Sergey V. Lavrov, Minister for Foreign Affairs of the Russian Federation
UN Photo/Mark Garten

La séance est ouverte à 9 h 50.

La situation au Moyen-Orient

Le Président (parle en anglais)  : Je tiens à saluer chaleureusement la présence à nos côtés du Secrétaire général, des ministres et des autres représentants venus participer à la présente séance. Elle illustre l’importance du sujet que nous allons examiner.

Le Conseil de sécurité va maintenant aborder l’examen de la question inscrite à son ordre du jour.

Je donne maintenant la parole au Secrétaire général, S. E. M. Ban Ki-moon.

Le Secrétaire général (parle en anglais)  : C’est avec un très grand plaisir que nous accueillons les ministres venus participer à cette importante séance. Je remercie le Ministre britannique des affaires étrangères et des affaires du Commonwealth, M. Hague, d’avoir profité de la présidence britannique du Conseil de sécurité pour se pencher sur la spectaculaire évolution des événements au Moyen-Orient, qui ne cesse de se poursuivre, encore en ce moment.

Les événements remarquables de l’année écoulée ont transformé la région et changé le monde. Nous voyons la Tunisie, pays où s’est allumée l’étincelle dont les effets auront eu, partout, tant de retentissements, se démocratiser. Nous voyons la Libye reléguer au passé des décennies de dictature. Nous voyons le Yémen élire son nouveau président. Et nous voyons les populations de toute la région, femmes et jeunes en tête, continuer d’appeler à plus de liberté, de respect des droits de l’homme, de dignité et de débouchés, à des gouvernements responsables, à la fin de la corruption et des monopoles de la richesse et du pouvoir. Ces mouvements démocratiques spontanés et d’origine interne font honneur au peuple arabe.

Mais nous devons également reconnaître que le prix à payer, en vies humaines et en souffrances, a été élevé. L’heure est à la réflexion. En Égypte, nous continuons d’appeler à une passation pacifique et rapide du pouvoir à un gouvernement civil. Au Bahreïn, un dialogue ouvert à tous et de larges réformes sont toujours nécessaires. Dans d’autres pays encore, les populations se lèvent et bravent leur peur pour obtenir une plus grande voix au chapitre sur le plan politique et davantage de justice sociale.

En Syrie, ce qui était initialement un appel pacifique et populaire à l’exercice de droits démocratiques longtemps déniés s’est transformé en dangereux engrenage de la violence qui plonge la Syrie et toute la région dans l’incertitude. Le Gouvernement syrien, incapable d’assumer sa responsabilité de protéger son peuple, a au contraire lancé des assauts militaires dans plusieurs villes contre ses propres concitoyens, en recourant à un usage excessif de la force. Ces opérations honteuses se poursuivent. Des attaques répétées lancées sur Idlib, Homs et d’autres endroits du pays ont fait des dizaines de morts ces deux derniers jours, notamment des femmes et des enfants.

Je remercie le Conseil de sécurité d’appuyer les efforts de l’ONU dans le domaine humanitaire. Après s’être rendue dans le pays, la Secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires, Mme Valerie Amos, poursuit ses efforts pour obtenir d’accéder sans entraves aux populations afin de faire le nécessaire face à ce désastre. La Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne a conclu que les forces gouvernementales syriennes avaient commis des violations généralisées, systématiques et flagrantes des droits de l’homme qui constituent des crimes contre l’humanité.

Pendant ce temps, le conflit ne cesse de s’approfondir. Un nombre croissant de personnes fuient leur région d’origine ou se réfugient dans les pays voisins. Des groupes toujours plus nombreux prennent les armes. Il est urgent que la communauté internationale mette un terme à cette violence. L’Assemblée générale a envoyé un message clair en appuyant les appels lancés par la Ligue des États arabes pour qu’il soit mis fin à la violence et trouvé une solution politique pacifique. Le Secrétaire général de la Ligue des États arabes, M. Elaraby, et moi-même avons demandé à l’ancien Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, M. Kofi Annan, d’être notre Envoyé spécial conjoint et d’utiliser ses bons offices pour permettre la réalisation urgente de ces objectifs. Il sera assisté par l’Envoyé spécial adjoint, M. Nasser Al-Kidwa.

Ainsi que les membres du Conseil auront pu le suivre de près, l’Envoyé spécial conjoint vient juste de se rendre, ce week-end, en Syrie. Avant cela, il avait été en consultation intensive avec moi-même et d’autres intervenants à New York, ainsi qu’avec M. Elaraby et un large éventail de ministres au Caire, où se tenait une réunion ministérielle de la Ligue des États arabes. À Damas, il a rencontré deux fois le Président Al-Assad, ainsi qu’une partie de l’opposition et des représentants de la société civile syrienne, du monde des affaires et des chefs religieux. Tous ses interlocuteurs en Syrie se sont félicités de la mission de M. Annan.

M. Annan s’est entretenu en détail et en toute franchise avec le Président Al-Assad, à qui il a présenté diverses propositions concrètes. Il a exhorté le Président Al-Assad à prendre des mesures immédiates pour mettre un terme à la violence et aux excès, à régler la crise humanitaire et à accepter son offre de facilitation pour engager un processus politique pacifique sans exclusive, mené par la Syrie, qui réponde aux aspirations légitimes et démocratiques du peuple syrien.

Je me fais l’écho de M. Annan pour exhorter moi aussi le Président Al-Assad à agir rapidement, dans les prochains jours, en réponse aux propositions présentées par l’Envoyé spécial conjoint. J’en appelle au Conseil de sécurité pour qu’il reste fermement uni derrière l’appel à la fin de la violence et en soutien de M. Annan et de sa mission, afin que la Syrie s’éloigne d’un gouffre plus grand encore. Il y va de l’avenir du peuple syrien et de la région tout entière.

Je me félicite des initiatives prises récemment par la Fédération de Russie et la Chine, notamment auprès de la Syrie et de la Ligue des États arabes. À ce stade crucial, il est essentiel que le Conseil parle d’une seule voix, et j’espère qu’il trouvera le moyen d’adopter une résolution de consensus qui signifie la fermeté de sa détermination.

Je voudrais également dire quelques mots sur la situation régionale plus générale pour l’avenir. Selon moi, cinq éléments essentiels sont à retenir.

Premièrement, les dirigeants doivent choisir la voie de la réforme, et d’une réforme digne de ce nom, ou accepter de céder la place à ceux qui sont prêts à le faire. Les populations ne veulent pas de modifications cosmétiques qui n’auraient qu’un lointain goût de démocratie. Ils veulent une gouvernance responsable et des mesures déterminées contre la corruption et le népotisme.

Deuxièmement, nous devons défendre le pluralisme et protéger les droits des minorités. Le mot d’ordre des nouvelles démocraties de la région doit être de gouverner sans exclusive.

Troisièmement, les femmes ont manifesté sur les places et dans les rues, pour réclamer le changement. Elles ont gagné le droit de s’asseoir à la table de négociation, d’influer véritablement sur le processus de décision et de ne pas avoir à craindre la violence, l’intimidation et les mauvais traitements. Le manque de pouvoir d’action des femmes freine le monde arabe depuis trop longtemps.

Quatrièmement, nous devons offrir aux jeunes des perspectives d’avenir. Pour intégrer les jeunes au marché de l’emploi, les pays arabes devront créer 50 millions d’emplois dans les 10 prochaines années.

Cinquièmement, il faut instaurer la paix dans la région. Un éveil régional sur la base des idéaux que sont la liberté, la dignité et la non-violence restera incomplet en l’absence d’un règlement du conflit israélo-palestinien.

Or, l’année écoulée n’a pas apporté de nouveaux progrès sur ce point. Le processus de paix demeure dans l’impasse. Nous voyons une nouvelle fois à quel point la situation à Gaza est intenable. Je suis gravement préoccupé par l’escalade récente entre Gaza et Israël. Une fois de plus, ce sont les civils qui en subissent les conséquences. Les tirs de roquette lancés de Gaza contre des civils israéliens sont inadmissibles et doivent cesser immédiatement. Quant à Israël, je l’exhorte de nouveau à faire preuve de la plus grande retenue.

J’ai encouragé instamment les dirigeants israéliens et palestiniens à saisir les possibilités offertes par les changements qui se produisent dans la région et à faire preuve du courage et de la clairvoyance nécessaires pour conclure un accord historique. Avec mes partenaires du Quatuor, que j’ai rencontrés ce matin, nous restons déterminés à aider les parties à aller de l’avant. Nous devons créer les conditions propices à des négociations dignes de ce nom qui permettront de régler les questions fondamentales liées au statut permanent, à savoir celles liées au territoire, à la sécurité, aux réfugiés et à Jérusalem, et de mettre fin à l’occupation qui dure depuis 1967. C’est le seul moyen d’instaurer une paix juste et durable, qui permettra de concrétiser la vision de deux États vivant côte à côte dans la paix et la sécurité.

La fin des tensions suscitées par les préoccupations relatives au programme nucléaire iranien permettrait également d’améliorer la situation dans la région. J’exhorte toutes les parties à faire preuve de la plus grande retenue et de la plus grande prudence, à déployer des efforts diplomatiques en toute bonne foi et à respecter toutes les résolutions pertinentes du Conseil.

Il y a deux décennies, une autre génération s’est rebellée contre la tyrannie en Europe de l’Est. La communauté internationale s’est empressée de lui apporter son aide. Aujourd’hui, la communauté internationale doit s’engager une fois de plus. Dans ce processus, il sera capital de s’affranchir de certains des postulats sur lesquels les relations entre les pays arabes et leurs partenaires se sont souvent fondées. Une idée préjudiciable dans ce contexte est que le monde arabe n’est pas prêt pour la démocratie ; une autre est que la sécurité doit prendre le pas sur les droits de l’homme.

Ces hypothèses ont eu pour conséquence de maintenir au pouvoir des gouvernements non représentatifs et n’ont guère contribué à la démocratie et à la sécurité. L’ONU doit, elle aussi, adopter une nouvelle approche vis-à-vis de cette région. Nous mettons donc à la disposition des pays en transition toutes nos compétences et nos pratiques optimales. Nous sommes résolument déterminés à jouer notre rôle pour aider cette région qui connaît des changements profonds à parvenir à la paix et à réaliser pleinement son potentiel.

Le Président (parle en anglais)  : Je remercie le Secrétaire général de sa déclaration.

Je voudrais maintenant faire une déclaration en ma qualité de Ministre des affaires étrangères et des affaires du Commonwealth du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.

Je remercie le Secrétaire général de son exposé.

C’est un honneur pour moi de présider cette séance consacrée spécialement au Moyen-Orient. Le Royaume-Uni a convoqué la présente séance pour deux raisons essentielles. La première raison est d’appeler à l’intensification des efforts internationaux à l’appui de la liberté politique et économique au Moyen-Orient, tout en respectant la souveraineté des pays arabes. Cela suppose d’apporter une assistance véritable à l’Égypte, à la Tunisie, au Yémen et à la Libye à l’heure où ils mettent tout en œuvre pour réussir leur transition. La deuxième raison est d’exhorter une fois encore le Conseil à prendre des mesures urgentes et indispensables pour mettre fin au carnage en Syrie.

Le Printemps arabe, comme on l’appelle, est déjà l’événement le plus important de ce début de XXIe siècle, et il a des incidences profondes sur la paix et la sécurité internationales. Il est donc normal d’en débattre au Conseil de sécurité. Cet événement suscite la crainte et la consternation chez certains, mais la Grande-Bretagne, pour sa part, l’envisage sous un œil extrêmement favorable. Il ouvre la voie aux plus grandes avancées en matière de libertés humaines jamais enregistrées depuis la fin de la guerre froide et à l’avènement d’un Moyen-Orient qui, d’ici 20 ans, serait constitué de sociétés ouvertes, prospères et stables. Que ce scénario permette également la paix entre Israéliens et Palestiniens – une nécessité mise en lumière par les événements survenus ces derniers jours à Gaza et dans les environs – ainsi qu’un règlement négocié de la crise du nucléaire iranien, et l’argument selon lequel il faut aider à concrétiser toutes ces promesses n’en devient que plus puissant.

Par contre, si nous abandonnons la région à son sort, si nous rabaissons nos attentes et laissons le pessimisme l’emporter, si le message que nous faisons passer est que la répression et la violence seront tolérées, si nous laissons la Syrie sombrer dans la guerre civile ou rester en proie à la violence, alors nous aurons laissé passer une chance immense et certaines des pires craintes concernant cette région risquent de devenir réalité.

Aujourd’hui, nous assistons à des changements positifs qui semblaient inimaginables il y a deux ans
– par exemple en Tunisie, où un parlement a été démocratiquement élu pour la première fois depuis les années 50 et dont 24 % de sièges sont occupés par des femmes ; en Libye, où un nouveau gouvernement a été formé après 40 ans de dictature ; et au Maroc, où des élections plus libres se sont tenues en vertu d’une nouvelle Constitution. Certains de ces pays sont confrontés à de gigantesques défis et les années à venir seront marquées par une alternance de progrès et de revers.

Toutefois, cela ne fait que donner plus de force à l’idée qu’il faut aider les pays arabes à renforcer leurs institutions, à libéraliser leurs économies et à créer des sociétés civiles fortes, quand ils en expriment la demande. La Grande-Bretagne agit en ce sens. Notre initiative de partenariat avec le monde arabe appuie des projets dans 10 pays. La communauté internationale peut faire plus et à une échelle plus large, par l’intermédiaire des institutions financières internationales, du Groupe des Huit et des organisations régionales. L’Union européenne a généreusement offert son aide à la région, et elle doit maintenant tenir l’ensemble de ses promesses.

Nous estimons que nous devons mettre à profit ces efforts en étant guidés par trois principes clairs. Premièrement, les revendications en matière de droits de l’homme et de liberté sont universelles et se propageront inéluctablement au fil du temps, car il s’agit d’aspirations humaines fondamentales. Cette notion n’a rien de nouveau, elle a été consacrée par le Préambule de la Charte des droits de l’homme et par la Déclaration des droits de l’homme, adoptée par l’Assemblée générale il y a 64 ans. C’est une vérité dont les gouvernements font fi à leurs risques et périls et qui a été confirmée par l’expérience de nombreux pays.

Le Printemps arabe confirme une fois de plus les mises en garde de l’histoire, à savoir que lorsque les gouvernements réagissent d’une main de fer aux rêves irrépressibles, aux exigences légitimes et aux espoirs incoercibles de leurs citoyens, ils sont à terme condamnés à l’échec. La répression est une politique d’échec qui ne peut conduire à la stabilité. Tous les gouvernements de la région devraient lancer des réformes pacifiques et s’embarquer résolument sur la voie d’une plus grande liberté politique et économique. Sinon, nous risquons de voir se multiplier les crises violentes qui peuvent éclater lorsqu’un peuple revendique des droits qu’aucun degré de répression ne peut le forcer à abandonner.

Deuxièmement, et ceci est fondamental, nous ne pouvons ni ne souhaitons imposer les changements de l’extérieur. Il n’existe pas de modèle unique de démocratie et il appartient à la population de chaque pays de la région de décider de son avenir sur la base de sa culture, de ses traditions et de son système politique. Toutefois, aucun gouvernement au monde ne peut justifier la violence à l’encontre de son peuple ni prétendre que le principe fondamental de la démocratie – le droit des citoyens à choisir et à changer ses représentants – ne s’applique pas dans son pays.

La Grande-Bretagne défendra toujours ce principe cardinal. Par conséquent, nous devons respecter les choix que les citoyens arabes ont exprimés par la voie des urnes. Nous devrons notamment être prêts à coopérer avec les nouveaux groupes élus qui s’inspirent de l’islam, tout en exigeant qu’ils adhèrent aux mêmes normes que les autres, à savoir la non-violence, le respect de droits de l’homme et le respect des résultats des élections suivantes.

Troisièmement, les réformes économiques et politiques doivent aller de pair. La bonne santé économique est indispensable pour appuyer la stabilité et la prospérité. Dans le même temps, il ne saurait y avoir de stabilité à long terme sans une plus grande ouverture politique.

Enfin, le Printemps arabe sera l’œuvre de toute une génération. Nous devons faire preuve de patience stratégique et ne pas abandonner la région à son sort.

Toutefois, toutes ces bonnes intentions seront vaines si nous ne sommes pas capables de défendre nos valeurs et de prendre nos responsabilités face à la crise la plus urgente du moment. La situation en Syrie assombrit le présent débat. Le monde, dans son écrasante majorité, considère que jusqu’à présent, le Conseil n’a pas été à la hauteur de ses responsabilités vis-à-vis de la population syrienne. Il n’a pas réussi à faire cesser la répression brutale exercée par le régime syrien contre les manifestants pacifiques. Il n’arrive pas à s’entendre pour appuyer de tout son poids et de toute son autorité les efforts de la Ligue des États arabes. Il est temps que le Conseil de sécurité fasse preuve d’unité et de leadership.

