La tendance en Syrie

Les options du régime : Constitution pluraliste et chasse aux extrémistes

Le rapport politisé de la Ligue arabe sur la mission des observateurs était destiné dès le départ à internationaliser la crise syrienne en déferrant le dossier au Conseil de sécurité. Le gouvernement syrien accuse les pétromonarchies du Golfe de vouloir torpiller les réformes promises par le président Bachar al-Assad en vue de renverser le régime, la dernière réforme en date étant le referendum sur la nouvelle Constitution, jugé « ridicule » par Washington et rejeté par l’opposition. Pourtant, cette Constitution inaugure une ère nouvelle et inédite dans la vie politique de la Syrie. Elle introduit le pluralisme en abolissant l’article 8 qui instaurait un monopole du Baas sur le pouvoir, et supprime la présidence à vie, en limitant à deux le nombre de mandats présidentiels. Elle stipule, également, que le président est élu au suffrage universel direct, fait rare dans le monde arabe.
La crise syrienne est devenue un enjeu pour l’équilibre des forces au Moyen-Orient. Les États-Unis, l’Europe et les monarchies du Golfe d’un côté, la Russie, la Chine, l’Iran et l’Irak, de l’autre, sont engagés dans un bras de fer duquel dépendra l’avenir des relations internationales : soit l’Occident et ses alliés dominent unilatéralement le monde, soit le multilatéralisme est instauré dans la gestion des affaires de la planète.
Le véto opposé par la Russie et la Chine constitue l’apogée de la confrontation. Ces deux pays ont consolidé leurs positions et réaffirmé leurs options en exprimant leur soutien au pouvoir syrien. Pékin a ainsi dépêché à Damas, à la fin de la semaine dernière, son vice-ministre des Affaires étrangères qui a rencontré le président Assad pour lui affirmer son appui. Mais l’Occident ne désarme pas. La France s’est lancée dans la promotion du groupe des « Amis de la Syrie », qui doit tenir sa réunion le 24 février à Tunis. Mais là aussi, la Russie a fait comprendre que cette initiative sera vouée à l’échec si son but est de réunir uniquement « les amis de l’opposition syrienne et non pas ceux de la Syrie. » Moscou coupe ainsi court aux tentatives visant à mettre sur pied une coalition semblable à celle rassemblée lors de la crise irakienne pour renverser Saddam Hussein et occuper le pays. Autre échec, la « force d’interposition » conjointe arabo-onusienne, proposée par la Ligue arabe sous l’impulsion des émirats pétroliers.
Il ne reste plus aux États-Unis à l’Europe, à la Turquie et aux pétromonarchies du Golfe que la solution unilatérale qui consiste à augmenter les aides financières et militaires aux insurgés armés. Mais ce jeu est extrêmement dangereux car cette opposition est désormais « infiltrée par Al-Qaïda », de l’aveu même du patron du renseignement états-unien James Clapper (Voir ci-dessous). Ce responsable US a confirmé les propos du ministre adjoint irakien de l’Intérieur, Adnane al-Assadi, qui a affirmé le 8 février que des jihadistes étaient partis combattre en Syrie et que des armes à destination de l’opposition syrienne étaient acheminées à partir de l’Irak.
Sur le terrain, le pouvoir syrien semble déterminé à écraser les groupes rebelles qui sévissent dans plusieurs régions du pays. Un général syrien cité par le quotidien al-Watan a affirmé à cet égard : « Nous visons tout homme armé où qu’il se trouve, on ne coopère pas avec des terroristes. Les autorités ont réussi à tuer nombre d’entre eux, dont certains de nationalités arabes et étrangères et a en arrêté d’autres à Homs. »
Les opérations de l’armée sont extrêmement complexes, étant donné la présence de civils que les hommes armés utilisent comme boucliers humains, contraignant les troupes régulières à faire preuve de prudence pour éviter des victimes civiles innocentes. Les militaires progressent lentement mais sûrement à Homs, où les insurgés, complètement encerclés, chercheraient à obtenir un cessez-le-feu. Après la province de Deraa, la banlieue nord-est de Damas (Douma, Harasta, Saqba), la ville de Zabadani (nord de Damas) et Hama, l’armée poursuit donc son offensive contre les quartiers tenus par les rebelles à Homs.
Pendant ce temps, la guerre médiatique bat son plein et la désinformation a atteint des sommets inégalés. Mais ce tapage ne parvient pas à démentir le fait que l’armée et le régime dans son ensemble font preuve d’une forte cohésion et d’une solide capacité de résistance et semblent très loin de s’écrouler. En revanche, l’opposition reste très divisée et incapable de proposer une alternative au régime, ni un programme politique cohérent, comme l’a souligné M. Clapper.
Le régime bénéficierait encore du soutien de 55 % des Syriens, selon les statistiques réalisées en décembre par l’institut « Doha Debates » pour le compte des Britanniques.

