La séance est ouverte à 11 h 50.
Le Président : Étant donné que le Conseil de sécurité tient aujourd’hui sa première séance du mois de février 2012, je voudrais saisir cette occasion pour rendre hommage, au nom du Conseil, à S. E. M. Baso Sangqu, Représentant permanent de l’Afrique du Sud auprès de l’Organisation des Nations Unies, qui a assuré la présidence du Conseil de sécurité pendant le mois de janvier 2012. Je suis certain de me faire l’interprète de tous les membres du Conseil en exprimant nos sincères remerciements à l’Ambassadeur Sangqu et à sa délégation pour le grand talent diplomatique avec lequel ils ont dirigé les travaux du Conseil le mois dernier.
La situation au Moyen-Orient
Le Président : En vertu de l’article 37 du Règlement intérieur provisoire du Conseil, j’invite les représentants de l’Arabie saoudite, de Bahreïn, de l’Égypte, des Émirats arabes unis, de la Jordanie, du Koweït, de la Libye, d’Oman, du Qatar, de la Tunisie, de la Turquie et de la République arabe syrienne à participer à la présente séance.
Il en est ainsi décidé.
Le Conseil de sécurité va maintenant aborder l’examen de la question inscrite à son ordre du jour.
Les membres du Conseil sont saisis du document S/2012/77 [voir ci-dessous], qui contient le texte d’un projet de résolution présenté par l’Allemagne, l’Arabie saoudite, Bahreïn, la Colombie, l’Égypte, les Émirats arabes unis, les États-Unis d’Amérique, la France, la Jordanie, le Koweït, la Libye, le Maroc, Oman, le Portugal, le Qatar, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, le Togo, la Tunisie et la Turquie.
Je crois comprendre que le Conseil de sécurité est prêt à voter sur le projet de résolution dont il est saisi. Je vais maintenant mettre aux voix le projet de résolution.
Il est procédé au vote à main levée.
Votent pour :
Azerbaïdjan, Colombie, France, Allemagne, Guatemala, Inde, Maroc, Pakistan, Portugal, Afrique du Sud, Togo, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, États-Unis d’Amérique
Votent contre :
Chine, Fédération de Russie
Le Président : Le résultat du vote est le suivant : 13 voix pour, 2 voix contre. Le projet de résolution n’est pas adopté en raison du vote négatif de deux membres permanents du Conseil.
Je donne maintenant la parole aux membres du Conseil qui souhaitent faire une déclaration après le vote.
M. Loulichki (Maroc) (parle en arabe) : Monsieur le Président, avant toute chose, je tiens à vous féliciter, au nom de la délégation marocaine, de votre accession à la présidence du Conseil de sécurité pour ce mois. Nous saluons par la même occasion la persévérance et les efforts de l’Ambassadeur, M. Baso Sangqu, et de toute sa délégation, dans le cadre de sa présidence du Conseil de sécurité, le mois dernier.
Nous déplorons vivement que le Conseil n’ait pu adopter le projet de résolution (S/2012/77) que nous avons présenté à ses membres il y a trois jours et tenons à exprimer notre déception à cet égard. Nous espérons sincèrement que cela ne sera pas un prétexte pour faire déraper plus dangereusement la situation dans ce pays frère de Syrie et accroître le nombre de victimes innocentes.
Le Conseil se souviendra que S. E. le cheik Hamad bin Jassim bin Jabr Al-Thani, Président du comité ministériel arabe sur la crise en Syrie, et S. E. M. Nabil Elaraby, Secrétaire général de la Ligue des États arabes, ont chacun présenté un exposé au Conseil (voir S/PV.6710) dans lequel ils demandaient clairement l’appui urgent du Conseil à l’initiative décisive, audacieuse et unifiée de cette organisation régionale, qui privilégie le dialogue, l’entente et la réconciliation nationale pour trouver une solution pacifique à une situation qui ne cesse de s’envenimer au fil des jours.
En vertu de la responsabilité qu’il assume en tant que membre arabe du Conseil de sécurité, le Maroc, en coopération étroite avec un groupe de pays membres du Conseil et de pays non membres, notamment de nombreux pays arabes, s’est efforcé d’œuvrer à un consensus devant permettre enfin au Conseil, près d’un an après le déclenchement de la crise dans l’État frère de Syrie, de parler d’une seule voix.
À cet égard, le Maroc est reconnaissant à tous les membres du Conseil de sécurité ainsi qu’à tous les auteurs de ce projet de résolution de la manière dont ils ont réagi sans exception, et je dis bien sans exception, à notre proposition. Nous apprécions l’esprit de consensus et de souplesse que reflète bien, comme le Conseil le sait, ce projet de résolution.
Notre but, en participant à cet effort et en œuvrant à le faire aboutir, était de garantir les principes établis suivants, sur lesquels il n’est pas possible de revenir : premièrement, mettre un terme immédiat et complet à tous les actes de violence et promouvoir le dialogue politique ; deuxièmement, permettre au peuple frère de Syrie de réaliser ses aspirations légitimes par la mise en place de ses institutions politiques nationales ; troisièmement, garantir la souveraineté de la Syrie, son intégralité territoriale et la cohésion de son tissu social pluraliste ; et, dernier point mais non le moindre, écarter toute intervention militaire extérieure. Puisque le Conseil s’avère ne pas être en mesure de prendre une décision à l’appui de l’initiative arabe, cette feuille de route reste désormais le seul moyen, et le cadre optimal, dont dispose la Ligue des États arabes pour s’efforcer de la mettre en œuvre.
Nous sommes profondément attristés par les événements tragiques qui se produisent sous nos yeux. Nous prions Dieu pour qu’il bénisse toutes les victimes sans exception et nous demandons qu’il soit mis un terme à l’effusion de sang et que toutes les factions syriennes mettent en place un État démocratique et une société unie fondée sur la compréhension et l’harmonie. Nous espérons que le Conseil de sécurité n’aura pas à examiner de nouveau cette situation, même si elle semble s’envenimer. Maintenant que le Conseil s’est révélé incapable de prendre une décision, nous espérons que tous ceux qui ont de l’influence auprès des parties mettront tout en œuvre pour qu’il n’y ait pas d’autres victimes innocentes et qu’il soit mis fin à la violence et aux représailles.
M. Araud (France) : C’est avec une grande tristesse et une grande inquiétude que je constate qu’un double veto vient d’être opposé à un projet de résolution sur la Syrie, un projet soutenu par tous les autres membres du Conseil. C’est un triste jour pour le Conseil ; c’est un triste jour pour les Syriens et c’est un triste jour pour tous les amis de la démocratie.
Au-delà des milliers de morts, de blessés, de torturés et d’emprisonnés depuis le début de la répression il y a presque un an, l’histoire vient rajouter à notre honte puisqu’aujourd’hui se trouve être le jour anniversaire du massacre de Hama et le lendemain d’un autre massacre à Homs. Le père tuait massivement, le fils en fait autant. L’horreur est héréditaire à Damas.
Cela fait 10 mois que nous discutons de la Syrie et le Conseil n’a pu adopter qu’une simple déclaration présidentielle le 3 août 2011 (S/PRST/2011/16), à cause d’un veto qui avait déjà été opposé par les mêmes en octobre, à un texte qui était déjà lui aussi modéré.
Que s’est-il passé depuis plus de 10 mois ? Plus de 6 000 Syriens sont tombés, victimes de la répression. Et encore, qu’en savons-nous ? Il y a 10 jours, Mme Pillay, la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, se disait désormais dans l’impossibilité de dénombrer les victimes de la répression. Le Secrétaire général n’a cessé d’appeler le Conseil à agir pour faire cesser les crimes contre l’humanité qui sont commis en Syrie, et le Conseil est resté silencieux.
Le Conseil des droits de l’homme, par trois fois, a fait le constat des responsabilités accablantes du régime syrien, et le Conseil est resté silencieux.
Cent trente-trois États, dans l’enceinte de l’Assemblée générale, ont solennellement condamné ces agissements criminels et appelé à y mettre un terme sans délai, et le Conseil est resté silencieux.
La Ligue des États arabes a appelé, dans cette même salle, il y a trois jours seulement (voir S/PV.6710), le Conseil à soutenir son action face à la surdité du régime syrien et face aux risques que cette surdité fait courir à la région tout entière. Le Secrétaire général de la Ligue arabe et le Premier ministre du Qatar, ici même, ont plaidé en faveur d’une solution qui constitue la seule voie crédible vers un règlement pacifique de la crise syrienne. Un projet de résolution, présenté par le Maroc, largement coparrainé au sein du Conseil comme à l’extérieur, jugé consensuel par la plupart, proposait ce soutien du Conseil aux efforts régionaux. Ni plus ni moins. Eh bien, le Conseil restera silencieux.
Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas faire l’économie de ce constat accablant. Deux membres permanents du Conseil de sécurité font une obstruction systématique à toute action du Conseil de sécurité. Ils le font en pleine connaissance des conséquences tragiques qu’emportent leurs décisions sur le peuple syrien ; ils le font se rendant par là complices de la politique de répression du régime de Damas. Dans les faits, ils ont pris le parti du régime d’Al-Assad contre le peuple syrien, quoiqu’ils disent.
