la justice internationale nous ont été récemment rappelés par le décès d’Alain Lubamba Kongolo, membre du Bureau du Procureur qui a trouvé la mort dans un accident d’avion alors qu’il enquêtait en République démocratique du Congo. Nous adressons nos condoléances à sa famille et à ses collègues.

Nous avons entendu ce matin des informations sur la Libye et sur les attaques menées par le régime de Kadhafi contre des civils. Lorsqu’il a adopté la résolution 1970 (2011) (voir S/PV.6491), le Conseil de sécurité a souligné que les auteurs des attaques perpétrées contre des civils devaient être amenés à répondre de leurs actes. Nous savons gré au Procureur de la rapidité avec laquelle il a agi pour appliquer la résolution 1970 (2011). Le rapport qu’il a présenté décrit une situation appelant des mesures tout aussi résolues. Je citerai quelques passages de son rapport : « [les forces de sécurité] ont systématiquement tiré sur des manifestants pacifiques » ; « les crimes de guerre [s’inscrivent apparemment] dans le cadre d’une politique délibérée ; des centaines voire des milliers de manifestants sont morts ; et « des crimes à grande échelle seraient commis sur ordre de quelques personnes ayant autorité sur les organisations chargées de les exécuter ».

Malgré de multiples promesses de cessez-le-feu de la part du régime, les attaques effroyables et le recours excessif à la force se poursuivent. La semaine dernière, lorsque le Ministre adjoint des affaires étrangères libyen a annoncé un retrait de Misratah, les tirs de roquettes se sont intensifiés et des centaines de roquettes se sont abattues sur des zones habitées par des civils durant les trois jours qui ont suivi. Ces actes, auxquels s’ajoutent les coupures d’eau et d’électricité, démontrent qu’une campagne contre les civils est en marche à Misratah. Des attaques semblables ont également lieu dans d’autres villes.

D’autres, y compris la Haut-Commissaire aux droits de l’homme, ont mis l’accent sur le fait que les installations médicales et les civils sont volontairement pris pour cible, que des enfants sont enrôlés comme combattants, que l’accès humanitaire est refusé et que la violence sexuelle est utilisée comme arme.

Au vu de ces éléments qui indiquent que des crimes abominables sont commis, nous, la communauté internationale, devons continuer d’aider le Procureur à enquêter minutieusement sur ces allégations et à amener les personnes responsables de ces actes à en répondre.

Le Royaume-Uni continuera de faciliter les enquêtes du Procureur chaque fois qu’il le pourra. Tous les États Membres de l’ONU, qu’ils soient ou non parties au Statut de Rome, devraient faire de même.

Ceux qui exercent le pouvoir en Libye doivent s’acquitter des obligations que leur impose la résolution 1970 (2011) de coopérer avec la Cour pénale internationale et de livrer rapidement à la justice toute personne mise en accusation.

Nous nous félicitons de la coopération apportée jusque-là par le Conseil national de transition dans le cadre de cette enquête et nous l’encourageons à poursuivre dans cette voie.

En tant qu’État partie à la Cour pénale internationale, et relevant donc de sa juridiction, le Royaume-Uni appuie fermement le mandat de la Cour consistant à lutter contre l’impunité, en Libye et ailleurs.

À cet égard, la détérioration de la situation en Syrie est de plus en plus inquiétante. La répression violente doit cesser immédiatement dans ce pays. Il incombe au Gouvernement syrien de protéger les manifestants pacifiques, non de les agresser. Les personnes responsables de cette violence devront répondre de leurs actes. Il ne saurait y avoir d’impunité. Nous appuyons vigoureusement l’appel du Secrétaire général à la conduite d’une enquête indépendante, transparente et efficace sur les tueries. Nous devons être prêts à envisager les voies appropriées, au besoin la saisine de la Cour pénale internationale, pour rendre justice aux victimes de ces crimes. Mais il n’est pas trop tard : le Gouvernement syrien peut encore faire le choix de renoncer à l’oppression violente et d’engager les réformes radicales nécessaires pour garantir la paix et la stabilité.

M. Wittig (Allemagne) : Tout d’abord, j’aimerais remercier l’Ambassadeur Osorio de son excellente présidence en avril, et je vous félicite, Monsieur le Président, de présider le Conseil en mai. À cette occasion, je prononce mon discours en français, en hommage à vous-même et à la francophonie.

Je remercie le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), M. Moreno-Ocampo, pour son rapport et sa communication sur l’évolution de son enquête en Libye. Nous sommes conscients de la grande responsabilité qui incombe au Procureur en tant qu’organe indépendant de la Cour pénale internationale dans la réalisation de l’enquête en Libye.

L’Allemagne soutient énergiquement l’action de la Cour pénale internationale en Libye. Je voudrais profiter de cette occasion pour remercier le Procureur et son équipe d’avoir ouvert rapidement une enquête. Les auteurs des crimes de droit international en Libye doivent être amenés à répondre de leurs actes au plus vite, et justice doit être rendue aux victimes.

En adoptant à l’unanimité la résolution 1970 (2011) et en décidant de saisir la Cour pénale internationale de la situation en Libye, le Conseil de sécurité a fait preuve de clairvoyance. Cette résolution est axée sur la protection des civils. Chaque État a la responsabilité de protéger sa population contre les crimes les plus graves : tel est le second message qui sous-tend la résolution 1970 (2011), dont l’importance ne se limite pas à la Libye. Ce message va au-delà.

Il faut que la violence cesse dans les plus brefs délais en Libye et qu’un cessez-le-feu solide soit conclu afin de pouvoir redoubler d’efforts dans la recherche d’une solution politique. Les réunions de Doha et du Caire ont largement contribué à concrétiser les objectifs que la communauté internationale poursuit au-delà de l’action militaire.