Déclarations et prises de positions

 Sayyed Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah

« Nous soutenons toute invitation au dialogue national sans conditions préalables, à condition que tout le monde soit au préalable d’accord sur son ordre du jour et que cela se fasse dans la transparence et la clarté.
Moi, j’ai remercié l’Iran la semaine dernière pour son soutien, mais vous, d’où provient l’argent que vous dépensez ? Depuis 2005, vous avez claqué plus de 3 milliards de dollars. D’où viennent-ils ces dollars ? L’Iran nous a donné de l’argent, non pas parce que nous sommes un parti libanais, mais parce que nous combattons Israël, mais vous, pourquoi tous ces milliards ? Vos projets économiques sont-ils clairs ? En avez-vous hérité de vos pères ? Nous, nous sommes clairs : nous avons des armes, et nous les améliorons, qualitativement et quantitativement. Il y en a qui sont connues et il y en a que nous cachons pour défendre notre pays et pour surprendre Israël. Reconnaissez que vous en avez aussi, des armes, ces armes qui apparaissent dans les rues sur les télévisions. Les missiles, les roquettes et les bombes grâce auxquels nous pouvons menacer Israël sont-ils les armes de la discorde ? Nous aurions souhaité que quelqu’un d’autre que Samir Geagea parle de massacre, peut-être le chef du Bloc national Carlos Eddé. Geagea a évoqué le massacre de la caserne Fathallah, dans les années 80, quand les forces syriennes y avaient exécuté nos partisans. Si nous n’avons pas combattue la Syrie, même lorsqu’elle nous a mis dos au mur face à ses fusils, c’était pour la Palestine. Mais pour qui sont morts ceux qu’ont tués les milices de certains orateurs du BIEL (Beirut International Exhibition & Leisure Center .Ndt‎) ? Le jour où je me suis exprimé sur la situation à Bahreïn, Saad Hariri s’était déchaîné contre nous, nous accusant de nous mêler des affaires de ce pays et de mettre en danger les intérêts du Liban et ses relations avec ses frères arabes. Avec cette grille de lecture, que reste-t-il alors de logique lorsque l’on écoute les discours du BIEL ? Que feraient-ils au Liban lorsque la guerre civile éclatera vraiment en Syrie. Pourquoi combattez-vous par l’argent et par les armes en Syrie ?
Dans l’affaire de la cellule du Hezbollah incriminée en Égypte il y a deux ans pour avoir transféré des armes aux Palestiniens, Samir Geagea avait affirmé qu’il ne faut pas que le Hezbollah s’autorise à violer les lois de pays tiers. Est-ce que les lois syriennes t’autorisent à introduire des armes en Syrie ? Calmez-vous et demandez-nous des comptes sur les mêmes critères que vous imposez. Vous appelez à la neutralité, au Liban d’abord... Nous, nous n’avons pas de Liban d’abord, point à la ligne. Nous avons le Liban d’abord, mais il y a x, y et z à ses côtés. Vous avez choisi la neutralité face à Israël, faites de même avec la Syrie. Pourquoi avez-vous lié la situation du Liban à la chute du régime syrien ? Le 14-Mars veut jeter le Liban dans l’enfer de la guerre. Êtes-vous vraiment convaincus que le printemps arabe est sorti du giron de la révolution du Cèdre ? Ce printemps est né contre des régimes dirigés par Condoleezza Rice puis par Hillary Clinton, qui vous dirige aujourd’hui.
Ce doigt (Hassan Nasrallah a alors levé son index pendant qu’il s’exprimait, ndlr) ne vous plaît pas, mais vous n’êtes pas en position de poser et d’imposer les conditions. Vous avez fait cela durant la guerre de juillet 2006 et cela ne s’est pas terminé comme vous le vouliez. Leaders du 14-Mars, vous n’êtes pas en position de donner des garanties au Liban face aux changements en cours, le jeu régional est bien, bien plus grand que vous. Toute personne soucieuse d’éviter la guerre civile de faire taire ses députés, ses alliés, sa presse et ses sites Internet qui incitent à la discorde jour et nuit.
Avec tout cela en compte, nous sommes avec le dialogue sans conditions, prêts à l’ouverture. Les Libanais veulent vivre ensemble dans la stabilité malgré ce qui se passe dans la région, et nous voulons que ce gouvernement continue à travailler, nous voulons résoudre ses problèmes (…) Je peux vous dire de manière catégorique que le Hezbollah n’a rien à voir avec les attentats de New Delhi, de Géorgie et de Bangkok. Notre vengeance pour la mort de du grand leader jihadiste Imad Moughnié ne sera pas dirigée contre des soldats et des diplomates israéliens ou des Israéliens ordinaires. Le jour viendra où nous vengerons Imad Moughnié de manière honorable.
 »