Je sais bien quels seront les arguments qu’invoqueront ceux qui aujourd’hui s’opposent à l’action du Conseil. Je les entends déjà clamer que quelques jours de plus auraient suffi à nous mettre d’accord. Quelques jours, alors que des centaines de Syriens meurent chaque jour ? Il n’était plus possible d’attendre. D’autant que ce projet de résolution représente le plus large consensus de la communauté internationale, en soutenant les efforts des acteurs régionaux pour trouver une solution politique de sortie de crise.
Depuis 10 mois, on nous a accusés de chercher à renverser un régime, de préparer une intervention militaire. C’est évidemment faux. Nous avons répondu abondamment à ces inquiétudes. Ici même, il y a trois jours, nos ministres se sont exprimés pour dire qu’il n’était pas question d’imposer à la Syrie un régime politique. Le projet de résolution était, sur ce point, comme sur celui d’une intervention armée, on ne peut plus clair. Combien de temps avons-nous perdu à répondre à ces arguments de séance ? Ces tergiversations, ces manœuvres et ces hésitations ne sont pas à la hauteur du drame vécu par le peuple syrien.
L’histoire jugera sévèrement les pays qui ont empêché le Conseil d’apporter un soutien aux efforts courageux de la Ligue arabe, pour mettre en œuvre son plan. Ce faisant, ils se sont alignés sans scrupule sur un régime qui massacre son peuple. Ce faisant, ils ont décidé que leur présence au Moyen-Orient dépendait désormais de l’avenir du régime d’Al-Assad. Cette présence et ce régime auront le même sort.
Je l’ai dit, aujourd’hui est un triste jour. Mais nous ne nous arrêterons pas là. Nous n’avons pas le droit d’abandonner le peuple syrien à son sort tragique. Je dis aux Syriens que la France continuera à œuvrer dans toutes les instances et avec tous les partenaires partageant ses valeurs et l’objectif qui aurait dû nous réunir aujourd’hui : faire cesser le cauchemar syrien. Nous continuerons à travailler avec la Ligue arabe, dont le plan reste sur la table, même s’il n’a pas été endossé par le Conseil. Nous continuerons à appuyer l’opposition syrienne pacifique, qui s’efforce de se rassembler autour du Conseil national syrien. Nous continuerons à accroître la pression en imposant de nouvelles sanctions de l’Union européenne.
Mon dernier mot sera pour le peuple syrien qui, avec un courage inouï, depuis 10 mois, ne perd pas de vue l’horizon de sa liberté. Depuis le Conseil, je veux lui adresser tout le soutien de la France et notre détermination à poursuivre sans relâche notre action. Nous avons essuyé un premier double veto et nous sommes revenus au Conseil. Nous en essuyons aujourd’hui un second, venant des mêmes pays. Mais il ne nous arrêtera pas, au nom des principes qui guident le Conseil et l’action de l’Organisation des Nations Unies, au nom de notre responsabilité de membre permanent.
M. Wittig (Allemagne) (parle en anglais) : L’Allemagne et la majorité écrasante des membres du Conseil ont voté pour le projet de résolution présenté par le Maroc au nom des États arabes. Cependant, deux membres permanents du Conseil ont choisi d’exercer leur droit de veto. Cela signifie qu’après plus de 11 mois d’une violence et d’une répression brutales exercées par le Gouvernement syrien ; après plus de 5 500 morts ; après le massacre d’environ 400 enfants et après les détentions, les tortures, les viols et les mauvais traitements dont ont fait l’objet de très nombreux manifestants pacifiques, aujourd’hui, le Conseil de sécurité s’est de nouveau montré incapable d’assumer ses responsabilités et d’être à la hauteur de son mandat qui est de maintenir la paix et la sécurité internationales.
Bref, le peuple syrien et les peuples de la région ont une nouvelle fois été abandonnés à leur sort. C’est un scandale – en particulier au vu des massacres commis récemment à Homs ; en particulier au vu de cette journée qui fut l’une des plus sanglantes du Printemps arabe et en particulier, en ce jour marquant le treizième anniversaire tragique du massacre de Hama. C’est ça le véritable scandale.
La position de l’Allemagne est très claire. Le Conseil doit engager instamment Al-Assad à cesser les tueries. Son régime doit mettre immédiatement fin à la violence. Il doit mettre fin aux violations systématiques et flagrantes des droits de l’homme. C’était là le premier grand élément du projet de résolution dont nous sommes saisis (S/2012/77).
Nombre des demandes énoncées dans ce projet de résolution avaient en fait été acceptées par le Gouvernement syrien le 19 décembre 2011. Le Gouvernement syrien avait accepté de mettre fin à la violence, de libérer tous les prisonniers politiques, de retirer ses forces armées et d’accorder la liberté de circulation aux observateurs et aux journalistes. Mais selon la Ligue des États arabes, le Gouvernement syrien n’a pleinement respecté aucun de ces engagements.
Mardi dernier, le Conseil a entendu un appel extraordinaire lancé par la Ligue des États arabes (voir S/PV.6710). Les États arabes ont exhorté le Conseil à ne pas abandonner le peuple syrien. Ils ont exhorté les membres du Conseil à les aider à régler la crise en Syrie. C’était là le deuxième grand élément de notre projet de résolution – répondre à la demande des États arabes et d’une grande partie de la communauté internationale de soutenir pleinement l’initiative de la Ligue des États arabes, une initiative dont l’objectif est de trouver une solution politique syrienne à la crise. Voilà ce que demandait le projet de résolution.
Ce projet de résolution ne prévoyait ni un embargo sur les armes ni régime de sanctions, contrairement à ce que avions souhaité. Il ne confiait pas à une commission le mandat d’enquêter sur les violations des droits de l’homme, contrairement à ce que nous avions préconisé. Nous le regrettons, mais nous avons négocié dans un esprit de compromis, et nous étions prêts à faire d’importantes concessions. Ce projet de résolution n’appelait pas à un changement de régime, comme d’aucuns l’ont affirmé, mais il appuyait le cadre politique mis en place par la Ligue des États arabes. L’objectif de ce cadre est de faciliter une transition politique syrienne vers un système démocratique et pluraliste, car c’est de cela qu’il s’agit : que le peuple syrien décide de son propre avenir politique. C’est la meilleure façon d’instaurer la paix et la sécurité, en Syrie et au-delà. Et c’est ce dont la majorité du Conseil a convenu. Nous regrettons que deux membres du Conseil n’aient pas été de cet avis.
La violence en Syrie doit cesser. Un dialogue politique doit s’ouvrir sous les auspices de la Ligue des États arabes. Il existe une solution politique à cette crise. Mais nous avons bien peur que la décision d’aujourd’hui ne provoque de nouvelles violences et ne rende plus difficile la réalisation d’une solution politique. L’Allemagne continuera néanmoins de coopérer avec tous les partenaires de la région pour appuyer la Ligue des États arabes.
Bien que nous déplorions vivement la décision d’aujourd’hui, je tiens à réaffirmer aux membres du Conseil que l’Allemagne reste prête à travailler avec tous pour surmonter nos divisions et combler le fossé qui nous sépare. Nous le devons non seulement au peuple syrien, mais également au mandat du Conseil, à savoir, le maintien de la paix et de la sécurité.
Mme Rice (États-Unis d’Amérique) (parle en anglais) : Les États-Unis sont écœurés par le fait que deux membres du Conseil continuent de nous empêcher de pouvoir atteindre le seul objectif qui est le nôtre, c’est-à-dire trouver une solution à une crise syrienne qui ne fait que s’aggraver et représente une menace croissante pour la paix et la sécurité régionales. Depuis des mois, le Conseil est pris en otage par deux membres du Conseil qui soutiennent des arguments creux et des intérêts individuels, tout en retardant et en édulcorant tout texte qui ferait pression sur Al-Assad pour qu’il change le cours de ses actions. Cette intransigeance est encore plus honteuse lorsque l’on sait que l’un de ces membres au moins continue de livrer des armes à Al-Assad.
Il y a longtemps déjà que les États-Unis ne cessent de dire qu’il est grand temps que le Conseil assume ses responsabilités et impose des sanctions sévères et ciblées et un embargo sur les armes au régime d’Al-Assad, comme nombre de pays l’ont déjà fait à titre individuel. Mais ce n’est même pas ce que préconisait ce projet de résolution (S/2012/77). Le texte appuyait simplement un plan de la Ligue des États arabes qu’Al-Assad lui-même avait accepté de mettre en œuvre, ainsi que la décision de la Ligue des États arabes en faveur d’un règlement pacifique de la crise. Les coauteurs du projet de résolution ont tout fait pour tenter de parvenir à un consensus sur un projet de résolution qui tient déjà largement compte des préoccupations de quelques membres du Conseil quant au recours à la force et aux sanctions. Les tentatives faites aujourd’hui d’apporter des amendements destructeurs à la onzième heure, simplement pour retarder une action du Conseil, sont impardonnables.
Depuis hier, le Gouvernement syrien mène à Homs, à l’aide d’artillerie et de chars, une campagne de tueries aveugles tous azimuts particulièrement horrible visant des centaines de personnes, dont des femmes et des enfants. Les forces syriennes continuent d’empêcher des centaines de civils innocents et blessés de pouvoir se faire soigner. La communauté internationale doit protéger le peuple syrien de cette brutalité ignoble. Mais deux membres du Conseil restent déterminés à trahir le peuple syrien et à protéger un lâche tyran.
