La tendance au Moyen-Orient

Une logique de Guerre froide
L’internationalisation de la crise syrienne replonge le Moyen-Orient dans la logique de la Guerre froide, qui, pendant plusieurs décennies, a permis à la Syrie de jouer les équilibres dans la cours des grands. Damas renoue avec la politique des alliances et tente de tirer les dividendes d’une crise qui menace d’embraser militairement la région, d’Israël à l’Afghanistan, en passant par le Liban, la Syrie, l’Irak, l’Iran et les pétromonarchies du Golfe. Le risque de conflagration a jusqu’à présent dissuadé l’Otan, la Turquie et Israël d’intervenir militairement contre l’axe Damas-Téhéran allié au Hezbollah et au Hamas. La Russie et la Chine ont pour leur part, réussi à neutraliser les démarches occidentales visant la Syrie et l’Iran au Conseil de sécurité. Le régime syrien semble loin d’être isolé. Bien au contraire, le retrait états-unien d’Irak, perçu comme une défaite à Washington, risque de renforcer le front anti-US, dans la région. Face à cette perspective alarmante, les pays occidentaux et leurs alliés arabes espèrent renverser le régime syrien, perçu comme le « maillon faible » de cette coalition hostile. C’est ce qu’affirme le néoconservateur américain Elliott Abrams. « La fin du régime d’Assad représentera un grand gain pour les États-Unis », affirme-t-il dans la publication du Council on Foreign Relations d’octobre.
C’est dans cette optique que les pays arabes dirigés par le Qatar se lancent dans une course contre la montre en imposant des délais, des exigences et des sanctions, qu’aucune partie ne semble vouloir respecter, à commencer par la Ligue elle-même et l’opposition syrienne radicale, liée à l’Occident.
L’initiative arabe, qui prévoyait l’arrêt des violences et l’ouverture d’un dialogue entre le régime et l’opposition, est restée sans lendemain. L’armée syrienne multiplie les succès contre les enclaves rebelles, alimentées par un flot d’armes et d’argent en provenance des pays voisins. Le Conseil national syrien (CNS), par la voie de Borhane Ghalioun et ses alliés islamistes, ont rejeté le dialogue proposé par la Ligue, contrairement au pouvoir syrien. Plusieurs membres du Comité national pour le changement démocratique (CNCD, opposition de l’intérieur) ont, en revanche, accepté de dialoguer. En visite au siège de la Ligue arabe au Caire, une délégation syrienne regroupant des membres du CNCD et des opposants respectés dont Michel Kilo, Haitham Manaa et Fayez Sara a été violemment agressée par des partisans du CNS, qui appellent l’armée turque à envahir le nord de la Syrie afin de « démocratiser » le pays. C’est dans cet esprit que les partisans des Frères musulmans syriens ont agressé, le 20 novembre, une délégation d’acteurs et comédiens arabes en visite au Caire pour protester contre la suspension de la Syrie à la Ligue arabe.
Le secrétaire général des Frères musulmans syrien Riad Chakfi a appelé le 18 novembre l’armée turque à envahir le nord de la Syrie pour y établir une zone tampon, se basant sur l’identité sunnite de la Turquie, à laquelle s’identifie la confrérie.

