Dans mon nouveau livre Le retour de l’Histoire, j’essaye de comprendre ce qui a commencé avec la fin de la Guerre froide. Ce n’est pas seulement la fin du système de Yalta mais la fin du système d’État qui est apparu en 1648 dans sa version moderne en Europe. C’est ce qui m’a intéressé, j’y ai aussi mêlé mes impressions tirées de l’expérience pratique de ministre des Affaires étrangères. C’est aussi une réponse à la vision de la Guerre froide et de la « fin de l’Histoire » de Francis Fukuyama. Mon sentiment est que l’Histoire fait son retour. Les récents évènements en Europe en sont la preuve et le rejet de la Constitution va encore nous le prouver. La route est longue et sinueuse et nous ne pouvons pas sortir de l’Histoire. Ce livre n’est pas un point final, c’est une tentative de tracer les grandes lignes qui régissent le système international qui s’adresse aux gens concernés par la politique étrangère. Je vais me battre pour continuer à exercer mes fonctions. Rien n’est joué tant que le coup de sifflet final n’a pas retenti.
Nous avons ratifié la Constitution en Allemagne ainsi que dans neuf autres pays mais nous avons besoin de l’unanimité. J’étais critique quant à l’instrument référendaire mais ces débats sont clos. Nous devons analyser clairement les conséquences. Il me paraît clair que l’on projette beaucoup de choses sur l’Europe qui appartiennent à la politique intérieure ou qui découlent de la globalisation. Nous n’arrivons pas à accepter le fait qu’il s’agit d’une réunification de l’Europe que nous n’avons pas choisie mais qui a été définie par les évènements de 1989-1990. Les Européens ont parfois besoin de crises qu’ils parviennent à résoudre. Je me bats pour que les élections se passent bien, je serais un âne si je pensais à autre chose. Les sondages ne sont pas favorables en ce moment mais je n’ai aucune raison de me résigner, au contraire.

Source
Die Welt (Allemagne)

« Für mich wird die Welt nicht untergehen », par Joschka Fischer, Die Welt, 10 juin 2005. Ce texte est adapté d’une interview.