Le fiasco du sommet de l’Union européenne a fait ressortir les différences d’attitude entre la majorité des nouveaux pays membres d’Europe centrale et orientale et les « anciens » membres. Mais les différences ne se sont pas exprimées comme on s’y attendait. On n’a pas vu de nouveaux pays membres immatures et avides de l’argent communautaire mais aptes au compromis et capable de sacrifier leurs propres « intérêts nationaux ». Au contraire, les grands pays ont été incapables de s’entendre sur le budget 2007-2014, ce qui pourrait avoir des conséquences graves pour l’Union. Les dirigeants des nouveaux pays membres semblent bien plus s’en inquiéter que ceux des membres plus anciens. C’est la raison pour laquelle la plupart des nouveaux membres étaient prêts en fin de compte à soutenir le compromis proposé par le Luxembourg, qui suggérait que le budget se monte à seulement 1,06% du PNB global de l’UE et que la “ristourne” annuelle de la Grande-Bretagne soit gelée à 4,6 milliards d’euros. La République tchèque et la Slovaquie ont convenu même d’un plan plus radical encore demandant que le budget soit plafonné à seulement 1% du PNB de l’Union européenne.
Il est surprenant que les anciennes démocraties européennes expérimentées aient ignoré les dangers politiques résultant du possible renouveau d’un nationalisme ardent sur le continent européen, et que ce soit les nouvelles démocraties inexpérimentées de l’Est de l’Europe qui aient prôné la prudence. Peut-être que du faite de leur adhésion lus récente, les nouveaux membres savent que pour mériter leur place dans l’Union, c’est à eux de faire des efforts. Ils comprennent donc que les fonds européens sont moins importants que la perspective de faire partie d’une Europe unifiée. L’UE offre aux petits pays pris en sandwich entre l’Allemagne et la Russie un degré de stabilité politique et de sécurité qu’ils n’ont jamais atteint dans l’histoire moderne. Les États d’Europe de l’Ouest considèrent en revanche que la dimension politique de l’intégration européenne est établie et ne pense plus qu’à leur circonscription.
L’absence d’accord sur le budget ne veut pas dire que nous nous orientons vers une catastrophe historique mais il convient d’être prudent. De toute évidence, nous ne pouvons pas non plus écarter totalement l’éventualité d’un affaiblissement ou d’une désintégration des structures politiques communes de l’Europe. Pour les petits États encore fragiles économiquement de l’Europe de l’Est et de l’Europe centrale, une Europe composée d’États nations luttant une fois encore impitoyablement pour défendre leurs propres intérêts, constitue un cauchemar. Mais ce cauchemar pourrait s’étendre à tous les États européens. Peut-être les pays occidentaux devraient-ils écouter davantage leurs nouveaux partenaires.

Source
Le Figaro (France)
Diffusion 350 000 exemplaires. Propriété de la Socpresse (anciennement créée par Robert Hersant, aujourd’hui détenue par l’avionneur Serge Dassault). Le quotidien de référence de la droite française.
La Libre Belgique (Belgique)
Korea Herald (Corée du Sud)

« Egoism poses threat to EU unity », par Jiri Pehe, Korea Herald, 21 juin 2005.
« Les nouveaux et les vrais européens », Le Figaro, 21 juin 2005.
« Les nouveaux et les vrais Européens », La Libre Belgique, 24 juin 2005.