Exorciser les illusions
L’Iran apparait comme le grand vainqueur en Irak et se prépare à combler le vide laissé par les GI’s. L’axe Damas-Téhéran, lié par des intérêts convergents avec la Russie et la Chine, fait front commun pour briser le monopole militaire et pétrolier états-unien dans le Golfe et dans la mer Caspienne, autour duquel Washington a établi des bases militaires. S’ajoute également aux yeux de la Russie, la menace turque, qui, depuis l’effondrement du bloc de l’Est en 1991, étend son influence politico-économique dans le Caucase russe, dans les États turcophones et islamiques de l’ex-Union Soviétique, en Asie centrale, ainsi qu’au Moyen-Orient et en Afrique du nord, sur les traces de l’empire ottomans, comme le rappelle Erdogan. Cette perspective inquiète également la Chine, qui fait face à un mouvement islamiste sécessionniste. Depuis le début de la crise en Syrie, Damas et Moscou sont ouvertement opposés au gouvernement islamiste de Recep Tayyep Erdogan, qui espère reproduire son modèle de gouvernement islamique pro-occidental à Damas.
Dans son édition du 18 novembre, le journal gouvernemental turc Sabah révèle des plans militaires turcs pour l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne au nord de la Syrie, puis d’une zone tampon d’une profondeur de 5 km, allant jusqu’à la ville d’Alep à l’ouest, pour favoriser le déclenchement d’une guerre civile contre le pouvoir damascène.
La Syrie a immédiatement répliqué et lancé une opération militaire pour « exorciser les illusions », en établissant une zone militaire d’une profondeur de 20 km le long de la frontière turque. Damas joue également la carte kurde, susceptible de remettre en cause l’intégrité territoriale de la Turquie en cas de guerre.
À cela, s’ajoutent les déclarations des dirigeants iraniens, qui menacent d’allumer tous les fronts en cas d’attaque contre ses installations nucléaires et contre la Syrie. Téhéran et Moscou ont haussé le ton en expédiant des navires de guerre russes et iraniens aux larges des côtes syriennes, au moment où le président Assad se déclarait prêt à combattre.
Face à ce tableau tendu, les pays occidentaux et leurs alliés musulmans ne disposent d’aucun moyen pour renverser le pouvoir, à l’exception des sanctions politiques et économiques qui semblent loin de menacer la pérennité du régime.
Et même si la Ligue arabe maintien ses pressions sur le régime et transmettre le dossier syrien au Conseil de sécurité, on retournera dans la case de départ avec un double veto russo-chinois.

Ligne de fracture au Liban
La situation en Syrie est devenue la ligne de fracture entre les deux camps rivaux au Liban, et quoi qu’ils en disent, tous deux attendent avec impatience l’issue du bras de fer qui se joue dans ce pays pour définir leur nouveau plan de campagne.
Selon des sources de la majorité parlementaire libanaise, la nouvelle échéance pour la Syrie est le début de l’année 2012. Le régime aura passé le cap le plus dur et les pressions internationales devraient alors baisser en intensité pour de multiples raisons. La plus importante consiste dans l’achèvement du retrait états-unien d’Irak, un départ qui ressemble de plus en plus à une défaite stratégique et qui permettra à l’Iran de se retrouver à la frontière de la Syrie via l’Irak, où la République islamique ne cesse d’augmenter son influence. D’autres raisons sont liées à l’entrée des États-Unis dans une période préélectorale qui les empêche de prendre des décisions importantes à l’étranger. À partir du premier trimestre 2012, le monde devrait avoir d’autres priorités que la Syrie, notamment avec la crise économique grandissante dans la zone euro et dans le reste du monde.
Au cours des prochaines semaines, le régime syrien va donc subir le maximum de pressions. Mais de l’avis de nombreux observateurs, il y a très peu de risques que ce régime saute pour les raisons suivantes : le double veto russe et chinois le protège d’une résolution au Conseil de sécurité adoptant de nouvelles sanctions contre lui ou autorisant une action militaire, et l’équation établie par le secrétaire général du Hezbollah dans son dernier discours, qui annonce une guerre régionale en cas d’attaque contre la Syrie, le protège d’une action militaire de la Turquie.

