Géopolitka : Alain Benajam, pouvez-vous dire aux lecteurs de Geopolitka ce que c’est le Réseau Voltaire, vous, qui en êtes administrateur ? Quelle est l’idée principale et la lignée éditoriale du site que vous administrez, et comment est-ce que vous expliquez qu’aujourd’hui, époque avec tant de médias dans le monde, il existe une censure drastique et une manipulation de la vérité ?

Alain Benajam : Le Réseau Voltaire fut créé en 1994 par Thierry Meyssan auquel je me suis rapidement associé. Son but était d’œuvrer pour la liberté d’expression contre toutes censures et de lutter pour promouvoir la laïcité et les idées républicaines d’obédience française. Le Réseau Voltaire a commencé par publier régulièrement un opus photocopié distribué par courrier à des abonnés. L’équipe recherchait des informations introuvables dans les autres médias. L’équipe du Réseau Voltaire se situait politiquement dans la gauche républicaine, elle combattait l’extrême droite et les idées néo fascistes.
En 1999 nous nous sommes particulièrement intéressés à l’agression de l’OTAN contre le Kosovo serbe et la Serbie en publiant au jour le jour un comparatif entre les communiqués toujours victorieux de l’OTAN rapportés dans sa presse et d’autres informations glanées hors OTAN moins glorieuses.
À partir de juin 2001 nous avons commencé à travailler à rechercher ce que pouvaient être les « Stay behind » c’est à dire les réseaux ultra secrets de l’OTAN dans les pays d’Europe occidentale, comme nous nous étions aperçus, en étudiant la mouvance néofasciste, que celle-ci était instrumentée par ces réseaux. Au cours de cette étude et au fur et à mesure des découvertes sur l’importance et la nocivité de ces réseaux nous avons pris un virage anti impérialiste.
Le complot du 11 septembre 2001 correspond pour nous a une étape très importante. Nous avons dés le 11 septembre 2001 remarqué les incohérences de l’information officielle, nous avons publié alors, sur notre site Internet que nous venions juste de réaliser un jeu des « sept erreurs » sur un ton humoristique. Ce jeu fit très rapidement le tour du monde, et il contribua à notre popularité. Puis Thierry Meyssan publia L’effroyable Imposture, et derrière Le Pentagate qui ajoutait des informations importantes sur la réalité de ce complot. À ce moment le Réseau Voltaire prit un aspect différent, la polémique enfla après l’apparition de Thierry Meyssan dans une émission de la télévision française. Nous fûmes pour un moment entraînés dans l’action de contre information sur le 11 septembre 2001. Nous prîmes une ligne de plus en plus anti impérialiste, c’est dans cette voie que nous avons organisé en 2005 la conférence Axis for Peace à Bruxelles réunissant un grand nombre de personnalités anti impérialistes de tous pays.
A ce moment le Réseau Voltaire prit une dimension internationale axée essentiellement vers la lutte contre l’impérialisme anglo-saxon.
En 2007 Thierry Meyssan et le Réseau Voltaire, en bute à maintes tracasseries, durent fermer notre antenne française. En effet, l’avènement de Sarkozy représentait pour nous une différence notable en comparaison d’avec la bienveillance chiraquienne. Nicolas Sarkozy très proche des USA a engagé la France dans une politique de collaboration étroite avec l’impérialisme comme on le vit plus tard avec l’agression contre la Libye. Thierry Meyssan évalua que sa sécurité personnelle ne pouvait plus être assurée, il se réfugia à Damas puis à Beyrouth maintenant il vit et travaille de nouveau à Damas.
L’impérialisme a besoin du mensonge, il a besoin d’intoxiquer les peuples qui lui sont soumis pour justifier ses guerres et tenter d’obtenir des votes favorables à l’ONU lui permettant d’agir. Aujourd’hui ce qu’il appelle « l’ingérence humanitaire » est sa justification principale, ceci ne peut fonctionner que par le mensonge permettant de diaboliser les cibles.
Le Réseau Voltaire avec son succès international de par sa vocation d’informer face aux mensonges d’une presse dévouée à l’impérialisme US est devenu l’ennemi à abattre de tous ces organes dont la vocation est plutôt la désinformation.