Les États-Unis, par contre, soutiennent sans réserve et sans fléchir le peuple syrien qui souffre depuis bien trop longtemps.
Depuis que ces deux membres du Conseil ont opposé leur veto au dernier projet de résolution sur la Syrie, nous avons entendu des rapports de la Haut-Commissaire aux droits de l’homme selon lesquels le régime commettrait des crimes graves contre l’humanité. Nous avons également entendu le Secrétaire général de la Ligue des États arabes, M. Elaraby, et le Premier Ministre du Qatar, M. Hamad bin Jassim, signaler que le régime d’Al-Assad « n’a fait aucun effort sincère pour coopérer » (voir S/PV.6710, p. 4) avec la Ligue des États arabes et que « la machine répressive [d’Al-Assad] est toujours en marche » (ibid., p. 5).
Depuis que ces deux membres ont opposé leur veto à un projet de résolution sur la Syrie, on estime que 3 000 autres civils ont été tués, sans compter les quelque 250 tués hier à peine. Des milliers d’autres personnes sont détenues et torturées par Al-Assad et sa milice Shabiha. Mais depuis que ces deux membres ont opposé leur veto à un projet de résolution, et bien que le Conseil de sécurité n’ait pas pris de mesure, les Syriens sont de plus en plus nombreux à protester de manière pacifique contre le régime.
Encore une fois, le peuple syrien courageux peut bien voir qui au Conseil appuie ses aspirations à la liberté et aux droits universels et qui ne les appuie pas. Et en cette période de changements, les peuples du Moyen-Orient peuvent bien voir quelles nations ont choisi d’ignorer leurs appels à la démocratie et préfèrent soutenir des dictateurs désespérés. Ceux qui s’opposent au projet de résolution ont laissé passer la dernière possibilité de mettre fin à la violence d’Al Assad par la voie pacifique sous les auspices de la Ligue des États arabes. Tout nouveau sang versé leur sera imputable.
Les Gouvernements qui, une fois de plus, ont entravé l’action du Conseil doivent faire marche arrière et écouter la voix du peuple syrien – pour leur bien, pour le bien de la Syrie, pour le bien du Moyen-Orient, et pour le bien du Conseil.
M. Moraes Cabral (Portugal) (parle en anglais) : C’est certes un triste jour pour le Conseil de sécurité. Une fois encore, il a été incapable d’agir pour signifier avec fermeté et unité aux autorités syriennes qu’elles devaient mettre un terme aux meurtres et à la torture de leur population, alors même que ces dernières heures des centaines de personnes ont encore été tuées.
Combien de temps le Conseil laissera-t-il la machine à tuer syrienne continuer de plonger le pays dans un sanglant conflit sectaire ? Combien de morts et de mutilés faudra-t-il encore pour enfin pousser le Conseil à agir ? Il est vraiment regrettable et particulièrement inquiétant de constater que le Conseil de sécurité a été incapable d’appuyer unanimement la décision de la Ligue des États arabes en date du 22 janvier, tendant à faciliter la transition politique vers un système politique pluraliste et démocratique, dans lequel tous les Syriens soient égaux, indépendamment de leur affiliation, de leur origine ethnique ou de leurs convictions, et soient de facto des citoyens de leur pays.
Un processus de transition politique mené par les Syriens et fondé sur un dialogue politique sérieux entre le Gouvernement syrien et l’ensemble des tendances de l’opposition syrienne, c’est précisément ce qu’exigeaient ceux qui n’ont pas appuyé cette résolution aujourd’hui.
Le Conseil de sécurité n’a pas été en mesure de répondre à l’appel de la Ligue des États arabes, qui lui demandait d’appuyer cette tentative du monde arabe de mettre fin à la tuerie et de parvenir à une solution politique et pacifique à la crise syrienne, deux objectifs que tous, il me semble, partagent au sein du Conseil. Une fois de plus, le Conseil a manqué à ses responsabilités envers le peuple syrien, et ne s’est pas acquitté du rôle qui est le sien en tant que principal organe chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Non seulement cela est extrêmement décevant, mais c’est aussi tout simplement inadmissible.
Comme on l’a dit on ne plus clairement au Conseil mardi dernier, la situation actuelle en Syrie est insoutenable et en passe de dégénérer rapidement vers une guerre civile. Un appui clair et unanime du Conseil aux efforts déployés par la Ligue des États arabes est essentiel si nous voulons empêcher une évolution aussi dangereuse de la situation. On a dit de la façon la plus claire ici-même que ce projet de résolution ne portait pas sur un changement de régime, pas plus qu’il ne visait à imposer des changements en Syrie depuis l’extérieur, et encore moins à autoriser le recours à la force ou à imposer des sanctions. Le seul objectif de cette résolution était de mettre un terme immédiat à la violence, et de rendre possible un dialogue politique au niveau des Syriens qui permette au peuple syrien de décider pacifiquement de son propre avenir.
Comme l’a dit notre ministre ici-même dans sa déclaration au Conseil au début de la semaine (voir S/PV.6710), nous appuyons pleinement les efforts accomplis par la Ligue des États arabes concernant la Syrie, y compris sa décision du 22 janvier 2012 et la feuille de route politique qu’elle prévoit. Ces efforts constituent le seul moyen viable de régler pacifiquement cette crise, par des moyens politiques.
Le Portugal reste pleinement attaché à la souveraineté, à l’indépendance, à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale de la Syrie. Nous exhortons toutes les parties en présence en Syrie à cesser immédiatement toute forme de violence et à engager un dialogue politique sérieux sous les auspices de la Ligue des États arabes. Le Portugal continuera d’œuvrer activement à ces objectifs aux côtés de la Ligue des États arabes.
Sir Mark Lyall Grant (Royaume-Uni) (parle en anglais) : Le Royaume-Uni est consterné par la décision de la Russie et de la Chine d’opposer leur veto à une résolution, par ailleurs de consensus, présentée par le Maroc, le Royaume-Uni, les États-Unis, la France, l’Allemagne, le Portugal, la Colombie, le Togo, la Libye, Bahreïn, la Jordanie, le Koweït, le Qatar, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Égypte, la Tunisie, Oman et la Turquie.
Cela fait 10 mois que le peuple syrien revendique courageusement ses droits universels, et 10 mois que le régime syrien lui répond par une répression violente et le massacre de son propre peuple.
Il y a six mois, le Conseil a adopté une déclaration présidentielle (S/PRST/2011/16) condamnant les violations généralisées des droits de l’homme et l’emploi de la force contre des civils par les autorités syriennes. Il a demandé qu’il soit mis fin immédiatement à toutes les violences et que les autorités syriennes se conforment aux obligations que leur impose le droit international, en demandant au Gouvernement syrien de tenir ses engagements en matière de réforme. Ce jour-là, le bilan des victimes en Syrie s’élevait à environ un millier de morts. Mais le régime syrien a continué de plus belle sa répression brutale.
Il y a quatre mois, deux membres du Conseil ont opposé leur veto à un texte visant à signifier clairement au régime syrien qu’il devait mettre fin à l’effusion de sang. Ce jour-là, le nombre des morts atteignait 3 000 et le régime syrien a poursuivi sa répression brutale.
Le bilan s’élève maintenant à quelque 6 000 morts. Au cours des 24 dernières heures, le régime syrien a escaladé de façon féroce sa répression déjà brutale, en faisant subir aux citoyens de Homs des tirs d’artillerie et d’armes lourdes. Le bilan sera lourd. Ceux qui ont bloqué la décision du Conseil aujourd’hui doivent se demander combien de victimes supplémentaires ils sont prêts à tolérer avant d’accepter qu’une décision soit prise, si modeste et mesurée soit-elle.
Mardi dernier, le Conseil et le monde entier ont entendu les interventions de S. E. le cheik Hamad bin Jassim bin Jabr Al-Thani, du Qatar, et du Secrétaire général de la Ligue des États arabes (voir S/PV.6710), venus simplement demander au Conseil de sécurité d’appuyer le plan de la Ligue des États arabes tendant à faciliter une transition politique et à trouver un règlement pacifique à la crise. Le projet de résolution original présenté à l’initiative du Maroc ne faisait pas autre chose. Il a bénéficié depuis le début du soutien de la grande majorité des membres du Conseil et de l’aval de la Ligue des États arabes.
Pourtant, certains membres du Conseil ont argué que le projet de résolution imposait un changement de régime. Rien de cela n’était dans la résolution. Cependant, dans le but de parvenir à un consensus, nous avons ajouté au texte des garanties supplémentaires. La même minorité a argué que le texte pouvait d’une certaine façon être utilisé pour autoriser une intervention militaire. Rien de cela n’était dans le texte. Cette résolution a été élaborée au titre du Chapitre VI. Pourtant, dans l’optique d’un consensus, nous avons ajouté au texte de nouvelles garanties. La même minorité a argué que l’expression très modérée, dans le texte, d’une préoccupation portant sur les armes revenait en un sens à un embargo sur les armes. Ce n’était pas le cas. Mais nous l’avons supprimée. Elle a ajouté que la seule mention des sanctions de la Ligue des États arabes était assimilable à des sanctions de l’ONU. Ce n’était pas le cas. Mais nous l’avons supprimée dans un effort de consensus.