Déclarations et prises de positions

Béchara Raï, patriarche maronite d’Antioche et de tout l’Orient
« La présence chrétienne en Orient se comprend en termes de communion et témoignage. Ceci signifie que nous ne pouvons pas penser notre avenir en dehors, en marge, ou contre les sociétés où nous vivons. En politique, cette communion se traduit en termes d’identité nationale commune, de citoyenneté et de participation. Nous confrontons l’enjeu des changements en cours dans certains pays arabes. Tout en étant l’expression d’un éveil et d’un engagement pour une identité nationale commune, nous craignons que ces changements ne conduisent vers des conflits interconfessionnels, une transition vers des régimes plus durs encore et une partition de la région sur une base confessionnelle. Les chrétiens doivent faire face à toutes les tentatives de définir nos sociétés ou nos pays en termes d’identité religieuse. Nous devons nous opposer clairement à l’islamité exclusive de l’identité de nos pays ainsi qu’à la judaïté d’Israël. Nous saluons l’heureuse déclaration d’al-Azhar du mois de juin dernier, qui confirme que l’islam ne stipule aucune identité religieuse pour l’État, lequel ne doit être ni religieux ni théocratique, mais civil respectant les valeurs religieuses fondamentales. Nous invitons à un dialogue sincère entre les divers partenaires, politiques et religieux, libéraux, modérés ou conservateurs, islamistes et laïcs, locaux et internationaux, autour du concept de l’État civil. Les trois défis de la communauté chrétienne sont : la sécurité, les libertés fondamentales et la reconnaissance de la diversité. Nous voulons affirmer que la sécurité est un droit à tout citoyen et que l’État se doit d’assurer. Il ne s’agit donc en aucune manière d’une protection d’une minorité par une majorité, mais d’un droit fondamental et commun à tous, sans distinction et sans discrimination aucune. Quant aux libertés fondamentales, nous souffrons dans quelques pays de la région de certaines formes de régime sécuritaire étatique ou social qui oppriment les libertés fondamentales de conscience, de culte et d’expression. Nous ne craignons pas pour la présence chrétienne en Orient. Nous croyons que cela dépend davantage de la volonté de Dieu que de notre choix. Nous savons aussi que le scénario d’un monde arabe sans les chrétiens serait un scénario catastrophique pour l’Orient et pour l’Occident. Car ceci sera la fin de l’arabité en tant que culture plurielle et elle sera engloutie par la culture religieuse de l’islam. Ni l’islam ni l’Europe ne pourront supporter une telle situation. »

Najib Mikati, Premier ministre du Liban
« Le 5 septembre dernier, je m’étais entretenu avec le greffier du tribunal et je lui avais demandé quel était le délai ultime que l’on pouvait consentir pour le Liban. Il m’avait répondu : début décembre 2011. Je me suis alors engagé à ce que le Liban verse sa quote-part et j’ai informé Nabih Berry de ce délai. Aujourd’hui, nous y sommes. J’ai considéré que la meilleure façon de procéder était de soumettre la question à la table du Conseil des ministres à la fin du mois. J’en ai notifié les ministres et, à présent, que chacun assume ses responsabilités. C’est une question très sensible qui a trait à la crédibilité du Liban. Quelqu’un peut-il croire qu’un Premier ministre est en mesure de dénier la justice après le meurtre d’un ancien chef de gouvernement. Si le Liban accepte de verser sa quote-part, il aura honoré ses engagements et préservé les résolutions internationales, y compris la 1701, ainsi que son droit à s’en remettre aux Nations unies pour défendre ses frontières maritimes. Il aura aussi respecté son engagement à l’égard de la justice, préservé ses relations extérieures, aidé à maintenir la stabilité et empêché la discorde sunnito-chiite. Nous aurons aussi de cette manière sauvegardé la Résistance, car celle-ci ne peut être forte que si le Liban est fort. Lorsque le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, avait dit qu’il fallait trancher par le vote, j’avais estimé qu’il avait laissé la porte ouverte. J’attends toujours des ministres qu’ils aient le sens patriotique pour protéger le pays. Mais s’ils ne me rejoignent pas sur ce point, j’en conclurais en effet qu’ils n’ont pas de sens patriotique. Je sais que le Hezbollah ne va pas changer de position. Mais nous sommes aujourd’hui 12 pour le financement et on parle de la possibilité que trois ou quatre autres ministres nous rejoignent. L’affaire serait alors conclue. Je compte sur la sagesse de M. Berry. Le critère devrait être l’intérêt du Liban. Il ne fait pas de doute que je n’accepterai pas que, sous mon mandat, le Liban s’abstienne d’honorer ses engagements et sorte de la communauté internationale. Que personne ne me comprenne mal ; en présentant ma démission, je protège le Liban, car si le gouvernement décide avec mon approbation le rejet du financement et si je reste au pouvoir, il y aura des sanctions contre le Liban. Je le redis à tous les ministres : l’affaire est sérieuse. Considérez le financement du TSL comme une police d’assurance face aux tempêtes de la région. Mon souci est de mettre le Liban à l’abri. Après une éventuelle démission, je n’accepterais pas d’être reconduit dans mes fonctions aux mêmes conditions. »