Géopolitka : Vous êtes très au point de la situation en Syrie. Pouvez-vous nous dire comment vous qualifiez la guerre qui est actuellement menée là bas, contre le gouvernement légal ? Dans quel contexte s’inscrivent les tentatives de changer encore un gouvernement au Proche-Orient, et pourquoi est-ce que l’Occident souhaite faire tomber Bashar el-Assad ?

Alain Benajam : La guerre contre la Syrie s’inscrit dans un projet de longue date d’abord prévu par le « Think Tank » étatsunien : « Project for a New American Century » puis dans le projet de remodelage de ce que les USA appellent le Moyen Orient élargi. Le général Westley Clark a évoqué dans une interview célèbre sa conversation avec un responsable du Pentagone affirmant que les projets d’agression contre la Libye et la Syrie avaient été mis au point dés 2002. Il s’agit donc d’une guerre classiquement impérialiste ayant pour but de briser l’État-Nation syrien comme ont été brisés les États-Nations yougoslave, somalien, irakien et libyen. La stratégie impérialiste étatsunienne et plus généralement anglo-saxonne consiste donc à briser les nations légales pour les fractionner en mini États ethniques ou confessionnels dont la sujétion est rendue plus simple. La stratégie contre la Syrie est exactement identique à celle utilisée contre la Yougoslavie et la Libye. Il s’agit en premier lieu de créer des troubles interconfessionnels ou interethniques armés, de susciter une répression, de diaboliser le dirigeant politique incarnant l’unité nationale à l’aide d’une presse occidentale aux ordres et ce afin d’essayer de le faire destituer. Ensuite, sous prétexte d’ingérence humanitaire pour soit disant « sauver » une population, faire intervenir l’aviation en bombardements massifs afin de casser le moral et la résistance du peuple ciblé. Puis finalement terminer le travail par une intervention militaire au sol en collaboration avec des milices de mercenaires recrutés essentiellement dans les milieux musulmans djihadistes (Al-Qaïda). Tout ceci fait avantageusement avec l’assentiment de l’ONU. À cet effet, au préalable les chefs des nations siégeant au conseil de sécurité ont été menacés, achetés et corrompus pour s’assurer de leur vote.

Géopolitka : Pouvez-vous nous dire quelle est la structure de contrôle ou la structure militaire de « l’armée syrienne libre » ? Comment peut-on expliquer la présence en Syrie d’autant de radicaux islamistes provenant d’autres pays, du côté des rebelles ? Comment expliquez-vous également la présence d’autant de combattants d’Al Qaïda, ainsi que la coïncidence bizarre entre les intérêts d’Al Quaïda et ceux des USA ?