Nous estimons qu’il importe d’associer tous les intéressés dans un processus politique, et notamment les acteurs de la région. Le régime de Kadhafi a joué sa légitimité ; il l’a perdue. Il doit faire place à un gouvernement issu de la volonté du peuple. Ce gouvernement s’emploiera à mettre en œuvre la démocratisation et l’ouverture de la Libye. Cela nécessitera également un processus de réconciliation intérieure ainsi qu’une mise au net systématique des injustices commises. Par conséquent, l’Allemagne se félicite de ce que l’enquête sur la situation en Libye soit menée non seulement avec fermeté mais aussi avec la circonspection requise, notamment en matière de protection des témoins. Les premiers progrès rapides enregistrés dans l’enquête et dont le Procureur nous a informés sont encourageants. Nous attachons la plus grande importance à ce que justice soit rendue le plus rapidement possible aux victimes du conflit libyen, et à ce que les personnes qui portent une responsabilité particulière et lourde dans d’éventuels crimes contre l’humanité ou d’autres graves délits au sens du Statut de Rome, soient contraintes de répondre de leurs actes. Ceux qui continuent de commettre des crimes graves en Libye doivent savoir une chose : le Conseil de sécurité et la Cour pénale internationale, si nécessaire ensemble ou chacun séparément dans son domaine de compétence, garantissent que les crimes de droit international ne resteront pas impunis.

La coopération de la communauté internationale avec la Cour pénale internationale est essentielle pour permettre de faire toute la lumière sur les graves délits présumés en Libye. L’Allemagne se félicite de l’excellente coopération que de nombreux États et organisations pratiquent déjà avec le Procureur. Néanmoins, la responsabilité première incombe aux autorités libyennes. Nous les exhortons à respecter les engagements qui leur incombent en vertu de la résolution 1970 (2011), et à coopérer rapidement et pleinement avec la Cour pénale internationale et le Procureur. Les autorités libyennes sont tenues de donner au Procureur de la CPI la possibilité d’ouvrir dans les plus brefs délais une enquête sur le territoire libyen.

Nous restons extrêmement inquiets face aux souffrances qui continuent d’être infligées à la population civile en Libye. Les violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire restent à l’ordre du jour. Nous sommes vivement préoccupés par les cas de viol et de torture, ainsi que par l’emploi d’armes à sous-munitions et d’armes lourdes contre la population civile que le Procureur décrit dans son rapport. Nous condamnons avec la plus grande fermeté la poursuite de la violence, et demandons instamment à toutes les parties au conflit de mettre un terme à ces crimes et de respecter les droits de l’homme et le droit international humanitaire.

Les efforts déployés par l’ONU, et notamment par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires, pour soulager la détresse humanitaire et pour coordonner l’aide humanitaire sont exemplaires, et il faut s’en féliciter. Néanmoins, la situation à Misrata en particulier reste inquiétante. L’Allemagne a débloqué des fonds substantiels pour soutenir le transport de biens humanitaires à Misrata. Mon pays a déjà fourni une importante aide humanitaire pour la population civile touchée par la crise en Libye, et nous sommes prêts à continuer à fournir de l’aide.

Le Président : Je remercie le représentant de l’Allemagne pour sa déclaration d’une très grande clarté.

M. Cabral (Portugal) : Je saisis également cette occasion pour vous féliciter, Monsieur le Président, de votre accession à la présidence pour le mois de mai. Je m’associe aux remerciements adressés à la délégation colombienne et à l’Ambassadeur Osorio pour son excellente prestation pendant le mois d’avril. Hélas, mon discours est préparé en anglais, alors je vais poursuivre en anglais.

(l’orateur poursuit en anglais)

Je tiens à remercier le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), M. Moreno-Ocampo, de son rapport et de l’exposé détaillé et utile qu’il nous a présenté aujourd’hui. Je tiens en outre à le saluer, ainsi que toute son équipe, pour l’important travail d’enquête qu’il a pu accomplir sur une période aussi courte et dans des conditions difficiles.

Nous sommes fort préoccupés par la situation humanitaire qui règne en Libye, à cause de la violence incessante perpétrée contre les civils et des graves violations du droit international humanitaire. Nous exprimons notre profonde préoccupation devant les informations faisant état de crimes contre l’humanité, de nouveaux actes de violence et de la poursuite des crimes de guerre, comme le décrit le rapport du Procureur et comme l’a souligné aujourd’hui M. Moreno-Ocampo.

Nous sommes également troublés par les récentes déclarations de la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, de la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés et de la Représentante spéciale chargée de la lutte contre les violences sexuelles dans les conflits armés concernant les graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire, qui ont fait l’objet d’un large écho dans la presse internationale.

Dans ces conditions, une solution politique devient d’autant plus urgente. C’est pourquoi il est indispensable de parvenir à un cessez-le-feu vérifiable et durable. Nous saluons donc et appuyons pleinement le rôle que joue l’Envoyé spécial, M. Al-Khatib, et les efforts qu’il déploie pour parvenir à un accord sur un cessez-le-feu et sur le démarrage d’un processus politique sans exclusive.

Toutefois, nous ne devons pas oublier l’importance de la justice comme valeur fondamentale de la société humaine et comme partie intégrante du processus visant à instaurer une paix durable et à susciter la confiance des communautés touchées par cette violence persistance.

La Cour pénale internationale a un rôle important à jouer à cet égard, non seulement pour enquêter sur les crimes extrêmement graves et juger et punir les personnes qui portent la responsabilité la plus lourde pour ces crimes, mais également pour prévenir l’escalade de la violence en vue de dissuader les auteurs potentiels et de d’apporter ainsi ce qui est parfois la seule lueur d’espoir pour les civils et communautés en danger dans les zones de conflit. Par conséquent, nous exprimons notre plein appui à la poursuite des efforts menés dans la cadre de l’enquête, et nous nous réjouissons du concours apporté à cet égard au Bureau du Procureur par les États et les organisations. La coopération avec le Procureur et la Cour est vitale pour assurer le succès des enquêtes criminelles et des procédures judiciaires.