Alain Juppé, ministre français des Affaires étrangères
« Je fais confiance au Premier ministre libanais, Najib Mikati. Il tiendra parole au sujet du financement du TSL. Nous nous sommes rencontrés en septembre, et il m’avait assuré alors que toutes les dispositions seraient prises pour que le financement soit assuré, au bon moment. J’ai confiance dans sa parole, et je suis prêt à le recevoir. Nous avons déployé de grands efforts pour garantir la stabilité du Liban, mais tous ses efforts sont aujourd’hui menacés, et la chose nous inquiète. Il est impossible de sauver le Liban sans la participation de tous. Les Libanais doivent placer leur pays à l’écart des tensions régionales. Tout le monde sait le genre de relations qui existent entre la Syrie et le Liban. Une déstabilisation ou une guerre civile entre les diverses composantes de la société syrienne aura des conséquences sur le Liban. C’est ce que je veux dire quand je parle de déstabilisation régionale. »

Revue de presse

As Safir (Quotidien libanais proche de la majorité, 24 novembre 2011)
Du ton adopté par le président du TSL, le juge David Baragwanath, il ressort que les pressions exercées sur le Liban depuis un certain temps pour contribuer au financement du tribunal ont atteint un stade avancé : il a explicitement prévenu qu’un manquement par le Liban à ses engagements conduira à un recours au Conseil de sécurité pour lui imposer des sanctions. Selon des sources informées, le juge international a soulevé sept points dans ses rencontres avec les responsables libanais :
 Le TSL n’est nullement affecté par les critiques et les campagnes qui le visent.
 Les onze magistrats ont pris leurs fonctions et le tribunal est prêt.
 L’objectif du tribunal est l’impunité (le même terme figure dans les messages des présidents Sarkozy et Obama au président Sleiman).
 Un hommage est rendu aux magistrats libanais auprès du TSL.
 Beyrouth redeviendra un pôle de rayonnement juridique au Moyen-Orient.
 Cette visite vient confirmer que les contacts se poursuivent entre le TSL et les autorités officielles libanaises.
 Il est important que le Liban honore ses engagements en payant notamment sa contribution au budget du tribunal.

As Safir (24 novembre 2011)
Nabil Haitham
Si la question du financement du TSL est soumise au vote en Conseil des ministres, le résultat sera défavorable. Les concertations en coulisse entre le Premier ministre Najib Mikati et le Hezbollah n’ont pas réussi à rapprocher les points de vue, d’autant qu’aucune solution médiane n’est possible dans ce dossier : soit le Liban versera sa contribution financière, soit il s’en abstiendra. Il a été proposé au Hezbollah de se contenter d’exprimer des réserves au sujet du paiement de la contribution libanaise, mais il s’y serait opposé.

An Nahar (Quotidien libanais proche du 14-Mars, édition du 25 novembre 2011)
Ibrahim Bayram
Des observateurs constatent une exacerbation des tensions politiques au Liban qui s’illustrent par une escalade verbale du Courant du futur de Saad Hariri contre Najib Mikati, des tensions sécuritaires dans certaines régions liées à la situation en Syrie, une exacerbation de la polémique autour du financement du TSL, rumeurs sur une possible démission des ministres du PSP si le ce financement n’est pas approuvé, ce qui conduirait à la chute du gouvernement ou à son extrême fragilisation. Il semblerait qu’il y ait un mot d’ordre pour rompre la stabilité relative qui prévaut au Liban depuis la formation du gouvernement. Certains estiment que la chute du gouvernement Mikati pourrait être la prochaine étape dans la lutte contre le régime syrien.