Il devrait être possible pour le Conseil d’appeler à la fin immédiate de cette répression brutale et des violations des droits de l’homme. Le Conseil devrait pouvoir exiger la fin de toutes les violences et demander un accès humanitaire immédiat et sans entrave ; appeler le Gouvernement syrien à honorer les engagements qu’il a pris vis-à-vis de la Ligue des États arabes en cessant les opérations militaires, en retirant ses forces des villes et villages, en libérant tous les prisonniers politiques et en donnant libre accès aux médias ; approuver l’action menée par la Ligue des États arabes et par Kofi Annan, en tant qu’Envoyé spécial conjoint de la Ligue et de l’Organisation des Nations Unies, et appuyer les efforts de l’ONU et de la Ligue arabe pour encourager une transition politique dirigée par les Syriens. Je demande une fois de plus au Conseil d’adopter une résolution contenant ces éléments essentiels.

Hors de cette salle, les experts britanniques sont à pied d’œuvre en Jordanie, en Turquie et au Liban pour aider à réunir les preuves sur les crimes commis contre le peuple syrien. J’exhorte d’autres pays ici présents à se joindre à cet effort, pour que le régime sache qu’il ne peut poursuivre sur cette voie en toute impunité.

Les pays représentés ici n’ont pas tous la même opinion sur le Printemps arabe, mais tous ont la responsabilité collective de maintenir la paix et la sécurité internationales, et nous avons tous fondamentalement intérêt à œuvrer de concert. C’est précisément la raison pour laquelle l’Organisation des Nations Unies a été créée, et nous devrions agir ensemble dans cet esprit aujourd’hui, non seulement pour mettre fin à l’effusion de sang en Syrie, mais aussi pour apporter un appui à long terme à cette région vitale.

Je reprends à présent mes fonctions de président du Conseil.

Je donne la parole aux autres membres du Conseil de sécurité.

M. Juppé (France) : La Charte des Nations Unies a confié au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Notre organisation reconnaît également la souveraineté des États et la non-ingérence comme principes fondamentaux. L’évolution de notre action nous a conduits à reconnaître en 2005 que le Conseil de sécurité avait le devoir d’agir lorsque la responsabilité de protéger n’est plus assurée, lorsque des violations massives des droits de l’homme se déroulent sous nos yeux, que les gouvernements en soient responsables par leur action ou par leur impuissance.

C’est dans ce contexte que s’inscrit la présente séance et je remercie le Royaume-Uni d’en avoir pris l’initiative. C’est l’occasion pour nous d’examiner ce que peut et ce que doit faire le Conseil pour contribuer à faire du Printemps arabe un facteur de paix et de sécurité pour la région et pour le monde.

Depuis maintenant plus d’un an, le monde arabe connaît des bouleversements sans précédent. Avec un courage hors du commun, les Tunisiens, les Égyptiens, les Libyens, les Yéménites et les Syriens ont bravé l’oppression pour revendiquer le respect de leurs droits. Avec une détermination admirable, ils se sont levés pour crier leurs aspirations légitimes à la liberté, à la dignité humaine et à la démocratie. Pour la France, cet élan témoigne de l’universalité de l’aspiration démocratique. Il confirme les leçons tirées de l’histoire en montrant une fois encore que les régimes qui étouffent la voix de leur peuple n’ont pas d’avenir, que tôt ou tard, les gouvernements qui bafouent les droits de l’homme finissent par s’effondrer.

Le Conseil de sécurité n’aurait pas eu à connaître de ces situations si plusieurs d’entre elles n’avaient dégénéré à cause de l’obstination des gouvernements archaïques. En Tunisie et en Égypte, ce sont les peuples qui, par eux-mêmes, ont obtenu le départ de dirigeants discrédités et l’ouverture de processus démocratiques – non sans difficultés certes, mais à tout le moins sans bain de sang. En Jordanie et au Maroc, les responsables politiques ont fait le choix courageux du dialogue, de la réforme et des élections. J’étais au Maroc il y a quelques jours à peine et ce pays est un exemple porteur d’espoir pour l’ensemble de la région.

Bien sûr, rien n’est définitivement réglé. Bien sûr, nous savons tous que chaque révolution démocratique porte en elle des risques de déception et de retour en arrière. Nous savons tous qu’une transition démocratique demande du temps. Mais l’histoire est en marche et les bouleversements en cours dans le monde arabe constituent une chance pour cette région du monde et pour la paix.

La Libye, cependant, n’a pas eu cette chance et la responsabilité du Conseil a très vite été engagée. Le peuple libyen s’est heurté à un dictateur et à un régime déterminés à noyer dans le sang son aspiration à la liberté. Dès le 26 février 2011, expression de la réprobation universelle, le Conseil de sécurité a décidé, avec l’adoption à l’unanimité de la résolution 1970 (2011), d’imposer des sanctions et de saisir la Cour pénale internationale face à une répression sauvage que le Procureur de la Cour a qualifiée de crime contre l’humanité. Face à un dictateur qui promettait des massacres à la population de Benghazi, les organisations régionales, au premier rang desquelles la Ligue des États arabes, mais également l’Union africaine, ont appelé le Conseil de sécurité à agir. C’est tout le sens de la résolution 1973 (2011), pour laquelle la France s’est battue sans relâche.

Mon pays est fier d’avoir contribué à faire adopter ce texte. Il est convaincu que nous avons collectivement pris la seule décision honorable et juste. C’est grâce à cette résolution que nous avons pu sauver des milliers de vies et protéger le peuple libyen. C’est grâce à elle que Benghazi est entrée dans l’histoire, non pas comme une ville martyre, mais comme un symbole de liberté. Et je voudrais le dire sans ambiguïté devant le Conseil : remettre en cause la légitimité et la légalité de notre action, insinuer qu’elle serait elle-même responsable de crimes, et ce, contre toute évidence, comme l’a encore confirmé la Commission d’enquête du Conseil des droits de l’homme, c’est travestir l’histoire et insulter tous les Libyens qui se sont battus pour conquérir la liberté. Aujourd’hui, en adoptant la résolution 2040 (2012) qui prolonge le mandat de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye, le Conseil continue à assumer sa responsabilité pour aider ce pays à construire l’état de droit et les conditions de son progrès démocratique.

Au Yémen, enfin, le Conseil a su prendre ses responsabilités. C’est grâce à l’adoption à l’unanimité, en octobre dernier, de la résolution 2014 (2011), qu’un transfert de pouvoir pacifique a pu être enfin engagé sur la base de l’initiative du Conseil de coopération des États arabes du Golfe. Après des mois de crise et d’affrontements, un gouvernement d’unité nationale a été désigné, un nouveau Président a été élu avec un large soutien, les tensions se sont apaisées. Naturellement, toutes les difficultés n’ont pas encore disparu, mais c’est une nouvelle ère qui s’est ouverte dans l’histoire du Yémen. Dans un cas comme dans l’autre, si le Conseil a été efficace, c’est qu’il a su répondre non seulement à l’appel des peuples, mais aussi à celui des organisations régionales, qui ont éclairé ses jugements et identifié les paramètres d’une solution politique.

Aujourd’hui, le Conseil est confronté à une tragédie : la tragédie syrienne. Depuis un an et la première grande manifestation pacifique en Syrie, à Deraa le 18 mars 2011, la situation est chaque jour plus inacceptable. Sourd à la voix de son peuple, sourd à tous les appels de la communauté internationale, y compris ceux de la Ligue arabe et de ses proches partenaires, le régime s’enfonce dans une répression toujours plus sanglante, dans une violence toujours plus barbare. Cette fuite en avant, la communauté internationale la condamne résolument et dans les termes les plus durs, que ce soit à l’Assemblée générale ou au Conseil des droits de l’homme, où le rapport de la Commission d’enquête, dont le contenu est accablant pour le régime, a été examiné aujourd’hui même, confirmant qu’un crime contre l’humanité est en cours.

La première urgence c’est bien évidemment d’obtenir la cessation des violences et l’accès des populations à l’aide humanitaire. Mme Amos rendra très prochainement compte de sa visite sur place au Conseil, mais nous savons déjà qu’elle s’est dite horrifiée par ce qu’elle avait vu, nous savons déjà les crimes, les exactions et les horreurs que vivent au quotidien les populations syriennes. Comme Hama il y a 30 ans, Homs restera dans l’histoire de l’humanité comme l’une de ces villes dont le martyre hante les mémoires.

Seules une réponse politique aux aspirations légitimes du peuple et la mise en œuvre des réformes réclamées avec tant de vigueur pourront contribuer à résoudre la crise syrienne. Cela passe par une transition fondée sur le plan de la Ligue des États arabes du 22 janvier, largement soutenu par la communauté internationale – la résolution 66/253 de l’Assemblée générale du 16 février et le vote du 4 février du Conseil de sécurité en témoignent. Il n’y a pas d’autre issue pacifique possible.

Enfin, je l’ai souligné il y a quelques jours au Conseil des droits de l’homme, les crimes du régime syrien ne sauraient rester impunis. Le jour viendra où les autorités civiles et militaires de ce pays devront répondre de leurs actes devant la justice. Préparons dès à présent les conditions d’une saisine de la Cour pénale internationale.

Ne nous y trompons pas. Face à la crise syrienne, le Conseil a une responsabilité historique, la responsabilité de faire cesser les violations massives des droits de l’homme, la responsabilité d’éviter un engrenage qui pourrait être fatal à la paix au Liban et dans la région. En refusant d’agir, on abandonne les opprimés aux oppresseurs, on abandonne les Syriens à la violence et à la barbarie. En refusant d’agir, on laisse la guerre civile gagner chaque jour un peu plus de terrain sur la recherche d’une solution pacifique. Être membre du Conseil, c’est se mobiliser concrètement en faveur de la paix et de la sécurité du monde. C’est aussi placer le bien commun au-dessus de toute autre considération. Notre responsabilité c’est d’agir. Et c’est d’agir maintenant, pour mettre enfin un terme au martyre du peuple syrien et lui permettre de retrouver la maîtrise de son destin.

Un projet de résolution est en cours de discussion pour répondre à l’urgence et trouver une solution crédible à la crise qui ne cesse de s’aggraver. Je le dis aujourd’hui comme je l’ai dit le 31 janvier dernier (voir S/PV.6710) : il est inacceptable que le Conseil soit empêché d’assumer ses responsabilités. Apportons notre soutien à la mission de Kofi Annan et au plan de la Ligue arabe. Après des mois de blocage, j’appelle la Chine et la Russie à entendre la voix des Arabes et de la conscience mondiale, et à se joindre à nous.

Cette action en faveur de la liberté des peuples en Libye, au Yémen et en Syrie pose avec acuité la question de l’impuissance du Conseil de sécurité face au conflit israélo-palestinien.

Au Proche-Orient, c’est un autre peuple dont les aspirations doivent être reconnues. Les revendications des Palestiniens ne sont-elles pas aussi légitimes que celles qui s’expriment dans le reste de la région ? N’est-il pas naturel que les Palestiniens souhaitent qu’un État palestinien voie le jour ? C’est aussi la sécurité de l’État d’Israël qui doit être assurée. La France sera toujours aux côtés d’Israël pour garantir sa sécurité et ne transigera pas. Aujourd’hui, nous le savons tous, la solution de deux États vivant côte à côte dans la paix et la sécurité est la seule qui soit viable et la meilleure garantie pour la sécurité d’Israël.

Après tant d’échecs répétés du processus de paix, après tant d’années de souffrances et d’espoirs déçus, le moment est venu de changer de méthode. C’est tout le sens de l’appel devant l’Assemblée générale lancé le 21 septembre dernier par le Président Sarkozy (voir A/66/PV.11). Notre conviction, c’est que nous ne pouvons plus continuer à nous priver d’enceintes multilatérales, comme celle de ce Conseil, et de l’appui de l’ensemble des partenaires, notamment régionaux et européens. Dans les mois qui viennent, la France fera tout ce qui est en son pouvoir pour qu’une paix juste et durable s’installe enfin au Proche-Orient.

Alors que nous parlons de la paix et de la sécurité dans cette région du monde, comment ne pas évoquer l’Iran ? Dans ce pays, la situation devient chaque jour un peu plus préoccupante, avec un régime qui poursuit un programme nucléaire manifestement militaire, en violation des décisions de notre Conseil et de l’Agence internationale de l’énergie atomique, un régime qui promet de rayer Israël de la carte, un régime qui remet en cause la liberté de circulation dans le détroit d’Ormuz et inquiète ses voisins, un régime qui réprime les aspirations de son peuple à la liberté et à la démocratie, un régime qui s’isole chaque jour un peu plus de la communauté internationale.

Notre Conseil s’est exprimé avec force et doit rester ferme, car nous savons qu’il est deux issues également inacceptables : un Iran doté de l’arme nucléaire ou un Iran bombardé.

Ce que nous rappellent les révolutions pacifiques et les évolutions en cours sur la rive sud de la Méditerranée, ce que nous confirme la tragédie qui se déroule en Syrie, c’est que le principe de légitimité est un principe cardinal pour tout gouvernement. Le jour où un gouvernement perd sa légitimité aux yeux de son peuple, ce jour-là, ce gouvernement est condamné. Et dans cette région du monde, l’une des grandes questions qui se posent est celle de la capacité à faire vivre ensemble des communautés et des minorités dans un pacte national respectueux des droits de chacun et des droits de l’homme pour tous. La promesse du Printemps arabe, c’est le droit universel à la liberté, et j’ai confiance dans sa réalisation.

M. Caballeros (Guatemala) (parle en espagnol) : Nous remercions le Royaume-Uni d’avoir organisé la présente séance, et vous remercions, Monsieur le Président, de la présider. Nous tenons également à exprimer notre reconnaissance au Secrétaire général pour son exposé.

Je dois dire que le thème choisi pour notre présent débat, bien qu’extrêmement intéressant, constitue un grand défi. Contrairement à d’autres questions très ponctuelles que nous avons examinées par le passé et qui appellent à des réactions plus ou moins précises, à cette occasion, Monsieur le Président, vous nous avez proposé un débat plus général qui risque d’édulcorer tout message que nous souhaiterions faire passer.

Il serait présomptueux de notre part de proposer des interprétations quant au sens de ce que l’on appelle désormais le « Printemps arabe » dont l’image paradigmatique qui a capté l’attention du monde s’est produite sur la place Tahrir au Caire en janvier 2011. Le courage extraordinaire de la population, sa sérénité, sa solidarité et la persistance de ses demandes, et surtout, son caractère pacifique, ont été une source d’inspiration pour toute l’humanité. Conscient des distances énormes qui séparent ces événements singuliers des transitions survenues dans ma propre région, entre 1980 et 1990, de régimes autoritaires à des gouvernements civils démocratiquement élus, je voudrais répondre au défi que vous nous posez, Monsieur le Président, par une brève observation sur les enseignements tirés de nos propres expériences, lesquelles peuvent s’avérer utiles à notre présent débat. C’est avec humilité et bien conscient des importantes différences historiques, culturelles, religieuses et politiques entre nos régions respectives, et même à l’intérieur de ces régions, que je vais évoquer, en sept points, les transformations survenues dans mon propre pays.

Premièrement, chaque cas en Amérique latine a été particulier, ce qui est sans doute le cas de chaque situation au Moyen-Orient. Par exemple, dans mon propre pays, nous avons dû adopter un projet de nation multiethnique, pluriculturelle et multilingue correspondant aux réalités particulières du Guatemala qui ne sont pas nécessairement celles d’autres pays d’Amérique latine. C’est pourquoi, même s’il semble anodin d’affirmer qu’il n’existe pas de formules universelles de transition, et si les valeurs démocratiques sont similaires partout dans le monde, leur expression concrète pour ce qui est de l’organisation interne, de l’ordre juridique et institutionnel et des formes de participation populaire peut être extrêmement variée d’une situation à une autre.

Deuxièmement, les valeurs culturelles comptent, notamment dans les sociétés pluriethniques qui cherchent à édifier une nation où règnent le respect d’autrui et la tolérance. Ces valeurs culturelles doivent correspondre à des sociétés démocratiques et engagées dans le progrès économique et social. À titre d’exemple, il importe que chacun ait accès aux mêmes chances et ce, indépendamment de son sexe, son ethnie, son affiliation locale, sa race ou sa croyance. Je suis heureux de pouvoir dire que ces valeurs se sont implantées et consolidées dans notre région, et j’ai bon espoir qu’il en ira de même dans les pays qui font l’objet de notre débat.