Nous voulons également souligner l’importance de la protection des victimes et des témoins et féliciter le Bureau du Procureur pour avoir agi avec la plus grande prudence au cours de cette phase afin d’éviter que les personnes et le personnel humanitaire qui ont témoigné ne soient en danger.

Selon nous, la commission d’enquête internationale constituée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, qui a commence son enquête en Libye, a à cet égard un rôle important à jouer et nous saluons l’intention du Procureur d’assurer une liaison étroite avec elle. Toutefois, nous nous préoccupons de l’impact des travaux de la commission sur la situation sur le terrain. Nous espérons que la commission pourra achever son travail bientôt.

Enfin, nous voulons saisir l’occasion qui nous est offerte d’exprimer l’appui du Portugal à la CPI et à son rôle fondamental dans la lutte contre l’impunité et la promotion de la paix et de la sécurité.

M. Hardeep Singh Puri (Inde) (parle en anglais) : Je tiens à remercier le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), M. Moreno-Ocampo, pour son exposé aujourd’hui. J’ai également pris note du rapport dont il a saisi le Conseil de sécurité, conformément au paragraphe 7 de la résolution 1970 (2011).

Comme le savent les Membres du Conseil, l’Inde n’est ni partie au Statut de Rome ni membre de la Cour pénale internationale – les raisons en sont bien connues. Dans l’explication de notre vote sur la résolution 1970 (2011) le 26 février (voir S/PV.6491), j’avais noté que seuls 114 pays sur les 192 Membres de l’ONU sont membres de la Cour pénale internationale. Cinq membres du Conseil de sécurité sur 15, dont trois membres permanents, ne sont pas parties au Statut de Rome. Mais nous avons voté pour la résolution 1970 (2011) parce que plusieurs membres du Conseil de sécurité, y compris nos collègues d’Afrique et du Moyen-Orient, étaient convaincus qu’une saisine de la Cour aurait pour effet de faire cesser immédiatement la violence et de permettre un retour au calme et à la stabilité.

Malheureusement, la situation en Libye a continué de se dégrader et la violence continue de faire rage. Nous restons très préoccupés par l’évolution de la situation en Libye et condamnons le recours à la force contre les civils. Nous exhortons à nouveau toutes les parties à mettre un terme immédiat aux attaques contre les civils et à amorcer un dialogue politique pour mettre fin à cette crise. Plus le conflit se poursuit, plus la population, l’économie et la société libyennes en souffriront.

Nous avons noté qu’après son enquête préliminaire, le Procureur, sur la base des informations disponibles, a décidé qu’il existait des motifs raisonnables de penser que des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre avaient été commis et continuent d’être commis en Libye. Nous avons également noté que, dans les prochaines semaines, le Bureau du Procureur priera la Chambre préliminaire de délivrer un premier mandat d’arrêt.

Le Procureur devra procéder à une enquête minutieuse et impartiale et ne devra être influencé par aucune considération extrajudiciaire. Tous les auteurs de crimes couverts par le Statut de Rome doivent répondre de leurs actes, quel que soit le camp dans lequel ils se situent et même s’ils ont changé de camp entretemps. Aucune question d’ordre politique ne doit entrer en ligne de compte dans la poursuite des auteurs des crimes commis. Toutes les mesures prises par la CPI devront strictement relever de la résolution 1970 (2011), en particulier de l’article 6 de ladite résolution, qui concerne les États qui ne sont pas parties au Statut de Rome.

M. Messone (Gabon) : Nous tenons nous aussi à remercier le Procureur de la Cour pénale internationale, M. Moreno-Ocampo, pour son premier rapport en application de l’article 7 de la résolution 1970 (2011). Ma délégation a lu avec beaucoup d’intérêt le rapport qui nous a été soumis et apprécie sa concision, la qualité de l’analyse et les conclusions claires auxquelles il aboutit sur les trois aspects principaux qui permettraient de déterminer si la Cour est compétente pour enquêter et poursuivre les auteurs de crimes commis en Libye depuis le 15 février 2011.

Nous prenons note des difficultés à mener toute forme d’enquête dans une situation de conflit. Nous tenons à réaffirmer l’engagement du Gabon contre l’impunité sous toutes ses formes. C’est une position de principe à laquelle nous restons très attachés ; ce qui est le fondement de notre adhésion au Statut de Rome. De même, nous sommes attachés aux principes fondamentaux de la protection des civils, du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme.

Nous voudrions rappeler notre grave préoccupation face à la situation qui continue de prévaloir en Libye. Nous sommes solidaires de toutes les décisions du Conseil de sécurité pour mettre un terme aux violences dans ce pays. C’est pourquoi nous appelons toutes les parties au conflit à un cessez-le-feu immédiat. Nous réaffirmons ici l’appel pour que tous les moyens soient déployés afin de trouver une solution politique à ce conflit.

Cela dit, le Gabon estime que l’esprit et la lettre de toutes les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité doivent être respectés. Cette application doit, de manière décisive, couvrir les actes criminels commis par quelque partie que ce soit dans cette crise. Les efforts politiques en cours ne devraient pas influer sur l’exigence de justice face à des actes de crime contre l’humanité. Aussi, nous demandons au Gouvernement libyen de coopérer et de ne pas entraver les enquêtes en cours.

Nous voulons affirmer qu’il est capital que le Conseil de sécurité appuie tous les efforts visant à faire toute la lumière sur les crimes commis sur l’ensemble du territoire libyen, y compris à l’encontre des travailleurs étrangers et d’Afrique subsaharienne. Nous déplorons les attaques ciblées à l’encontre des populations civiles qui manifestent pacifiquement pour exprimer leurs aspirations à une Libye libre et démocratique.