Les faits parlent d’eux-mêmes : il n’y a rien dans ce texte qui ait pu déclencher un veto. Nous en avions ôté tout ce qui aurait pu servir de prétexte. Le fait est que la Russie et la Chine ont aujourd’hui fait le choix de tourner le dos au monde arabe pour appuyer la tyrannie plutôt que les aspirations légitimes du peuple syrien. Ils ont manqué à leur responsabilité de membres permanents du Conseil de sécurité, et ce le jour le plus honteux des 300 jours d’oppression de la machine de mort syrienne.
Le Royaume-Uni continuera de soutenir les efforts accomplis par la Ligue des États arabes pour amener une transition pacifique en Syrie. Nous continuerons de soutenir le courageux peuple syrien dans ses revendications de changement. Le régime doit mettre fin à la violence. Il doit maintenant s’opérer une transition vers un nouvel ordre politique. Si le régime poursuit sur cette voie sanglante, nous porterons de nouveau la question devant le Conseil, en consultation avec nos collègues de la Ligue des États arabes.
M. Osorio (Colombie) (parle en espagnol) : Au nom de la Colombie, je tiens à manifester ma déception et mes regrets à l’issue de ce vote, qui refuse aux membres de la Ligue des États arabes et de l’organisation elle-même l’appui qu’ils ont sollicité pour leur plan, conçu pour mettre fin à la tragédie que vit la Syrie et défendre la vie et les droits de son peuple.
Dès le début de la répression violente exercée par le Gouvernement syrien contre la population civile, il y a plus de 10 mois, nous avons multiplié les efforts et les appels afin de trouver une solution à la crise. En réponse, nous avons vu une escalade continue du recours à la force brutale et des violations de tous les droits fondamentaux des ressortissants syriens.
Tout au long de ce processus, nous avons maintenu un dialogue constant avec les pays arabes. Nous avons toujours tenu compte de leurs objectifs et de leurs demandes, tendant à permettre et faciliter l’action de la Ligue des États arabes, avant que le Conseil ne se prononce. C’est ce qui s’est passé jusqu’au moment où leurs efforts n’ont plus reçu d’écho et où ils ont expressément demandé au Conseil, la semaine dernière, d’appuyer leur plan de transition politique visant à ramener la paix et à établir un régime démocratique en Syrie.
La Colombie a appuyé le projet de résolution présenté par le Maroc comme suite à la demande formulée officiellement au Conseil par le Secrétaire général de la Ligue des États arabes (voir S/PV.6710) et a voté pour, convaincue qu’il faut protéger les Syriens de la terrible tragédie dont ils souffrent aujourd’hui.
M. Rosenthal (Guatemala) (parle en espagnol) : Notre position sur la situation en Syrie a été expliquée en détail par notre Ministre des affaires étrangères, mardi dernier dans cette salle (voir S/PV.6710).
Notre objectif premier est de contribuer à mettre fin à la spirale de la violence dont est victime la population syrienne et à trouver une solution politique à la crise que connaît ce pays. Nous considérons que l’initiative prise par la Ligue des États arabes répond à ces deux objectifs (voir S/2012/71, annexe). Voilà pourquoi nous avons voté pour le projet de résolution dont nous étions saisis (S/2012/77).
Nous déplorons que notre vote ait été vain à cause du système de vote très particulier qui régit notre processus de prise de décisions. Non seulement cela ne fera qu’allonger la liste de ceux qui sont touchés par cette situation – les victimes de la violence, qui, je le souligne, sont notre préoccupation première, mais nuira également à l’efficacité du Conseil de sécurité et à sa capacité de relever les défis auxquels il fait face.
Pour terminer, notre délégation déplore vivement que nous n’ayons pas été en mesure de répondre favorablement à la demande formulée par la Ligue des États arabes. Nous appelons les États membres de la Ligue à persévérer dans leurs efforts, y compris pour mettre en œuvre leur initiative du 22 janvier.
M. Hardeep Singh Puri (Inde) (parle en anglais) : Monsieur le Président, je tiens tout d’abord à vous féliciter de votre accession à la présidence du Conseil de sécurité pour le mois de février. Ma délégation et moi entendons œuvrer avec vous pour le succès de votre présidence. Dans une autre vie, j’ai eu l’occasion de me rendre dans votre magnifique pays. Je saisis également cette occasion pour féliciter l’Afrique du Sud, l’Ambassadeur Baso Sangqu et son équipe pour la sagesse et la compétence avec lesquelles ils ont dirigé les travaux du Conseil en janvier.
La République arabe syrienne a toujours joué un rôle important au Moyen-Orient. L’instabilité et les troubles persistants en Syrie nuisent donc à la paix et à la stabilité dans l’ensemble de la région. L’Inde est préoccupée par la situation actuelle en Syrie qui, au cours des 10 derniers mois, a coûté la vie à des milliers de civils et de membres des forces de sécurité. C’est pourquoi nous avons appelé, dès le début des manifestations, à un processus politique pacifique et sans exclusive permettant de répondre aux doléances de toutes les composantes de la société syrienne.
Nous condamnons énergiquement tous les actes de violence, quels qu’en soient les auteurs. Nous condamnons également toutes les violations des droits de l’homme. Pour l’Inde, la liberté d’expression et de réunion pacifique sont des valeurs fondamentales qui doivent être respectées en même temps que l’on assure la stabilité et la sécurité de la société. L’Inde a répercuté ce message aux autorités syriennes, aussi bien de manière bilatérale que de concert avec le Brésil et l’Afrique du Sud, nos partenaires. Nous avons bien fait comprendre à la partie syrienne qu’elle devait renoncer à la violence et tenir compte des aspirations du peuple syrien. Ce message figure également dans la déclaration présidentielle (S/PRST/2011/16) publiée par le Conseil de sécurité en août 2011 sous la présidence indienne.
Nous sommes fermement convaincus qu’un processus politique visant à sortir de la crise actuelle doit être mené par les Syriens. Nous considérons que le rôle principal de la communauté internationale, y compris le Conseil, est de faciliter un dialogue entre toutes les composantes de la société syrienne pour que les Syriens engagent un processus politique sans exclusive qui tienne compte des aspirations légitimes de tous les Syriens, tout en respectant la souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriale de la Syrie.
Nous notons que le projet de résolution exige du Gouvernement syrien qu’il protège sa population, et indique qu’il doit être en mesure de le faire. La Ligue des États arabes est une organisation régionale importante qui doit tenir le rôle historique qui lui revient dans la promotion d’un dialogue politique entre les parties syriennes.
À cet égard, nous nous félicitons du déploiement dans plusieurs régions du pays de la mission d’observation de la Ligue, qui a quelque peu contribué à réduire la violence et permis de dresser un tableau plus précis de la situation. Nous espérons que la mission pourra bientôt reprendre ses activités.
Nous avons voté pour le projet de résolution présenté aujourd’hui car nous appuyons les efforts déployés par la Ligue des États arabes pour trouver une solution pacifique à cette crise par un processus politique sans exclusive dirigé par les Syriens. Nous prenons acte du fait que le texte indique clairement que rien dans le projet de résolution n’autorise à prendre des mesures en vertu de l’Article 42 de la Charte et demande que soit amorcé un dialogue politique sérieux entre le Gouvernement syrien et l’ensemble des forces d’opposition syriennes, sous les auspices de la Ligue des États arabes.
Nous considérons que c’est au peuple syrien qu’il revient de décider qui va le gouverner. Toutes les forces d’opposition syriennes devront prendre part de manière pacifique à un dialogue constructif avec les autorités. Nous espérons que cela créera de nouvelles conditions propices à la paix et facilitera un processus politique. Ce dialogue doit faire fond sur les réformes politiques déjà annoncées par les autorités syriennes, et apporter également les modifications nécessaires à ces réformes, pour qu’elles puissent être acceptées par toutes les composantes de la société syrienne.
M. Churkin (Fédération de Russie) (parle en russe) : Le bain de sang et la violence en Syrie doivent cesser immédiatement. À cette fin, la Fédération de Russie déploie activement des efforts diplomatiques en étant en contact avec les Syriens, les pays arabes voisins de la Syrie et d’autres membres de la communauté internationale. Aujourd’hui, Moscou a annoncé qu’à la demande du Président de la Fédération de Russie, M. Medvedev, le Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, M. Lavrov, et le Directeur du service des renseignements extérieurs, M. Fradkov, se rendraient à Damas le 7 février pour s’entretenir avec le Président de la République arabe syrienne, M. Al-Assad.
Au Conseil de sécurité, nous nous sommes activement employés à parvenir à une décision en vue de trouver une solution objective qui permette véritablement de mettre fin rapidement à la violence et de lancer un processus politique en Syrie. C’est la seule décision que doit prendre le Conseil de sécurité. Cependant, dès le début de la crise syrienne, certains membres influents de la communauté internationale, dont certains sont assis à cette table, ont compromis toute chance d’aboutir à un règlement politique, en appelant à un changement de régime, en encourageant l’opposition à prendre le pouvoir, en se livrant à des actes de provocation et en favorisant la lutte armée.