An Nahar (24 novembre 2011)
Sarkis Naoum
Des sources proches du Hezbollah assurent que le parti ne changera pas sa position négative à l’égard du TSL. L’une des principales raisons du coup d’Etat qui a provoqué le départ de Saad Hariri du pouvoir, est sans doute de préparer le terrain avant de demander à l’Onu d’amender le protocole signé entre le gouvernement libanais et le TSL, un protocole considéré par le Hezbollah comme illégal et anticonstitutionnel.
Des informations contradictoires circulent sur l’engagement de Najib Mikati à verser la contribution du Liban au financement du TSL. Le commandement du Hezbollah n’a pas d’inconvénient à ce que Mikati revienne sur cet engagement. Car en fin de compte, le Premier ministre sait pertinemment que son statut politique et la situation sécuritaire sont liés au Hezbollah, à la Syrie et à l’Iran, pas à Washington, Paris, Riyad ou Moscou. Il lui restera à résoudre le problème de l’opinion publique sunnite, à qui il a promis d’assurer le financement du TSL. Des sources proches du Hezbollah estiment qu’au moment opportun, le Premier ministre fera fi du financement du TSL.

Al Akhbar (Quotidien libanais proche de la majorité, 25 novembre 2011)
Le bloc du changement et de la réforme (aouniste) ne voit pas dans le dossier du financement du TSL la fin du monde, selon des sources du CPL, qui se demandent : « Si nous procédons à un compromis aujourd’hui, que ferons-nous dans un proche avenir, lorsque la question de la reconduction du protocole du tribunal sera soulevée au mois de mars, ou s’il est demandé au Liban d’appliquer des sanctions arabes ou internationales contre la Syrie ? Depuis longtemps, nous sommes arrivés à la conclusion selon laquelle la présence du gouvernement est sans aucune utilité. Nous avions établi une liste d’objectifs à atteindre avant le milieu du mois prochain. Si ces objectifs ne sont pas réalisés, nous démissionnerons. Le CPL a tenu une réunion interne il y a deux jours pour passer en revue les objectifs déjà réalisés, et il nous est apparu qu’aucun d’entre eux n’a encore été atteint, les plus importants étant les nominations, le budget et les finances publiques, les projets de développement (électricité, télécommunications et eau), et les questions sociales (salaires et sécurité sociale) ».
D’autres sources évoquent la possibilité d’une démarche préventive entreprise par les ministres du bloc du changement et de la réforme, qui pourraient ainsi démissionner du gouvernement avant que le financement du TSL ne soit soulevé en Conseil des ministres.

Al Akhbar (25 novembre 2011)
Ayant échoué à recruter des habitants des villages sudistes les plus proches des frontières, des officiers supérieurs de la Finul ont exercé de fortes pressions morales sur des employés civils de la force internationale, notamment ceux d’entre eux qui sont originaires des villages frontaliers, pour qu’ils collectent des infos sur l’explosion qui aurait eu lieu aux alentours de la localité de Siddiqine. Certains officiers en sont même arrivés à citer le nom du commandant en chef de la Finul, le général Alberto Asarta, pour intimider les employés libanais à qui il a été dit : « Vous allez nous ramener des infos détaillées, cela fait partie de votre travail ». Mais beaucoup d’entre eux ont refusé de le faire.