 Najib Mikati, Premier ministre du Liban

« Il est inadmissible que certains d’entre nous résument tous les partenaires nationaux à leur seule personne, à leur courant ou leur parti. La stabilité n’est pas uniquement sécuritaire, elle est aussi d’ordre politique, économique et social. Cela implique que la responsabilité ne se limite pas uniquement à celui qui assume les charges du pouvoir, mais elle repose aussi sur celui qui est en dehors du pouvoir. Certains semblent avoir rayé de leur dictionnaire les autorités consacrées par la Constitution. Ils font fi du président de la République. De plus, lorsque d’aucuns jugent que le chef du gouvernement se limite à être le Premier des ministres, ils contreviennent de manière flagrante aux accords de Taëf et aux réformes qui y sont prévues. Si chaque partie choisit d’interpréter la Constitution comme bon lui semble, la situation ne se redressera pas. Toutes les données diplomatiques et politiques écartent jusque-là l’option du déclenchement d’une guerre dans la région. »

 Ghadanfar Rokn Abadi, ambassadeur d’Iran à Beyrouth

« Si nous sommes attaqués, notre réponse sera plus forte et plus douloureuse. Nous prenons au sérieux les menaces israéliennes, mais nous sommes prêts à y riposter immédiatement. Il est peu probable que Moscou renonce à son soutien au régime syrien. Une intervention militaire en Syrie est impossible. L’Iran et la Turquie sont d’accord sur l’importance de la stabilité dans ce pays. »

 Ali Abdel Karim Ali, ambassadeur de Syrie à Beyrouth

« La volonté d’internationaliser la crise syrienne se reflète clairement dans le projet de règlement avancé par l’Arabie saoudite et le Qatar. Mais ce souhait se heurte d’abord à une opposition internationale ferme, ensuite à la volonté du peuple syrien. C’est également son rejet de toute ingérence étrangère qui explique pourquoi la Syrie refuse l’envoi d’une force commune de la Ligue arabe et des Nations unies (…) Tout appel visant à détruire le rôle de la Syrie, sa position et sa structure interne, contribue à réaliser les projets israéliens et occidentaux dont le but et de remodeler la région ou de la morceler pour servir leurs objectifs. La majorité des régions syriennes jouit de la sécurité et de la stabilité. Le referendum aura lieu à la date prévue. »