Les travaux du Conseil de sécurité n’ont pas été menés à bonne fin. Le projet de résolution mis aux voix (S/2012/77) ne rend pas dûment compte de la véritable situation en Syrie et envoie un message partial aux parties syriennes. Les auteurs de ce projet de résolution n’ont pas tenu compte des amendements que nous avons proposés, qui avaient pour but d’exhorter l’opposition syrienne à se désolidariser des groupes extrémistes qui commettent des actes de violence et d’appeler tous les États et tous ceux qui en ont la possibilité à user de leur influence pour empêcher ces groupes de commettre des actes de violence. Par ailleurs, on n’a pas tenu compte de nos propositions visant à ce que le retrait des forces armées syriennes des villes s’accompagne de la cessation des attaques menées par les groupes armés contre les institutions publiques et dans les quartiers résidentiels. Enfin, aucun appui n’a été apporté à la proposition demandant à la Ligue des États arabes de faire preuve de davantage de souplesse dans ses efforts de médiation, ce qui aurait donné à un processus politique syrien sans exclusive plus de chances d’aboutir.
Pour ces motifs, la délégation russe a voté contre le projet de résolution présenté. Nous déplorons sincèrement que notre action commune au Conseil de sécurité aboutisse à un tel résultat. Nous sommes convaincus que la communauté internationale poursuivra ses efforts intensifs, en vue de mettre immédiatement fin à la violence, de lancer un processus politique syrien sans exclusive couronné de succès et de sortir ce pays de la crise profonde dans laquelle il est plongé.
Pour sa part, la Russie continuera à œuvrer dans ce sens.
M. Li Baodong (Chine) (parle en chinois) : Le Conseil de sécurité vient de se prononcer sur un projet de résolution relatif à la Syrie (S/2012/77), et la Chine a voté contre.
La Chine suit de près l’évolution de la situation en Syrie dès le début. Nous appelons toutes les parties en Syrie à mettre fin à la violence, et en particulier à éviter de faire des victimes parmi les civils, à rétablir l’ordre dans le pays dans les plus brefs délais et à faire droit aux demandes du peuple syrien concernant les réformes et la sauvegarde de ses intérêts. Cela est dans le plus grand intérêt de la Syrie et de son peuple. Nous appuyons les bons offices de la Ligue arabe en vue du règlement de la crise afin de promouvoir le démarrage rapide d’un processus politique sans exclusive dirigé par les Syriens et auquel toutes les parties participent largement, de recourir au dialogue et aux négociations pour aplanir les divergences et régler les conflits, et de rétablir la stabilité en Syrie.
La communauté internationale doit apporter un appui constructif à la réalisation de ces objectifs. En même temps, la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de la Syrie doivent être pleinement respectées. Les mesures prises par le Conseil de sécurité au sujet de la question syrienne doivent être conformes aux buts et aux principes consacrés par la Charte des Nations Unies et contribuer à apaiser les tensions, à promouvoir le dialogue politique, à régler les différends et à préserver la paix et la stabilité au Moyen-Orient, au lieu de compliquer la situation.
Sur la base de ces principes, la Chine a participé activement aux consultations sur le projet de résolution et a appuyé les efforts de la Ligue arabe en faveur d’un règlement politique de la question syrienne et du maintien de la stabilité dans la région. Comme de nombreux membres du Conseil, la Chine est d’avis que dans les circonstances actuelles, mettre l’accent sur les pressions à exercer sur le Gouvernement syrien en préjugeant de l’issue du dialogue ou imposer une solution ne contribuera pas à régler la question syrienne. Cela pourrait, au contraire, compliquer davantage la situation.
La Chine appuie les amendements proposés par la Fédération de Russie et a pris note de ce que le Ministre des affaires étrangères de la Russie effectuera une visite en Syrie la semaine prochaine. La demande de certains membres du Conseil de sécurité tendant à ce que les consultations sur le projet de résolution se poursuivent est raisonnable. Il est regrettable que ces préoccupations raisonnables n’aient pas été prises en considération. Mettre le projet de résolution aux voix alors que les parties sont encore profondément divisées sur cette question ne contribue pas à maintenir l’unité et l’autorité du Conseil de sécurité ni à régler la question comme il se doit. Face à cette situation, la Chine a voté contre le projet de résolution.
La Syrie est un pays important au Moyen-Orient. La paix et la stabilité en Syrie sont dans l’intérêt du peuple syrien, mais aussi de la communauté internationale. La Chine continuera à coopérer avec la communauté internationale et à jouer un rôle constructif dans le règlement de la crise syrienne.
M. Haroon (Pakistan) (parle en anglais) : Monsieur le Président, je tiens à vous féliciter de votre accession à la présidence du Conseil à un moment où celui-ci est saisi d’une question internationale aussi importante.
Le problème syrien a pris des dimensions non seulement regrettables mais aussi condamnables. Nous devons comprendre que même si nous avons créé la civilisation, nous avons également toléré des expressions comme « dégâts collatéraux » et tant d’autres, que je n’ai pas l’intention de mentionner ici aujourd’hui. Néanmoins, à mon avis, nous tolérons trop de choses, trop facilement. Cela me rappelle Ponce Pilate, qui, il y a deux mille ans, s’est lavé les mains et a dit : « Je n’y suis pour rien. » Deux mille ans plus tard, l’humanité continue de souffrir à cause de positions similaires.
Le Pakistan avait des graves préoccupations, en particulier face aux tueries et au massacre des innocents. Cependant, par respect pour les principes consacrés par la Charte, nous n’acceptons pas non plus qu’il soit porté atteinte à la souveraineté ou l’intégrité de la Syrie.
Comme l’a indiqué Sir Mark, il y a eu des tentatives louables de tenir compte des diverses préoccupations et questions soulevées, et nous lui en sommes reconnaissants. Je pense que maintenant, il est impératif de mettre fin aux massacres en demandant aux deux parties – de fait, en les contraignant – à reconnaître que cette situation est inacceptable, et ce sur la base de l’impératif moral évoqué dans le projet de résolution de la Ligue arabe.
On a parlé d’amnistie. Je crois également que c’est un fait établi que tout le monde doit contribuer à y mettre fin. N’oublions pas qu’aucune mesure prise contre un gouvernement où que ce soit dans le monde ne peut réussir sans un appui extérieur. C’est un fait qui a été confirmé par l’histoire et qu’il ne faut pas oublier.
Ce serait facile pour ceux d’entre nous qui ont voté avec la majorité de croiser les bras et de dire : « Nous avons fait notre part. » Non, nous n’avons pas fait notre part. Nous ne pouvons pas nous en laver les mains. Nous devons continuer à chercher – comme l’ont indiqué les Russes et les Chinois – une solution. À mon avis, le plan proposé par la Ligue arabe et les décisions très importantes prises ces derniers jours sont le meilleur moyen d’y arriver.
J’estime que les propositions relatives au maintien du régime, au pluralisme et à la promotion de la démocratie sont des aspects importants dans cette situation. Nous avons appuyé ces propositions. J’estime qu’aujourd’hui, notre système nous a déçus une fois de plus. Nous l’avons dit clairement, sans aucun intérêt politique, que cet aspect du veto était toujours problématique. Le droit de veto va dans les deux sens : il bénéficie à une partie à un moment donné, et à l’autre à un autre moment. Soit tout le monde devrait avoir le droit de veto, et nous verrons alors comment le monde s’en portera, soit nous devrions tous envisager de ne jamais nous en servir.
Je crois aussi que nous sommes arrivés à une situation qui demande que nous persévérions dans nos efforts en vue de renforcer les liens qui existent entre nous. La décision que nous avons prise aujourd’hui a été d’une grande importance pour nos frères arabes, qui ont joué un si grand rôle pour nous. Nous devions, par principe, nous tenir à leurs côtés, car ils étaient assez unanimes à vouloir notre appui. J’ai soulevé une question il y a quelques jours, lorsque j’ai noté l’absence de la Tunisie, de l’Égypte ou d’autres pays à qui cette question tient à cœur, et je me réjouis de leur présence parmi nous aujourd’hui. Voilà qui, pour moi, est très positif.
Je voudrais, pour terminer, rappeler en quelques mots que tout ceci est le résultat des bonnes intentions de toutes les parties. Je ne vais pas frapper qui que ce soit à coup de bâtons. Je crois qu’un consensus a été forgé, bien qu’il y ait eu quelques désistements. Mais je crois que nous pouvons encore renforcer ce consensus. Une visite en Syrie est prévue dans les prochains jours. Je suis convaincu qu’elle donnera lieu à de nouveaux développements.
C’est une question qu’il ne faut pas abandonner. Le Conseil doit rester activement saisi de ce projet de résolution, et nous devrions l’examiner à nouveau le plus rapidement possible, y compris avec l’aide de ceux qui, aujourd’hui, ont décidé de ne pas voter pour. En restant activement saisis de cette question, nous redonnerions espoir à ceux qui attendent des actes de notre part. Cela dit, j’exhorte le Conseil à maintenir son engagement vis-à-vis de cette question.