Al Akhbar (24 novembre 2011)
Ibrahim al-Amine
Les forces étrangères qui assiègent la Syrie ne tarderont pas à se servir du Liban comme d’un tremplin pour resserrer l’étau contre le régime syrien. Le 14-Mars, regroupant les alliés de la coalition arabo-occidentale au Liban, se tient prêt en attendant le coup d’envoi d’une telle offensive visant à faire chuter le régime du président Bachar al-Assad. Sur le plan politique, le 14-Mars mise beaucoup sur le rassemblement prévu au Liban-Nord, et œuvre pour une mobilisation populaire massive à cette occasion. Les grandes lignes soulignées par les différents intervenants seront les suivantes : appel au désarmement du Hezbollah, adhésion à la campagne extérieure contre le régime syrien, plein soutien à l’opposition syrienne, et appel au renversement du gouvernement de Najib Mikati. Selon des informations qui circulent, ce gouvernement doit chuter non à cause du refuse du financement du TSL, mais plutôt parce que sa mise en place a servi l’alliance dont le régime syrien est l’un des principaux piliers. Le Courant du futur et les Forces libanaises voient dans le changement en Syrie un passage obligé pour retrouver leur droit exclusif à exercer le pouvoir au Liban.

Al Hayat (Quotidien saoudien, 25 novembre 2011)
Paris, Randa Takieddine
Selon des sources françaises lors de son entretien avec le président français à l’Elysée, Saad Hariri a expliqué à Nicolas Sarkozy sa vision de la situation au Liban au vu de la crise syrienne, avant de rendre hommage aux prises de position de la France et de son président. Il a ensuite souligné la concordance totale des points de vue avec la France en ce qui concerne le Tribunal spécial pour le Liban (TSL), la contribution du Liban à ce tribunal, et l’engagement qu’il avait pris ainsi que son précédent gouvernement vis-à-vis de la mise en œuvre des obligations du Liban dans ce cadre. Et lorsque le président français l’a interrogé au sujet de son plan d’action, il a répondu, selon les mêmes sources, qu’il continuera à faire partie de l’opposition à l’intérieur et à l’extérieur du Parlement avec ses alliés, tout en évoquant une grande manifestation de l’opposition à Tripoli. Sur un autre plan, Hariri s’est dit rassuré par la prise de position de la Ligue arabe au sujet de la situation en Syrie.
Pour sa part, le président français a considéré que le gouvernement au Liban est sous le contrôle du Hezbollah. Si le régime chute en Syrie —et c’est sûr qu’il va chuter—, ce sera un grand revers pour l’Iran mais aussi pour le Hezbollah, a-t-il ajouté. Le président Sarkozy a également indiqué qu’il n’a pas reçu le chef du gouvernement libanais Najib Mikati parce qu’il n’a pas honoré ses engagements. Il a ajouté que le régime syrien « partira tôt ou tard », et a rappelé qu’il avait entamé une page nouvelle avec le président Bachar al-Assad mais que ce dernier n’a pas tenu ses engagements. Il a enfin exprimé sa sympathie à l’égard de Saad Hariri, qui, a-t-il dit, représente l’islam modéré et ouvert aux autres religions. Hariri a affirmé que le Courant du futur représente « l’islam moderne, celui du dialogue ».

Ad Diyar (Quotidien libanais proche de la nouvelle majorité, 25 novembre 2011)
Johnny Mnayyar
La France, fer-de-lance de la confrontation internationale avec le régime syrien, resserre ses liens avec la Turquie. Au-delà du dossier syrien, la coordination franco-turque porte sur le rôle que la Turquie entend jouer au Moyen-Orient dans la prochaine étape et sur des dossiers turco-européens. Sur le plan libanais, la France insiste sur le financement du TSL, mais dans le même temps elle ne souhaite pas la chute du gouvernement : cela sèmerait le chaos au niveau politico-sécuritaire, alors que la France souhaite l’apaisement interne pour permettre une augmentation des pressions sur la Syrie par l’ouverture du front Nord.