Alain Benajam : L’opposition au régime républicain, multiconfessionnel syrien dit de Bachar El-Assad, a commencé comme une de ces « révolutions » colorées expérimentée en Serbie par l’organisation étatsunienne serbe Otpor puis continuée en Ukraine en révolution orange et ailleurs. Cette opposition prit rapidement un tour confessionnel, les opposants reprochant au président Bachar El Assad de n’être pas musulman sunnite, mais alaouite. Ces premières manifestations furent dans un premier temps accompagnées par des hommes en armes, qui devaient, comme en Libye, à la fois tirer sur la foule et sur les forces de l’ordre, ceci ayant pour but de déclencher une dure répression. Il y eut des morts de part et d’autre, mais la propagande « occidentale » avec l’aide de sa presse, ne montra que des victimes parmi les manifestants sans évoquer évidemment les tireurs des toits. Bien entendu il y a en Syrie même des extrémistes religieux sunnites parmi lesquels nombre de takfiristes qui considèrent qu’il faut éliminer physiquement tous ceux qui ne sont pas sunnites salafistes c’est-à-dire ceux qui selon eux ne pratiquent pas correctement le véritable islam sunnite. Donc pour eux tuer un musulman serait permis et conduirait également au paradis du djihad avec le nombre de vierges adéquat à déflorer. Ces gens furent recrutés essentiellement dans les campagnes les plus arriérées de Syrie et pris en charge par des cheikh prêchant le djihad.
Les manifestations violentes du vendredi n’ayant pas réussi certains furent armés par l’organisation étatsunienne, mettant en avant le Qatar et l’Arabie Saoudite. Une intervention étrangère directe avec des forces spéciales françaises et certainement britanniques commença cet hiver emmenant un certain nombre de pseudo journalistes véritables agents secrets qui permirent d’équiper la rébellion militaire en moyens de communication de manière à ce qu’elle puisse recevoir les renseignements satellitaires sur les mouvements de l’Armée nationale. C’est ainsi que fut fondé le micro Émirat de Homs rapidement assiégé et détruit par l’armée et au cours duquel fut fait un certain nombre de prisonniers français. Le but était de créer des zones dites « libérées » afin qu’elles puissent demander du secours aux USA. Cette deuxième manœuvre a échoué comme la première. Puis les USA et leurs marionnettes « françaises » et britanniques ont tenté d’obtenir un blanc seing de l’ONU afin de pouvoir intervenir militairement sur place pour « sauver » comme d’habitude des populations du « massacre » en fait pour pouvoir bombarder le pays afin de le soumettre.
Les Russes et les Chinois mirent leur veto à une résolution du conseil de sécurité de l’ONU devant autoriser une intervention étatsunienne en arguant que les USA n’avaient pas respecté la résolution 1973 organisant seulement une zone d’exclusion aérienne sur la Libye alors que l’OTAN profitait de cette résolution pour se livrer à des bombardements terroristes sur des ensembles civils comme les systèmes d’adduction d’eau, les moyens de communication civiles, les centrales électriques etc. Ces bombardements étaient des crimes de guerre selon les accords internationaux en vigueur.
Jugeant qu’une intervention sans l’aval de l’ONU était risquée d’autant plus que Russes et Chinois menaçaient d’intervenir à leur tour en cas d’action des USA, ceux-ci mirent en œuvre une troisième tactique celle d’enrôler dans le monde musulman et au delà des mercenaires recrutés dans les milieux sunnites salafistes pour participer au djihad en Syrie, contre ce qu’ils appellent les hérétiques alaouites et pour également chasser les chrétiens syriens avec un mot d’ordre qu’ils hurlent a satiété : « les alaouites dans la tombe, les chrétiens au Liban ! ».
C’est maintenant un flot continu de ces djihadistes salafistes qui arrive de partout. Ils sont entraînés brièvement en Libye ou en Turquie puis passent en Syrie par une des frontières poreuses choisies en fonction de la proximité de l’objectif, pour Alep c’est la frontière turque qui est utilisée. Ces combattants sont également accompagnés et dirigés comme pour la Libye par des forces spéciales britanniques, allemandes et certainement françaises. L’objectif est de porter la guerre partout en Syrie dans les villes et les campagnes et de toujours tenter de soulever la population. Évidemment ceci accompagné de « journalistes » embarqués (embeded) dont le rôle est de magnifier auprès du public occidental médusé la « belle » action de ces djihadistes baptisés résistants.
Ces djihadistes salafistes ou takfiristes sont identiques à ceux appelés Al Qaïda que les USA prétendaient combattre. En fait ils n’ont servi dans le passé que de prétexte et de repoussoir pour fustiger les populations musulmanes et donner corps à la « guerre des civilisations » ou « guerre au terrorisme ». Ceci permit aux USA d’enterrer les libertés publiques dans leur pays avec le « USA Patriot Act » et surtout d’alimenter en commande d’armement leur complexe militaro-industriel. En fait Al Qaïda et la mouvance wahhabite salafiste a toujours été contrôlée et instrumentée par les USA directement ou via leurs alliés du Qatar et de l’Arabie Saoudite. Cette mouvance est intervenue en Afghanistan contre les Russes, en Yougoslavie, en Libye et maintenant en Syrie toujours au service de l’impérialisme US. Concernant maintenant la contradiction qui pourrait apparaître dans le public occidental sur ce qui paraît être un double jeu, la presse aux ordres du Pentagone en fait son affaire pour présenter un plat assimilable par des populations occidentales malheureusement résignées.