Troisièmement, il est certain que le progrès n’est pas linéaire. Il n’est guère facile de mettre sur pied des systèmes de gouvernance pluralistes et participatifs dans des pays où n’existait pas une culture démocratique bien implantée. Il faut renforcer, voire créer, diverses institutions, y compris de solides fondations institutionnelles et législatives, développer des partis politiques représentatifs et garantir la liberté d’expression. C’est un programme complexe ; il touche des groupes d’intérêt, a des conséquences souvent imprévues et exige parfois des coups de gouvernail. Ce qui importe, c’est de persister et d’espérer que des cultures millénaires qui ont tant apporté au monde civilisé auront la force, la créativité et l’énergie pour mener à bien leur projet de démocratisation.

Quatrièmement, les processus de démocratisation doivent répondre aux vœux et aspirations des peuples et des sociétés nationales. Ils doivent être le résultat d’une évolution autonome, d’une sorte de consensus national et ne pas être imposés par des forces extérieures. Parvenir à un modèle qui convienne aux citoyens entraîne souvent des périodes prolongées d’essai et d’adaptation, ce qui confirme ce que j’ai dit plus tôt, à savoir que nous avons à faire à des processus de longue haleine. Ces processus ne répondent qu’à la volonté des citoyens. De même, la démocratie représentative exige que les citoyens aient confiance dans les gouvernements qu’ils élisent.

Cinquièmement, il est aujourd’hui de bon ton à l’ONU de parler de l’état de droit, une question qui n’occupait pas une place si importante dans notre ordre du jour il y a quelques années de cela. Je voudrais confirmer, depuis la perspective de mon propre pays, l’importance critique d’institutions solides qui luttent contre l’impunité, l’opacité de la gestion des finances publiques et, en général, de l’administration de la justice. Nous l’avons prévu dans nos accords de paix, mais nous le constatons de façon plus directe avec la menace contre l’état de droit que constitue l’irruption dans nos pays de cartels de la criminalité transnationale. Pour lutter contre ce fléau, il faudra renforcer nos capacités de poursuites criminelles, notre système judiciaire, notre police civile et même notre système pénitentiaire. Il en sera sans doute de même dans les processus de démocratisation en cours au Moyen-Orient.

Sixièmement, s’agissant de l’Amérique latine en général et de l’Amérique centrale en particulier, la transition démocratique s’est accompagnée d’un élan dynamique en faveur de la coopération interrégionale. L’émergence de gouvernements partageant les mêmes valeurs a facilité les ententes et a promu le régionalisme. Dans notre cas, la coopération en vue de régler des problèmes communs et de promouvoir un appui réciproque a renforcé la démocratie dans chaque pays et contribué à sa défense collective. Nous pensons que ce phénomène de coopération peut se produire dans les pays qui font l’objet de notre présent débat, ce qui semble déjà se concrétiser au travers du rôle croissant de la Ligue des États arabes.

Enfin, n’oublions pas la nécessité impérative de favoriser le développement économique et social. Il est vrai que les peuples aspirent à la liberté et à la dignité, mais ils exigent également un plus grand bien-être, surtout dans les sociétés caractérisées par des niveaux élevés d’inégalité. Il convient de signaler que, selon le premier institut de sondage de l’opinion publique dans notre région, Latinobarómetro, il existe une corrélation étroite entre le développement économique et le niveau de satisfaction vis-à-vis de la démocratie. Il semble que la population non seulement souhaite, mais également exige que des gouvernements plus pluralistes et plus représentatifs génèrent des avantages tangibles pour les citoyens. Quand tel n’est pas le cas, le degré de satisfaction vis-à-vis des institutions démocratiques chute de manière spectaculaire.

Le Printemps arabe suscite des sentiments qui sont globalement positifs. C’est pourquoi j’ai préféré axer ma déclaration sur les possibilités qu’il offre plutôt que sur les problèmes qu’il pose. C’est également la raison pour laquelle j’ai délibérément omis d’évoquer d’autres questions que d’aucuns considèrent incontournables lorsqu’on parle du Moyen-Orient, notamment la nécessité de mettre fin au conflit israélo-palestinien ou la situation en Syrie, d’autant que nous avons abordé ces sujets à l’occasion de précédentes séances du Conseil.

M. Lavrov (Fédération de Russie) (parle en russe) : Les processus de transformation qui ont agité le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord reflètent les aspirations, compréhensibles et dignes de notre appui, des peuples de ces pays à une vie meilleure, à une plus grande liberté d’expression, à une participation accrue à la vie politique et à de plus grands avantages socioéconomiques. Ces processus sont loin d’être terminés et il est difficile d’en prédire l’issue, car ils s’accompagnent parfois de divergences douloureuses sur les plans sociétal, ethnique, religieux, économique et politique qui entraînent des problèmes en termes de sécurité régionale.

L’objectif de la communauté internationale doit être de contribuer à faire en sorte que ces transformations fassent plus de bien que de mal au monde arabe. La priorité est de s’assurer que ces changements sont pacifiques et démocratiques, que les libertés et les droits fondamentaux de la personne sont respectés, tout comme les droits des minorités ethniques et religieuses, y compris, bien entendu, les droits des chrétiens. Nous suivons avec empathie les processus d’édification d’un État démocratique en Égypte, en Tunisie et au Maroc, les efforts que déploient le Gouvernement yéménite pour stabiliser la situation et lutter contre le terrorisme et ceux du Gouvernement de transition en Libye pour permettre un retour à la vie normale dans le pays, préparer les élections et désarmer les groupes insurgés. Nous fournissons une aide humanitaire précieuse et sommes disposés à contribuer au relèvement économique. La dimension internationale du Printemps arabe, toujours en marche, revêt un intérêt primordial pour tous les membres du Conseil.

Nous estimons pouvoir dès à présent tirer certaines conclusions. Premièrement, quels que soient les objectifs fixés concernant une situation donnée, ils ne peuvent être atteints en trompant la communauté internationale ou en manipulant les décisions du Conseil de sécurité. Sinon, la crédibilité du Conseil s’érode et la confiance entre ses membres s’effrite, ce qui nuit à la capacité future de cet organe de prendre des décisions.

Deuxièmement, les organisations ou les pays qui se chargent de mettre en œuvre les mandats du Conseil de sécurité doivent pleinement rendre compte de leurs activités au Conseil. Cela s’applique également à l’OTAN qui, comme le savent tous les membres, s’est proposée de faire respecter une zone d’exclusion aérienne en Libye, mais a en réalité procédé à des bombardements massifs. Malheureusement, les informations indiquant que ces bombardements ont fait de nombreuses victimes civiles n’ont pas encore donné lieu à une quelconque enquête. Nous estimons que le Secrétaire général devrait clarifier ce point en invoquant la Déclaration commune de 2008 sur la coopération entre les Secrétariats de l’ONU et de l’OTAN.

Troisièmement, l’ingérence étrangère qui se traduit par le recours à une force militaire brutale accroît le risque de prolifération illicite des armes, ce qui met en péril la stabilité de la région. Nous devons prendre des décisions importantes concernant la situation en Syrie, qui continue de susciter la vive inquiétude de la Russie et de l’ensemble de la communauté internationale. Mais s’empresser d’exiger un changement de régime, imposer des sanctions unilatérales visant à créer des difficultés économiques et des tensions sociales dans le pays, inciter l’opposition à poursuivre sa politique de bras de fer avec les autorités au lieu de promouvoir le dialogue, et prôner la confrontation armée, voire une intervention militaire étrangère, sont autant de manœuvres géopolitiques très risquées qui ne peuvent qu’aboutir à une amplification du conflit.

Il est absolument indéniable que les autorités syriennes ont une part de responsabilité énorme dans la situation actuelle. Nous ne pouvons cependant ignorer le fait que depuis un certain temps déjà, elles luttent, non pas contre des hommes non armés, mais contre des unités de combat, notamment la soi-disant Armée syrienne libre, et des groupes extrémistes, y compris Al-Qaida, ayant récemment commis une série d’attentats meurtriers. Si notre priorité absolue et notre vœu sincère sont de mettre fin immédiatement à la violence et de fournir une aide humanitaire à la population civile, nous ne devrions pas, à ce stade, nous demander qui a déclenché ce conflit, mais plutôt envisager les moyens réalistes et concrets de parvenir rapidement à un cessez-le-feu.

Depuis le début, notre position est claire et inchangée. Elle consiste à trouver rapidement une solution non violente à la crise syrienne, grâce à un dialogue politique ouvert dirigé par les Syriens et à la mise en œuvre de réformes qui auraient dû intervenir depuis longtemps. Les cinq principes pour un règlement de la crise convenus entre la Russie et la Ligue des États arabes le 10 mars sont guidés par le même esprit. Ces principes sont les suivants : premièrement, abandon de la violence par toutes les parties ; deuxièmement, création d’un mécanisme de suivi impartial ; troisièmement, aucune ingérence étrangère ; quatrièmement, accès sans entrave de tous les Syriens à l’aide humanitaire ; et cinquièmement, ferme appui à la mission de Kofi Annan visant à établir un dialogue politique entre le Gouvernement et tous les groupes d’opposition, conformément au mandat approuvé par le Secrétaire général et la Ligue des États arabes. Sur cette base, nous sommes prêts à adopter une résolution du Conseil de sécurité, comme nous l’étions l’automne dernier lorsque nous avons présenté notre projet de résolution. Malheureusement, celui-ci n’a pas reçu l’appui de tous les membres du Conseil de sécurité.

Le Printemps arabe ne doit en aucun cas servir de prétexte pour réduire l’attention portée à la question palestinienne. Nous sommes convaincus que les risques de conflit au Moyen-Orient et en Afrique du Nord resteront élevés tant qu’il n’y aura pas de règlement global de la question du Moyen-Orient, dans le respect du cadre juridique international en vigueur. Il s’agit là véritablement d’une obligation liée à l’histoire pour la communauté internationale et pour le Conseil de sécurité.

Malheureusement, les évolutions observées récemment retardent plus qu’elles n’accélèrent la réalisation de cet objectif, tant du point de vue politique – lorsque les paramètres de règlement qui ont été approuvés à de nombreuses reprises par le Conseil de sécurité, le Quatuor et les parties elles-mêmes sont remis en question – que du point de vue pratique, puisque les activités de colonisation israéliennes en Cisjordanie réduisent littéralement la zone disponible pour la mise en œuvre des accords nécessaires.

La violation du cessez-le-feu résultant de la reprise des frappes entre Israël et la bande de Gaza est particulièrement préoccupante et les civils des deux camps en font les frais. Dans ces circonstances, la communauté internationale doit accentuer ses efforts. Cela s’applique avant tout au Quatuor, qui, comme nous en avons débattu avec nos collègues avant le début de la présente séance, doit commencer à déployer des efforts ciblés et réguliers pour créer les conditions propices au maintien de contacts directs entre Israéliens et Palestiniens en vue d’entamer des négociations véritables. Nous nous sommes tous félicités de l’initiative de la Jordanie, qui a organisé une série de rencontres très importantes entre Israéliens et Palestiniens à Amman en janvier, et nous souhaitons vivement que cette initiative se poursuive.

La Russie renouvelle par ailleurs sa proposition de resserrer la coopération entre le Quatuor et les structures compétentes de la Ligue des États arabes. Nous sommes convaincus que l’Initiative de paix arabe demeure pertinente et que sa mise en œuvre intégrale débouchera sur la création d’un État palestinien, garantira la sécurité d’Israël et permettra de rétablir la paix et la stabilité dans tout le Moyen-Orient. La Russie est prête à coopérer étroitement avec tous les membres responsables de la communauté internationale pour atteindre ces objectifs.

Mme Rodham Clinton (États-Unis d’Amérique) (parle en anglais)  : Nous nous réunissons aujourd’hui pour évoquer ensemble la vague de changement qui a balayé le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Bien que l’expérience de chaque pays soit singulière, tous ces mouvements démocratiques sont le fruit d’un désir commun qu’ont les peuples de jouir de leurs droits, de leurs libertés, de leur dignité humaine et de perspectives économiques. Ces aspirations universelles sont consacrées par la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Charte des Nations Unies, et elles sont des éléments fondamentaux de l’identité et de l’histoire de mon pays et de nombreux autres également. Ces principes et les peuples qui luttent pour les faire respecter au sein de leurs sociétés respectives méritent et commandent l’appui de tous. Le courage des peuples de la région, qui ont prouvé leur détermination à aller de l’avant, est pour nous une source d’inspiration et nous sommes convaincus qu’il faut appuyer leurs efforts.

Cela dit j’aborde notre échange avec une forte dose d’humilité, car nous savons que ces révolutions ne sont pas les nôtres. Elles ne sont pas de notre fait, menées en notre faveur ni dirigées contre nous. Mais nous savons également qu’en tant que communauté internationale, nous avons les moyens et les capacités de venir en aide à ceux qui aspirent à un changement démocratique pacifique et authentique. Nous devons également avoir la volonté de le faire.

Bien entendu, ces changements surviennent de manière différente dans différents endroits et, pour chaque situation particulière, nous devons adapter nos instruments aux conditions sur le terrain. Ici, au Conseil de sécurité, trois situations appellent tout particulièrement notre attention aujourd’hui. Je commencerai par la Libye et le vote encourageant de ce matin (voir S/PV.6733) qui renouvelle et actualise le mandat de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye. L’année dernière, le Conseil, avec le soutien de la Ligue des États arabes et d’autres pays à travers le monde, a pris des mesures pour venir en aide au peuple libyen au moment où il en avait le plus besoin. Le vote d’aujourd’hui traduit notre engagement soutenu en faveur de la Libye et de son gouvernement de transition, qui a fait d’énormes progrès. C’est aussi la preuve que nous savons que notre travail n’est pas encore terminé.

Nous continuerons d’appuyer les efforts de la MANUL pour assister le Gouvernement libyen dans le processus de réintégration de ceux qui ont pris les armes pour combattre pour le changement dans une armée nationale professionnelle et une société pacifique. Nous continuerons d’aider la Libye à sécuriser ses frontières contre la prolifération, le trafic et l’extrémisme tout en traitant humainement les réfugiés et les migrants. Après tout le courage dont les Libyens ont fait preuve et tous les sacrifices qu’ils ont consentis, nous sommes fiers d’aider la Libye à établir les nouvelles bases de l’état de droit et du respect des droits de l’homme.

La semaine dernière, le Premier Ministre libyen, M. El-Keib, était ici au Conseil de sécurité (voir S/PV.6731), où il a, de manière percutante et éloquente, justifié l’appui du Conseil de sécurité à l’aspiration des Libyens à décider eux-mêmes de leur avenir.

Je pense qu’aucun de nous n’a besoin d’ajouter quoi que ce soit concernant les mesures adéquates prises par le Conseil de sécurité pour appliquer les résolutions autorisant à agir. Nous nous sommes également entretenus à Washington avec le Premier Ministre El-Keib de ce que la Libye a déjà fait en vue d’organiser des élections justes et libres, ainsi que des activités que nous menons conjointement concernant la sécurité, les échanges universitaires, la société civile et les soins de santé apportés aux blessés de guerre libyens. La victoire finale pour la Libye ne sera pas la mort d’un dictateur mais la naissance d’une nation prospère, stable et libre.

La deuxième situation concerne le Yémen. Lorsque le Yémen a plongé dans la violence l’année dernière, le Conseil de sécurité a appuyé les efforts déployés par le Conseil de coopération du Golfe et les parties yéménites dans le but de trouver une solution pacifique. Face aux revers, nous avons tenu bon.

De nombreux problèmes vont se poser. Cependant, le bon déroulement de l’élection et de l’investiture présidentielles le mois dernier constitue une avancée encourageante en vue de l’ouverture d’un nouveau chapitre démocratique dans l’histoire du Yémen. Parallèlement aux efforts que le Yémen déploiera pour poursuivre sa transition qui durera plusieurs années, réformer sa constitution, établir un dialogue national et continuer de faire face aux problèmes qu’il rencontre en matière de sécurité et sur le plan humanitaire, nous devons rester déterminés et continuer de fournir un appui.

La troisième situation est celle de la Syrie. Il y a cinq semaines, le Conseil n’a pas été en mesure d’être uni face au déferlement de violence atroce qui a choqué la conscience du monde – une campagne qui se poursuit sans relâche en ce moment même. On nous a même empêchés de condamner cette violence et d’approuver un plan pacifique élaboré par des pays frontaliers de la Syrie.