L’Orient-Le Jour (Quotidien francophone libanais proche du 14-Mars, édition du 25 novembre 2011)
Paris, Elie Masbounji
Nicolas Sarkozy a reçu au palais de l’Élysée l’ancien chef de gouvernement libanais Saad Hariri. Le chef de l’État français s’est entretenu avec son hôte de la situation au Liban et dans la région, et a évoqué en particulier la question du Tribunal spécial pour le Liban, selon un communiqué laconique diffusé par le bureau de presse de M. Hariri.
Aucune information n’a été fournie, côté français, au sujet de cette rencontre, l’Élysée considérant qu’il s’agissait d’une visite à caractère privé. Mais des sources bien informées ont indiqué qu’au cours de l’entretien, l’ancien chef de gouvernement n’a pas été tendre pour son successeur au Sérail.
L’équipe au pouvoir ne parvient pas à adopter des positions claires sur des questions telles que le financement du TSL et de la position officielle du Liban à l’égard des événements de Syrie, aurait fait valoir M. Hariri. Selon ces sources, les propos de l’ancien chef de gouvernement rejoignaient les texto qu’il avait diffusés récemment sur Twitter. Sur le ton de l’ironie, M. Hariri aurait notamment affirmé que seuls Israël, l’Iran et le gouvernement libanais continuent de soutenir le régime de Damas.
Par ailleurs, des personnalités françaises, qui suivent de près la situation au Liban et en Syrie, ont laissé entendre que ce n’est pas un hasard si la visite de Saad Hariri à l’Élysée intervient au lendemain de l’accueil officiel réservé au chef de l’opposition syrienne, M. Bourhan Ghalioun, au Quai d’Orsay. Ces personnalités ont relevé aussi que la réunion à l’Élysée marque une intensification de l’activité politique de M. Hariri à Paris.
De fait, entre une réunion d’affaires et l’autre, dans un grand hôtel de la capitale, l’ancien Premier ministre a rencontré Farès Souhaid et Samir Frangié, arrivés le jour même dans la capitale française. Les trois hommes ont fait le point de la situation au Liban et envisagé les orientations à prendre durant les prochains mois.

The Wall Street Journal (21novembre 2011)
Jay Salomon et Nour Malas
Les États-Unis et leurs alliés redoublent d’efforts pour couper les ressources financières du président syrien Bachar al-Assad, en se concentrant sur ses liens avec les banques libanaises et pariant sur le fait que les sanctions financières puissent précipiter la chute de d’Assad. Ce mois-ci, le Département du Trésor a envoyé à Beyrouth le secrétaire chargé du financement illicite, Daniel Glaser, auprès les conseils d’administration des banques libanaises. Il a prévenu que celles qui offriraient une porte de sortie au pouvoir syrien seraient black-listées. Cette année, le Trésor a sanctionné la Banque Libano-Canadienne, pour avoir prétendument aidé le Hezbollah à transférer des millions de dollars. Le Hezbollah a nié, et les propriétaires de la banque l’ont vendu à une autre holding.
Les responsables US expliquent qu’il s’agissait d’un signal destiné aux autorités libanaises, leur intimant d’arrêter d’aider le Hezbollah, la Syrie et l’Iran. Glaser a également prévenu la Jordanie et la Russie, l’administration pensant que le pouvoir syrien pourrait se servir de ces pays pour faire transiter de l’argent et échapper ainsi aux sanctions états-uniennes et européennes.

The Los Angeles Times (Quotidien états-unien, 21 novembre 2011)
« Le bureau de Beyrouth a fait faillite », explique de manière imagée une source. Pour savoir si des agents de la CIA ont une part de responsabilité dans ces fuites, le président de la commission du Renseignement à la chambre des Représentants, Mike Rogers, s’est rendu au Liban bien qu’un flou persiste autour des circonstances dans lesquelles ces informateurs auraient été identifiés. Selon cette même source, « des agents de la CIA auraient rencontré une série d’informateurs libanais dans un Pizza Hut local, permettant au Hezbollah et aux autorités libanaises d’identifier ces derniers ».
Par ailleurs, certains responsables US sont accusés d’avoir ignoré un e-mail adressé au chef du bureau de la CIA à Beyrouth indiquant que des informateurs risquaient d’être identifiés à force d’utiliser le même téléphone portable pour contacter des agents de la CIA.
La crise libanaise est un autre contretemps qui frappe les services de contre-espionnage de la CIA dans leur tentative de diminuer la capacité de leur ennemi à rassembler des informations.
En juin 2011, le chef du Hezbollah libanais, Hassan Nasrallah, avait affirmé que son mouvement avait été infiltré par les renseignements états-unien. Une annonce qui avait été démentie par l’ambassade US qui suggérait que la mouvance d’obédience chiite faisait face à des problèmes internes et que ces accusations étaient « sans fondement.