 Alexander Zassypkine, ambassadeur de Russie à Beyrouth

« La Russie veut régler la crise syrienne par le dialogue politique, sans ingérence extérieure. L’approche unilatérale de la crise est inacceptable. Nous agissons selon le principe qu’il faut s’adresser aux deux protagonistes du conflit. L’opposition politique doit renoncer à tout lien avec les groupes armés. Nous demandons à toutes les parties influentes de peser en vue d’un arrêt de la violence. Nous avons reçu les représentants de l’opposition et nous leur avons tenu ce discours. Nous saluons la conférence des amis de la Syrie à condition qu’elle soit vraiment l’amie de la Syrie et non de la seule opposition. »

Revue de presse

 As Safir (Quotidien libanais proche de la majorité-17 février 2012)
Ghassan Rifi
Réagissant au discours de Saad Hariri, certains milieux tripolitains s’étonnent de certaines positions annoncées par l’ancien Premier ministre dans son allocution retransmise au BIEL, et du fait qu’il paraissait non concerné par ce qui s’était passé à Tripoli trois jours plus tôt. Ils lui reprochent de ne pas s’être engagé à protéger la ville, et de vouloir en faire une arène pour l’opposition syrienne. Ces sources ne prennent pas non plus au sérieux les assurances données par Hariri sur le fait de couper court à toute discorde sectaire à l’avenir, d’autant plus que les derniers accrochages survenus à Tripoli étaient dus à l’escalade politique sur fond de crise en Syrie.

 As Safir (17 février 2012)
Un responsable du ministère chypriote des Affaires étrangères, chargé de suivre avec le Liban l’affaire des réserves de gaz en Méditerranée, s’est entretenu avec plusieurs hauts responsables libanais lors d’une visite à Beyrouth. Ces rencontres ont été qualifiées de « positives ». Le ministre chypriote des Affaires étrangères Erato Kozakou-Marcoullis est attendu prochainement au Liban, avant le voyage, fin février, du président du Parlement Nabih Berry à Nicosie. « Le Liban est déterminé à investir dans ses ressources naturelles et à exploiter les réserves de pétrole et de gaz qui se trouvent dans ses eaux territoriales et dans sa zone d’exploitation exclusive », a déclaré Nabih Berry à un responsable du département d’État américain, Frederick Hoff. Ce dernier a assuré à son interlocuteur que les États-Unis étaient prêts à « aider le Liban sur ce point ».

 As Safir (16 février 2012)
Nabil Haitham
Un des pôles de la majorité au Liban, adversaire de Saad Hariri, estiment qu’il n’y a rien de nouveau dans les « assurances » fournies par l’ancien Premier ministre aux chrétiens et aux chiites. Il s’agit de propos déjà prononcés lors de discours précédents.
Ces mêmes sources s’interrogent sur le secret de « l’inéluctabilité historique » de la chute du régime syrien évoquée par Saad Hariri. Cette probabilité est théorique pour les raisons suivantes : cette théorie a été greffée au discours de Saad Hariri pour inventer un thème attirant, vu que tous les thèmes ont été sur-utilisés ; cette théorie exprime la position de l’Arabie saoudite qui a recourt à l’escalade et est devenue le fer de lance dans la campagne contre le régime de Bachar al-Assad ; cette théorie est à contre-courant des changements internationaux entre un pôle occidental conduit par les États-Unis et un pôle oriental conduit par la Russie et la Chine ; cette théorie est en harmonie avec la guerre mondiale lancée par les États-Unis, l’Occident, les Arabes « modérés » et les voisins turcs depuis 11 mois contre Bachar al-Assad qui, pensaient-ils, ne pourrait pas résister à cette charge et serait complètement isolé ; cette théorie est en contradiction totale avec les développements dans l’arène politique internationale. Cette guerre a été stoppée au Conseil de sécurité par le véto sino-russe qui est encore chaud. De même, la possibilité de former une coalition militaire est inexistence. Enfin, la dernière proposition arabe d’envoyer une force arabo-internationale a été bloquée ; enfin cette théorie ne prend pas en compte l’impossibilité de créer des couloirs humanitaires qui seraient utilisés pour faire passer des armes aux insurgés. Elle se base sur les données des chaines satellitaires arabes et non pas sur les réalités militaires et sécuritaire sur le terrain, où le régime applique la tactique du grignotage pour réduire les zones contrôlées par les rebelles.