Les États-Unis sont fermement attachés à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de tous les États Membres. Mais nous ne pensons pas que cette souveraineté exige du Conseil qu’il garde le silence quand des gouvernements massacrent leur propre peuple, en menaçant la paix et la sécurité régionales. Nous refusons en outre de mettre sur le même plan des meurtres prémédités perpétrés par le régime militaire d’un gouvernement et les actes commis par des civils assiégés qui agissent en légitime défense. N’est-il pas cynique qu’au moment même où M. Al-Assad recevait l’ancien Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, l’armée syrienne menait une nouvelle attaque dans la province d’Edleb et poursuivait ses actes d’agression à Hamah, à Homs et à Rastan ?

Nous avons pris acte de ce que le week-end dernier, au Caire, la Ligue des États arabes et le Ministre russe des affaires étrangères, M. Lavrov, se sont accordés sur la nécessité de mettre fin aux violences, de permettre au personnel humanitaire d’accéder à la population en toute liberté et de lancer un processus politique sous la conduite de Kofi Annan, en s’appuyant sur les termes des résolutions de la Ligue des États arabes et de l’Assemblée générale.

Nous estimons que le moment est venu pour tous les pays, même ceux qui ont auparavant entravé nos efforts, d’appuyer la démarche humanitaire et politique présentée par la Ligue des États arabes. La communauté internationale doit dire d’une seule voix, sans hésitation ni réserve, que le meurtre de Syriens innocents doit cesser et qu’une transition politique doit commencer. Les Syriens méritent d’avoir la même possibilité de décider de leur avenir que celle dont jouissent maintenant les Tunisiens, les Égyptiens, les Libyens et les Yéménites. Notre action ici, au Conseil de sécurité, ne constitue qu’une partie de ce que doit faire la communauté internationale pour appuyer les transitions démocratiques dans tout le Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

Nous devons répondre favorablement aux appels lancés dans la région pour renforcer chacun des fondements de sociétés stables et prospères : un gouvernement participatif et responsable, une économie dynamique et efficace et une société civile débordant de vitalité. Au plan politique, de nombreux pays, y compris un certain nombre de ceux qui sont présents ici, ont une expérience singulière et directe de la manière d’édifier des démocraties durables. Je suis sensible aux remarques du Ministre guatémaltèque des affaires étrangères. Nous pouvons et devons partager de tels enseignements.

Lorsque des pays mènent des réformes progressives, nous devons leur apporter notre appui et, partout, nous devons défendre, par nos paroles et nos actes, les principes fondamentaux de la démocratie et des droits de l’homme universels.

Je sais qu’aujourd’hui certains se demandent si l’Islam politique peut réellement être compatible avec ces principes et droits démocratiques et universels. Les peuples du Printemps arabe ont la possibilité de répondre à cette question. Notre stratégie consiste à axer nos efforts pas tant sur le nom que les partis se donnent que sur ce qu’ils choisissent de faire. Tous les partis politiques, religieux ou laïques, sont tenus, vis-à-vis de leur peuple, de respecter les principes fondamentaux sur lesquels cet organe s’appuie : condamnation de la violence ; respect de l’état de droit ; respect des libertés d’expression, d’association et de réunion ; défense de la liberté religieuse et de la tolérance ; défense des droits des femmes et des minorités ; mise en place d’un corps judiciaire indépendant ; abandon du pouvoir en cas de défaite électorale ; et non-incitation à des conflits qui déchirent la société. Nous devons tous être évalués à l’aune de ces critères, et nous devons nous engager à les faire respecter ensemble.

L’expérience que nous avons acquise ailleurs dans le monde nous a appris que les transitions politiques réussies sont celles qui permettent d’obtenir rapidement des résultats économiques, de créer des emplois et de nourrir l’espoir en l’avenir. Pour réussir, le réveil politique arabe doit s’accompagner d’un réveil économique.

Les gouvernements de la région qui partagent ces priorités devront continuer de faire des choix politiques, parfois difficiles mais nécessaires, pour jeter les bases d’une croissance qui profite à tous et pilotée par le secteur privé.

En tant que Président du Groupe des Huit pour cette année, les États-Unis d’Amérique poursuivent les travaux du Partenariat de Deauville, lancé par la France, dans le but de promouvoir l’intégration régionale, la participation économique, la création d’emplois et la stabilisation.

Ce dernier point est particulièrement urgent. La communauté internationale doit appuyer fermement le Fonds monétaire international (FMI) pour convenir rapidement d’un programme de réforme et de stabilisation économiques avec l’Égypte. Nous exhortons les amis de l’Égypte dans la région et dans le monde à envisager de recourir à l’aide bilatérale pour renforcer le programme que le FMI a signé avec l’Égypte. Bien entendu, les femmes doivent participer à ces efforts économiques et politiques. Je remercie le Secrétaire général d’avoir fait de la participation des femmes un des cinq points qu’il a cités. Aucune transition ne peut être menée à bien si la moitié de la population est laissée de côté.

Une démocratie durable est tributaire de la société civile, et nous sommes fiers de soutenir des personnes et des organisations dont le but est d’apporter des améliorations dans leur société.

Encore une fois, je sais que certains disent que le concept même de société civile est imposé par l’Occident. Mais après 2011, comment quiconque peut honnêtement dire que la société civile n’est pas une caractéristique du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord et, j’ajouterais, propre au monde entier ? Nous savons que les changements durables sont apportés de l’intérieur. Les sociétés doivent définir elles-mêmes leur avenir. La communauté internationale peut toutefois fournir les outils qui permettront à ces sociétés d’atteindre leurs objectifs.

Au moment où les corps législatifs nouvellement élus abolissent les lois visant à restreindre les libertés du citoyen, nous devons continuer d’appuyer collectivement les mesures qui protégeront et favoriseront le développement de la société civile, conformément aux normes internationales des droits de l’homme relatives à la liberté d’association, de réunion et d’expression. Personne au Moyen-Orient n’est à l’abri des exigences de changement dont nous sommes témoins. Lorsqu’un pays comme l’Iran se prétend le chantre de ces principes dans la région alors qu’il réprime brutalement ses propres citoyens et soutient la répression en Syrie et dans d’autres endroits, son hypocrisie est manifeste aux yeux de tous.

Le Président Obama et moi-même sommes depuis toujours convaincus que les Palestiniens, comme tous leurs voisins dans le monde arabe, les Israéliens et les autres peuples, méritent de jouir de la dignité et de la liberté et du droit de décider de leur propre avenir. Ils méritent un État palestinien viable et indépendant, aux côtés d’un État israélien vivant dans la sécurité. Des décennies passées dans les couloirs de la diplomatie nous ont appris que l’on ne peut y parvenir qu’au moyen d’une paix négociée, qui ne saurait dépendre des diktats de l’étranger et que nous continuerons de rechercher par toutes les voies productives, comme, par exemple, les consultations tenues par le Quatuor ce matin.

Je voudrais également condamner énergiquement les tirs de roquettes visant le sud d’Israël depuis Gaza, lesquels se sont poursuivis ce week-end. Nous appelons les auteurs de ces tirs à prendre des mesures immédiates pour mettre un terme à ces attaques. Nous appelons les deux parties – toutes les parties – à tout mettre en œuvre pour rétablir le calme.

Enfin, nous devons absolument reconnaître que les décisions les plus lourdes de conséquences seront celles qui seront à prendre dans les mois qui viennent. Il incombe aux peuples et aux dirigeants de la région de ne pas céder au chant des sirènes démagogues, de s’engager sur la voie du compromis et de nouer des coalitions, de garder confiance dans leurs systèmes même en cas de défaite aux élections, et de défendre les principes et institutions qui, en définitive, seront là pour les protéger. Chaque démocratie doit se garder de ceux qui sont prêts à détourner les libertés pour servir leurs intérêts infâmes. La construction de sociétés démocratiques prospères ne saurait se faire en un jour, ni en une semaine, ni même en un an. C’est un engagement constant, que nous partageons. En tant que communauté des nations, nous devons aider les peuples du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord à profiter au maximum des droits et des libertés pour lesquels ils ont tant risqué.

M. Portas (Portugal) (parle en anglais)  : Je vous remercie, Monsieur le Président, d’avoir organisé le présent débat, si important, si approprié et si opportun. Je remercie également le Secrétaire général de son importante déclaration.

Les soulèvements populaires qui ont donné lieu à ce que l’on a appelé le Printemps arabe représentent un bouleversement politique mondial jamais observé depuis la chute du mur de Berlin. Bien qu’imprévus, ces changements ont confirmé une vieille règle politique : l’incapacité à réformer pousse à la révolution. Les dirigeants politiques qui n’ont plus la notion de l’histoire finissent systématiquement du mauvais côté de cette dernière. Pendant trop longtemps, le monde a toléré les régimes autocratiques, fermant les yeux sur la répression de leurs propres citoyens dont ils se rendaient coupables, et faisant la sourde oreille aux appels à la liberté et au respect des droits fondamentaux.

Les soulèvements en Tunisie et en Égypte ont ébranlé les fondations de ce modèle, et le massacre notoire perpétré à Benghazi a incité la communauté internationale à agir pour défendre les valeurs et les objectifs des Nations Unies. Ces processus ont été lancés par les populations elles-mêmes. Survenant 10 ans après les attentats du 11 septembre, ils n’ont pas été initiés par l’extérieur, ni par Al-Qaida, ce qui, politiquement, est lourd de sens.

Ce qui est en train de se produire dans tout le monde arabe représente une occasion unique en son genre tant pour les pays de la région que pour le reste du monde. Ces pays ont la possibilité d’élire des gouvernements démocratiques, de promouvoir l’état de droit, de protéger et de défendre les droits de l’homme, de valoriser le rôle des femmes, de respecter les minorités et de réaliser un progrès économique et social généralisé.

La communauté internationale doit aussi saisir cette chance de servir les principes des Nations Unies que nous partageons tous et, par là-même, de renforcer les conditions d’un ordre mondial plus pacifique, plus prospère et plus stable. Pour ce faire, nous devons nous fixer des objectifs et des principes clairs, tout en évitant de reproduire de vieilles erreurs. Je voudrais évoquer certains des principes qui éclairent la perspective portugaise.

Premièrement, il est essentiel que les peuples concernés conservent la mainmise sur le processus. Nous assistons à des mouvements nés localement et dirigés par la population locale, des mouvements motivés par le courage et la volonté de changement de ces sociétés. Nous devrions nous inspirer humblement de leur exemple et les écouter, les comprendre et leur apporter, au besoin, notre aide.

Deuxièmement, chaque pays est un cas particulier et doit relever des défis différents. Nous devons tenir compte des différences. Il n’existe pas de modèle universel.

Troisièmement, nous devons résister à la tentation d’exporter nos modèles politiques. Si les droits de l’homme sont universels, les modèles politiques, eux, sont spécifiques. C’est aux électeurs de chaque pays de choisir leur propre avenir, et nous devons accepter sans réserve les résultats de processus électoraux crédibles, réguliers et transparents.

Quatrièmement, nous devons admettre que la participation de partis islamiques dans les gouvernements fait partie intégrante du processus politique. Dans les sociétés démocratiques, les partis politiques sont jugés par les populations à l’aune de leur efficacité et de leur capacité à satisfaire les attentes de leurs concitoyens.

Cinquièmement, la liberté de religion est un facteur fondamental de la dignité humaine. Nous ne devons pas juger les autres sur la base de nos propres convictions religieuses, sociales ou culturelles, et nous attendons des autres qu’ils ne jugent pas non plus. Nous devons faire la distinction entre foi et fanatisme.

Sixièmement, la construction d’une société démocratique demande du temps et de la patience. Elle suit une voie faite de tensions et, souvent, de contradictions. Les Portugais eux-mêmes en ont fait l’expérience il y a plusieurs décennies.

Enfin, la grande diversité institutionnelle, culturelle, ethnique et spirituelle de plusieurs des sociétés en proie actuellement à ces bouleversements historiques peut être un facteur de tensions spécifiques et de problèmes sur le plan de la sécurité. De ce fait, la cohésion sociale et l’intégrité territoriale de ces pays doivent être au cœur de nos préoccupations.

Nous ne pouvons que regretter que la situation ait manifestement viré à la tragédie dans un pays : la Syrie. Tout comme en Tunisie, en Égypte, en Libye ou au Yémen, le peuple syrien a pacifiquement demandé le respect légitime de ses droits fondamentaux. Néanmoins, l’implacable campagne de répression orchestrée contre la population civile de Syrie se poursuit en ce moment même. Depuis un an maintenant, des femmes, des hommes et des enfants ont été aveuglément massacrés par les forces de sécurité de leur propre État. Les droits de l’homme, y compris le droit de bénéficier d’une assistance humanitaire, sont systématiquement bafoués à grande échelle.

La communauté internationale a fait savoir haut et fort, par le biais de l’Assemblée générale, du Conseil des droits de l’homme et du Groupe des amis de la Syrie, dont les membres sont nombreux et divers, qu’elle condamnait ces actions. Le régime d’Al-Assad continue de faire la sourde oreille à ces appels. Des réformes ont certes été promises, mais aucune n’a été mise en œuvre de manière crédible.

Nous regrettons que le Conseil de sécurité n’ait pas encore réussi à adopter une position énergique et unie pour mettre un terme à cette violence et ouvrir la voie à un processus politique dirigé par la Syrie, qui reflète les propositions de la Ligue des États arabes. Combien de milliers de morts faudra-t-il encore avant que le Conseil s’acquitte de ses responsabilités ? Combien de temps allons-nous rester silencieux alors que le régime syrien propulse son pays vers un conflit sectaire sanglant, voire une guerre civile ?

Avec la nomination exceptionnelle de M. Kofi Annan, ancien Secrétaire général et prix Nobel de la paix, en tant qu’Envoyé spécial conjoint des Secrétaires généraux de l’Organisation des Nations Unies et de la Ligue des États arabes, la communauté internationale fait montre de sa volonté de mettre un terme à la souffrance du peuple syrien. Sa mission est la dernière chance d’empêcher la Syrie de sombrer dans une guerre civile.

Par conséquent, j’en appelle au Conseil et particulièrement à tous ses membres afin qu’ils montrent publiquement un front uni et appuient pleinement M. Annan et les objectifs qu’il a énoncés, conformément à la résolution de l’Assemblée générale (résolution 66/253), en vue de la cessation de toutes les violences, d’un accès sans entrave de l’aide humanitaire et du lancement d’un processus politique sans exclusive dirigé par les Syriens.

Les profonds changements qui se produisent partout dans le monde arabe rendent encore plus urgent un règlement de la question israélo-palestinienne. Les Palestiniens ont droit à leur propre État, indépendant et vivant en paix et en sécurité aux côtés d’Israël. Les Palestiniens se sont bien préparés à gérer pleinement et efficacement leur propre État, comme l’a reconnu la communauté internationale dans son ensemble. La réalisation des ambitions légitimes des deux camps passe nécessairement par des négociations sérieuses et crédibles entre les deux parties, qui prennent en considération les préoccupations légitimes de chacune d’entre elles.

Nous savons tous que la solution réside dans le cadre des paramètres choisis. C’est la volonté politique qui fait défaut. Nous avons besoin de mesures concrètes et tangibles permettant de ramener Israéliens et Palestiniens à la table de négociations aux fins d’un dialogue sur le fond et de la fixation d’un calendrier précis, comme le proposent le Quatuor pour le Moyen-Orient et l’Initiative de paix arabe. Les Européens ont une responsabilité particulière dans ce contexte et nous devons jouer un rôle actif pour sortir de l’impasse actuelle. Les tensions s’accumulent et le temps presse. Si l’on veut éviter un nouveau regain de tensions, les deux parties et la communauté internationale doivent agir sans tarder.

Les activités de peuplement incessantes, les démolitions de logements palestiniens et le déplacement de populations innocentes se poursuivent. C’est illégal. Cela met à mal les institutions et les autorités palestiniennes. Les sentiments d’amertume s’accroissent et tous les ingrédients sont réunis pour une conflagration. Nous en appelons à Israël afin qu’il cesse ces activités, qui mettent en péril la viabilité de toute solution politique décidée en concertation. Israël a des préoccupations légitimes de sécurité, mais elles ne peuvent être pleinement et efficacement prises en compte qu’à travers une solution négociée.

Le Portugal s’est engagé à collaborer avec nos voisins et amis les pays arabes, auxquels nous sommes liés par des siècles de fréquentation, d’histoire commune et d’objectifs conjoints. Nous agirons de façon bilatérale et dans le cadre de l’ONU et de l’Union européenne. La tâche qui nous attend est énorme mais je suis convaincu qu’ensemble, nous l’emporterons sur la voie de la liberté, de la justice et de la démocratie.