The Washington Post (Quotidien états-unien, 21 novembre 2011)
Ces dernières semaines, un radar piloté par les Casques bleus français de la Finul a repéré un drone de reconnaissance israélien dans le sud du Liban. Ce drone a reçu une attention particulière, plus que n’importe lequel des dizaines d’appareils israéliens qui survolent le pays tous les mois. Mais lorsqu’il est passé au-dessus de Wadi Hojeir, le drone a soudainement disparu des écrans radar. Effrayés, les Casques bleus ont contacté l’Armée libanaise et des recherches ont été entreprises. Elles n’ont rien donné. Israël n’a pas réagi ; ni le Hezbollah. L’essentiel n’est pas là, la Finul soupçonne l’organisation chiite d’avoir trouvé un moyen de désactiver les drones israéliens.
Le calme entre les deux parties ne les a pas empêché depuis 2006 de préparer le deuxième acte, que personne ne veut, mais que tous deux croient inévitable. Le taux de recrutement du Hezbollah a littéralement explosé. Le Hezbollah ne divulgue jamais les détails du renforcement de ses capacités militaires, mais des rapports affirment que l’organisation a amassé 50000 roquettes, dont des missiles guidés qui peuvent frapper Tel-Aviv. Les combattants du Hezbollah ont à plusieurs reprises laissé entendre qu’ils sont entraînés à passer la frontière.

RTBF (Radio Télévision belge francophone-22 novembre 2011)
Françoise Wallemacq
Des religieuses catholiques qui vivent dans un monastère près de Homs ont invité une journaliste de la RTBF à se rendre compte de la situation sur place. Les chrétiens sont très inquiets de la chute éventuelle du régime, qui a toujours protégé les minorités religieuses.
C’est donc un voyage « accepté » par le régime syrien, mais qui n’en demeure pas moins exceptionnel, vu l’absence presque totale de journalistes étrangers en Syrie. Seuls des clandestins ont pu rentrer depuis le début de la crise il y a 8 mois.
Contrairement à ce que l’on imagine, Homs n’est pas une ville en état de siège. À part quelques barrages policiers la circulation est normale et les magasins sont ouverts.
La mosquée côtoie l’église catholique, à l’image de cette ville multiconfessionnelle. Seul le quartier sunnite de Bab Amr est concerné par la violence, et pour le gouverneur de la ville, un sunnite, les insurgés sont des terroristes qui prennent la population en otage.
Le patriarche grec-orthodoxe renchérit et se demande d’où viennent les armes qu’utilisent désormais les contestataires.
Le jour, tout semble normal, mais la nuit la situation devient extrêmement dangereuse dans certains quartiers. À l’hôpital de Zahara, les gens se pressent, affolés. Ils montrent des scènes de décapitation qui circulent sur les téléphones portables. Nous saurons plus tard que ces images proviennent de l’agence de presse officielle syrienne. Dans quel but ? Semer la terreur ? Discréditer l’opposition ?
Ce qui est sûr, c’est que cette opposition, jusqu’ici pacifique, a désormais pris les armes. À la morgue de l’hôpital, on montre les cadavres de deux civils abattus par balles et mutilés. Le médecin légiste confirme une escalade de la violence.
Ce qui est sûr, c’est que l’on assiste à une escalade. Les opposants sont passés à la lutte armée, sans doute soutenus par des pays extérieurs, et la Syrie est au bord de la guerre civile, une situation explosive qui risque de déstabiliser toute la région.

Source
New Orient News