Ainsi, nous insistons sur la nécessité que le Procureur dispose de tous les éléments nécessaires à la conduite d’une enquête impartiale. Aussi mon gouvernement se félicite-t-il déjà de la coopération étroite entre le Procureur et la Commission d’enquête internationale constituée par le Conseil des droits de l’homme lors de sa session spéciale du 25 février.

Le Gabon voudrait assurer le Procureur de sa pleine disponibilité à coopérer dans ces efforts en vue de la pleine réalisation de l’objectif qu’il s’est assigné. Nous encourageons toutes les parties au conflit en Libye à coopérer sans condition avec la Cour pénale internationale dans le processus engagé pour faire la lumière sur la nature des crimes afin de les juger.

En conclusion, nous voulons souligner que la manière dont cette affaire sera traitée et les conclusions auxquelles elle aboutira contribueront, à notre avis, au renforcement des efforts visant à mettre fin à l’impunité et permettront de réaffirmer l’autorité, l’impartialité de la Cour dans cette crise.

Mme Viotti (Brésil) (parle en anglais) : Je remercie le Procureur Moreno-Ocampo pour son exposé et pour le premier rapport de la Cour pénale internationale (CPI) en application à la résolution 1970 (2011). Nous nous préoccupons de la poursuite des hostilités en Libye. Un cessez-le-feu immédiat et la mise en place d’un processus politique sans exclusive, qui réponde aux aspirations de la population libyenne et apporte une paix durable dans le pays, sont plus urgents que jamais.

Le Brésil est vivement préoccupé par la poursuite de la violence et le recours à la force contre des civils. Les informations qui nous parviennent sur les assassinats de civils, les arrestations arbitraires, les tortures, les disparitions forcées et les viols nous préoccupent. Le renvoi du cas de la Libye à la Cour pénale internationale, en vertu de la résolution 1970 (2011), souligne la préoccupation de la communauté internationale face aux attaques perpétrées contre la population civile en Libye. Ceux qui ont le contrôle des moyens militaires et leurs subordonnés doivent cesser toute violence à l’encontre des civils.

Tandis que la situation évolue en Libye, nous comptons que l’enquête de la CPI aidera à atteindre l’objectif recherché – cessation de la violence et retour au calme. Au lendemain du conflit, la CPI continuera de jouer un rôle essentiel afin d’aider à faire en sorte que les responsabilités soient établies et que justice soit faite, ce qui est important pour l’établissement d’une paix durable.

Pour que la CPI soit en mesure d’aider à atteindre ces objectifs primordiaux, l’enquête en cours aboutissant à de possibles poursuites dans l’avenir doit être rigoureuse, transparente et impartiale. Nous exhortons toutes les parties au conflit à pleinement coopérer avec la CPI.

M. Churkin (Fédération de Russie) (parle en russe) : Nous remercions M. Moreno-Ocampo de nous avoir présenté l’examen préliminaire pour déterminer s’il y a lieu d’ouvrir une enquête sur la situation en Libye et informé des actions menés en application de la résolution 1970 (2001). C’est parce qu’il était vivement préoccupé par l’étendue de la violence contre des manifestants pacifiques en Libye qui a fait des victimes parmi la population civile, que le Conseil a adopté cette résolution à l’unanimité.

Ce que le Procureur a dit aujourd’hui est encourageant. C’est avec un vif regret que nous apprenons que la violence s’accentue en Libye. Il est clair que seul l’application des dispositions de la résolution 1970 (2011), exigeant un cessez-le-feu immédiat et soulignant qu’il faut redoubler d’efforts pour apporter une solution politique, est à même de faire cesser la violence.

Nous sommes vivement préoccupés par le nombre croissant de victimes civiles et la destruction d’infrastructures civiles du fait des attaques des parties libyennes belligérantes, en particulier de l’utilisation d’armes frappant sans discrimination.

Il est regrettable de noter que les attaques lancées par les forces de la coalition dirigée par l’OTAN ont aussi fait des victimes parmi les civils, comme cela a été particulièrement le cas lors des récents raids sur Tripoli. Nous soulignons une nouvelle fois que tout recours à la force de la part de la coalition en Libye doit se faire dans le strict respect de la résolution 1970 (2011). Tout débordement du champ du mandat établi par cette résolution et toute utilisation disproportionnée de la force sont inacceptables.

Nous appuyons les efforts de la Cour pénale internationale visant à ouvrir une enquête juste et impartiale sur les actions de toutes les parties au conflit en Libye et à traduire en justice les personnes impliquées dans d’éventuels crimes contre l’humanité et des violations graves du droit international humanitaire en Libye.

M. Osorio (Colombie) (parle en espagnol) : Tout d’abord, je voudrais remercier le Procureur Luis Moreno-Ocampo de sa présence parmi nous à cette séance et de son exposé précieux, précis et détaillé au Conseil de sécurité sur les actions menées par son Bureau en application des dispositions pertinentes de la résolution 1970 (2011).

Les auteurs du Statut de la Cour, parmi lesquels la Colombie est fière de compter, savaient que cet organe judiciaire nouvellement créé ne pourrait fonctionner dans le vide et que, dans certaines circonstances, la tâche du maintien de la paix et de la sécurité internationales pourrait chevaucher avec l’application du principe de la responsabilité pénale internationale et la nécessité de traduire en justice les auteurs de graves crimes de caractère international. C’est pourquoi le Statut accorde au Conseil de sécurité le droit de renvoyer à la Cour une situation où un ou plusieurs crimes relevant de sa juridiction sont présumés avoir été commis.