M. Westerwelle (Allemagne) (parle en anglais)  : Monsieur le Président, je tiens à vous remercier de cette initiative et de votre impulsion. Je voudrais également remercier le Secrétaire général de son exposé.

Le changement s’est imposé au monde arabe. Il s’est imposé parce que les peuples de la région, en particulier les jeunes, se sont mobilisés pour la liberté, pour une voix au chapitre, et pour la dignité. Je tiens à féliciter les peuples de Tunisie, d’Égypte, de Libye, ainsi que du Maroc, du Yémen et de la Jordanie, pour les progrès qu’ils ont accomplis, chacun à sa manière.

La Ligue des États arabes a répondu aux appels à la réforme. Nous saluons le rôle constructif qu’elle a joué au cours des 12 derniers mois.

Les changements survenus dans le monde arabe traduisent un début de mondialisation des valeurs. Partout dans le monde, les gens revendiquent leurs droits fondamentaux universels. Les valeurs de l’ONU gagnent du terrain. Nous n’en sommes qu’au commencement, mais à long terme, tous les peuples de la région en bénéficieront. Tout comme nous, leurs voisins de l’Union européenne. En tant que voisins, nous sommes prêts à apporter notre aide.

L’Allemagne a décidé sans tarder d’aider les pays en transition. Notre soutien est fondé sur trois principes. Premièrement, les réformes doivent venir de l’intérieur. Nous sommes prêts à appuyer les pays qui optent pour le changement démocratique. Deuxièmement, il n’y a pas deux pays similaires dans le monde arabe. Chaque pays doit choisir sa propre voie et trouver son propre rythme. Enfin, nous savons que la voie de la démocratie n’est pas une ligne droite. Il s’agit d’un parcours difficile, qui exige de la patience et de la persévérance.

La liberté et la démocratie exigent des perspectives économiques prometteuses. Nous avons proposé des partenariats pour la transformation de tous les pays concernés. Nous sommes prêts à les appuyer avec notre savoir-faire, nos investissements et l’ouverture de nos marchés en Europe. Notre appui international devrait se concentrer sur l’éducation. Une bonne éducation pour les jeunes est la clef de toute réussite économique future.

Dans le monde occidental, nombreux sont ceux qui craignent la montée de l’islam politique. Toutefois, l’idée que l’islam et la démocratie sont incompatibles est erronée. Nous avons engagé le dialogue avec des partis islamiques démocratiques.

Nous sommes prêts à respecter les transitions culturelles. En même temps, nous attendons des engagements clairs en faveur des droits de l’homme, de la primauté du droit, d’une société pluraliste, du respect des minorités, de la tolérance religieuse et de la paix à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières nationales.

Les femmes ont été le fer de lance du changement dans la région et nous exhortons tous les partenaires en transition à en renforcer les droits.

Les changements intervenus dans la région ont rendu encore plus urgente la nécessité d’avancer vers la solution des deux États pour Israël et la Palestine. C’est pourquoi je me félicite de la réunion, aujourd’hui, des principaux responsables du Quatuor. Toutes les parties doivent tout mettre en œuvre pour apaiser les tensions et prévenir une escalade sur le terrain. Je suis profondément préoccupé par la flambée de violence autour de Gaza. Les tirs à la roquette contre des populations innocentes sont inadmissibles et doivent cesser.

Le programme nucléaire iranien est un défi à la stabilité de la région et au régime international de non-prolifération. Un Iran doté de l’arme nucléaire n’est pas tolérable.

Les gouvernements des E3 +3 et l’Iran ont exprimé leur volonté d’engager des pourparlers. Nous voulons une solution politique et diplomatique, et nous travaillons dans ce sens. Il y a encore place pour la diplomatie. Indépendamment de la question nucléaire, nous ne pourrons pas oublier que le régime iranien n’a pas voulu répondre aux revendications légitimes de son peuple.

Au Yémen, l’élection du Président Al-Hadi marque une étape importante dans la transition politique. Je me suis rendu à Sanaa il y a deux jours. Le Yémen doit toujours faire face à d’immenses défis, mais il se trouve aujourd’hui dans une situation bien meilleure qu’il y a un an. Aujourd’hui, il existe une réelle chance de parvenir à la réconciliation nationale. Le peuple yéménite mérite tout notre appui.

Nous nous félicitons de la passation pacifique du pouvoir. Le Conseil de coopération du Golfe a joué un rôle clef à cet égard. Tout comme le Conseil de sécurité et le Secrétaire général, Ban Ki-moon. Grâce à ces efforts conjoints, le processus de transition dirigé par les Yéménites a pu aboutir. À bien des égards, l’exemple du Yémen peut servir au Conseil de modèle de transition politique et de règlement des conflits.

Cette semaine marque l’anniversaire du début des manifestations pacifiques en Syrie. Dès le départ, l’Allemagne a appelé le Conseil de sécurité à agir. Il y a eu bien des débats sur la Syrie au sein du Conseil, et pourtant celui-ci n’a pas été en mesure de faire face à ses responsabilités. Des manifestations pacifiques ont été réprimées dans le sang et d’horribles violences. Parmi les 8 milliers de morts, on compte des centaines d’enfants. Cette violence doit cesser, et elle doit cesser maintenant.

Nous avons vu avec admiration croître le nombre de ceux qui, en Syrie, risquent chaque jour leur vie pour un avenir meilleur. Le peuple syrien surmonte la peur chaque jour, face à une répression et une violence généralisées. Leur courage naît tant de l’espoir que du désespoir. Faisons en sorte, ici au Conseil de sécurité, de leur donner plus de raisons d’espérer que de désespérer.

L’Allemagne n’a eu de cesse d’œuvrer en faveur d’une solution politique. Il nous faut empêcher une autre escalade. On a perdu trop de temps. Il y a, à nos yeux, trois priorités. Premièrement, la fin de la violence ; deuxièmement, un accès immédiat et sans entrave de l’aide humanitaire ; et, troisièmement, un processus de transition pacifique dirigé par les Syriens sur la base des décisions de la Ligue des États arabes.

J’ai la ferme conviction que seul le peuple syrien lui-même peut décider de son avenir. Il a exprimé sa volonté de le faire tout au long des 12 derniers mois, et nul ne saurait douter de son aspiration au changement. Nous tendons notre main à tous ceux qui œuvrent pour le changement pacifique et démocratique, le Conseil national syrien plus particulièrement. Dans une Syrie nouvelle, tous les Syriens doivent pouvoir jouir de tous leurs droits, quelle que soit leur appartenance politique, ethnique et religieuse et sans distinction de sexe.

Je voudrais saisir cette occasion pour remercier le Secrétaire général Ban Ki-moon, la Ligue des États arabes, l’Envoyé spécial conjoint, M. Kofi Annan, la Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Mme Navanethem Pillay, et Mme Valerie Amos de leurs efforts inlassables. Au Conseil, dans d’autres organes de l’ONU, à l’Union européenne et avec ses partenaires animés du même esprit dans le Groupe des amis du peuple syrien, l’Allemagne continuera d’œuvrer afin que des mesures soient prises. Envoyer un message fort et prendre des mesures efficaces : c’est ce que nous devons au peuple syrien. Nous le devons au peuple, nous le devons aux enfants, aux familles et aux victimes. La crédibilité du Conseil en dépend ; c’est la seule façon pour le Conseil d’être à la hauteur de la responsabilité qui lui a été confiée par la Charte.

M. Menan (Togo) : Monsieur le Président, je voudrais, avant tout, remercier le Royaume-Uni d’avoir organisé le débat de ce jour, qui nous offre une occasion spéciale pour examiner la situation au Moyen-Orient, sous l’angle des revendications des masses populaires et des mutations qui s’y opèrent. Je remercie le Secrétaire général de son exposé et salue la présence, ici, des ministres qui, en faisant ce déplacement, entendent montrer l’importance qu’ils accordent à la question sous examen.

Il y a un peu plus d’un an, lorsque, en réaction à un acte d’un policier, qu’on pourrait qualifier d’anodin, un jeune Tunisien a choisi de s’immoler par le feu pour extérioriser sa colère, mieux, son désespoir de continuer à vivre dans une société où l’inégalité se fait de plus en plus de la place, une société où se côtoient l’opulence insolente et la pauvreté rampante.

Cet acte est le détonateur des mutations profondes qui s’opèrent dans certains États arabes. Il s’agissait, en réalité, d’une révolution comparable à celle de la France de 1789, et dont Hegel disait qu’ « elle fut un splendide lever de soleil ». En effet, de la Tunisie à Bahreïn en passant par l’Égypte, la Libye, le Yémen et la Syrie, la jeunesse s’est levée comme un seul homme pour réclamer plus de justice, plus d’égalité et une meilleure répartition des richesses du pays. En un mot, elle réclamait la démocratie.

Surpris par l’ampleur de cette révolte inédite, certains chefs d’État ont été amenés à quitter le pouvoir. Toutefois, cela n’a pas suffi à rétablir le calme, car, en réalité, la finalité de ces mouvements populaires de la jeunesse est l’édification d’une nouvelle société démocratique. Si le départ d’un dirigeant peut s’obtenir au bout de quelques mois, la mise en place d’une telle société démocratique requiert plus de temps et des sacrifices à consentir.

Les défis que recèle la présente situation au Moyen-Orient sont nombreux, mais elle offre aussi de grandes opportunités pour les peuples de la région. Les défis, c’est de reconstruire ces pays où la justice, l’égalité et les droits de l’homme sont désormais les fondements. Dans cette perspective, le rétablissement de la paix, la sécurité et l’unité nationale sont en réalité les premiers défis à relever. Cette situation est davantage compliquée par la circulation incontrôlée des armes, la floraison de milices armées, les actes de vengeance et de règlement de comptes, le refus de désarmer, qui aggravent d’autant l’insécurité et l’instabilité dans les pays et régions concernés.

Un autre défi à relever se rapporte à l’humanitaire. Dans les pays où la révolution a lieu, des milliers de personnes ont dû fuir leurs maisons pour se réfugier plus loin à l’intérieur du pays ou dans les pays voisins. Cette situation appelle à l’aide humanitaire urgente qui n’est pas souvent facile à mobiliser ou à déployer en raison des difficultés d’accès aux zones sinistrées. Ici intervient le concept de responsabilité de protéger, qu’il importe de définir clairement pour sa mise en œuvre dans des situations où les droits de l’homme sont massivement violés.

Au-delà de ces défis, il y a lieu de dire que les bouleversements dans le monde arabe offrent des opportunités. Certaines d’entre elles, et de loin les plus importantes, sont la liberté d’expression, le choix des dirigeants par le peuple et la participation des différentes composantes de la société à la gestion des affaires publiques. Les révolutions au Moyen-Orient rappellent l’importance qu’il y a à instaurer une bonne gouvernance politique et économique qui favorise le développement.

Parce que ces révolutions procèdent du chômage d’une jeunesse pourtant bien fоrméе, de la pauvreté galopante, de la flambée des prix des produits de première nécessité, de la déficience de l’appareil judiciaire, de l’abus de pouvoir et de la corruption, elles offrent des opportunités pour les nouveaux dirigeants de ces pays, et pour ceux d’ailleurs, de placer l’homme au centre du développement. Il y a lieu de travailler, dans un esprit d’ouverture et de complémentarité, à la création de conditions propices à ce développement.

Cependant, il est certain qu’à eux seuls, les nouveaux pays démocratiques ou ceux-là qui sont en voie de l’être ne sauraient se reconstruire. Il faut les accompagner sur ce chemin en leur apportant une aide économique substantielle. Celle-ci pourrait les aider à offrir à leurs sociétés un nouveau mode de vie qui éviterait aux jeunes de recourir à des actes de désespoir. Au demeurant, l’édification d’une société démocratique devrait s’accompagner de meilleures conditions de vie pour les populations. Les revendications populaires du monde arabe sont désormais entrées dans l’histoire. Comme tout élan de liberté, elles constituent un pari, et, comme tout pari, elles devraient être bien accompagnées.

M. Loulichki (Maroc) (parle en arabe) : Je voudrais tout d’abord vous remercier, Monsieur le Président, d’avoir organisé ce débat au niveau ministériel consacré aux difficultés que rencontre la région du Moyen-Orient et les possibilités qu’ont ses peuples de vivre une vie digne dans la paix et la stabilité et dans le respect des droits de l’homme et de l’état de droit. Nous saluons également la présence et la participation du Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, aux délibérations d’aujourd’hui.

Les mutations qu’a connues dernièrement le monde arabe ont permis l’avènement d’une nouvelle ère, où les peuples ont désormais la possibilité de décider de leur destin, d’influencer la prise de décisions politiques et de contribuer à la construction de leur présent et de leur avenir. Ces mutations si différentes dans leur portée, leur profondeur et leurs méthodes sont riches en aspects positifs et en acquis, le plus important étant la naissance d’un espoir réel de surmonter les obstacles du passé et d’aspirer à un avenir dans lequel tous les secteurs et toutes les couches de la société pourront participer à la mise en place d’institutions respectueuses de la volonté populaire et jeter les fondements de la démocratie.

Personne ne devrait sous-estimer les défis auxquels le Moyen-Orient est confronté. Lorsque nous les examinons, nous nous devons de traiter de la crise qui a jeté son ombre sur toute la région et qui connaît, depuis quelques jours, une escalade dangereuse. La menace la plus importante et la plus dangereuse qui pèse sur la stabilité et la sécurité au Moyen-Orient est incarnée par la politique d’occupation et de colonisation d’Israël, en violation de la légitimité internationale, des accords signés et des principes fondateurs du processus de paix.

L’impasse dans laquelle se trouvent les négociations israélo-palestiniennes, en dépit des efforts internationaux répétés et de l’accélération par Israël de ses activités de peuplement, notamment à Jérusalem, de la construction du mur et du siège de la bande de Gaza sont la source d’un sentiment de frustration et de désespoir qui menace la sécurité et la stabilité de toute la région. Le défi immédiat et urgent que le Conseil de sécurité doit relever, c’est de faciliter la reprise des négociations dans l’optique d’une solution juste et globale, et ce, le plus rapidement possible.

La communauté internationale, et en particulier les États influents, a un rôle important et déterminant à jouer pour influer sur les parties et activer la solution des deux États dans le contexte d’une paix complète, juste et globale qui garantirait la naissance d’un État palestinien viable, ayant Jérusalem-Est pour capitale, ainsi que la paix et la sécurité pour tous les peuples de la région sans exception.

Dans la région du Maghreb arabe, une ère nouvelle a commencé dans le pays frère qu’est la Tunisie, et la roue du changement s’achemine vers la démocratie et un État doté d’institutions juridiques, un État auquel participent tous les secteurs de la société. La Tunisie est devenue un nouveau participant actif dans l’édification de la coalition du Maghreb arabe que nous appelons tous de nos vœux.

Quant à la Libye, ce pays frère, quels que soient les défis et les difficultés auxquels se heurte son peuple du Maghreb arabe dans sa transition, personne ne peut nier que le peuple libyen se porte aujourd’hui beaucoup mieux que depuis 40 ans. Il a désormais la volonté, les ressources et les compétences qui permettront à la Libye de tourner une nouvelle page de son histoire contemporaine et d’édifier un État démocratique unifié et consolidé. Le peuple libyen est sorti vainqueur et libéré, grâce non seulement à son courage et à sa détermination à un moment difficile, mais grâce aussi à l’appui inlassable et opportun de la communauté internationale, et plus particulièrement de la Ligue des États arabes et du Conseil de sécurité.

C’est avec un grand optimisme et avec la détermination de surmonter tous les obstacles que le peuple frère d’Égypte traverse une série de transformations avalisées par ses forces nationales. Nous sommes convaincus que le génie et l’histoire de ce peuple lui permettront de régler tous les problèmes et de réaliser ses aspirations à la liberté, la démocratie et la justice sociale.

À cet égard, nous saluons l’approche pacifique adoptée par le pays frère du Yémen pour assurer une passation des pouvoirs ordonnée, conformément à la bonne mise en œuvre de l’initiative des pays arabes du Golfe, avec l’aide de l’ONU.

En même temps, nous déplorons la tragédie que subit le peuple frère de Syrie depuis un an, laquelle risque de déboucher sur une guerre civile aux conséquences désastreuses. Le Maroc salue la nomination de M. Kofi Annan comme Envoyé spécial conjoint de l’Organisation des Nations Unies et de la Ligue des États arabes. Nous espérons que ses efforts permettront de mettre fin à la violence, faciliteront l’accès humanitaire et jetteront les bases à l’ouverture d’une concertation nationale pour la mise en œuvre des résolutions arabes et la garantie de l’intégrité territoriale et de l’unité du pays frère de Syrie. Le Maroc rappelle que le Conseil doit s’exprimer d’une seule voix face à cette situation en mettant en œuvre les résolutions de la Ligue des États arabes.