M. Sangqu (Afrique du Sud) (parle en anglais) : Je tiens d’emblée à vous féliciter, Monsieur le Président, ainsi que le Togo, pour votre accession à la présidence du Conseil pour le mois de février. Soyez assuré du plein appui de l’Afrique du Sud.
Le monde constate avec grande inquiétude que la crise que traverse la Syrie dégénère de jour en jour, faisant un grand nombre de morts et de blessés parmi les civils et entraînant le déplacement d’une population importante, dont des enfants. Comme nous l’avons déjà dit, nous sommes extrêmement préoccupés par la détérioration de la situation politique, sécuritaire, socioéconomique et humanitaire en Syrie, une détérioration qui se poursuit en dépit des appels lancés par la communauté internationale au Gouvernement syrien et à l’opposition armée pour mettre fin aux violences et régler leurs différends par la voie pacifique. Nous condamnons les pertes violentes en vies humaines en Syrie et appelons toutes les parties au conflit à faire preuve de la plus grande retenue. Nous exhortons les parties à mettre immédiatement fin à la violence et à s’engager à trouver une solution politique pacifique par le biais d’un processus national transparent et inclusif qui répondra aux aspirations légitimes du peuple syrien.
Le processus politique garantira notamment les libertés et les droits politiques fondamentaux du peuple et rétablira sa dignité par le biais de la démocratie, des réformes politiques, de la justice, des droits de l’homme et du développement socioéconomique. Nous croyons qu’une telle solution assurera effectivement la paix et la stabilité à long terme. Nous déplorons la lenteur avec laquelle se mettent en œuvre les réformes déjà annoncées, et encourageons le Gouvernement syrien à les mettre en œuvre au plus vite. Nous exhortons l’opposition à s’engager à participer pleinement à l’application de ces réformes.
L’Afrique du Sud est d’avis que les efforts de la Ligue des États arabes – qui est l’organisation qui connaît la situation syrienne du fait notamment de sa proximité – doit bénéficier de notre appui et se voir accorder l’espace politique nécessaire pour trouver une solution à la crise syrienne. L’Afrique du Sud appuie les efforts déployés par la Ligue des États arabes pour faciliter un processus politique dirigé par les Syriens, comme le stipule le projet de résolution. Il importe que le peuple syrien puisse décider lui-même de son sort et choisir notamment ses futurs dirigeants.
Fondamentalement, aucune partie étrangère ou extérieure ne doit faire ingérence dans les affaires syriennes au moment où le peuple s’engage dans un processus décisionnel critique pour l’avenir du pays. Toute solution doit préserver l’unité, la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie. Nous nous réjouissons également du fait que le projet de résolution final (S/2012/77) ne cherchait pas à imposer un changement de régime à la Syrie, ce qui serait contraire aux buts et principes inscrits dans la Charte des Nations Unies.
Nous espérons sincèrement que le Gouvernement syrien et l’opposition continueront à coopérer avec les efforts déployés par la Ligue des États arabes pour les aider à parvenir à une solution politique pacifique. Nous appelons également la communauté internationale à appuyer ce processus et à s’abstenir de toute action ou déclaration susceptibles de polariser les parties et de retarder, voire de paralyser, le processus lancé par la Ligue des États arabes.
Le climat politique actuel au Moyen-Orient, une région dont la situation géopolitique ne supporterait pas une Syrie faible ou déchirée par des conflits, nous impose d’agir de manière responsable dans l’intérêt de la paix et de la sécurité régionales et internationales. L’Afrique du Sud a voté pour le projet de résolution aujourd’hui car nous croyons que celui-ci pourrait faciliter un processus national syrien et un dialogue entre les parties syriennes, et rétablir une paix et une stabilité à long terme dans le pays, conformément aux aspirations du peuple syrien.
M. Musayev (Azerbaïdjan) (parle en anglais) : L’Azerbaïdjan est très préoccupé par la crise continue et la violence généralisée en Syrie qui ont fait un grand nombre de morts parmi la population. En dépit des appels répétés de la communauté internationale, la situation en Syrie continue de se détériorer, faisant des dizaines de morts et de blessés. L’Azerbaïdjan a dès le départ appuyé les efforts de la Ligue des États arabes et attend avec intérêt la poursuite de sa mission afin de faire cesser la violence, de résoudre la crise et de trouver une solution pacifique par la voie du dialogue.
La seule solution à la crise en Syrie viendra d’un processus politique inclusif national syrien dont l’objectif sera de répondre effectivement aux aspirations et aux préoccupations légitimes du peuple syrien, sans ingérence extérieure, et c’est ce qu’énonce clairement le projet de résolution (S/2012/77). Il est d’une importance cruciale que les obligations relatives au respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de la Syrie et de tous les autres États de la région soient pleinement observées et respectées. Il est important que le projet de résolution souligne que la crise politique actuelle en Syrie doit être réglée de façon pacifique et note que rien n’autorise les mesures prévues au titre de l’Article 42 de la Charte des Nations Unies.
C’est sur cette base que l’Azerbaïdjan a appuyé le projet de résolution, dans l’espoir que son adoption contribuerait aux efforts menés actuellement pour encourager le dialogue, surmonter la crise et mettre fin aux souffrances de la population.
Le Président : Je vais maintenant faire une brève déclaration en ma qualité de représentant du Togo.
Le Togo espérait que la situation qui prévaut en Syrie depuis presque un an nécessiterait que le Conseil de sécurité envoie un message fort aux dirigeants et à l’opposition syriens afin qu’ils arrêtent la violence et qu’ils s’engagent dans un processus de négociations politique, inclusif et transparent. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Togo a voté pour le projet de résolution présenté par le Maroc, et s’est même porté coauteur de ce texte. Malheureusement, le Conseil n’a pas été en mesure d’envoyer un tel message à la classe politique syrienne, et mon pays déplore cet état de choses. Notre conseil, qui a la responsabilité première du maintien de la paix et de la sécurité internationales, vient une fois encore d’échouer dans ses efforts visant à ramener la paix et la sécurité en Syrie en parlant d’une seule voix.
Malgré cet échec, le Conseil devrait pouvoir continuer à rechercher les voies et moyens de ramener la paix en Syrie. Le peuple syrien ne saurait continuer à souffrir, à pleurer et à enterrer ses morts pendant que le Conseil reste impassible. Le Conseil de sécurité doit donc agir. Le Togo continue de croire qu’il n’est pas trop tard pour qu’il s’engage résolument sur la voie de la nécessaire action qu’il convient de mener.
Je reprends à présent mes fonctions de Président du Conseil.
Je donne maintenant la parole au représentant de la République arabe syrienne.
M. Ja’afari (République arabe syrienne) (parle en arabe) : Je tiens à féliciter votre pays ami, le Togo, et vous-même, Monsieur le Président, de votre accession à la présidence du Conseil de sécurité pour le mois en cours. Nous vous souhaitons plein succès dans cette responsabilité délicate. Je tiens également à féliciter mon collègue M. Sangqu, l’Ambassadeur de l’Afrique du Sud, d’avoir présidé le Conseil le mois passé.
Je pense que s’inspirer de l’histoire est un exercice extrêmement important dans cette salle. Invoquer des exemples tirés de la culture et de la littérature des peuples et des nations permet d’avoir un recul extrêmement utile. En disant cela, je voudrais évoquer Faust, le chef-d’œuvre littéraire de l’écrivain allemand Johann Wolfgang von Goethe. Cet ouvrage parle en termes symboliques des risques inévitables que court une personne – même très sage – qui vend son âme à Satan. Cette allégorie résume l’idée par laquelle je voudrais commencer mon intervention, à savoir qu’un être humain ne devrait pas vendre son âme au diable en échange d’avantages illusoires pouvant détruire par la suite ses espoirs de liberté.
Ma délégation a examiné le texte du projet de résolution dont a été saisi le Conseil. Forts de notre conviction inébranlable dans le principe du panarabisme, nous avions espéré que l’examen de la question syrienne resterait avant tout une affaire exclusivement syrienne, traitée éventuellement avec l’aide des structures de la grande famille arabe prête à nous aider.
Mais, l’empressement de certaines parties à appeler à une intervention de la communauté internationale – et nous savons d’avance quels sont leurs objectifs et la manière dont elles traitent les questions arabes, surtout la question de Palestine et l’occupation israélienne des territoires arabes – nous inquiète. Tout cela nous attriste, profondément même, compte tenu de la situation difficile dans laquelle nous nous trouvons actuellement.
À ce stade, je voudrais citer en anglais une phrase prononcée il y a 22 ans par l’ancien Ministre de la justice des États-Unis, Ramsey Clark :
(l’orateur poursuit en anglais)
« L’Organisation des Nations Unies, qui a été créée pour prévenir le fléau de la guerre, est devenue un instrument de guerre. »
(l’orateur reprend en arabe)
Ma délégation a suivi avec beaucoup de reconnaissance les efforts déployés au sein du Conseil par les défenseurs des droits de l’homme et des buts et principes inscrits dans la Charte des Nations Unies, en particulier l’inadmissibilité de l’intervention dans les affaires intérieures des États, le fait qu’il est inacceptable de mener la guerre contre des pays dans le but de profiter de leur situation géographique et d’avoir le contrôle exclusif de leurs lucratives ressources naturelles, et le caractère intolérable de chercher à résoudre les problèmes économiques des puissances occidentales au détriment des populations des pays en développement. À ces États qui défendent la paix et la sécurité internationales, nous tenons à exprimer tous nos remerciements et à dire toute notre gratitude. L’histoire retiendra les nobles positions qu’ils auront prises.