Dans la résolution 1970 (2011), le Conseil réaffirme plusieurs concepts importants en rapport avec le présent débat, notamment la détermination que des attaques systématiques à large échelle contre la population civile en Libye peuvent constituer des crimes contre l’humanité. L’enquête a permis d’établir qu’il y a eu une répression armée systématique ayant fait des centaines de victimes et conduit à des arrestations arbitraires, tortures et violences sexuelles. Le Conseil a aussi souligné que les auteurs d’attaques, y compris aériennes et navales, dirigées contre la population civile, ou leurs complices doivent répondre de leurs actes.

Mon gouvernement estime que l’une des grandes valeurs ajoutées du Conseil de sécurité en tant qu’organe investi de la responsabilité première du maintien de la paix et de la sécurité internationales réside dans sa crédibilité, qui dépend nécessairement de la mise en œuvre efficace de ses décisions. Nous estimons à cet égard que l’action menée par la Cour pénale internationale s’agissant de la situation en Libye est de toute première importance pour garantir une pleine et efficace mise en œuvre de la résolution 1970 (2011), et mérite donc tout notre soutien. Nous sommes ici du fait d’une décision adoptée par le Conseil en vertu de l’Article 40 de la Charte des Nations Unies, de nature clairement contraignante pour tous les États Membres de l’Organisation.

Je souhaite souligner que le rapport remis au Conseil la semaine dernière et les informations supplémentaires fournies aujourd’hui par le Procureur Moreno-Ocampo montrent que la Cour et le Bureau du Procureur ont fait preuve d’une célérité toute particulière s’agissant de la mise en œuvre pratique de la résolution 1970 (2011).

Le respect du droit international, du droit international humanitaire et des droits de l’homme est le principal moyen de consolider les sociétés démocratiques où règne la primauté du droit – sociétés qui évoluent dans le cadre d’un système mû par les buts et principes de la Charte des Nations Unies et par les normes du droit international.

M. Li Baodong (Chine) (parle en chinois) : Je tiens moi aussi à remercier M. Moreno-Ocampo de son exposé.

La position de la Chine concernant la Cour pénale internationale n’a pas changé. Nous attachons une grande importance à lutter contre l’impunité et à faire régner la justice. La Chine a toujours estimé que la recherche de la justice doit se baser sur les valeurs fondamentales que sont la sauvegarde de la paix et de la sécurité et le maintien de la paix et de l’harmonie internationales.

À l’heure actuelle, rien n’indique que l’on se dirige vers l’apaisement en Libye et les efforts visant à mettre fin à la crise sont dans l’impasse. Parallèlement, la situation humanitaire continue de se détériorer et la population civile continue d’en subir les graves conséquences. La Chine exprime sa vive préoccupation à cet égard.

La Chine appelle à la mise en œuvre stricte et complète des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. La communauté internationale doit respecter la souveraineté, l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale de la Libye. C’est au peuple libyen qu’il revient de décider de ses affaires internes et du destin de la Libye. Nous ne soutenons aucune interprétation arbitraire des résolutions du Conseil ni aucune action allant au-delà de celles mandatées par le Conseil.

Pour la Chine, la priorité à l’heure actuelle doit être de parvenir à un cessez-le-feu complet et inconditionnel, comme l’exige le Conseil, et de mettre en place un système de surveillance du cessez-le-feu sous les auspices des Nations Unies.

Un dialogue pacifique et des négociations sont le meilleur moyen de progresser vers un règlement politique de la crise. Nous appuyons les efforts déployés par toutes les parties concernées, en particulier l’Union africaine. Nous approuvons la feuille de route en cinq points proposée par l’Union africaine.

Les Nations Unies et le Conseil de sécurité doivent jouer un rôle de chef de file s’agissant de trouver un règlement approprié à la crise libyenne. Nous voudrions voir l’Envoyé spécial du Secrétaire général, M. Al-Khatib, jouer un rôle plus consistant sur le volet politique. En même temps, nous aimerions que la Cour pénale internationale, dans le cadre de ses efforts visant à mettre en œuvre la résolution 1970 (2011), examine comme il convient les conditions à remplir pour régler efficacement la crise libyenne et joue un rôle positif et constructif pour que la paix, la sécurité et l’ordre soient rétablis sans tarder en Libye.

M. Amieyeofori (Nigéria) (parle en anglais) : Monsieur le Président, je voudrais vous remercier d’avoir convoqué cette séance importante afin d’examiner les activités menées par la Cour pénale internationale (CPI) concernant la situation qui règne en Libye. Nous sommes également très reconnaissants à M. Moreno-Ocampo, Procureur de la CPI, pour son exposé pénétrant.

La lutte pour la justice et contre l’impunité se situe au cœur des valeurs que partagent la majorité des États Membres, notamment ceux qui sont attachés aux buts et objectifs de la CPI. En tant qu’État partie au Statut de Rome, le Nigéria réaffirme son appui aux activités menées par la CPI, afin que les auteurs des crimes les plus graves ayant une portée internationale répondent de leurs actes. La situation en Libye constitue un test immédiat non seulement pour la CPI, qui est un outil indispensable dans nos efforts collectifs pour régler les conflits, mais aussi pour notre détermination collective à maintenir la paix et la sécurité internationales. En effet, le premier article de la Charte des Nations Unies nous enjoint de prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix, et ce par des moyens pacifiques.

À cet égard, nous nous félicitons du premier rapport du Procureur au Conseil. Ce rapport révèle une approche mesurée, logique et globale dans la conduite de l’examen préliminaire des allégations de violations des droits de l’homme en Libye et dans l’enquête qui a suivi, conformément à la résolution 1970 (2011). L’analyse factuelle initiale, menée sur la base des critères d’admissibilité, de gravité et de compétence, nous permet de mieux comprendre la nature et l’ampleur des violations qui ont été commises contre le peuple libyen et qui se poursuivent.