Les réformes lancées par le Maroc il y a 10 ans sous la direction de S. M. Mohammed VI ont donné un élan historique à la démocratie et au progrès démocratique réalisés par le Royaume. Elles ont également contribué à créer davantage de libertés individuelles et collectives. Sur la base d’une dynamique interne issue d’une volonté politique nationale, le Maroc a adopté des mesures importantes, dont des réformes constitutionnelles fondamentales, et tenu des élections transparentes qui ont abouti à la formation d’un nouveau gouvernement résolu à lutter contre la corruption, à réformer le système judiciaire et à renforcer le rôle des femmes dans tous les domaines. Nous sommes prêts à continuer à partager notre expérience avec nos frères dans tous nos domaines d’activités, y compris le pluralisme politique, le rôle de la société civile et le renforcement des capacités au service d’un État de droit et d’ordre.

Quelles que soient ses capacités internes, aucun État de notre région ne peut faire face seul aux défis du terrorisme, de la sécession et du développement, ni garantir l’ouverture et la démocratie. Tous les efforts et les résultats nationaux seront donc limités s’ils ne sont pas complétés et renforcés par une coopération régionale fondée sur une histoire partagée, les besoins actuels, et les aspirations à un avenir commun. Une telle coopération renforcerait les peuples de la région en leur donnant les moyens de réaliser l’intégration économique au profit de tous les États. C’est ce que nous espérons accomplir dans la région du Maghreb arabe, qui a connu ces derniers mois des événements positifs et sans précédent qui nous donnent des raisons d’être optimistes. Nous œuvrons tous sans relâche au maintien de cette dynamique afin de relever nombre des défis auxquels nous continuons d’être confrontés, et de faire face aux menaces qui pèsent sur notre sécurité et notre intégrité territoriale. Nous espérons que ces efforts recevront le soutien actif de tous les pays de la région.

Enfin, personne ne peut sous-estimer les difficultés et les obstacles à surmonter pour réaliser les objectifs d’une transition démocratique. Et personne ne saurait sous-estimer non plus l’énergie des peuples arabes ni leur capacité à triompher de ces problèmes, selon les spécificités, les atouts historiques et l’expérience particulière de chacun d’entre eux. La voie du renforcement et de la consolidation de la démocratie sera longue et ardue. Il faudra faire preuve de sagesse et de prévoyance pour instaurer la stabilité nécessaire à la création d’institutions et de structures véritablement démocratiques. La communauté internationale a une grosse responsabilité et un grand rôle à jouer pour garantir le succès de ces efforts et fournir tout l’appui et tous les encouragements nécessaires à chacune des phases de la transition démocratique. Nous espérons que la communauté internationale ne décevra pas les peuples qui attendent cette transition et y aspirent.

M. Li Baodong (Chine) (parle en chinois) : La Chine salue la présence de M. William Hague, Ministre des affaires étrangères et des affaires du Commonwealth du Royaume-Uni, qui préside la séance d’aujourd’hui. Je tiens également à remercier le Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, de sa déclaration.

La situation au Moyen-Orient passe par des changements sans précédent. Certains pays connaissent des troubles. Tout cela est bien sûr une source de préoccupation générale dans le monde entier. L’évolution de la situation au Moyen-Orient a une incidence considérable sur les affaires politiques et économiques mondiales. Faute de stabilité et de développement dans la région, la reprise de l’économie mondiale continuera de tarder à venir et la paix mondiale restera gravement compromise.

Alors que les conséquences de la crise économique et financière internationale se font toujours sentir, les peuples du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, comme les peuples d’autres régions du monde, sont demandeurs de changement et exigent que leurs intérêts soient protégés. Les raisons des troubles et des changements au Moyen-Orient et en Afrique du Nord sont multiples. Pour faire face comme il convient à ces changements, nous devons engager une réflexion rationnelle et adopter une démarche globale et intégrée pour assurer la paix et la stabilité dans la région afin que les exigences de la population soient satisfaites de manière plus efficace et plus ordonnée.

J’axerai mon propos sur quatre points. Premièrement, nous devons respecter les désirs et les exigences des peuples des pays concernés en matière de changement et de développement, tout comme nous devons respecter qu’ils prennent en charge la gestion de leurs affaires intérieures ainsi que le choix de leur propre système politique et leur propre voie de développement. C’est au peuple du Moyen-Orient lui-même qu’il incombe au premier chef de régler les problèmes que connaît la région. Il est maître de son propre destin.

Deuxièmement, nous espérons que les pays de la région exprimeront leurs aspirations politiques par des moyens légaux et non violents, qu’ils régleront leurs différends par le dialogue, la consultation et d’autres moyens pacifiques et qu’ils trouveront des solutions adaptées par le biais de processus politiques ouverts. Nous prions toutes les parties d’éviter la violence et l’affrontement militaire et de faire le nécessaire pour la stabilité et le retour à la normale sur le plan social aussi tôt que possible.

Troisièmement, nous devons nous conformer aux buts et principes consacrés par la Charte des Nations Unies et aux normes de base qui régissent les relations internationales, et nous devons respecter la souveraineté, l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale des pays de la région. La communauté internationale peut fournir l’assistance constructive nécessaire aux pays qui s’efforcent de régler leurs crises internes par des moyens politiques, mais la Chine s’oppose à toute tentative de forces extérieures tendant à engager des interventions militaires ou à provoquer des changements de régimes. Les sanctions ou la menace de sanctions ne sont pas de nature à permettre de régler correctement ces problèmes.

Quatrièmement, les résolutions du Conseil de sécurité doivent être strictement et intégralement mises en œuvre. Aucune partie ne saurait les interpréter à sa guise, et encore moins prendre des mesures qui dépassent la portée des mandats du Conseil. La protection des civils doit se faire dans le respect du droit international humanitaire et du droit international y relatif, sans motivations ou fins politiques. La Chine s’oppose à toute ingérence dans les affaires intérieures d’un État au nom de l’humanitarisme.

Comme toujours, la Chine demeure fermement attachée aux justes causes arabes, notamment les exigences légitimes du peuple palestinien concernant le rétablissement de ses droits nationaux légitimes. La Chine appuie la création d’un État palestinien sur la base des frontières de 1967, jouissant de la pleine souveraineté et de l’indépendance, ayant pour capitale Jérusalem-Est, dans l’optique à terme d’une coexistence pacifique entre les deux pays de Palestine et d’Israël.

Le processus de paix au Moyen-Orient est actuellement dans l’impasse. On a enregistré une nouvelle recrudescence des tensions la semaine dernière à Gaza. La Chine est profondément préoccupée par cette situation. Toute stagnation ou revers dans les pourparlers de paix israélo-palestiniens ne peut que provoquer un regain de troubles et de conflits. Plus il y a de conflit et plus la situation devient sombre, plus la communauté internationale doit intensifier ses efforts diplomatiques et promouvoir une reprise rapide des pourparlers entre les deux parties. La Chine apprécie à leur juste valeur les efforts déployés par le Quatuor pour le Moyen-Orient. Nous sommes favorables à ce que M. Annan joue un rôle plus important aux fins du rétablissement de la paix au Moyen-Orient.

La Chine a récemment fait une proposition en six points visant à régler la question syrienne. Nous prions le Gouvernement syrien et toutes les parties concernées de mettre fin à toute violence, d’engager immédiatement un dialogue politique ouvert et d’adopter, à l’issue de consultations, puis de mettre en pratique le plus tôt possible une feuille de route détaillée et globale et un calendrier en vue de la réforme. Les parties concernées au sein de la communauté internationale doivent respecter la souveraineté, l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale de la Syrie et créer des conditions propices à des pourparlers entre les partis politiques syriens.

La crise en Syrie est très complexe. Les efforts de médiation politique n’aboutiront pas du jour au lendemain. Nous devons toutefois persévérer et ne pas relâcher nos efforts. À cette fin, la Chine a envoyé à plusieurs reprises des envoyés spéciaux chargés d’entrer en contact avec les parties syriennes et de promouvoir des pourparlers politiques.

La Chine est favorable à un rôle constructif de l’Envoyé spécial conjoint de l’ONU et de la Ligue des États arabes, M. Annan, dans le règlement politique de la crise syrienne. Nous appuyons les efforts vigoureux que déploient les pays arabes et la Ligue des États arabes pour trouver une solution politique à la crise syrienne. Nous apprécions et saluons le voyage récent effectué par M. Annan en Syrie. Nous prions la communauté internationale de veiller à créer et maintenir des conditions favorables à la tenue de la mission de bons offices de M. Annan.

Aucun intérêt chinois n’est en jeu en ce qui concerne la question syrienne. Nous n’avons de préférence pour aucune partie en particulier, et nous ne tenons pas non plus à nous opposer à l’une quelconque des parties. La Chine se conforme aux buts et principes consacrés par la Charte des Nations Unies et respecte la souveraineté syrienne et les choix du peuple syrien. Aucune partie extérieure ne doit engager d’intervention militaire en Syrie ou tenter de provoquer un changement de régime.

La Chine est favorable à un rôle directeur de l’ONU dans la coordination des secours humanitaires pour contribuer à atténuer les problèmes humanitaires dans certaines régions de la Syrie. Par le biais du Comité international de la Croix-Rouge, la Chine va contribuer à hauteur de 2 millions de dollars aux secours humanitaires d’urgence fournis au peuple syrien.

En tant que membre permanent du Conseil de sécurité, la Chine se tient prête à assumer pleinement ses responsabilités, en consultant patiemment et pleinement toutes les parties, sur un pied d’égalité, et en s’efforçant de susciter un règlement politique rapide de la crise syrienne.

M. Hardeep Singh Puri (Inde) (parle en anglais)  : Je tiens, pour commencer, à vous souhaiter la bienvenue, Monsieur le Ministre, ainsi qu’aux autres ministres venus aujourd’hui se joindre au Conseil de sécurité. Je tiens à remercier la délégation du Royaume-Uni d’avoir organisé le présent débat pour examiner l’évolution de la situation en Asie occidentale et en Afrique du Nord au cours de l’année écoulée. Je remercie également le Secrétaire général, ainsi que vous-même, Monsieur le Président, et les autres orateurs des utiles déclarations prononcées aujourd’hui. Nous avons écouté avec attention les vues exprimées et espérons que les délibérations d’aujourd’hui aideront la communauté internationale à montrer davantage de coordination et de consensus face aux graves problèmes que pose la tournure des événements dans la région et au-delà.

Depuis maintenant plus d’un millénaire, les sociétés d’Asie occidentale et d’Afrique du Nord jouent un rôle important dans l’histoire mondiale. Grâce au génie de leurs peuples, à leur situation géographique stratégique et, plus récemment, à leurs ressources naturelles, ces sociétés ont suscité un intérêt considérable à grande échelle. Au fil des siècles, les pays de la région ont noué des liens socioéconomiques stratégiques multiples avec le reste du monde. La tournure des événements dans la région a des répercussions au niveau régional et au-delà, et intéresse évidemment la communauté internationale.

Les liens qui relient l’Inde et le monde arabe sont sans équivalents et remontent à la plus haute antiquité historique et culturelle. L’influence du monde arabe et islamique sur l’Inde même, profonde et immense, a donné naissance à une culture composite qui est riche par sa diversité et durable par son unité fondamentale. Cette région a accueilli dans son giron plus de 6 millions d’Indiens, et est le berceau de relations économiques et commerciales parmi les plus importantes que nous ayons. Elle est également notre principale source d’énergie qui, parce qu’elle est située dans la région avoisinante, est d’une importance décisive pour l’Inde.

Les troubles en Asie occidentale et en Afrique du Nord, qui ont commencé il y a plus d’un an, trouvent leur origine dans le désir des populations de jouer un plus grand rôle dans le choix de leurs propres destinées politiques et économiques. On ne saurait répondre à ces aspirations par la violence ou la lutte armée, et une solution ne peut procéder de préceptes imposés de l’extérieur. De fait, compte tenu de ce passé d’ingérence étrangère, non seulement de telles injonctions ne peuvent qu’être perçues comme suspectes par différentes composantes de la société mais en outre elles risquent d’aggraver la situation.

Face à la situation en Asie occidentale et en Afrique du Nord, la communauté internationale se doit de recourir à tous les moyens diplomatiques dont elle dispose et d’être présente aux côtés des pays concernés pour les aider à opérer la transition vers un régime politique ouvert et participatif tout en préservant la stabilité et la cohésion sociales. La nature précise des doléances variant d’un pays à l’autre, il n’existe pas d’ensemble de mesures applicables à tous. Les solutions aux problèmes de chaque pays doivent tenir compte des conditions particulières à chaque société et du génie de son peuple. Néanmoins, il est certain que ces solutions ne sauraient passer par une intervention militaire ou la fourniture d’armes à la population civile. Ce type de stratégie ne peut que faire couler plus de sang, accroître l’instabilité et engendrer de nouvelles marginalisations. Elle risque également d’alimenter l’extrémisme et l’intolérance, lourds de conséquences pour la région et au-delà.

Je rappellerai que le père de la nation indienne, le Mahatma Gandhi a dit : « la plus grande force dont puisse disposer l’humanité est la non-violence ». Au cours de l’année écoulée, nous avons d’ailleurs constaté que partout où des changements ont été apportés sans violence, non seulement le retour à la normale s’est fait plus rapidement mais ces changements ont été acceptés par l’ensemble de la société. Nous considérons donc que les responsables politiques des pays d’Asie occidentale et d’Afrique du Nord concernés doivent résoudre leurs problèmes dans le cadre de processus politiques internes sans exclusive qui répondent aux aspirations de leur peuple, dans un climat exempt de violence et d’effusions de sang. Les principes de souveraineté nationale, d’indépendance politique et d’unité et d’intégrité territoriales doivent être respectés.

La communauté internationale doit, y compris sous l’égide de l’ONU, exercer des pressions diplomatiques et mettre à disposition une assistance technique dans des domaines tels que la réforme des secteurs politique, de la sécurité et de la justice, l’élaboration de nouvelles constitutions et de nouveaux cadres juridiques, les institutions électorales et la tenue d’élections, entre autres. Toute action fondée sur l’interprétation sélective ou partielle d’un mandat de l’ONU doit être évitée si l’on veut permettre une réconciliation politique à long terme entre les différentes composantes de la société dans le cadre de processus politiques pacifiques et ouverts à tous.

La communauté internationale doit également se mobiliser pour trouver dans les délais les plus brefs possibles une solution au problème en souffrance de la région d’Asie occidentale et d’Afrique du Nord, à savoir le conflit arabo-israélien, y compris le problème israélo-palestinien. On ne peut laisser noyer ce problème dans le brouhaha et les préoccupations liés à d’autres faits survenus dans la région. En dehors même du fait que, faute d’un règlement de ce conflit, les événements en Asie occidentale et en Afrique du Nord ne pourront être gérés comme il se doit, nous courons un important risque de violences si les Palestiniens ont le sentiment d’être marginalisés et d’être désormais complètement livrés à leur sort. Leur contestation risque de se radicaliser tant que des mesures concrètes ne sont pas prises pour mettre fin à l’occupation des territoires arabes, afin que tous les peuples de la région puissent vivre en paix dans leur patrie respective et établir des liens de coopération. En outre, l’appel de la communauté internationale à des réformes démocratiques et politiques paraît vide de sens aux Palestiniens et aux autres populations de la région vivant sous l’occupation. À cet égard, un certain nombre de mesures importantes doivent être prises immédiatement, comme l’arrêt définitif de toutes les activités de peuplement et l’examen favorable au Conseil de la demande d’admission de la Palestine à l’Organisation.

L’Inde, la plus grande démocratie du monde, appuie les mesures prises par les pays de la région pour répondre aux revendications de leur peuple dans un climat exempt de violence et d’effusions de sang. Elle est prête à partager sa propre expérience avec les pays concernés dans le cadre de la mise en place d’institutions politiques démocratiques et plurielles et à travailler en partenariat avec eux dans des domaines tels que l’élaboration de nouveaux cadres constitutionnels et juridiques, la réforme des secteurs judiciaire et de la sécurité, la mise en place d’institutions électorales impartiales et indépendantes pour la tenue des élections, et la mise en valeur des ressources humaines, y compris en matière de formation et d’assistance technique.

L’Inde continuera d’appuyer le Conseil face au problème de l’aide à apporter aux pays d’Asie occidentale et d’Afrique du Nord afin qu’ils mettent en œuvre les réformes politiques nécessaires sans passer par la violence ni violer les droits fondamentaux, et mettent en place un système politique sans exclusive permettant la participation de tous. C’est le seul moyen d’instaurer la paix, la sécurité et la stabilité sur le long terme dans cette région et au-delà.