Géopolitka : Du point de vue militaire, que pensez-vous des combats qui sont en train d’être menés en Syrie ? Malgré le soutien croissant des pays occidentaux, est-ce que l’armée syrienne peut tenir ? Le président Assad a-t-il assez de force pour se maintenir en position ? Est-ce ce conflit risque de passer au delà des frontières syriennes ? Est-ce qu’on peut s’attendre à une attaque contre l’Iran ?

Alain Benajam : L’Armée Arabe Syrienne est composée essentiellement de conscrits c’est à dire de la jeunesse du peuple syrien. Manifestement au vu des nombreuses vidéos, elle se bat bien. C’est une armée disciplinée, bien commandée et entraînée, elle semble soutenue par le peuple syrien et l’on a vu qu’à Alep, ville particulièrement multiconfessionnelle et progressiste, elle est soutenue par la population. L’affirmation de la propagande occidentale arguant que cette armée est démoralisée et en sous effectifs ayant souffert de nombreuses désertions ne tient pas en regard des faits, y compris ceux rapportés par certains médias occidentaux. En plus les forces salafistes se sont rendues coupables de très nombreux crimes et exactions contre les populations qui s’en sont détournées. En général, ces populations accueillent l’armée nationale comme des libérateurs. Cependant le flot des djihadistes étrangers est intarissable et les très nombreuses pertes qu’ils enregistrent sont tout de suite compensées par de nouveaux arrivants fanatisés par leurs cheikhs et qui vont au combat sans craintes, espérant les vierges à déflorer au paradis.
L’action de l’armée arabe syrienne est méthodique et compliquée. Elle sera vraisemblablement longue pour éliminer le flot continu venant de toute part. Aujourd’hui il n’y a aucune raison que Bachar El-Assad démissionne, en plus toute opposition politique organisée nationale et constructive a été réduite à néant par l’intervention étrangère.
Un article de l’ancien chef d’état major de l’armée de l’air française, le général Fleury, dans le journal Le Monde fait un état des forces aériennes françaises et celles de la Syrie. Déjà la Syrie possède le double d’aéronefs de la France, mais surtout elle possède des moyens de défense antiaériens de dernière génération russes rendant quasi inexpugnable le ciel syrien. Les Turcs ont essayé de tester les défenses syriennes et leur avion fut promptement abattu à peine franchi la limite des eaux territoriales. D’après ce général expert il faudrait pour que l’OTAN l’emporte sur la Syrie, organiser une attaque soudaine et massive de TOUTES les forces militaires étatsuniennes en sachant qu’elles auraient dans cette attaque des pertes considérables.
Il faut être parfaitement clair, l’OTAN avec la totalité des forces US additionnées des forces israéliennes n’a pas les moyens techniques d’attaquer à la fois la Syrie et l’Iran avec en plus les forces de la Résistance libanaise qui s’engageraient derechef contre Israël.
Il serait certain que dans ce cas, la Chine et la Russie interviendraient dans ce conflit qui tournerait en guerre mondiale.
Les affirmations de la presses israélienne disant qu’une attaque était imminente contre l’Iran ne sont que rodomontades et intoxication.

Géopolitka : Il est évident que la star de votre site internet, si on peut le dire comme ça, est Thierry Meyssan, dont les analyses sont lues et suivies par des cercles sérieux et libertaires dans le monde entier. Puisque vous êtes un conseiller politique de Thierry Meyssan, pouvez-vous nous dire un peu plus sur lui et quels conseils lui donnez-vous ?