Les indices raisonnables permettant de conclure que des crimes contre l’humanité auraient été commis confirment davantage la pertinence de l’enquête menée par la CPI et prouvent que cette initiative est nécessaire dans l’intérêt de la justice. Par ailleurs, étant donné le caractère systématique des attaques contre les civils, l’emploi habituel d’armes imprécises et les preuves que l’on a tenté de dissimuler des crimes, des enquêtes rigoureuses s’imposent afin d’établir la responsabilité pénale des uns et des autres.

Toutefois, la situation politique en Libye est complexe et la situation sur le plan de la sécurité est fragile et instable. Pour régler la crise libyenne, il faut prendre en considération et mettre en œuvre parallèlement les résolutions 1970 (2011) et 1973 (2011). Les deux résolutions sont complémentaires et se renforcent mutuellement. En effet, elles sont fondées sur le souhait de trouver une solution politique et pacifique au conflit libyen. C’est pourquoi nous saluons les efforts des divers interlocuteurs, comme l’Envoyé spécial du Secrétaire général, M. Al-Khatib, le Groupe de contact sur la Libye et le Comité ad hoc de haut niveau pour la Libye de l’Union africaine. Tous ces efforts sont essentiels pour faciliter le dialogue entre les parties, afin d’instaurer une paix durable.

Pour ces motifs, il importe que les activités du Procureur soient calibrées avec soin dans le but d’appuyer les efforts politiques en cours visant à trouver une solution pacifique. Si l’on ne tient pas compte de cet aspect vital, on risque de compromettre toute chance de paix non seulement pour la Libye, mais aussi pour l’ensemble de la région. C’est pourquoi il faut veiller à ce que les activités menées dans l’intérêt de la justice ne portent pas atteinte aux efforts visant à promouvoir une paix et une stabilité durables dans le pays.

Cette observation met en lumière la nécessité pour l’équipe du Procureur de se montrer exigeante dans la définition des critères que les éléments de preuve doivent remplir et de rester impartiale face à des preuves convaincantes et choquantes. À cet égard, je voudrais attirer l’attention sur le sort des ressortissants de pays de l’Afrique subsaharienne qui sont détenus par les autorités de Benghazi et souligner la nécessité de veiller à ce que leurs cas soient traités dans le cadre d’une procédure régulière.

Nous ne devons pas sous-estimer la lourde responsabilité du Procureur en la matière. On voit mal comment les intérêts de la justice pourraient être servis sans la coopération de la communauté internationale. Comme l’indique clairement le rapport, dans le cadre de ses activités, le Procureur a jusqu’à ce jour bénéficié de la coopération internationale, et il faut encourager sa poursuite. Nous sommes fermement convaincus que l’implication de la CPI va faire progresser nos efforts collectifs visant à instaurer une paix durable en Libye et à réaliser les aspirations du peuple libyen.

M. Mashabane (Afrique du Sud) (parle en anglais) : Monsieur le Président, je vous remercie d’avoir convoqué la présente séance et de nous avoir donné l’occasion d’échanger des vues avec le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) sur la situation en Libye. Je voudrais également remercier le Procureur Moreno-Ocampo de son exposé au Conseil. Nous sommes particulièrement impressionnés par la diligence avec laquelle les enquêtes ont été menées.

Non seulement notre délégation a appuyé la résolution 1970 (2011), mais elle s’en est également portée co-auteur. Nous avons appuyé la décision de saisir la Cour pénale internationale de la situation en Libye, notamment en raison de notre soutien à la lutte que mène la communauté internationale contre l’impunité et des préoccupations que nous avions exprimées face à l’escalade de la violence en Libye. En tant qu’État partie au Statut de Rome, l’Afrique du Sud continuera d’apporter son appui au Procureur dans le contexte du conflit libyen. Comme nous l’avons indiqué dans nos déclarations à l’occasion de l’adoption des résolutions 1970 (2011) et 1973 (2011) (voir S/PV.6491 et S/PV. 6498), l’Afrique du Sud était et demeure préoccupée par les crimes contre les civils et les violations des droits de l’homme commis dans le contexte du conflit libyen.

Pour commencer, nous constatons que les critères requis des éléments de preuve pour décider d’ouvrir une enquête sont très inférieurs à ceux qu’imposerait l’ouverture de poursuites couronnées de succès. C’est pourquoi nous encourageons le Procureur à n’épargner aucun effort pour rechercher des preuves supplémentaires, afin de renforcer ses dossiers contre les auteurs présumés d’atrocités. Nous espérons que le Procureur mènera des enquêtes sur toutes les atrocités commises par chacune des deux parties au conflit.

Comme l’indique le rapport du Procureur, la situation qui règne actuellement en Libye revient à un conflit armé. Des crimes auraient été commis par les forces gouvernementales comme par les forces de l’opposition. Pour protéger l’intégrité du pays et assurer la protection de tous ceux qui sont pris dans les feux croisés du conflit, tous les crimes, quels qu’en soient les auteurs, doivent faire l’objet d’une enquête. Bien entendu, cette affirmation ne porte pas atteinte à la latitude qu’a le Procureur de déterminer qui porte la plus grande responsabilité pour les crimes les plus graves.

Enfin, plusieurs délégations ont posé des questions relatives à la mise en œuvre de la résolution 1970 (2011), en particulier s’agissant de savoir si les mesures prises par certains États en application de la résolution sont conformes à l’esprit et à la lettre de celle-ci. Nous savons que le paragraphe 6 de cette résolution contient une clause de réserve conçue pour exclure la compétence de la Cour dans certains cas précis. Toutefois, nous tenons à rappeler que cette clause de réserve s’applique uniquement aux opérations établies ou autorisées par le Conseil de sécurité. Par conséquent, toute mesure qui ne s’inscrit pas dans le cadre de la résolution 1973 (2011) ne bénéficie pas de la protection offerte par cette clause de réserve. Nous espérons sincèrement qu’en examinant les éléments de preuve, le Procureur examinera également tous les actes qui auraient été commis avec l’intention affichée de mettre en œuvre la résolution 1973 (2011).

