Rapport de Lynn Pascoe, Secrétaire général adjoint aux affaires politiques
©UN Photo/JC McIlwaine

M. Pascoe (parle en anglais) : Cela fait déjà très longtemps que le conflit israélo-palestinien aurait dû prendre fin et qu’un État de Palestine indépendant et viable, vivant aux côtés d’Israël dans la paix et la sécurité, aurait dû être créé. Dans un contexte régional qui évolue rapidement, il est urgent d’accomplir des progrès significatifs pour atteindre cet objectif. Les échéances fixées l’année dernière pour régler toutes les questions liées au statut permanent et achever le processus d’édification de l’État palestinien se rapprochent. Néanmoins, en dépit des efforts constants déployés pour aider Israéliens et Palestiniens à trouver un moyen de retourner à la table des négociations, l’impasse politique persiste. Les divergences restent profondes entre les parties en ce qui concerne le cadre des négociations et la méfiance s’accroît.

Le statu quo est intenable et nuit aux deux parties. Rappelant de manière brutale la fragilité de la situation, la période récente a été marquée par une grave escalade de la violence avec des attaques terroristes prenant pour cible des véhicules civils et un véhicule militaire dans le sud d’Israël, le 18 août. Ces attaques coordonnées ont entraîné la mort de huit Israéliens, deux soldats et six civils. Les forces de sécurité égyptiennes ont coopéré avec les Forces de défense israéliennes (FDI), de leur côté de la frontière, pour contrer ces attaques. Cependant, cinq membres des forces de sécurité égyptiennes ont perdu la vie durant l’opération.

S’appuyant sur des informations selon lesquelles les auteurs des attaques seraient un groupe palestinien basé à Gaza, Israël a mené 45 frappes aériennes sur Gaza, qui ont tué 19 Palestiniens, dont trois civils. Trente Palestiniens, y compris 10 activistes au moins, ont également été blessés. Les FDI ont en outre mené des opérations de recherche à Hébron en Cisjordanie et auraient arrêté environ 120 membres du Hamas et blessé 55 Palestiniens. Les activistes de Gaza ont tiré à l’aveugle plus de 100 roquettes et projectiles en direction d’Israël, tuant un civil israélien et en blessant 27 autres.

Le Secrétaire général et le Quatuor ont fermement condamné ces attaques terroristes. Ils se sont également dit préoccupés par le risque d’escalade et ont appelé toutes les parties à la retenue. Le Secrétariat a fourni un premier compte rendu sur ces incidents le 19 août. Le 20 août, Israël a exprimé ses regrets suite aux pertes subies par les forces égyptiennes, événement qui avait exacerbé les tensions entre les deux pays.

Le Bureau du Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient a joué un rôle actif et a appuyé les efforts considérables déployés par l’Égypte pour rétablir le calme qui régnait à Gaza depuis le mois d’avril. Le Coordonnateur spécial, M. Serry, s’est rendu au Caire le 21 août pour travailler en coopération étroite avec le Gouvernement égyptien à cet égard. Il y a rencontré le Ministre des affaires étrangères et le Chef du service des renseignements. Un calme fragile a été rétabli en début de semaine mais nous redoutons toujours un risque d’escalade. Dans ce contexte, nous rappelons que la cessation des hostilités est un élément clef pour faire avancer la mise en œuvre des résolutions 1850 (2008) et 1860 (2009). Les tirs aveugles de roquettes par les militants en direction de zones habitées par des civils sont inacceptables, et le Secrétaire général a toujours condamné de tels actes. Nous réaffirmons l’appel à la retenue lancé à toutes les parties par le Secrétaire général.

Il est d’autant plus important de maintenir le calme si l’on veut permettre aux efforts diplomatiques en cours en faveur d’une reprise de négociations sérieuses de porter leurs fruits. Le Secrétaire général continue d’encourager les parties à surmonter leurs divergences et à appuyer les efforts du Quatuor à cet égard.

Néanmoins, sans avancée politique et avec la poursuite des activités de peuplement israéliennes, les dirigeants palestiniens ont confirmé leur intention de s’adresser à l’ONU en septembre. Le 28 juillet, le Comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine a annoncé qu’il appuyait la volonté des dirigeants de saisir l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité. Le 4 août, le Comité pour l’Initiative de paix arabe a annoncé que la Ligue des États arabes avait l’intention de demander aux États Membres de l’ONU de reconnaître un État palestinien à l’intérieur des frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale, et de présenter une demande d’admission à part entière à l’ONU. Le Comité a confirmé sa décision lors d’une réunion tenue le 23 août. Le Gouvernement israélien s’est redit opposé à une action palestinienne à l’ONU. Nous continuons d’espérer que la communauté internationale sera en mesure de trouver un moyen légitime et équilibré d’aider les parties à reprendre des négociations sérieuses afin de mettre en œuvre la solution des deux États.

