La Constitution dans sa forme actuelle ne peut plus être sauvée. Un nouveau référendum au Pays-bas ou en France est impensable. C’est arrivé pour Maastricht, pour des traités que l’on peut modifier individuellement mais un nouveau référendum serait une farce. La suspension du référendum au Royaume-Uni correspond presque à un troisième « non », elle renforce l’effet domino sans être un véritable non. Nous devons aussi compter sur un non danois et un non luxembourgeois. Tony Blair ne veut pas associer sa carrière politique à la Constitution, c’est pour cela qu’il rejette toute la faute sur les Français et les Hollandais. Vraisemblablement, une majorité d’anglais auraient aussi dit non, les derniers sondages donnaient 70 %. Désormais, Blair ne peut plus être tenu pour responsable du non. Sur le plan de la politique intérieure c’est bien joué, pour l’Europe, politiquement c’est un fiasco. Une poursuite du processus de ratification ne ferait que prolonger l’agonie. Un pessimisme grandissant, c’est la dernière chose dont nous avons besoin, l’euro est déjà remis en question par certains.
Le sommet européen de la semaine prochaine pourrait servir à dédramatiser la situation en divisant cette Constitution, ce qui lui ferait perdre son statut de Constitution. La plus grosse faute a été d’appeler ce travail « Constitution ». Cette appellation pompeuse a induit les citoyens en erreur. Ils pensaient devoir accepter un État européen, ce qui n’est pas le cas. Les Français ont voté contre cette Constitution car ils la trouvent trop libérale, les Hollandais car ils la trouvent trop peu libérale, trop bureaucratique et trop protectionniste. Les deux sociétés ont peur d’une immigration démesurée. Pour sortir de cette situation, il faut une décision rapide, la confiance en l’Union européenne et en l’euro ne doit pas sombrer, cela provoquerait l’instabilité.
Après avoir concentré le texte sur ses éléments constitutionnels, un référendum général européen pourrait renforcer la pensée européenne et mobiliser les gens. Une autre solution serait pour les politiciens de reconnaître l’erreur qu’ils ont commise en appelant ce traité « constitution ». Une pause pour l’été et un découpage en deux ou trois parties du texte permettrait de le voter comme les traités européens normaux, dans les parlements. Les Français et les Hollandais on dit non pour des raisons qui rendent tout compromis impossible et qui ne sont pas d’ordre constitutionnel. Cela n’a pas de sens de faire voter les autres nations sur quelque chose qui ne sera jamais mis en place. Il serait fatal de se résigner et de laisser les choses continuer ainsi. Il nous faut une dynamique et une volonté politique affirmée. L’Union européenne a encore un grand avenir devant elle. Nous devons simplement y croire, sinon il ne se concrétisera pas.

Source
Die Tageszeitung (Allemagne)

« Die EU hat eine große Zukunft vor sich », par Aleksander Smolar, Die Tageszeitung, 9 juin 2005. Ce texte est adapté d’une interview.