L’état de nervosité qui affecte les décideurs européens en général, et français en particulier, n’a plus rien de secret. La politique actuelle de la France au Moyen-Orient suscite une stupéfaction, voire une désapprobation et chacun se demande si l’élection de François Hollande à la présidence de la République est de nature à redonner une cohérence aux positions françaises et à restituer à Paris la place qui lui revient sur la scène diplomatique.

D’une part, l’équipe de Nicolas Sarkozy n’a pas simplement perdu le pouvoir. Elle s’apprête à quitter définitivement la scène car la faillite de sa politique a affecté la structure même de l’État, et celui-ci exige la sanction de cette équipe pour se régénérer et recouvrir sa crédibilité internationale.

D’une autre part, la Gauche victorieuse tente de combler le vide qu’elle découvre et de former de nouvelles équipes de travail, car les dégâts sont bien plus vastes qu’il n’apparaît au premier abord. Le délabrement touche tous les aspects vitaux du pays, y compris les structures intellectuelles et politiques, quelles soient de droite ou de gauche.

Si le président élu a exposé durant sa campagne les réformes économiques, politiques et culturelles qu’il entend réaliser, il s’est par contre montré moins disert sur ses intentions en matière de relations internationales. Plusieurs raisons expliquent cette discrétion.

La politique extérieure de la France resta fidèle à ses principes gaullistes jusqu’aux derniers mois du quinquennat de Jacques Chirac. À quelques exceptions notables, ces principes avaient été également respectés par François Mitterrand qui les interprétait dans une perspective historique comme une exigence de l’identité française. À l’opposé, Nicolas Sarkozy les a bafoués, introduisant une rupture avec la vision séculaire du pays.

Le président Sarkozy a ouvert grandes les portes du pouvoir aux lobbys, aussi bien atlantiques que sionistes. Il les a installés dans les centres de décision de l’Exécutif et a adopté leur rhétorique. Il a remis la politique extérieure de la France dans les mains de l’OTAN au plan militaire, et dans celles de l’Union européenne au plan économique.

On ne saurait néanmoins oublier que la Gauche française est historiquement plus proche de l’État sioniste que la droite. Elle a travaillé main dans la main avec son homologue israélienne pour recruter et enrôler des personnalités de la Gauche arabe. Elle a occulté le caractère colonial et raciste du projet sioniste et a donné corps au mythe selon lequel il existerait des forces progressistes en Israël avec lesquelles il serait possible d’instaurer une « paix populaire » aboutissant à une normalisation politique.

Par le passé, le lobby sioniste avait pu influer sur de nombreuses forces de la Gauche française, voire contrôler le Parti socialiste. Mais il est évident que les temps ont changés, que l’ensemble de la Gauche a connu de profonds bouleversements, y compris le Parti socialiste.

Nicolas Sarkozy a utilisé ses origines juives pour mieux intégrer les sionistes au sein de son parti, leur livrant à la fois le secrétariat général de l’UMP et la présidence du Groupe parlementaire. Et il a donné des gages aux sionistes de gauche pour liquider le gaullisme. En retour, le lobby sioniste l’a soutenu de tout son poids, faisant de lui l’homme fort du pays.

Toutefois les Français n’ont pas tardé à se rendre compte que les priorités de leur président n’étaient pas celles de leur pays.

Le soir de l’élection présidentielle, les opposants au régime syrien ont reçu instruction de quitter la place de la Concorde, où ils s’étaient rassemblés pour acclamer Nicolas Sarkozy en cas de victoire, et de rejoindre la place de la Bastille, pour s’infiltrer parmi les partisans du candidat victorieux François Hollande. Devant les caméras, ils ont déployé des drapeaux syriens. Pas ceux à bande rouge et deux étoiles de la République arabe syrienne, mais ceux à bande verte et trois étoiles du mandat français, devenus drapeaux de la « révolution sarkozyenne » en Syrie. Ce fut l’ultime cadeau piégé de l’opposition syro-élyséenne durant les toutes dernières minutes de l’omnipotence de Nicolas Sarkozy.

Dans ce contexte, les analyses se succèdent pour tenter de discerner l’avenir de la politique étrangère française. Cependant, il n’est pas possible de répondre à cette question tant que la composition du gouvernement et des cabinets ministériels n’est pas connue.

Quoi qu’il en soit, il se pourrait que la question syrienne devienne centrale dans la réorganisation de la politique extérieure. Et ce, d’autant plus facilement qu’elle n’est pas un enjeu de politique intérieure.

Dans un mémorandum stratégique remis à leur futur président, un groupe d’experts du Parti socialiste a montré que le président sortant a bel et bien mené une guerre personnelle en Syrie, sans lien avec les intérêts français. Cette initiative a placé la France en porte à faux avec des aspects traditionnels de sa politique, et a porté atteinte à sa crédibilité sur tous les fronts.

Il va de soi, recommandent les stratèges du PS, qu’il convient d’arrêter immédiatement cette guerre et de remettre en ordre logique les cartes internationales de la France. Cette réorganisation ne peut se faire qu’autour du dossier syrien qui est devenu le nœud de son incohérence actuelle.

En outre, les auteurs du rapport ont souligné la nécessité impérieuse de s’affranchir de la dépendance à l’OTAN pour que Paris puisse retrouver sa liberté d’action.

Le rapport poursuit en montrant que la France doit abandonner sa coopération aveugle avec les États-Unis et reconstruire sa politique au Moyen-Orient en intégrant la Russie dans son réseau de partenaires.

Toujours selon ce document, la stratégie du président Sarkozy visait à provoquer une longue guerre civile, qui se serait étendue et aurait enflammé toute la région. Aucun protagoniste étatique n’en serait sorti vainqueur, mais elle aurait été utilisée pour placer partout des extrémistes au pouvoir. L’affaiblissement des États de la région aurait profité à Israël qui aurait alors imposé un règlement rapide et aléatoire de la question palestinienne.

Les experts ajoutent que le président Sarkozy a tout fait pour impliquer et entraîner la Russie dans un long conflit, dont le coût aurait lourdement pesé sur son économie, l’empêchant ainsi de menacer l’hégémonie euro-US et de participer à une reformulation de l’ordre mondial.

La Syrie est à la fois le noeud du problème et sa solution, conclut le mémorandum stratégique des experts. Le rétablissement de rapports de confiance avec la Chine, la Russie, et bien d’autres encore, passe par un changement complet de la position de la France vis-à-vis de la Syrie, par une rupture claire avec les agissements de Sarkozy. Il convient en premier lieu de cesser toute forme de soutien aux groupes et États qui prônent, voire participent, à l’ingérence armée et, au contraire, d’appuyer les groupes ou États qui favorisent et encouragent le dialogue politique en Syrie.

Traduction
Said Hilal Alcharifi
Source
Al-Watan (Syrie)