 As Safir (16 février 2012)
Wassef Awada
De nombreux Libanais ont été déçus en écoutant l’allocution du président Saad Hariri retransmise au BIEL. Car ils s’imaginaient qu’il comptait lancer une initiative pour le dialogue en faisant un pas vers ses adversaires, le Hezbollah précisément, qui l’aurait sans doute rejoint à mi-chemin. Les discours des autres orateurs n’ont pas été, cette année, bien différents de ceux prononcés à la même date ces dernières années, et la Syrie s’est taillé, comme d’habitude, la part du lion dans ces discours. Seul Amine Gemayel, fort de sa longue expérience, a tenté de rester à l’écart des événements en Syrie. Toutefois, son appel est parti en fumée, balayé par le raz-de-marée extrémiste, opposé au régime syrien.

 An Nahar (Quotidien libanais proche du 14-Mars) (17 février 2012)
Pour la première fois depuis longtemps, sayyed Hassan Nasrallah a choisi de riposter en personne, et nommément à trois des orateurs lors de la cérémonie marquant l’anniversaire de l’assassinat de Rafic Hariri au BIEL : Saad Hariri, Samir Geagea et Farès Souhaid, en épargnant uniquement le président Amine Gemayel. Il a centré son offensive sur le 14-Mars qu’il a accusé d’implication dans la crise syrienne. C’est l’offensive la plus virulente qu’il lance contre le camp du 14-Mars depuis 2005, quoiqu’il se soit également dit disposé à engager un dialogue national inconditionnel. Il a par ailleurs complètement ignoré le Tribunal spécial pour le Liban (TSL), alors que la veille le Palais présidentiel avait « pris note » de la prorogation de son mandat.

 An Nahar (15 février 2012)
Des sources politiques qui ont gardé l’anonymat s’arrêtent sur la proclamation par le 14-Mars d’une alliance sans réserve avec l’opposition syrienne. Ces sources prévoient des répercussions significatives sur la scène intérieure libanaise, surtout que
La coalition du 14-Mars semble s’apprêter à lancer une offensive politique concertée, mettant à profit la confusion qui sévit dans les rangs de leurs adversaires, emmêlés dans une crise gouvernementale qui se compliquer davantage. Les mêmes sources observent toutefois le camp du 8-Mars pour attendre ses réactions. C’est le Hezbollah, auquel ont été adressés des messages directs ou à mi-mots, qui est le plus concerné.

 Al Akhbar (Quotidien libanais proche de la majorité-17 février 2012)
Fidaa Itani
Le président du Conseil des ministres Najib Mikati a préféré fermer le gouvernement « pour travaux » et fermer les yeux sur les appels de la Syrie à un rôle sérieux du Liban à l’intérieur, par la sécurisation de ses frontières, et à l’extérieur, par une prise de position ferme à la Ligue arabe et au Conseil de sécurité. Et le chef du gouvernement est toujours prêt à dire « c’est la faute à Charbel Nahas ». Cependant, personne n’a encore oublié que la crise gouvernementale a éclaté à cause des nominations administratives et non parce que Charbel Nahas a refusé de signer le décret sur les primes de transport. Le ministre du Travail n’avait donc rien à voir avec la suspension des séances du Conseil des ministres.