Faut-il s’étonner de voir que pendant un peu moins de 45 ans – de 1945, année de sa création, à 1988 – le Conseil de sécurité n’a adopté que 690 résolutions, puis qu’au cours des 20 années suivantes, il en a adopté trois fois plus ? Cela révèle en fait que le monde d’aujourd’hui est moins sûr, moins juste et moins équitable, et que les dispositions de la Charte des Nations Unies sont gravement menacées.
À cet égard, je tiens à souligner que certaines puissances s’en prennent aujourd’hui à la République arabe syrienne, Membre fondateur de cette organisation mondiale, pour la punir de son attachement aux normes juridiques internationales, en particulier sur la question de la défense des droits fondamentaux des peuples. Aujourd’hui, la Syrie est sacrifiée dans le cadre d’une crise fabriquée par des parties qui ne veulent pas le bien de la Syrie et de son peuple. Cela est tout à fait manifeste dans l’appui – en termes de financement, de fourniture d’armes et de couverture médiatique favorable – qu’elles apportent aux groupes terroristes armés qui tuent, enlèvent et intimident les citoyens syriens, et détruisent et sabotent les infrastructures, y compris les usines de production d’électricité, les oléoducs et gazoducs, les bâtiments du Ministère de la justice et les voies ferrées.
Quelle personne sensée pourrait croire qu’un gouvernement commette des massacres dans une ville le jour même où le Conseil de sécurité doit se réunir pour examiner la situation dans son pays ? Quelle entité se mettrait dans une telle position ?
La preuve indéniable du caractère criminel de ces groupes armés dans mon pays a été apportée ce matin, ces groupes ayant tué des civils innocents et détruit des habitations ainsi que des ambassades syriennes dans plusieurs capitales. Mais rien n’a été dit, ni par le Secrétaire général ni par ce conseil, pour condamner les actes d’agression commis contre les ambassades syriennes à l’étranger. Tout cela vise à envoyer un message trompeur pour peser sur ce conseil afin d’influer sur les positions des auteurs du projet de résolution.
La meilleure preuve de notre sincère intention de coopérer avec la Ligue des États arabes est présentée dans le rapport de la mission d’observation de la Ligue (voir S/2012/71, annexe, pièce jointe 4). Il est surprenant que le Conseil n’en ait pas pris connaissance en temps voulu, pour des raisons connues de tous les membres du Conseil. Ce rapport affirme que la Syrie a tenu ses engagements au titre du protocole.
Nous réaffirmons ici pour la deuxième, la troisième et la quatrième fois que, si les tueries avaient cessé et que ceux qui parlent avec emphase de démocratie cessaient de mettre en œuvre le plan élaboré contre la Syrie, et si les États qui se montrent extrêmement généreux en donnant des milliards de dollars aux groupes armés et en leur fournissant les armes et les moyens de communication les plus perfectionnés et en les accueillant dans leur capitale pour faciliter les opérations criminelles qu’ils mènent contre le peuple syrien et ses biens, la Syrie aurait déjà appliqué le plan d’action arabe et le protocole dans leur intégralité.
Certains États du Golfe ont traîné la Ligue des États arabes au Conseil de sécurité dans le but de mobiliser le Conseil contre la Syrie et d’internationaliser une question arabe, et ce en violation des principes de la Charte même de la Ligue des États arabes, et bien que, depuis le début de la crise, tous les politiciens arabes se soient querellés dans leur Ligue des États arabes pour insister sur le fait qu’ils ne se dirigeaient pas vers une internationalisation de la crise en Syrie.
Le rapport de la mission dont je parle affirme que la Syrie tient ses engagements en dépit des actes de violence et je vais donner lecture au Conseil du contenu du paragraphe 73 uniquement :
« La mission a constaté que le Gouvernement entendait l’aider à mener sa tâche à bien et à surmonter les difficultés qu’elle pourrait rencontrer. Il a facilité les rencontres et les entretiens avec toutes les parties, quelles qu’elles soient, et n’a restreint d’aucune manière les déplacements de la mission ou ses rencontres avec les citoyens syriens, qu’ils soient opposés ou favorables au Gouvernement. » (S/2012/71, annexe, pièce jointe 4, par. 73).
Il y a deux mois et demi, la chaîne de télévision qatarie Al Jazeera a diffusé depuis Doha une émission politique présentée par un célèbre journaliste. Les invités de cette émission étaient le Président en exercice de la Tunisie qui, alors, n’assumait pas encore ces fonctions, et un activiste politique syrien. Dans ce programme, diffusé il y a deux mois et demi, le présentateur a dit, avant de donner la parole au Président tunisien : « Ne me demandez pas de donner mes sources, mais j’ai obtenu ces informations de hauts responsables à Doha. Elles indiquent que le régime syrien changera le 22 janvier », soit le jour de la réunion de la Ligue des États arabes au Caire au cours de laquelle elle a décidé de venir s’adresser au Conseil.
Ce qui est surprenant ici, c’est que les appels à la réforme et au respect des droits de l’homme et du droit de manifester de manière pacifique s’adressent uniquement à la Syrie, et à aucun autre pays de la région, en particulier aux pays qui se sont portés coauteurs du projet de résolution présenté contre nous. Certains États arabes qui ont fait leur ce projet de résolution sont les mêmes qui ont empêché la Ligue des États arabes d’adopter l’initiative globale et cohérente présentée par la Syrie à la Ligue en vue de renforcer le processus démocratique, et de promouvoir la réforme et les droits de l’homme dans tous les États arabes. Cette initiative prévoyait que la Ligue des États arabes adopte une résolution définissant une vision arabe globale en vue de promouvoir la démocratie et la réforme dans tous les États arabes, de répondre aux revendications de la population en ce qui concerne les libertés, les droits de l’homme, le multipartisme et la liberté d’information, l’intégrité et la transparence des élections, la garantie de la liberté d’expression et d’opinion, le droit d’association et le droit de manifester de manière pacifique, ainsi que le respect des droits des minorités, des résidents étrangers et de ceux qui travaillent sur leurs territoires.
Est-il admissible que certains des auteurs de ce projet de résolution soient des États qui interdisent aux femmes d’assister à des matchs de football tout en exigeant de la Syrie qu’elle soit démocratique ?
Les manifestations pacifiques sont un des droits fondamentaux garantis par la législation syrienne. De même, le droit d’exiger des réformes est un droit dont jouit chaque citoyen syrien – ce que personne ne peut nier. Néanmoins, aucune loi ne peut stopper et aucun État ne peut accepter le terrorisme, l’anarchie, la destruction de biens publics et privés et la déstabilisation. À partir de là, chaque personne qui manifeste de manière pacifique et revendique une réforme véritable pour préserver la nation des convoitises et tous ceux qui recherchent le dialogue comme moyen de sortir de la crise, sont des partenaires appréciés mais aussi un élément essentiel pour mettre fin à la crise en Syrie, un élément indissociable du processus de réforme et de développement.
Le projet de résolution à l’examen, et qui vient d’être rejeté, insiste sur l’importance du dialogue dont nous parlons. Nous sommes favorables à ce dialogue, à sa poursuite et à son succès. Néanmoins, ceux qui sont tenus de participer à ce dialogue ont refusé de le faire à dessein, au su du Conseil de sécurité, de la Ligue des États arabes et des États qui ont proposé et continuent de proposer d’accueillir les parties pour engager un tel dialogue. Cela se produit au moment où mon pays a accueilli favorablement, au Conseil, l’idée d’engager immédiatement un dialogue national global et sans exclusive, mais au sein de la nation. Cependant, c’est l’autre partie qui fait obstacle à ce dialogue, parce que certains l’encouragent à adopter une posture conquérante, et qui refuse d’y prendre part.
Nous espérons que les parties qui, aujourd’hui encore, appuient l’opposition et les groupes armés – et ces parties se sont déjà exprimées, comme certains de mes collègues l’ont indiqué dans leurs déclarations – conseilleront sincèrement à leurs amis de promouvoir un dialogue national, de renoncer à leurs intentions de détruire la Syrie et d’abandonner toute tentative visant à autoriser une intervention militaire extérieure. Elles doivent plutôt s’associer à ceux qui reconstruiront la Syrie dans le cadre de ses efforts de renouveau.
La Syrie connaîtra la sécurité et la stabilité comme cela a toujours été le cas. La Syrie continuera d’être la patrie de la tolérance et de l’ouverture. La Syrie demeurera la patrie de tous les Syriens, quelle que soit leur appartenance ou opinion politique. Il n’y aura ni majorité ni minorité. Tout cela sera réalisé sur le terrain, dans le cadre d’une initiative prise en charge par les Syriens et sans aucune intervention étrangère. Les Syriens n’ont pas à recevoir de leçons de démocratie ou de droits de l’homme de la part de puissances qui traitent ces nobles notions humanistes comme des marchandises pouvant faire l’objet de spéculations à la Bourse.