Nous n’avons eu de cesse de répéter que nous estimions que le programme d’édification de l’État mis en œuvre par l’Autorité palestinienne avait permis de jeter les bases d’un État palestinien, notamment dans les zones clefs dans lesquelles l’ONU travaille avec l’Autorité. Des réformes crédibles ont permis d’obtenir des progrès concrets sur le plan économique et en matière de sécurité. Ces gains doivent être consolidés et appuyés par de véritables perspectives politiques de création d’un État palestinien dans le cadre de négociations sur le fond.

L’Autorité palestinienne doit également avoir les moyens financiers de poursuivre l’édification de l’État et la mise en œuvre des réformes. En raison de financements insuffisants de la part des donateurs, l’Autorité palestinienne connaît actuellement une grave crise budgétaire et a besoin de 250 millions de dollars de contributions supplémentaires pour pouvoir s’acquitter immédiatement de ses obligations. Nous demandons aux donateurs d’apporter un appui généreux en temps voulu.

Aux termes d’une décision extrêmement préoccupante, le Gouvernement israélien a annoncé une série de nouvelles constructions de colonies de peuplement en Cisjordanie. Au total, 5 200 logements devraient être construits à Jérusalem-Est occupée. La construction de 277 autres logements a également été autorisée dans la colonie d’Ariel en Cisjordanie – le plus grand nombre de logements au sein d’une même colonie à l’extérieur de Jérusalem-Est approuvé par le Gouvernement en place. Le Secrétaire général a rappelé que les activités de peuplement en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, sont contraires au droit international. Le 16 août, le Quatuor s’est dit vivement préoccupé par cette annonce et a rappelé sa déclaration du 12 mars 2010 dans laquelle il condamnait une décision semblable du Gouvernement israélien. Le Quatuor a également réaffirmé qu’une action unilatérale par l’une ou l’autre partie ne saurait préjuger de l’issue des négociations et ne sera pas reconnue par la communauté internationale.

Sur une note plus positive, le 2 août, la Cour suprême israélienne a ordonné l’évacuation de l’avant-poste de colonie de peuplement illégal de Migron et nous attendons que cette décision soit appliquée.

L’intention du Gouvernement israélien de déplacer près de 2 300 Bédouins vivant dans la Zone C est également inquiétante. Les terres sur lesquelles vivent ces Bédouins ont été affectées à la construction et à l’expansion du bloc de colonies de Ma’ale Adumim à Jérusalem-Est. Le 22 août, la Haute Cour de justice israélienne a rejeté un appel demandant la modification du tracé d’une section de la barrière qui entoure le village d’Al-Walajeh en Cisjordanie, autorisant ainsi la construction d’une route qui risque d’encercler ce village et d’empêcher d’y accéder librement depuis Jérusalem-Est et le reste de la Cisjordanie.

Les actes de violence perpétrés par des colons, les incursions des FDI et les restrictions actuelles à la liberté de circulation et d’accès continuent de générer des tensions. Le 1er août, les FDI ont tué par balle deux Palestiniens au cours d’une opération de recherche et d’arrestation dans le camp de réfugiés de Qalandiya. Cinq soldats israéliens ont été blessés durant cette opération. Même si le nombre d’agressions violentes commises par des colons contre des Palestiniens a reculé durant la période à l’examen, plusieurs incidents de ce type se sont toutefois produits, blessant un enfant palestinien, causant des dommages matériels et blessant également un colon. Le 2 août, les FDI ont émis des ordonnances d’interdiction temporaire à l’encontre de 12 colons d’un village situé au sud de Naplouse qui sont soupçonnés d’avoir mené des actes dits « du prix à payer » à l’encontre de Palestiniens. Le Secrétaire général continue de demander que les auteurs de tels actes soient poursuivis en justice.

Alors que les musulmans fêtent le mois de ramadan, des restrictions continuent de limiter l’accès à la mosquée Al-Aqsa. Dans un premier temps, les autorités israéliennes avaient facilité l’accès à Jérusalem-Est pour les Palestiniens de Cisjordanie, autorisant 117 000 d’entre eux à y entrer le deuxième vendredi du ramadan. Mais la semaine dernière, elles ont de nouveau durci les restrictions. Le 17 août, les autorités israéliennes ont maintenu la fermeture de la Maison d’Orient et de la Chambre de commerce de Jérusalem-Est en application de leurs sanctions continues contre les institutions du Gouvernement palestinien dans la ville. Ces mesures violent les obligations qui incombent à Israël au titre de la Feuille de route. Comme le Quatuor l’a répété le 16 août, Jérusalem est une question fondamentale qui doit être réglée par la négociation.