 Al Akhbar (16 février 2012)
Joseph Abdallah
Le président du Conseil des ministres, Najib Mikati, a évoqué le dossier de Georges Ibrahim Abdallah avec les autorités françaises à haut niveau, tenant ainsi ses promesses. Le Figaro le cite comme ayant déclaré, dès qu’il a foulé le sol français : « Je demanderai aux Français de réexaminer sa demande de remise en liberté. C’est une affaire humanitaire ». Cette affaire est bel et bien humanitaire étant donné le rôle politique et de résistance qui fut celui de Georges Ibrahim Abdallah. Mais il s’agit également d’une affaire de résistance nationale légitime. Il y a une manipulation officielle française de la justice et cela est bien précisé dans deux ouvrages : Laurent Gally, L’agent noir. Une taupe dans l’affaire Abdallah ; et Alain Marsaud, Avant de tout oublier, Paris, 2002.
Il y a également les dernières déclarations faites dans ce dossier par Yves Bonnet, ex-directeur de la DST. La libération de Georges Abdallah est bloquée par l’intervention américaine dans le travail des tribunaux français.

 Al Akhbar (15 février 2012)
Il suffit de voir Farès Souhaid, le secrétariat général du 14-Mars, parler des frères au sein du Conseil national syrien (CNS) et de la révolution syrienne pour comprendre les acquis que l’ambassade des États-Unis a engrangés grâce à la cérémonie au BIEL et le prix que paieront les insurgés syriens à Homs, Deraa, Hama ou ailleurs… Il faut dénoncer les opportunistes libanais qui misent, exactement comme les joueurs de Poker, sur des changements à venir pour réaliser des gains, tout en sachant que la perte sera financée par les autres, et plus précisément par le sang syrien. C’est justement ce sang-là qui a teinté la cérémonie des forces du 14-Mars hier, tant et si bien que personne ne semblait se souvenir des martyrs de la seconde indépendance ou de la révolution du Cèdre. On aurait pu fermer les yeux sur tout ce qu’a dit Saad Hariri dans un discours répétitif et ennuyeux. Mais cette fois-ci, il a fait siennes des thèses qui ont déjà été invalidées, sur la responsabilité de la résistance palestinienne dans l’éclatement de la guerre civile libanaise. Si celui qui appelle à comprendre en profondeur les mutations régionales est assez superficiel pour affirmer que la guerre civile libanaise est due à la présence de la Résistance palestinienne au sud, il sera sans doute assez naïf pour considérer que la Résistance au Liban pourrait provoquer une autre guerre civile.