Alain Benajam : Thierry Meyssan est un libéral au sens propre ce qui n’a rien à voir avec le pseudo libéralisme des anglo-saxons. Il s’inscrit comme moi dans ce libéralisme politique d’obédience française issu des Lumières et de la Révolution française de 1789. En quelque sorte nous sommes pour offrir le maximum de libertés individuelles et collectives pour le maximum de gens. Notre credo est la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Nous tirons toutes les conséquences de cette déclaration et de notre fondamentalisme républicain français. Ces conséquences nous obligent à militer pour recouvrer l’indépendance de la France oblitérée par nombre de traités scélérats comme ceux du Pacte atlantique, de Maastricht, de Lisbonne et celui fondant l’euro qui confisque notre monnaie nationale au profit des marchés financiers et des USA. En conséquence également nous défendons la liberté des nations selon la Charte de l’ONU et bien évidemment contre l’impérialisme.
Nous nous concertons donc en permanence pour que nos articles soient en conformité avec cette ligne politique ferme et conséquente et reflètent toujours ce que nous appelons l’idéologie française.

Géopolitka : Que pensez vous de la situation en France et dans l’UE en général, ainsi que de la crise économique qui se manifeste à travers la crise de la zone euro ?

Alain Benajam : Je prendrais seulement l’exemple le plus significatif car ces pages sont limitées : la dette.
Cette crise économique est la conséquence direct du système financiariste anglo-saxon qui nous est imposé via l’Union Européenne et les traités scélérats. Le principal mécanisme de ce système est la dette.
Nous pouvons constater que tous les pays de l’OCDE, c’est à dire ceux qui subissent directement le pouvoir étatsunien sont considérablement endettés. Croyez-vous que la France ou même le Japon, pays les plus riches de la planète avaient besoin de cet endettement ? Certes non. Cet endettement auprès des marchés financiers anglo-saxons nous est imposé via l’euro, monnaie qui est leur propriété et dont la France a perdu le contrôle. Leurs politiciens malheureusement encore au pouvoir chez nous, imposent cette dette inique dont le prêt n’est qu’un jeu d’écriture et ne coûte à personne, mais dont les intérêts sont bels et bien payés avec la sueur du peuple français et de celui des autres peuples « endettés » de la zone euro et de l’OCDE. Le paiement des intérêts de cette dette coûte à chaque Français enfants compris, 3000 € par an, ce qui est considérable et contribue à une paupérisation qui s’accélère. Aujourd’hui le peuple grec est épuisé, d’autres vont se retrouver exsangues.
Sachez que rentrer dans la zone euro est un piège mortel pour les peuples. Gardez vous de ce piège.

Géopolitka : Que pensez-vous du rapport global des forces dans le monde, surtout les rapports entre les grandes puissances, les USA, la Russie et la Chine ? Est-ce que vous pouvez, dans les grandes lignes, nous exposer la projection du futur développement des relations internationales ? Est-ce que le monde va vers un grand conflit, comme beaucoup l’affirment, et que pensez-vous du rôle du président Poutine, qui fait l’objet de très fortes critiques des médias ?

