Si Poutine a déclaré récemment que les services fiscaux ne doivent pas terroriser les hommes d’affaires, je ne pense pas qu’il faisait allusion à l’affaire Yukos et aux anciens dirigeants de cette société. Yukos, c’est avant tout du business politique et les problèmes ne viennent pas seulement des machinations fiscales. Les grosses entreprises qui ont surgi après notre révolution en 1991 tiraient leurs revenus de rentes acquises grâce à la proximité avec l’état-major de la révolution qui se trouvait alors au Kremlin. C’est un business avec la propriété soviétique. C’est peut-être normal, de tels business ont existé partout. Le problème, c’est que ces gens se sont approprié les biens du peuple et n’ont pas partagé. Ce procès caractérise la volonté d’en finir avec les contradictions des années 90. Les propriétés acquises pendant ces années sont illégitimes aux yeux des citoyens, surtout les grosses.
Cela fait longtemps que l’on essaye de régler ces comptes avec les privatisations, mais comment faire ? Les anciens dirigeants de Yukos sont non seulement pénalement responsables, mais aussi moralement. D’énormes capitaux ont été détournés de l’économie nationale et sont sortis du pays. Ensuite, de l’extérieur, ces gens ont essayé d’acheter le système politique du pays, d’enlever leur souveraineté aux gens. C’est à cause d’un problème de morale que Yukos est tombée. Les gens de Yukos mènent actuellement une campagne efficace contre notre réputation, surtout à l’étranger. Je pense que la capitalisation en Russie va augmenter, pas une capitalisation éphémère comme celle qu’on aurait obtenu de Yukos, mais une capitalisation durable et participant à l’augmentation de la richesse nationale.
Nous voulons vivre dans un pays libre, mais pas libre uniquement pour les actionnaires de Yukos. Ce sont les citoyens qui contestent les agissements de ces personnes, en ce sens, nous avons de réelles chances de libéralisation politique et économique de la Russie. Khodorkhovski est l’otage d’une situation qu’il n’est pas le seul a avoir provoquée, je n’ai rien personnellement contre lui. Il est une sorte de victime que la nation a sacrifiée devant l’impossibilité depuis plusieurs années déjà, de solder les comptes de la chute du pays. J’espère que ce procès sera une leçon pour les actionnaires de Yukos, mais aussi pour nous même. Si nous voulons être une démocratie, pour que le peuple ait le pouvoir, alors ce peuple doit renforcer l’État.

Source
Ivesti.ru (Fédération de Russie)

« ЮКОС разбился о моральную проблему », par Gleb Pavlovski, Ivesti.ru, 16 mai 2005. Ce texte est adapté d’une interview.