 L’Orient-Le Jour (Quotidien francophone proche du 14-Mars)
Emile Khoury (17 février 2012)
Le 14-Mars a proclamé au BIEL son soutien à l’opposition syrienne et même son alliance avec le Conseil national syrien. Le 8-Mars se tient pour sa part, fermement, aux côtés du régime Assad. C’est donc, comme toujours, un marqueur de division interne et de vive inquiétude. Car l’on se demande ce qui se passerait si l’un ou l’autre camp l’emportait. Y aurait-il un nouvel éclatement ? Pourrait-on miser sur une conciliation ? Certains, vox clamans in deserto, prêchent désespérément pour que les Libanais s’unissent vraiment dans une parfaite neutralité à l’égard des événements en Syrie. Ils appellent les uns et les autres à ne soutenir personne. En notant qu’il sera toujours temps de décider, en commun, de l’attitude à adopter une fois que les choses se seront décantées dans le pays voisin. En ne tenant compte, bien évidemment, que de l’intérêt national bien compris. Pour eux, il n’est pas dans l’intérêt du Liban de se mêler de ce qui se passe en Syrie, comme il n’a jamais été dans son intérêt que la Syrie s’immisce dans ses affaires intérieures. Ils ajoutent un argument de poids : le régime syrien, aux abois, serait fortement tenté d’étendre son action au Liban, voire dans nombre de pays arabes qui lui sont hostiles, au cas où le militantisme favorable à l’opposition syrienne persisterait çà ou là. Ajoutant qu’il y a un risque que la vindicte de l’opposition syrienne s’exprime également, si elle venait à l’emporter... Une leçon que les Libanais ne semblent pas vouloir comprendre : ils payent forcément le prix, à part égale, de leurs divisions externes, du fait qu’ils se rangent aux côtés de tel ou de tel axe étranger. D’autant plus, à l’heure présente, que le conflit déborde les limites géographiques de la Syrie pour devenir régional et international. Chez nous, le premier danger est de voir les affrontements reprendre au Nord, singulièrement à Tripoli, entre sunnites et alaouites ou alliés, l’État libanais, si faible, étant dans l’impossibilité d’empêcher une dégradation galopante, touchant progressivement toutes les régions.
Alors que cette fois, rien n’assurerait une solution parachutée du dehors… Il est certain que Bachar el-Assad, qui évoque déjà un deuxième Afghanistan, essaierait, s’il sentait la fin se rapprocher, de balkaniser la région. C’est-à-dire d’en provoquer la dislocation en mini-États ethniques ou confessionnels. Recevant un responsable turc, il lui a déclaré que dans l’heure qui suivrait un premier missile tombant sur Damas, il allumerait des incendies dans la région, ciblant particulièrement les puits de pétrole et les passages maritimes des tankers. En lançant par ailleurs des salves de centaines d’engins sur Tel-Aviv autant que sur le Golan occupé. Ajoutant qu’il demanderait au Hezbollah de s’attaquer à Israël par des opérations que le Mossad ne pourrait pas prévoir…
C’est la mention du Hezbollah, dans les propos d’Assad, qui donne le plus à réfléchir sur le plan libanais. On peut en effet se demander si, le cas échéant, et en préparation d’une guerre qu’il lancerait contre Israël pour épauler le régime syrien, ce parti ne tenterait pas de prendre, par la force, le contrôle du Liban politique.
En même temps, l’avantage du Hezb serait qu’à un tel moment, il pourrait mieux lutter contre le TSL. L’ouverture du front du Sud et le pilonnage d’agglomérations israéliennes lui donneraient en outre des atouts pour négocier des conditions déterminées concernant le conflit israélo-arabe. L’on entend ainsi Hassan Nasrallah déclarer : « Certains veulent précipiter la Syrie dans la partition pour servir le projet US de nouveau Moyen-Orient que nous avons déchiqueté au Liban, avec le concours de la Syrie, de l’Iran et de tous les frères, au cours de la guerre de juillet. Je dis : loyauté à Jérusalem, loyauté à la Palestine, loyauté au Liban. Ces Libanais qui aident à faire monter la tension en Syrie, qui envoient des armes et qui incitent à la discorde, ne garderont pas le Liban à l’abri. Les développements en Syrie atteindront la région tout entière.