M. Sangqu (Afrique du Sud) (parle en anglais)  : L’Afrique du Sud sait gré au Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, de son exposé au Conseil. Nous remercions la délégation britannique d’avoir organisé cet important débat. Il est en effet important de faire le point sur les événements considérables qui ont apporté des changements politiques particulièrement importants dans le monde arabe. Surtout, le présent débat est l’occasion d’échanger des idées sur la voie à suivre face aux pays toujours en proie à un conflit ou ayant abordé la phase post-conflit. L’année 2011 restera à jamais gravée dans les mémoires, partout dans le monde, comme l’année des soulèvements arabes, marquée notamment par des manifestations massives et des insurrections armées.

Notre analyse des soulèvements dans les États arabes, dont un grand nombre étaient issus de constructions coloniales résultant des Accords Sykes-Picot, montre que ces manifestations étaient, entre autres choses, un cri en faveur de l’émancipation politique après des décennies de totalitarisme, un cri en faveur d’une répartition équitable des richesses et des pouvoirs, et un cri en faveur de la participation aux processus démocratiques, y compris les processus de gouvernance, et de l’accès à des débouchés économiques.

Il est clair que la patience de ces populations, qui avaient vécu de nombreuses années sous des régimes répressifs, avait atteint ses limites. En effet, le contrat social avait été irréparablement rompu dans ces sociétés. Le Printemps arabe indique clairement à quel point les populations de ces pays aspirent à la liberté, à la démocratie et aux autres droits fondamentaux.

Les cinq volumes du Rapport arabe sur le développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement fournissent des informations instructives sur les causes et les signes avant-coureurs des révolutions arabes. La première édition de ce rapport, publiée en 2002, indiquait que le manque de liberté dans le monde arabe entravait le développement humain et constituait l’une des manifestations les plus douloureuses d’un développement politique à la traîne.

Sept ans plus tard, dans son édition de 2009, ce rapport constatait que quelque 30 % des jeunes étaient au chômage dans les pays arabes, que plus de 50 % de la population était âgée de moins de 24 ans et que 51 millions de nouveaux emplois devraient être créés d’ici à 2020 pour éviter une hausse du taux de chômage. Ces rapports et d’autres rapports analogues auraient dû être un signal d’alarme pour le monde arabe et amener les gouvernements de la région à prendre conscience qu’il fallait répondre aux besoins sociaux, économiques et de développement de la population, et particulièrement des jeunes. Le fait que c’étaient des jeunes, précisément, qui ont été à l’origine de la plupart, sinon de la totalité, de ces soulèvements, ne devrait rien avoir de surprenant.

À l’évidence, dans le monde d’aujourd’hui, marqué par une mondialisation et une intégration rapides, les bouleversements qu’a connus le monde arabe n’ont pas un impact uniquement sur les peuples arabes et ne se limitent pas au monde arabe. Le reste du monde a été touché de nombreuses manières, y compris par la hausse des cours du pétrole, le nombre croissant des réfugiés, la multiplication des armes illicites, et les tensions accrues entre les pays. L’Afrique et le monde arabe étant reliés par un cordon ombilical, le continent africain a subi les effets néfastes des révolutions arabes. À cet égard, nous voudrions humblement faire part des réflexions suivantes.

Premièrement, l’Afrique du Sud est convaincue qu’il est essentiel que les gouvernements respectent la volonté de leurs peuples. Il est donc essentiel que les peuples de la région se voient donner la possibilité de décider de leur avenir. Cet objectif ne pourra être atteint que lorsque les systèmes établis refléteront les aspirations des peuples des divers pays de la région, notamment des femmes et des jeunes.

Deuxièmement, la sécurité et le développement sont interconnectés. Comme l’a reconnu le Conseil de sécurité dans sa déclaration présidentielle en février 2011 (S/PRST/2011/4), le développement est désormais indissociable des délibérations et interventions traditionnellement consacrées à la sécurité. Le Conseil a également reconnu qu’il s’agit là d’une composante essentielle de son mandat au regard du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Nous insistons sur le fait que cela n’implique pas que le Conseil usurpe nécessairement les fonctions de développement exercées par d’autres organes du système des Nations Unies, mais sous-entend qu’il doit tenir compte des aspects sociaux et de développement dans les délibérations qu’il mène conformément au mandat que lui confère la Charte. Compte tenu de l’évolution de la situation au Moyen-Orient et en Afrique du Nord pendant l’année écoulée, une plus grande attention doit être accordée aux défis auxquels les peuples de la région sont confrontés en matière de développement.

Troisièmement, l’Afrique du Sud répète que, selon elle, le Conseil doit consolider ses mécanismes de prévention des conflits en élaborant une stratégie globale de prévention, au cœur de laquelle figurerait le renforcement des dispositifs d’alerte rapide régionaux et des Nations Unies. Nous estimons qu’il est vital que les aspects liés au développement soient eux aussi intégrés dans nos efforts de prévention, de règlement et de gestion des conflits, et de consolidation de la paix après un conflit.

Quatrièmement, dans le contexte de ce que je viens de mentionner, les partenariats avec des institutions financières internationales, notamment avec la Banque mondiale et les structures régionales de développement, sont essentiels pour asseoir les efforts de paix des pays en transition. De même, nous soulignons l’importance d’interventions adaptées à chaque pays et contrôlées par le pays lui-même.

Cinquièmement, à mesure que ces pays poursuivent leur transition vers la démocratie, il est nécessaire de redresser les torts commis dans le passé, par des initiatives visant la réconciliation et la justice transitionnelle. Les efforts de réconciliation doivent être entrepris et appuyés par le Conseil. Il faut se garder de prescrire la façon dont ces efforts doivent être entrepris, car chaque conflit est unique, mais la communauté internationale doit soutenir les peuples de la région dans ce domaine important.

En matière de réconciliation, il convient également de veiller au respect de l’état de droit. En janvier, le Conseil a souligné que l’état de droit doit être universellement instauré et respecté et souligné l’importance de la promotion de l’état de droit et de la justice, facteurs indispensables à une coexistence pacifique (voir S/PV.6705). Les débats ont mis en exergue le lien inextricable entre la promotion de la justice et la réalisation de la paix dans les situations de conflit et d’après conflit.

Enfin, nous alertons la communauté internationale, y compris le Conseil de sécurité, qu’il n’est pas dans les intérêts de la paix et de la sécurité internationales de se saisir du prétexte de la tragédie des peuples arabes pour faire valoir ses propres intérêts ou procéder à un changement de régime. En tant qu’Organisation des Nations Unies, nous devons respecter le même droit international dont nous prétendons être les principaux avocats. De ce fait, l’ONU elle-même et les pays qui mettent en œuvre ses mandats doivent systématiquement respecter le droit international.

Face à ces nombreuses difficultés, il est important de collaborer avec les organisations régionales et sous-régionales qui, le plus souvent, connaissent intimement les tenants et les aboutissants d’un conflit et savent souvent à quelles solutions recourir. Nous avons observé qu’une telle collaboration a produit des résultats positifs au Yémen, et nous espérons qu’elle nous aidera tout autant s’agissant de la situation en Syrie.

Si le Printemps arabe a apporté une lueur d’espoir à de nombreuses personnes dans le monde arabe, il a malheureusement échoué à régler certaines questions de longue date concernant les violations des droits de l’homme et la colonisation. Cela nous évoque le fardeau des peuples du Sahara occidental et de la Palestine, qui aspirent toujours à la liberté malgré les bouleversements politiques et économiques qui se sont emparés de la région.

Pour terminer, l’ancien Secrétaire général Kofi Annan, actuellement Envoyé spécial conjoint en Syrie, a dit – et ses paroles sont toujours d’actualité :

« Il n’y a pas de développement sans sécurité, il n’y a pas de sécurité sans développement, et il ne peut y avoir ni sécurité, ni développement si les droits de l’homme ne sont pas respectés. Si le combat n’est pas livré sur tous les fronts, aucune victoire ne sera possible. » (A/59/2005, par. 17)

Nous faisant l’écho de ces paroles, nous offrons notre appui aux peuples du monde arabe, qui s’emploient à façonner un avenir meilleur pour eux-mêmes. Nous espérons que, au cœur de nos efforts visant à améliorer la vie de ces peuples, c’est l’ambition de créer un environnement au sein duquel les citoyens peuvent vivre en harmonie, s’épanouir et jouir de la vie dans une plus grande liberté, qui nous guidera.

M. Mehdiyev (Azerbaïdjan) (parle en anglais)  : Pour commencer, je voudrais remercier le Royaume-Uni d’avoir convoqué le présent débat sur la situation au Moyen-Orient. Nous saluons la présence à la présente séance importante de S. E. le Ministre britannique des affaires étrangères et des affaires du Commonwealth, William Hague, du Secrétaire général Ban Ki-moon et d’autres éminents participants.

Rechercher un point de départ pour débattre des problèmes auxquels les sociétés du Moyen-Orient doivent faire face, et déduire les possibilités qui pourraient naître de ces difficultés, pourrait se révéler très fastidieux. Je me contenterai donc de dire que la vague de changements qui a déferlé sur la région depuis l’an dernier a spectaculairement modifié la situation sur le plan de la sécurité et le statu quo politique et sociétal de nombre de sociétés du Moyen-Orient, voire au-delà. Les soulèvements qui ont propulsé certains pays de la région sur la voie de la transformation ont fondamentalement changé les caractéristiques qui distinguaient cette région.

Ces changements reflètent les aspirations naturelles des peuples à davantage de liberté et à une participation politique accrue. Dans ce contexte, il convient de saluer et de soutenir la volonté et la détermination des peuples à écrire leur propre avenir, au sein d’États démocratiques, dotés d’institutions publiques opérationnelles et respectant l’état de droit et les droits de l’homme. Nous pensons que des efforts cohérents et inlassables permettront d’atteindre les objectifs fixés.

Parallèlement, en dépit des promesses que recèle le processus de transition démocratique, il est important de ne pas oublier qu’il s’agit d’une étape on ne peut plus décisive dans l’histoire du Moyen-Orient, qui exige une très grande vigilance et un travail laborieux afin de veiller à ce que l’avenir de la région soit exempt d’erreurs de calcul et d’aléas. Recourir à la violence pour atteindre des objectifs politiques n’a rien de démocratique, pas plus que la démocratie ne saurait être imposée par les armes ou de l’extérieur. Qu’il se déroule au sein d’un État individuel ou d’une région, tout processus doit être fondé sur des bases saines et légitimes, et un développement économique et démocratique progressif doit être l’objectif de tous les gouvernements. L’Azerbaïdjan se félicite des efforts de réconciliation engagés par les autorités nationales de divers pays du Moyen-Orient afin de parvenir à des solutions négociées et efficaces, avec la participation de toutes les couches et de toutes les forces politiques de leurs sociétés.

Nous regrettons l’absence de progrès dans le processus de paix au Moyen-Orient. Parallèlement, l’Azerbaïdjan salue et apprécie à leur juste valeur les efforts inlassables de la Jordanie pour relancer le dialogue et les négociations en vue de la réalisation d’une solution globale, juste et durable.

L’Azerbaïdjan est profondément préoccupé par la poursuite des activités illégales de peuplement dans les territoires palestiniens occupés. Outre les répercussions de ces activités sur les droits, les libertés et la vie de tous les jours des Palestiniens, les activités de peuplement peuvent gravement compromettre le processus de paix et, ce qui serait plus dangereux encore, menacer la solution à deux États et l’émergence d’un État palestinien viable.

À cet égard, je voudrais souligner une fois encore que, contrairement à d’autres situations bien connues résultant de revendications territoriales infondées et illégitimes, en particulier sous le prétexte fallacieux de prendre en charge des groupes ethniques minoritaires, le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et à un État a été établi.

S’agissant des territoires palestiniens occupés et de situations similaires dans d’autres parties du monde, nous insistons sur l’importance de réaffirmer la validité permanente de toutes les normes juridiques internationales pertinentes, afin d’invalider des activités visant à consolider l’occupation militaire, de prendre des mesures d’urgence pour supprimer les effets néfastes de ces activités et de décourager toute pratique de même nature ou similaire.

Le Conseil de sécurité ne saurait rester indifférent aux situations impliquant des violations sérieuses du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme et, dans l’exercice de sa responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales, il doit prendre les mesures appropriées pour mettre fin aux pratiques et politiques illégales et veiller à ce que les droits de l’homme et les libertés fondamentales soient pleinement respectés. Il est tout aussi important de tirer pleinement parti de l’avantage que constitue la diversité culturelle en encourageant le dialogue et la réconciliation intercommunautaires, tout en rejetant catégoriquement et en invalidant toute manifestation d’intolérance ethnique ou religieuse.

La situation en Syrie demeure préoccupante, avec des violences et des violations de droits de l’homme généralisées qui se traduisent par l’augmentation du nombre de victimes civiles. Nous sommes fermement convaincus que la seule solution à la crise syrienne consiste en un processus politique ouvert à tous, dirigé par les Syriens, dans le cadre duquel toutes les parties prenantes nationales démontreront leur détermination à régler la crise pacifiquement. L’Azerbaïdjan encourage toutes les parties en Syrie à coopérer pleinement avec Kofi Annan, l’Envoyé spécial conjoint de l’Organisation des Nations Unies et de la Ligue des États arabes. Nous espérons que sa mission contribuera à mettre un terme à la violence et à trouver une solution pacifique.

Comme cela a été souligné au cours du présent débat, la répression ne conduit pas à la stabilité, ni à la paix ou à la sécurité, et les gouvernements qui répriment les libertés fondamentales seront toujours en sursis. Victime lui aussi d’une occupation prolongée de ses territoires et des déplacements massifs de population qui en résultent, l’Azerbaïdjan estime que la même logique devrait s’appliquer aux relations entre États. L’attitude des gouvernements qui recourent à la force pour s’approprier le territoire d’un autre État souverain et autorisent des attaques contre des civils et le nettoyage ethnique ne saurait être tolérée. Il importe au plus haut point que la communauté internationale unisse ses efforts et condamne d’une seule voix les politiques répressives dans le cadre des relations entre États, mette un terme à la méfiance mutuelle, abandonne la politique de deux poids deux mesures et garantisse l’application uniforme du droit international et la démocratisation des relations internationales.

M. Osorio (Colombie) (parle en espagnol) : Monsieur le Président, je vous prie de transmettre à M. William Hague, Ministre des affaires étrangères et des affaires du Commonwealth du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, nos remerciements pour sa participation au débat d’aujourd’hui. Nous remercions également les autres ministres des affaires étrangères qui nous ont fait l’honneur de leur présence. La Ministre colombienne des affaires étrangères a, pour sa part, eu un empêchement de dernière minute et n’a pas pu assister à ce débat comme elle en avait l’intention. Je tiens également à remercier le Secrétaire général de l’analyse édifiante qu’il nous a fournie sur la question dont nous sommes saisis, illustrant très bien la manière dont les choses évoluent.

Les événements survenus dans plusieurs pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord au cours de l’année écoulée, dans le contexte de ce qu’on a appelé le Printemps arabe, présentent plusieurs points communs : une population jeune largement touchée par des taux élevés de chômage, des systèmes politiques à caractère exclusif et incapables de bien représenter les intérêts des divers secteurs de la société, à quoi s’ajoute l’impact des nouvelles technologies de l’information sur la cohésion et la conduite des mouvements populaires. Dans ces conditions, marquées par la convergence de profondes inégalités et de l’exclusion politique, économique et sociale, un processus de transformation de l’ordre établi a vu le jour, en quête de changements économiques et politiques, de nouveaux modes de participation et d’ouverture, pour créer de nouveaux espaces et mécanismes d’expression qui, en raccourci, supposent la revendication des droits fondamentaux.

Malgré ces points communs, les transformations et les processus se sont déroulés de manière différente dans les divers pays de la région, raison pour laquelle il convient d’analyser chaque situation sur la base des caractéristiques qui lui sont propres. La réponse de la communauté internationale aux défis et aux possibilités découlant de ce processus s’est axée sur la prévention et la cessation des violences et sur l’arrêt de la répression brutale contre des civils qui réclament le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, notamment la liberté de choix et d’association, la reconnaissance des droits des femmes et l’égalité des sexes, les droits des minorités, ainsi que l’accès à des débouchés économiques.