Les conditions de vie de la population de Gaza restent une priorité pour l’ONU. Les importations vers Gaza ont augmenté de 12 % depuis notre dernier exposé. C’est un pas dans la bonne direction. Des restrictions restent cependant en vigueur, limitant l’amélioration des conditions de subsistance de la population qui se sont dégradées depuis les trois années que dure le bouclage de la bande de Gaza. Pour répondre aux besoins humanitaires de Gaza et remettre son économie sur pied, il faut assouplir le bouclage dans tous les domaines et améliorer considérablement les conditions de sécurité.

Nous tenons à répéter que les activités humanitaires constituent une aide cruciale pour plus d’un million des habitants de Gaza, et il est indispensable que les organisations humanitaires puissent mener leurs activités sans entrave et de manière indépendante. Le Bureau du Coordonnateur spécial des Nations Unies a aidé à désamorcer les tensions suscitées par la fermeture d’une ONG médicale à Gaza qui avait refusé d’autoriser un audit interne par le Ministère de l’intérieur de facto. Nous nous réjouissons de la réouverture de cette ONG le 14 août. Nous sommes toutefois préoccupés par les nouveaux ordres donnés par les autorités de facto de Gaza qui imposeraient au personnel des organisations de la société civile de s’inscrire auprès desdites autorités pour tout déplacement effectué en dehors de Gaza à titre officiel.

La décision prise le 17 août par le Ministère de l’éducation de facto d’empêcher huit étudiants de Gaza de se rendre aux États-Unis, où une bourse d’études leur avait été attribuée, est également préoccupante et entrave les efforts déployés par la communauté internationale pour rétablir une situation normale à Gaza. Autre fait troublant, le 28 juillet, des hommes armés ont attaqué et détruit des locaux de l’ONU qui abritaient des camps d’été pour enfants.

Le sergent israélien Gilad Shalit reste détenu par le Hamas depuis le 25 juin 2006. Je demande à ses ravisseurs d’autoriser un accès humanitaire et de le relâcher sans délai. Israël et les autorités de facto de Gaza auraient tenu des pourparlers indirects sous l’égide de l’Égypte en vue de procéder à un échange de prisonniers et nous espérons qu’un accord sera bientôt conclu.

Des représentants du Fatah et du Hamas continuent de se réunir en vue de mettre en œuvre l’accord de réconciliation convenu au Caire au mois de mai. Nous continuons à appuyer les efforts déployés dans le cadre des engagements pris par l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), des positions du Quatuor et de l’Initiative de paix arabe.

L’accord de réconciliation envisage la tenue d’élections à la suite de la formation d’un gouvernement d’unité technocratique. Le 22 août, le Président Abbas a publié un décret reportant les élections locales à une date ultérieure non fixée, où il déclarait qu’il fallait d’abord que soient en place les conditions permettant à la commission électorale d’œuvrer sur l’ensemble du territoire. Les élections devaient se dérouler le 22 octobre.

Je voudrais maintenant passer à la situation au Liban, qui a été le théâtre de plusieurs incidents préoccupants en matière de sécurité. Le 26 juillet, un convoi de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) a essuyé des tirs à proximité de la ville de Saïda. Cinq Casques bleus ont été blessés. Il s’agissait de la deuxième attaque en deux mois, ce que le Secrétaire général a condamné avec force. Le 1er août, il y a eu un bref échange de tirs entre les Forces armées libanaises et les Forces de défense israéliennes près du fleuve Wazzani. Le Conseil a entendu un exposé sur ces incidents il y a deux jours de cela. Malgré ces incidents, la situation dans la zone d’opérations de la FINUL est restée dans l’ensemble calme et stable.

Les violations israéliennes de l’espace aérien libanais se sont poursuivies presque chaque jour et en grand nombre. En outre, le 29 juillet et le 11 août, deux explosions se sont produites à Beyrouth dans des circonstances toujours mal définies. La deuxième explosion a fait deux morts – il s’agirait des personnes qui manipulaient l’engin explosif – et deux blessés. Le 13 août, des tirs ont visé Suleiman Franjieh, un membre du Parlement.

Les 5 et 6 août, des affrontements violents ont opposé des factions armées dans le camp de réfugiés palestiniens d’Ain al-Hilweh à la suite d’une tentative d’assassinat contre le commandant militaire du Fatah au Liban. Un cessez-le-feu a été conclu après des heures de combat qui ont fait de nombreux blessés. Une des écoles de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient a été touchée par une grenade projetée au moyen d’un lance-roquettes qui a endommagé deux salles de classe.