 L’Orient-Le Jour (14 février 2012)
Scarlett Haddad
Il n’y a pas de coïncidence en politique. L’éclatement soudain, après des mois de calme, d’affrontements entre alaouites et islamistes à Tripoli, puis l’intervention musclée de l’armée sur les lieux, ne peuvent pas être dissociés de la visite du Premier ministre Najib Mikati à Paris. D’ailleurs, ce n’est pas non plus un hasard si le calme est revenu juste avant le retour de ce dernier à Beyrouth. Le message est clair : il s’agit d’affaiblir le Premier ministre au moment où il considère avoir marqué un point avec cette visite, alors qu’il n’y a pas si longtemps encore le président français recevait à l’Élysée l’ancien Premier ministre Saad Hariri et se faisait photographier le recevant sur le perron du palais présidentiel. À cette période-là, l’Élysée attendait de Najib Mikati qu’il tienne ses promesses au sujet du versement par le Liban de sa part dans le financement du TSL. Ayant réussi ce pari, Mikati s’est imposé non seulement comme un homme de parole, mais aussi comme un personnage-clé de la vie politique libanaise, parvenant à arracher au Hezbollah d’importantes concessions qu’il n’aurait jamais accordées au gouvernement de Saad Hariri. Toutefois, une situation nouvelle est en train de se préciser. Elle montre qu’au-delà du clivage traditionnel entre Baal Mohsen (alaouite) et Bab Tebbané (sunnite), la rivalité oppose désormais les différents courants sunnites entre eux. La Jamaa islamiya, qui a repris du poil de la bête au Liban à la faveur de la montée en flèche des Frères musulmans dans l’ensemble du monde arabe, cherche à se tailler une place de choix sur la scène sunnite au Nord en particulier. Son discours étant de plus en plus radical, le courant du Futur et ses alliés au Nord sont contraints de faire de la surenchère pour ne pas laisser leur base glisser vers la Jamaa. Dans ce tableau, la Jamaa islamiya joue sur plusieurs registres. Elle appuie à la fois l’opposition syrienne contre « le régime oppresseur » et veut aussi se présenter comme une force de résistance contre Israël. C’est ainsi que la Jamaa se prépare à organiser une marche vers la frontière israélienne au Sud à l’occasion de la Journée palestinienne de la terre, le 30 mars prochain. Il s’agit en quelque sorte de rééditer la fameuse marche du 15 mai dernier menée par des organisations palestiniennes avec l’appui du Hezbollah. La Jamaa islamiya, qui a longtemps adopté un profil bas au Liban, se positionne désormais clairement comme le pendant des Frères musulmans dans le monde arabe et celui du Hamas à Gaza. Elle se rapproche donc de cette organisation palestinienne, Hamas, pour pouvoir se présenter comme la nouvelle résistance, coupant ainsi l’herbe sous le pied au Hezbollah, avec l’aval des pays arabes hostiles au régime syrien, à l’Iran et à l’axe dit de la résistance en général. Mais ce plan se heurte encore aux hésitations du Hamas lui-même qui, en dépit des promesses financières et de l’ouverture des pays arabes en sa direction, ainsi que de la réconciliation avec l’OLP organisée sous l’égide de l’émir du Qatar, ne parvient pas encore à couper les ponts avec l’Iran, la Syrie et le Hezbollah.
C’est dire que la bataille autour du Hamas n’est pas encore terminée. Tout comme il semble encore difficile de créer une force de résistance capable de rivaliser avec le Hezbollah au Liban. Toutefois, les tensions confessionnelles peuvent modifier ces données et au Liban, en particulier au Nord, elles ne cessent de monter.

 Reuters (Agence de presse britannique-17 février 2012)
Les États-Unis sont préoccupés par la présence de membres d’Al-Qaïda parmi les opposants syriens, a déclaré jeudi soir le patron du renseignement américain James Clapper devant les sénateurs de la commission de la Défense. Selon lui, récemment, des extrémistes ont réussi a « infiltrer les groupes de l’opposition », qui « dans de nombreux cas ne sont pas au courant de leur présence ». Le chef du renseignement américain a également estimé que les récents attentats en Syrie avaient vraisemblablement été commis par la branche irakienne d’Al-Qaïda. « Nous pensons donc que la branche irakienne d’Al-Qaïda en Irak commence à s’étendre en Syrie », a-t-il ajouté.
L’opposition syrienne ne forme pas un mouvement national uni, si bien qu’elle ne constitue pas à présent une véritable menace pour le régime de Bachar al-Assad, a ajouté James Clapper. « L’opposition est fragmentée. Il n’y a pas de mouvement national. Il n’existe pas dans ce pays de forces d’opposition unie et organisée. Tout ce qu’on y trouve est très localisé et basé sur des principes tribaux », a-t-il déclaré. Selon le responsable américain, aucun groupe d’opposition, ni le Conseil national syrien, ni l’Armée syrienne libre, n’est une organisation unie. « Il y a une véritable lutte interne pour prendre le leadership » a souligné M. Clapper, pour qui la situation en Syrie est radicalement différente de celle en Libye avant le changement de régime.
 

Source
New Orient News