Alain Benajam : J’ai consacré deux articles sur mon blog à ce sujet : « Pour la Liberté des Nations » et « Pourquoi il est important de soutenir V. Poutine ».
Ce qui suit ne peut être qu’un résumé.
Quand j’étais jeune, adhérent et cadre du Parti communiste français, l’URSS existait encore et il y avait un camp socialiste qui contestait la puissance de l’impérialisme anglo-saxon. Il y avait une lutte idéologique mondiale entre le capitalisme et le socialisme. Aujourd’hui ce camp socialiste n’existe plus et le système capitaliste s’est généralisé sur toute la planète y compris en Chine pourtant toujours dirigée par un Parti communiste. Cependant nous observons que les tensions internationales sont plus vives encore quelle ne l’étaient du temps de la Guerre froide et que l’impérialisme est toujours aussi virulent. Cela veut dire quoi ? Que la contradiction principale qui apparaît aujourd’hui n’était pas entre socialisme et capitalisme mais entre la liberté des Nations et l’impérialisme. La question nationale s’impose aujourd’hui et la Nation, l’État-Nation, la Nation légale est le principal rempart contre l’impérialisme. On le comprend bien, un État-Nation c’est un corpus de lois et un peuple qui impose ses lois. Toutes ces lois sont autant d’obstacles aux marchés financiers contrôlés par les anglo-saxons via le dollar. L’objectif global anglo-saxon est de briser tous les États-Nations et de les remplacer par de petites entités ethniques ou religieuses chaotiques faciles à manipuler. Il y a donc d’un côté les Nations encore libres qui défendent la Charte de l’ONU et un monde multipolaire et de l’autre l’impérialisme anglo-saxon qui prône un nouvel ordre mondial où les Nations légales auraient disparu leur permettant d’exploiter les peuples sans bornes comme la France est exploitée dans la zone euro. La Russie et la Chine ont soudainement compris ce danger extrême pour eux, leurs yeux se sont promptement ouverts avec la guerre de Libye. Cette compréhension du monde de la part de la Russie notamment vient en grande partie de Vladimir Poutine qui s’est peut être rappelé qu’il fut un cadre de l’URSS et un communiste.
Aujourd’hui la Chine et la Russie ont décidé de stopper net l’aventure impérialiste aux frontières de la Syrie et de l’Iran. Cet arrêt n’est pour le moment que diplomatique, mais ces grandes nations ne se font pas d’illusions et sont prêtes à une confrontation armée ils l’ont répété plusieurs fois. On se retrouve dans une configuration similaire à ce qu’elle était au temps des blocs socialiste et capitaliste, mais avec des idéologies différentes. D’un côté le camp des Nations encore libres avec à leur tête la Russie et la Chine, leur organisation commune l’OCS, (Organisation de Coopération de Shanghai) puis derrière une organisation économique puissante, l’alliance du BRICS, avec enfin l’Organisation des pays non alignés qui s’est réunie à Téhéran. À ce bloc de nations économiquement très puissantes vont s’ajouter les organisations politiques indépendantistes des peuples toujours soumis comme la France. Ces organisations sont encore faibles mais prennent de l’ampleur et s’attachent à s’organiser, comme nous y contribuons au Réseau Voltaire.
Une guerre mondiale déclenchée par des USA en déconfiture économique signerait sa fin.

Géopolitka : Est-ce que vous avez le temps de suivre un peu la situation en Serbie ? Comment qualifiez vous le rôle du peuple serbe, qui durant ces deux dernières décennies, a été exposé à de fortes pressions de l’oligarchie globale ? Que pensez vous de la situation au Kosovo, ainsi que de la lutte que mène le peuple serbe pour sauvegarder son centre historique ?

Alain Benajam : Le dépeçage de la Yougoslavie était le prototype de l’action de l’impérialisme ; briser les États-Nations historiques pour les remplacer par de petites entités ethniques englobées dans des maxi États comme l’est par exemple l’Union Européenne totalement soumise aux marchés financiers et aux Anglo-Saxons. Ceci a pu réussir par la passivité de la Russie à l’époque . La Serbie possède la chance d’être encore un des derniers États indépendant d’Europe. Elle doit absolument le rester et résister aux pressions, son avenir est dans une alliance solide, économique et militaire avec la Russie, alliance qui est en train de se concrétiser. Un pays d’Europe encore indépendant s’inscrivant dans le combat pour la liberté des nations est un avantage et doit devenir une base arrière politique pour les peuples encore soumis qui cherchent à s’organiser. La nation serbe a perdu dans le Kosovo son cœur historique ; bien entendu nous devons soutenir cette nation amie de longue date de la France pour qu’elle puisse le retrouver rapidement.