Je voudrais terminer en assurant le Procureur que l’Afrique du Sud continuera de coopérer avec la CPI. Nous attendons avec intérêt les informations que nous fournira le Procureur au cours des six prochains mois et espérons qu’à ce moment, la CPI aura émis des actes d’accusation contre les principaux responsables des atrocités commises en Libye. Nous nous réjouissons de l’intention qu’a le Conseil de présenter bientôt un dossier à la CPI tendant à lancer des mandats d’arrêt contre trois individus. Nous espérons qu’avec le temps, des poursuites seront engagées contre un plus grand nombre.

Mme Rice (États-Unis d’Amérique) (parle en anglais) : D’emblée, je voudrais remercier le Procureur de son exposé très important et très instructif.

Par la résolution 1970 (2011), le Conseil a décidé à l’unanimité de saisir le Procureur de la Cour pénale internationale de la situation qui règne en Jamahiriya arabe libyenne. Ce faisant, le Conseil a démontré l’importance que la communauté internationale attache à ce que les auteurs des attaques systématiques et généralisées perpétrées contre le peuple libyen répondent de leurs actes.

Le Procureur a mis en relief les agissements extrêmement troublants du Gouvernement libyen et de ses forces de sécurité, notamment des incidents au cours desquels les forces pro-Kadhafi ont tiré sur des civils, des cas de tortures, de viols, de déportations et de disparitions forcées, l’utilisation de munitions à fragmentation et d’armes lourdes contre des zones urbaines densément peuplées, et le blocage de l’aide humanitaire. Tout ceci atteste de la gravité de ce à quoi nous assistons en Libye aujourd’hui.

De nouveaux rapports indiquent clairement que le régime de Kadhafi continue de cibler directement des civils, et donc il reste nécessaire de rendre la justice et d’attribuer la responsabilité aux auteurs de ces actes. Ces rapports rappellent également ce que nous n’avons cessé de dire dans nos déclarations et dans le cadre de nos efforts diplomatiques, à savoir que Kadhafi a perdu toute légitimité de diriger la Libye.

Tandis que la CPI continue ses procédures, il importe que la communauté internationale maintienne sa volonté collective de protéger les civils et les zones peuplées de civils qui sont sous la menace d’une attaque, de mettre fin à la violence contre le peuple libyen, et de défendre les droits universels que nous partageons tous.

Mon gouvernement salue le travail rapide et approfondi réalisé par le Procureur qui a déclaré avoir l’intention de lancer un mandat d’arrêt dans les semaines à venir. Le spectre de poursuites de la CPI est sérieux et imminent, et devrait avertir l’entourage de Kadhafi des risques encourus à s’associer avec lui. Le Procureur a également indiqué que d’autres poursuites pourraient être ouvertes, selon que de besoin, contre des individus qui se rendraient coupables de crimes dans les jours à venir.

Demain, les membres de la communauté internationale se réuniront à Rome pour envisager les façons d’appuyer un processus politique favorable aux droits et aux aspirations du peuple libyen. Plusieurs propositions ont été avancées pour résoudre cette crise. Nous continuons, en consultation avec nos alliés et nos partenaires, dont l’Envoyé spécial des Nations Unies, M. Al-Khatib, de les examiner, ainsi que d’autres solutions potentielles.

Nous croyons au potentiel du peuple libyen. Nous croyons qu’il mérite des dirigeants qui partagent et appuient ses aspirations à la liberté, à la démocratie et à la dignité. Par la brutalité de son oppression, Kadhafi a montré encore une fois qu’il n’est pas intéressé par une Libye qui honore les espoirs et les droits de son peuple.

M. Salam (Liban) (parle en arabe) : Je tiens tout d’abord à remercier le Procureur Luis Moreno-Ocampo pour son exposé. Nous apprécions au plus haut point ses efforts et ceux de son Bureau, qui contribuent à protéger les civils libyens et à faire appliquer l’état de droit.

Le Liban rappelle que le 22 février, au cours d’une séance extraordinaire d’urgence, le Conseil de la Ligue des États arabes avait condamné les actes commis contre des citoyens libyens, actes qu’il avait qualifiés de violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Nous rappelons également la lettre du Représentant permanent de la Libye auprès de l’Organisation des Nations Unies en date du 26 février, dans laquelle il demandait que les responsables du meurtre de civils libyens répondent de leurs actes devant la Cour pénale internationale.

Le Liban est extrêmement préoccupé par la détérioration de la situation en Libye et par le comportement continu d’un régime libyen discrédité et délégitimé, en particulier à Misrata, à Zintan et ailleurs. Le régime utilise également des armes lourdes et des bombes à fragmentation contre les civils. La déclaration faite récemment par Mme Navi Pillay, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, nous a encore plus alarmés.

Le Liban se félicite du rapport sur les activités menées par le Bureau du Procureur ces deux derniers mois sur la situation en Libye. Nous saluons la coopération des États membres et non membres, ainsi que d’autres organisations, comme cela est mentionné dans le rapport. Cette coopération, accordée en réponse à la résolution 1970 (2011) du Conseil de sécurité, envoie un message clair de la communauté internationale concernant la protection des citoyens libyens contre les violations dont ils sont victimes depuis le 15 février.

Le Liban salue également le travail réalisé par le Bureau du Procureur pour protéger les témoins et veiller à ce que leurs contributions et leurs révélations ne mettent pas leur vie en danger. La direction du Bureau est caractérisée par un niveau élevé de responsabilité professionnelle.