Dans une région aussi complexe que vitale du point de vue du maintien de la paix et de la sécurité internationales, les autorités se heurtent à des défis et à des contraintes majeurs pour répondre aux exigences et aux attentes d’une population avide de réformes. Pour surmonter un passé marqué par l’autoritarisme et le sectarisme, il ne suffit pas d’organiser périodiquement des élections. Il faut progressivement mettre en place des partis politiques, renforcer les organisations de la société civile, asseoir le pluralisme idéologique, accroître le libre accès à l’information et consolider l’exercice des libertés fondamentales et des droits de l’homme. Cela nécessite du temps, un apprentissage et un appui ferme de la communauté internationale aux efforts nationaux. La transition vers des sociétés plus démocratiques et plus représentatives passe par la convergence et la participation de tous les secteurs de la société autour de principes et d’objectifs communs. Des arrangements institutionnels solides et adaptés doivent être trouvés pour canaliser les différentes revendications sociales et prévenir ainsi toute polarisation pendant le processus de mise en place des mécanismes institutionnels et juridiques qui serviront de cadre aux relations entre les citoyens et leurs dirigeants.

La communauté internationale est choquée par l’usage disproportionné de la force contre les civils en Syrie. Des violations systématiques des libertés fondamentales et des droits de l’homme y sont commises, atteignant des niveaux si extrêmes qu’elles peuvent être qualifiées de crimes contre l’humanité. Cette situation est inacceptable et doit être condamnée catégoriquement, en particulier par le Conseil de sécurité, qui doit recourir aux moyens à sa disposition.

Forte de cette conviction, la Colombie a apporté son appui et a participé aux efforts de la communauté internationale visant à mettre fin à cette situation sans précédent et à toutes les formes de violence et de violation des droits de l’homme, et à promouvoir une transition vers des systèmes politiques démocratiques et pluralistes. Pour éviter de telles situations, le Conseil de sécurité devrait privilégier l’utilisation des outils de diplomatie préventive à sa disposition afin de réduire les risques de conflits armés et les coûts humains y afférents. Nous devons utiliser tous les moyens pacifiques dont nous disposons pour protéger les civils face à la menace de la violence, conformément aux buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies et dans le plein respect de l’intégrité territoriale, de l’unité nationale, de la souveraineté et de l’indépendance politique des États.

Le Conseil doit maintenir une coopération étroite avec les organisations régionales, en donnant la priorité aux stratégies de prévention des conflits, à la médiation et aux bons offices. La Ligue des États arabes, l’Union africaine, l’Organisation de la coopération islamique et le Conseil de coopération du Golfe se trouvent dans une position privilégiée, car plus que n’importe qui, ils ont accès à des acteurs clefs et ont une connaissance et une expérience exceptionnelles de la situation dans la région. Par conséquent, leur participation en tant que partenaires stratégiques est capitale pour l’élaboration de mesures adaptées aux caractéristiques et aux besoins spécifiques de chaque pays de la région. Mon pays appuie pleinement les activités de ces organisations.

Notre appui, ainsi que celui de la communauté internationale, dans de telles situations sera plus efficace et durable si nous tenons compte des particularités politiques et culturelles des pays et si les gouvernements et les peuples concernés continuent à œuvrer de concert pour consolider les progrès réalisés. Ce mouvement spontané qu’est le Printemps arabe ouvre la voie à l’établissement progressif d’États et de gouvernements fondés sur le respect et l’application effective des principes démocratiques et l’état de droit. Les gouvernements qui viennent d’être constitués doivent asseoir leur légitimité en respectant les droits de la population, en fournissant des services sociaux de base, en créant des emplois et en instaurant les conditions propices à un développement économique durable, au profit tangible de tous les citoyens sans distinction.

М. Haroon (Pakistan) (parle en anglais)  : Je voudrais remercier très sincèrement M. William Hague et le Représentant permanent du Royaume-Uni d’avoir convoqué ce débat de haut niveau. Je voudrais également saisir cette occasion pour souhaiter la bienvenue au Secrétaire général ainsi qu’aux Ministres des affaires étrangères des États-Unis, de la France, de la Russie, de l’Allemagne, du Guatemala et du Portugal.

De cette salle où nous sommes réunis, Monsieur le Président, je commencerai par me référer à votre éminent compatriote de l’Université de Cambridge, M. Stephen Hawkins, et à ses confrères qui se consacrent avec lui à l’étude de l’univers, plus spécifiquement à l’observation du trou ou des trous noirs. Ces trous noirs forment le plus gros de l’univers aujourd’hui et, dans cette salle aujourd’hui, j’ai observé ces trous dans de nombreuses longues diatribes dans lesquelles beaucoup a été dit sans pourtant que rien ne soit dit. Hawking nous a tous avertis que les trous noirs qui forment le plus gros de l’univers ne sont pas inactifs. La majorité de ces vastes trous libéreront un jour leur furie silencieuse, et il nous a conseillé de nous préparer. Je pense que nous devons bien nous préparer s’agissant de tout ce que nous ne disons pas, ou n’osons pas dire, dans cette salle aujourd’hui.

En Afrique du Nord et au Moyen-Orient, objet du débat d’aujourd’hui, nous avons été témoins d’importantes mutations. Mon pays est fermement attaché à la réalisation des aspirations des peuples et à leur droit d’être maîtres de leur destin, de parler et d’être écoutés et de poursuivre leurs aspirations légitimes. On ne devrait épargner aucun effort pour appuyer ces efforts. Nous condamnons donc par principe le recours à la force contre ceux qui manifestent pacifiquement, ainsi que les violations des droits de l’homme où qu’elles se produisent et quels qu’en soient les auteurs.

En tant que l’un des plus grands pays démocratiques au monde, nous sommes fermement attachés aux idéaux, valeurs et principes des Nations Unies et croyons qu’il faut répondre de manière pacifique aux aspirations des peuples, sans ingérence étrangère et dans le respect de la souveraineté, de l’unité et de l’intégrité territoriale des États.

Aujourd’hui, et en appui à ces sociétés aux prises avec des difficultés, j’invite de nouveau le Conseil à se rappeler qu’aucun mouvement au monde, y compris les grandes révolutions, n’ont réussi sans aide extérieure. On ne peut les rayer d’un coup de crayon. Quiconque tente de rationaliser une position de principe en montant sur ses grands chevaux et en brandissant l’étendard de la morale doit très sincèrement réduire les distances en marchant à petits pas sur ce que l’on pourrait appeler la terre ferme.

Mais l’appui que nous apportons aux aspirations légitimes du peuple doit l’être dans le cadre du droit international et de la Charte des Nations Unies. L’ingérence dans les affaires intérieures d’États souverains et l’appui à des concepts tels que le « changement de régime » sont étrangers à l’ethos du bon voisinage international.

Les changements opérés dans la région à laquelle est consacré le débat d’aujourd’hui sont souvent appelés le Printemps arabe. L’idée de printemps évoque des images de renaissance, de changement, de renouveau, de chaleur et de beauté. Un air de tranquillité et d’harmonie doit prévaloir. Plus que toute autre chose, il s’agit d’un processus naturel qui ne doit ni être forcé ni brusqué. On doit bien comprendre cela. Après l’hiver vient le printemps, et le printemps met fin aux rigueurs de l’hiver. Il faut donc permettre à ce processus naturel d’évolution de suivre son cours sans être interrompu. Nous nous félicitons donc du changement quand il est dirigé localement, quand il est pacifique et quand il exprime les aspirations du peuple. Les solutions aux problèmes doivent être trouvées par les peuples eux-mêmes et ne doivent pas, je le répète, ne doivent pas être imposées depuis l’extérieur.

Le Ministre jordanien des affaires étrangères, M. Nasser Judeh, a fait, le 29 février, devant la Commission des affaires étrangères du Parlement européen une intervention remarquable que je ne me lasse pas de relire. Il a dit à la Commission que le Printemps arabe ou l’éveil arabe ne sauraient être complets sans paix au Moyen-Orient. Il n’y aura jamais de paix au Moyen-Orient sans règlement du conflit israélo-palestinien. Voilà donc le contexte de mon discours – l’hiver du mécontentement arabe. Est-il possible d’inaugurer un vaste printemps avec cet hiver qui ne veut pas se terminer ? Je ne le pense pas. Le déni du droit des Palestiniens à l’autodétermination est au cœur des troubles dans la région. Pour que la paix au Moyen-Orient soit durable, il faut aussi qu’il y ait des avancées en ce qui concerne les conflits entre la Syrie et Israël et entre la Syrie et le Liban. Israël doit se retirer complètement des territoires libanais occupés et du Golan syrien occupé, conformément aux résolutions pertinentes de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité.

Avec la poursuite des activités de peuplement israéliennes, l’espoir des Palestiniens d’avoir un État viable, bien à eux, fond comme neige au soleil. Cela a été amèrement rappelé au Conseil dans leurs derniers exposés par les représentants du Département des affaires politiques et de nombreux États Membres. Tout le monde s’accorde à dire que la situation dans le territoire palestinien occupé devient de plus en plus explosive. Étant donné des facteurs tels que, entre autres, l’intensification de l’activité de peuplement et de la violence des colons, la poursuite du blocus de la bande de Gaza, des perspectives économiques sombres pour la population, la profanation des sites sacrés et la situation désespérée des prisonniers palestiniens, on peut comprendre que la population soit sur des charbons ardents. Une petite étincelle peut se transformer en un gigantesque incendie.

Nous condamnons aussi le lancement de bombes artisanales à partir de la bande de Gaza, mais nous estimons que la menace la plus grave à la paix et à la sécurité tient à un aspect particulier. Pourtant, le Conseil continue de ne prendre aucune mesure décisive pour les Palestiniens. Chaque fois que le Conseil se réunit, on nous dit que le Quatuor est maintenant penché sur la question. J’attends le jour où le Quatuor parviendra à une solution qui changera profondément le calvaire vécu par ce peuple.

Une des meilleures choses à faire, et nous nous y acheminons, est que si nous convenons que Gaza doit être approvisionnée, alors il faut organiser une flottille, débarquer sur les plages et fournir aux habitants, par le biais des Nations Unies, la sécurité et la nourriture dont ils ont besoin. Nous avons le ferme sentiment que le moment est le mieux indiqué pour envoyer un message fort et unifié à la Puissance occupante pour exiger d’elle qu’elle cesse ses activités, particulièrement l’appropriation illicite des terres.

Il y a un sujet qui revient sans cesse et je voudrais le clarifier une fois pour toutes. Il se peut que j’y arrive, ou pas. Il s’agit en gros de ceci : chaque fois que quelqu’un demande si Islam et démocratie sont incompatibles, la réponse est qu’ils ne le sont pas. Seul Huntington est persuadé de leur incompatibilité. Je crois que même là, c’est une question de temps. Mais je voudrais dire, en insistant fortement, que notre prophète soulignait la fraternité qui unit tous les membres de l’Islam et demandait à chacun de partager ses excédents comme ses défauts. Il n’existe pas, selon moi, de meilleure manifestation de la démocratie. De plus, il demandait aux musulmans de s’ouvrir au monde dans la paix. Pour des raisons d’apprentissage, il leur a dit de se rendre en Chine, qui n’était pas un État musulman frère. Peu importait. Cela montre comme le prophète avait une vision très large. Lorsqu’il a constaté que la situation n’était pas bonne pour les musulmans à la Mecque, d’où il s’est lancé, il leur a dit de se rendre auprès du Roi ami d’Éthiopie, qui se trouvait être chrétien, et il leur a dit qu’il s’occuperait d’eux. Cette largesse de vues illustre la beauté de ce qui existe déjà. N’accordons pas trop d’importance à Huntington.

Je réitérerai, en guise de conclusion, notre appui au peuple palestinien dans sa lutte juste pour la paix et le droit à l’autodétermination, et à son accession, comme l’a dit mon collègue indien, à l’Organisation des Nations Unies le plus rapidement possible. Nous croyons que la Palestine restera le plus gros problème au Moyen-Orient. Le mouvement en cours au Moyen-Orient nous offre une chance de réaliser les aspirations des peuples de la région en ce Printemps arabe. Je crois que les Palestiniens devraient également en profiter et non pas en pâtir. Je le répète, sans le règlement de cette question fondamentale, comme l’a dit le Ministre des affaires étrangères de la Jordanie, nous ne pourrons pas instaurer une paix véritable dans la région.

Je voudrais également répondre à cinq points évoqués par le Secrétaire général dans sa déclaration, des points que je crois d’une importance vitale, comme il le dit lui-même.

Il parle d’abord des dirigeants qui choisissent la voie d’une véritable réforme et dit que les peuples ne veulent pas de changements superficiels qui ne donnent qu’un avant-goût de la démocratie. Je crois qu’un grand Président américain a parlé, il y a de nombreuses années, des quatre libertés. Je crois que fondamentalement, l’ONU doit encourager l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité à mener une action législative eu égard aux conditions démocratiques de base nécessaires à la création d’un État garantissant ces libertés. Tous ceux qui souhaitent accéder à l’ONU doivent être à même, à un moment donné, de régler cette question. Il ne suffit pas de dire de ces libertés qu’elles sont fondamentales ; il faudrait que tous les documents législatifs du monde consacrent au minimum des éléments tels que la promotion du pluralisme et le droit des minorités.

Nous venons de célébrer la Journée internationale de la femme. Les femmes ont cette journée une fois par an alors qu’elles sont majoritaires dans le monde. Je crois que nous devons d’abord rectifier cet état de choses. Nous devons comprendre que les femmes ont un rôle crucial à jouer, sans quoi, nous n’arriverons jamais à rien.

Je souligne également avec force le troisième point soulevé par le Secrétaire général, à savoir que les femmes sont descendues dans la rue pour exiger des changements et qu’elles ont désormais le droit de s’asseoir à la table et d’avoir une véritable influence sur les prises de décisions, et d’être à l’abri de la violence, de l’intimidation et des mauvais traitements. C’est ce qui se passe en ce moment même avec le Printemps arabe. La semaine dernière, huit membres du Conseil ont rencontré des femmes de Tunisie, de Libye, d’Égypte, de Syrie, du Liban et du Yémen, et ce que ces femmes nous ont dit nous a choqués. Elles ont dit une chose que nous devrions appuyer avec force, c’est que 25 % des fonds accordés par l’ONU doivent être remis aux femmes. N’oubliez pas qu’elles constituent 75 % de la population et que ce sont elles qui nourrissent, habillent et soignent les enfants. Non seulement elles font tout ce travail, mais elles doivent le faire, et pourtant, elles n’ont pas les avantages associés à l’emploi de leur mari, surtout dans le tiers monde. De plus, 25 % de toutes les délégations en contact avec l’ONU devraient être constituées de femmes. Nous devons faire en sorte d’assurer leur participation. Elles ont fait plus de sacrifices que quiconque en ce printemps, alors donnons-leur la possibilité de participer à ces changements radicaux.

Lorsque nous parlons du quatrième pilier, les perspectives pour les jeunes, il y en a 200 millions de plus en Asie. C’est là un fait important qu’on ne peut nier.

Il doit y avoir une paix régionale pour les Palestiniens. Si la Déclaration Balfour a donné naissance à l’État d’Israël que nous connaissons aujourd’hui, ayons alors aussi une Déclaration Balfour pour les Palestiniens.

Enfin, dans le contexte de la paix mondiale et du Moyen-Orient, je voudrais rappeler que si nous comprenons bien tous les besoins liés aux questions de sécurité, il vaudrait mieux pour cette région et pour le monde entier que la situation en Iran ne s’achemine pas vers un conflit, un conflit qui pourrait avoir des répercussions désastreuses sur le monde et qui pourrait être la dernière goutte proverbiale qui ferait déborder le vase, c’est-à-dire compromettre la paix dans le monde. J’espère que ce ne sera pas le cas. Nous comprenons bien la gravité de la situation. Nous espérons également que tous les efforts diplomatiques nous offriront une meilleure solution.

Le Président (parle en anglais)  : Je donne maintenant la parole au représentant du Maroc, qui souhaite intervenir de nouveau brièvement.

M. Loulichki (Maroc) : Je serai extrêmement bref. Tout à l’heure, une délégation a cru bon d’évoquer une situation qui n’a absolument aucun rapport avec notre débat et a fait des comparaisons qui sont tout autant infondées qu’inopportunes. Pour ma part, je ne vais ni suivre ni entretenir cette tentative de perturber nos débats, encore moins de ternir le message

positif de soutien et d’encouragement que nous souhaiterions voir émerger de cette réunion de haut niveau. C’est notre objectif. Il doit être celui de toutes les délégations, et je voudrais que tout un chacun s’y tienne et y contribue positivement.

Le Président (parle en anglais)  : Il n’y a plus d’orateurs inscrits sur ma liste. Le Conseil de sécurité a ainsi achevé la phase actuelle de l’examen de la question inscrite à son ordre du jour.

La séance est levée à 12 h 30.