C’est dans ce contexte que, lors de ses visites au Liban du 16 au 19 août, le Président Abbas a réaffirmé sa position, à savoir que les réfugiés palestiniens au Liban « n’ont pas besoin d’armes, à l’intérieur comme à l’extérieur des camps, car ils sont sous la protection de la loi libanaise ». Le Président a également inauguré une nouvelle ambassade palestinienne à Beyrouth, symbole d’une meilleure représentation diplomatique de l’OLP au Liban et de ses efforts visant à rallier l’appui du Liban à la reconnaissance d’un État palestinien à l’ONU en septembre.

Les 3 et 4 août, le Parlement libanais a tenu sa première session depuis la formation du Gouvernement du Premier Ministre Mikati le 7 juillet. Au cours de cette session, le Parlement a, entre autres choses, adopté une loi qui définit les zones maritimes placées sous souveraineté libanaise.

Les travaux du Tribunal spécial pour le Liban se poursuivent et restent d’une importance cruciale pour le pays. Le 9 août, les autorités libanaises ont notifié le Tribunal spécial qu’elles n’étaient pas en mesure d’arrêter ni de transférer les personnes accusées de l’assassinat de l’ancien Premier Ministre, Rafic Hariri. Le 18 août, le Président du Tribunal spécial a ordonné une annonce publique de l’acte d’accusation. L’ONU appuie le travail important réalisé par le Tribunal spécial et attend du Gouvernement libanais une coopération pleine et entière.

Je voudrais maintenant passer rapidement à ce qui se passe en Syrie. Je sais que M. Fernandez-Tarranco a fait un exposé au Conseil les 1er et 10 août. La Haut-Commissaire Pillay, la Secrétaire générale adjointe Amos et moi-même avons tenu une séance d’information à l’intention du Conseil le 18 août, et j’ai essayé de présenter une mise à jour au Conseil il y a deux jours. Le Secrétaire général n’a cessé d’exhorter le Président Assad à mettre immédiatement fin à la violence contre le peuple syrien et à s’engager dans de véritables réformes. Mais le Président Assad, alors qu’il s’était engagé à le faire, n’a pas tenu sa promesse. Comme le Secrétaire général l’a dit plus tôt cette semaine, ce fait est quelque peu troublant.

Les forces de sécurité syriennes ont continué de recourir à une force excessive et létale contre les manifestants, notamment dans les provinces de Homs, Hama, Daraa, Idlib et Deir ez-Zor, ainsi qu’à l’intérieur et autour de Damas. Un grand nombre de civils ont été tués ou blessés, et les arrestations massives arbitraires ont continué. Les médias officiels syriens rapportent que des membres du personnel militaire et de sécurité ont également perdu la vie ces derniers jours.

Dans une interview donnée le 21 août, le Président Assad n’a rien dit de la violence perpétrée contre les civils, continuant à imputer la situation aux attaques armées commises contre des postes de l’armée, de la police et des forces de sécurité. Il a également énoncé le calendrier des réformes politiques annoncées plus tôt, dont des élections parlementaires prévues pour février 2012 et une révision de la Constitution. Toutefois, le fait qu’il n’ait pas restreint les forces de sécurité a sapé la crédibilité de ces annonces, et la communauté internationale reste assez sceptique.

La Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a publié un rapport extrêmement troublant sur les violations systématiques et généralisées des droits de l’homme commises depuis le mois de mars, et conclu que celles-ci pourraient, de par leur ampleur et leur nature, constituer des crimes contre l’humanité. Nous saluons la décision prise mardi par le Conseil des droits de l’homme d’établir une commission d’enquête internationale, et nous espérons que les autorités syriennes coopèreront pleinement avec elle.

Comme prévu, nous avons envoyé une équipe de l’ONU examiner l’ensemble de la situation humanitaire et se faire une meilleure idée des besoins humanitaires de la population la plus touchée par la violence en Syrie. Cette équipe a pu se rendre sur plusieurs sites partout dans le pays, dont la zone rurale autour de Damas, Homs, Tartous, Talkalakh, Baniyas, Lattaquié, Idlib, Hama et Alep. Elle vient de terminer ses visites aujourd’hui, et le Bureau de la coordination des affaires humanitaires tiendra, dans les prochains jours et si besoin est, une séance d’information.

De nombreux dirigeants mondiaux, dont ceux de la région, et bien entendu le Secrétaire général, ont exhorté le Président Assad à mettre immédiatement fin aux opérations militaires qui font des morts parmi son propre peuple. Il doit entendre l’appel de la communauté internationale, et nous lui demandons d’y répondre sans plus tarder.