Le Liban rappelle l’importance de tenir pour responsables les auteurs de crimes odieux contre le peuple libyen qui aspire si ardemment à la liberté. Nous croyons aussi que le succès de la CPI sera un facteur dissuasif à l’avenir et servira d’instrument permettant de mettre fin à l’impunité en Libye. Nous nous félicitons en l’occurrence de l’annonce faite par le Procureur de l’émission imminente de mandats d’arrêt.

Enfin, le Liban attend avec intérêt une justice qui atténuera les frustrations et le chagrin des familles des martyrs libyens, réduira les souffrances des personnes blessées et torturées, permettra aux personnes déplacées et aux réfugiés de rentrer chez eux, et rétablira la paix et la sécurité en Libye.

M. Barbalić (Bosnie-Herzégovine) (parle en anglais) : Je tiens tout d’abord à souhaiter la bienvenue au Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) à la présente séance et je le remercie pour son exposé très complet. Je le remercie également d’avoir établi le rapport qui nous a donné un tableau plus complet et une meilleure idée de la situation sur le terrain. Ce rapport décrit très clairement une situation très grave en présentant des faits qui, hélas, ont été confirmés par des exposés successifs.

Malheureusement, le rapport du Procureur de la CPI présente de nouvelles preuves de violations graves et continues du droit international humanitaire et du droit des droits de l’homme, ainsi que de la détérioration de la situation, notamment de la violence systématique contre la population civile, que nous condamnons fermement et que nous jugeons inacceptable.

La Bosnie-Herzégovine est extrêmement préoccupée par les crimes dont il est fait état et par la façon dont ils ont été commis, ce qui ne fait que renforcer notre conviction que le renvoi de la situation en Libye à la CPI est conforme à nos engagements et à nos obligations.

Au bout de deux mois d’enquête seulement, le rapport du Procureur contient déjà des preuves d’incidents qui constitueraient des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Nous sommes convaincus que traiter de ces crimes et punir les responsables est sans aucun doute la condition préalable à la réconciliation et à une paix et une stabilité longues et durables. L’impunité n’est pas une option. Je suis certains que nous sommes tous d’accord.

C’est précisément pour ces raisons, et sur la base de notre croyance ferme et inébranlable dans le système de justice, que nous sommes d’avis que l’application intégrale des résolutions 1970 (2011) et 1973 (2011) est de la plus haute importance. Les obligations émanant de ces résolutions ne sont pas facultatives.

Enfin, nous sommes convaincus que la condamnation des atrocités et des crimes relevant de la compétence de la Cour est unanime et ferme. Mon pays reste attaché aux idées et aux objectifs de la CPI, et à ses propres obligations. Et le Procureur de la CPI a tout notre appui.

Le Président : Je vais maintenant faire une déclaration en ma qualité de représentant de la France.

Je remercie le Procureur Moreno-Ocampo de son rapport et de sa présentation. Lorsqu’un gouvernement se retourne contre les populations civiles au lieu de les protéger, lorsque les atrocités commises sont telles qu’elles heurtent la conscience de l’humanité, lorsque la stabilité de toute une région est affectée, la communauté internationale a la responsabilité d’intervenir et de protéger les civils. C’est ce que nous avons fait en Libye.

Dès la mi-février 2011, face aux exactions commises par les dirigeants libyens, la Ligue arabe, l’Union africaine et le Secrétaire général de l’Organisation de la Conférence islamique ont condamné des violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Le Conseil de sécurité a lui aussi réagi rapidement en adoptant, à l’unanimité, le 26 février 2011, la résolution 1970 (2011) qui défère la situation en Libye au Procureur de la Cour pénale internationale.

Dans son rapport, le Procureur confirme les craintes exprimées par le Conseil : les attaques des forces de sécurité contre les manifestants pacifiques ont été, à compter du 17 février 2011, systématiques et généralisées ; les civils soupçonnés d’être associés aux manifestations sont arbitrairement détenus, enlevés et torturés.

Dans le cadre du conflit armé, le Procureur recense aussi la commission de crimes de guerre. À Misratah et ailleurs, ce ne sont pas des objectifs militaires qui sont les cibles privilégiées, mais la population civile, en utilisant des bombes à fragmentation et des tireurs isolés, en attaquant les hôpitaux, et en minant les ports pour empêcher l’évacuation des civils. Le Procureur indique également qu’il examinera toute allégation d’attaques contre des migrants africains.

En saisissant la Cour pénale internationale de la situation en Libye, nous avons pris une décision importante et nous l’avons prise unanimement, en connaissance de cause, afin que les principaux responsables des crimes soient poursuivis, jugés et incarcérés. Le processus judiciaire est en marche, il doit suivre son cours.

Ainsi que le Procureur l’a expliqué, la Cour pénale internationale ne poursuivra que les principaux responsables, ceux qui ont organisé, ordonné ou financé les crimes. Il est encore temps pour ceux qui se sont fourvoyés dans la campagne criminelle menée par Kadhafi contre des civils innocents de s’en dissocier. Il ne peut y avoir aucune solidarité politique ou autre avec ceux qui ordonnent ou commettent de tels crimes.

La France se félicite que, conformément à résolution 1970 (2011), les États et les organisations régionales aient offert au Procureur toute leur coopération, permettant ainsi à son enquête de progresser rapidement. Dans le futur, quelles que soient les décisions que prendront les juges, il faudra aussi que ce Conseil, uni et déterminé, les soutiennent.

Je reprends mes fonctions de Président du Conseil.

Il n’y a pas d’autre orateur inscrit sur ma liste. Le Conseil de sécurité a ainsi achevé la phase actuelle de l’examen de la question inscrite à l’ordre du jour.

La séance est levée à 11 h 25.