Ma collègue, la représentante des États-Unis d’Amérique, a déclaré qu’elle était dégoûtée que deux membres permanents du Conseil de sécurité aient exercé leur droit de veto. Je ne porte aucun jugement sur sa déclaration. Je respecte son point de vue. Toutefois, je voudrais lui demander si elle éprouve le même dégoût face aux 60 vetos qui ont été opposés dans cette même salle à l’instauration d’une paix juste, globale et durable dans la région, à un règlement juste du conflit israélo-arabe et au règlement de la question palestinienne.
Les déclarations faites par certains de mes collègues trahissent les intentions véritables et hostiles de leurs pays envers l’État, le peuple et le Gouvernement syriens. Le ton qu’ils ont utilisé n’a rien de diplomatique et qualifier, comme ils l’ont fait, le Gouvernement syrien de régime va à l’encontre des principes du droit international. Ils ont tenu des propos inconvenants à l’endroit du Président de l’État syrien. Tout naturellement, nous ne pouvons que conclure des propos tenus dans cette salle par certains de nos collègues qu’ils participent directement des tentatives visant à encourager la violence, l’escalade et l’effusion de sang en Syrie et entre Syriens. Nous ne pouvons pas l’accepter.
Je ne serai pas long, mais je voudrais évoquer un sujet important avant de terminer. Aujourd’hui, un journaliste de la chaîne Al Jazeera en anglais, basée à Londres, a déclaré publiquement que le Ministère des affaires étrangères du Qatar avait ordonné à cette chaîne d’intensifier sa couverture médiatique quelques heures avant le début de la présente séance. Je laisse le soin aux membres du Conseil de tirer leurs propres conclusions sur cet ordre politique donné à cette soi-disant chaîne d’information d’accroître la pression sur le Conseil de sécurité en prétendant que des massacres sont en train d’être perpétrés en Syrie.
Le Président : Il n’y a plus d’orateurs inscrits sur ma liste. Le Conseil de sécurité a ainsi achevé la phase
actuelle de l’examen de la question inscrite à son ordre du jour.
La séance est levée à 13 h 25 .
Projet de résolution rejeté
Le Conseil de sécurité,
Rappelant la déclaration de son président en date du 3 août 2011,
Rappelant la résolution 66/176 de l’Assemblée générale, en date du 19 décembre 2011, ainsi que les résolutions S-16/1, S-17/1 et S-18/1 du Conseil des droits de l’homme,
Prenant note de la demande faite par la Ligue des États arabes dans sa décision du 22 janvier 2012,
Se déclarant gravement préoccupé par la détérioration de la situation en Syrie, déplorant profondément la mort de milliers de personnes et demandant qu’il soit mis fin immédiatement à toutes violences,
Accueillant avec satisfaction le Plan d’action de la Ligue des États arabes, en date du 2 novembre 2011, et ses décisions ultérieures, dont celle du 22 janvier 2012 qui vise à parvenir à un règlement pacifique de la crise,
Notant que la Ligue des États arabes a dépêché une mission d’observation, saluant ses efforts et regrettant qu’en raison de l’escalade de la violence, celle-ci n’ait pas été en mesure de suivre l’application intégrale du Plan d’action, et notant que la Ligue a par la suite pris la décision de suspendre la mission,
Soulignant qu’il importe de garantir le retour librement consenti des réfugiés et des déplacés dans leurs foyers, en toute sécurité et dignité,
Conscient que la stabilité en Syrie est essentielle pour la paix et la stabilité dans la région,
Prenant acte des promesses de réforme faites par les autorités syriennes et déplorant l’absence de progrès dans leur mise en application,
Réaffirmant qu’il est fermement attaché à la souveraineté, à l’indépendance, à l’unité et à l’intégrité territoriale de la Syrie, soulignant qu’il entend régler pacifiquement la crise politique actuelle et notant que rien dans la présente résolution n’autorise à prendre des mesures sous l’empire de l’Article 42 de la Charte,
Se félicitant de l’engagement du Secrétaire général et de tous les efforts diplomatiques visant à régler la situation et notant à ce sujet que la Fédération de Russie a proposé d’accueillir une réunion à Moscou, en consultation avec la Ligue des États arabes,
1. Condamne les violations flagrantes et généralisées des droits de l’homme et des libertés fondamentales que les autorités syriennes continuent de commettre, comme le recours à la force contre les civils, les exécutions arbitraires, le meurtre et la persécution de manifestants et de journalistes, la détention arbitraire, les disparitions forcées, les entraves à l’accès aux soins médicaux, la torture, la violence sexuelle et les mauvais traitements, y compris sur des enfants ;
2. Exige du Gouvernement syrien qu’il mette immédiatement fin à toutes les violations des droits de l’homme et à toutes les attaques commises contre ceux qui exercent leurs libertés d’expression et de réunion et d’association pacifiques, qu’il protège sa population, qu’il s’acquitte intégralement des obligations qui lui incombent en vertu du droit international applicable et qu’il applique dans leur intégralité les résolutions S-16/1, S-17/1 et S-18/1 du Conseil des droits de l’homme et la résolution 66/176 de l’Assemblée générale ;
3. Condamne toutes violences, d’où qu’elles viennent, et à ce sujet exige de toutes les parties en Syrie, y compris les groupes armés, qu’elles mettent immédiatement fin à toute violence ou à toutes représailles, y compris aux attaques perpétrées contre des organes de l’État, conformément à l’initiative de la Ligue des États arabes ;
4. Rappelle que tous les auteurs de violations des droits de l’homme, y compris d’actes de violence, doivent répondre de leurs actes ;
5. Exige du Gouvernement syrien, sans plus tarder et conformément au Plan d’action de la Ligue des États arabes en date du 2 novembre 2011 et de sa décision du 22 janvier 2012 qu’il :
a) Cesse toute violence et assure la protection de la population syrienne ;
b) Libère toutes les personnes arbitrairement détenues suite aux événements récents ;
c) Retire des villes et agglomérations tous les militaires et membres des forces armées syriennes, et les fasse réintégrer leur caserne d’origine ;
d) Garantisse la liberté de manifester pacifiquement ;
e) Ménage aux membres des institutions compétentes de la Ligue des États arabes et aux organes de presse arabes et internationaux un accès libre et sans entrave à toutes les parties de la Syrie, pour leur permettre d’établir la vérité au sujet de la situation sur le terrain et de suivre les faits qui y surviennent ; et
f) Donne toute liberté de mouvement aux membres de la mission d’observation de la Ligue des États arabes ;6. Demande que soit engagé un processus politique dirigé par les Syriens, sans exclusive aucune, mené dans un climat exempt de toute violence, crainte, intimidation et extrémisme, et visant à répondre au mieux aux aspirations et préoccupations légitimes du peuple syrien, sans préjuger de l’issue ;
7. Soutient sans réserve, à ce sujet, la décision de la Ligue des États arabes en date du 22 janvier 2012 de faciliter la transition politique syrienne à un régime politique démocratique et pluraliste dans lequel les citoyens sont égaux, quelles que soient leur appartenance politique, leur origine ethnique ou leurs croyances, notamment en amorçant un dialogue politique sérieux entre le Gouvernement syrien et l’ensemble des forces d’opposition syriennes, sous les auspices de la Ligue des États arabes, selon un calendrier établi par celle-ci ;
8. Encourage la Ligue des États arabes à poursuivre ses efforts, en coopération avec toutes les parties prenantes syriennes ;
9. Appelle les autorités syriennes à coopérer pleinement avec la mission d’observation de la Ligue des États arabes conformément au Protocole de celle-ci daté du 19 décembre 2011, dans l’éventualité d’une reprise de la mission d’observation, notamment en accordant aux observateurs une liberté totale de mouvement et d’accès, en facilitant l’entrée du matériel technique dont la mission a besoin, en garantissant le droit des membres de la mission d’interroger quiconque en toute liberté ou en privé et en s’engageant également à ne pas punir ni harceler toute personne ayant coopéré avec la mission, ni exercer contre elle des représailles ;
10. Souligne qu’il faut que tous apportent l’assistance nécessaire à la mission conformément au Protocole du 19 décembre 2011 de la Ligue des États arabes et à sa décision du 22 janvier 2012 ;
11. Exige des autorités syriennes qu’elles coopèrent sans réserve avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et avec la Commission d’enquête dépêchée par le Conseil des droits de l’homme, notamment en accordant à celle-ci un accès libre et sans entrave au territoire syrien ;
12. Engage les autorités syriennes à accorder au personnel humanitaire un accès sûr et libre aux personnes qui ont besoin d’aide humanitaire ;
13. Accueille avec satisfaction les efforts que fait le Secrétaire général pour apporter son soutien à la Ligue des États arabes, notamment à sa mission d’observation, pour promouvoir un règlement pacifique de la crise syrienne ;
14. Prie le Secrétaire général de lui rendre compte de l’application de la présente résolution en consultation avec la Ligue des États arabes, dans un délai de 21 jours après son adoption, et ensuite tous les 30 jours ;
15. Décide d’examiner l’application de la présente résolution dans un délai de 21 jours et, en cas de non-respect de ses dispositions, d’envisager d’autres mesures ;
16. Décide de rester activement saisi de la question.
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