Walid Joumblatt

Le 14-Mars multiplie les erreurs : rupture avec Walid Joumblatt

Depuis l’assassinat du général Wissam al-Hassan, le 14-Mars multiplie les erreurs politiques. Il a d’abord fait de mauvais calculs, en pensant pouvoir rééditer le scénario de 2005, lorsqu’il a pris le pouvoir dans le sillage de l’assassinat de l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri. En optant pour l’agitation populaire et la violence dans la rue, il a pensé que, le chef du gouvernement, le centriste Najib Mikati, intimidé, démissionnerait de son poste. Mais ce dernier, fin limier de la politique, a su saisir les tendances internationales et a compris que la stabilité du Liban est la priorité des pays occidentaux. Déterminé, il a résisté à toutes les pressions et fait face à la campagne de terreur. Et c’est avec la bénédiction de la « communauté internationale » que l’Armée libanaise a repris le contrôle du terrain, occupé un temps par les milices du Courant du futur.
Le 14-Mars a donc été désavoué par ses protecteurs occidentaux, qui, craignant le vide politique, ont clairement affirmé que tout changement de gouvernement au Liban doit être précédé par une entente sur une nouvelle formule gouvernementale. Mais un tel accord ne peut voir le jour qu’à travers le dialogue national initié par le président de la République. Or le 14-Mars refuse de participer au dialogue tant que le gouvernement n’aura pas démissionné. Il s’est lui-même emprisonné dans un cercle vicieux dont il ne sait plus sortir.
Le 14-Mars a commis autre grave erreur, la deuxième en moins d’une semaine. Il a coupé les ponts avec le député Walid Joumblatt, qui a rejeté les demandes pressantes de l’ancien Premier ministre, Saad Hariri, de démissionner du gouvernement. Le leader druze s’est livré à une critique des positions et de l’attitude du 14-Mars lors de la dernière crise, et a réaffirmé son positionnement au centre. Il a déclaré qu’il prendra position au sujet de la question gouvernementale en concertations avec le président Michel Sleiman, le Premier ministre Nagib Mikati et le président du Parlement à Nabih Berry, et non pas avec le 14-Mars. Pour M. Joumblatt, la priorité est aujourd’hui de préserver la stabilité du Liban, et d’empêcher un vide politique, car cela permettrait à la crise syrienne de se transposer au Liban, et risquerait de provoquer une discorde entre sunnites et chiites. M. Joumblatt a également réaffirmé son attachement au cabinet Mikati, en attendant qu’un compromis soit trouvé sur une autre formule, que ce soit un gouvernement d’union nationale ou de technocrates. « La conjoncture actuelle n’est plus la même qu’en 2005, et on ne peut pas rééditer cette réalisation », a-t-il dit lors d’une interview télévisée jeudi dernier.
Saad Hariri a réagi d’une manière impulsive, voir enfantine, à ces propos. S’adressant à M. Joumblatt, il a écrit sur son compte Twitter : « En tout état de cause, que Dieu vous pardonne Walid bey. Si votre conception de la stabilité est de rester dans le cadre de l’alliance syro-iranienne, nous vous en félicitons. Mabrouk. » M. Joumblatt a immédiatement riposté « Que Dieu lui pardonne ses paroles. ».
Cette crise montre que le 14-Mars vit dans ses illusions. Il pense pouvoir entrainer l’Occident dans son sillage et le contraindre à l’appuyer inconditionnellement dans toutes ses décisions. Mais la réalité est que c’est le 14-Mars qui est appelé à exécuter l’agenda des pays occidentaux et non pas l’inverse. C’est dans des crises comme celles-ci que le rôle de simple exécutant du 14-Mars apparait au grand public. Tout le monde le voit et le comprend, sauf ce mouvement, qui croit encore que l’Occident est à son service pour réaliser ses rêves de prise du pouvoir.
Mais il n’est pas sûr que malgré ces déconvenues, le 14-Mars se décidera enfin à ne plus lier son sort et celui du Liban à l’étranger. Car même si certaines de ses composantes en ont l’intention —ce qui reste à prouver—, elles n’en n’ont pas la possibilité et les moyens.

Les groupes armés font voler la trêve en éclat

Les rebelles syriens ont fait voler en éclat la trêve initiée par l’émissaire international Lakhdar Brahimi à l’occasion de la fête de l’Adha, quelques heures après son entrée en vigueur, vendredi matin. D’ailleurs, une des principales composantes des forces rebelles, le Front qaïdiste al-Nosra, avait rejeté le cessez-le-feu.
Dès vendredi, les provocations et les attentats se sont poursuivis, poussant l’armée syrienne à user de son droit de riposte qu’elle s’était réservée. Une voiture piégée a explosé dans le quartier de Daf el-Chawk, au Sud de Damas, faisant 5 morts et plus de 30 blessés.
Le jour même, une autre voiture sautait près d’un barrage militaire, dans la province de Daraa, faisant onze morts et blessés dans les rangs des soldats.
Toujours vendredi, les rebelles ont lancé un assaut contre la base de Wadi Deif, à quelques kilomètres de Maaret al-Noomane, où sont retranchés 250 soldats.
A Alep, les insurgés ont attaqué le quartier à majorité kurde d’Achrafié, où ils ont enlevé de dizaines de personnes, après des combats avec les comités populaires, qui ont fait 30 morts. Des combats ont également eu lieu samedi à Harasta et Erbine dans la grande banlieue de Damas, ainsi qu’à Khaldiyé, un des quartiers rebelles encerclés de Homs, dans le centre du pays. Des accrochages avaient également lieu à Tall Kalakh, près de la frontière avec le Liban.
Un attentat terroriste à la voiture piégée a par ailleurs visé, samedi, une église syriaque de la ville de Deir Ezzor, dans l’est du pays. L’explosion a causé d’importants dégâts matériels, notamment à la façade de l’église.

Événements

• Un groupe rebelle du nord de la Syrie a affirmé détenir le journaliste libanais Fida Itani, arguant que ses reportages sur le terrain « n’étaient pas compatibles avec la révolution » syrienne. Le journaliste, apparu dimanche dans une vidéo pour affirmer qu’il était en bonne santé, travaille pour le journal al-Akhbar et pour la LBCI. La chaine privée a confirmé sa capture sur son site internet. Un groupe se faisant appeler Brigade de la tempête du nord à Azaz, localité de la province d’Alep et frontalière de la Turquie, a revendiqué son arrestation sur sa page Facebook. « Il s’est avéré après une enquête que le travail du journaliste Fida Itani n’est pas compatible avec la révolution, nous l’avons donc mis en résidence surveillée pour une courte période. Il sera libéré dès que le reste des données demandées à son sujet seront réunies », précise un communiqué posté sur cette page. « Ses reportages et ses vidéos ne prouvent pas son implication auprès de groupes hostiles à la révolution, mais son travail journalistique ne lui permet plus de rester dans les zones contrôlées par les révolutionnaires », précise le communiqué.
D’après la LBCI, M. Itani serait aux mains d’Abou Ibrahim, un homme originaire d’Azaz qui s’est fait connaître en enlevant des pèlerins chiites libanais cet été.

• Le Hezbollah a qualifié de « calomnies » les accusations du chef des Forces libanaises, Samir Geagea, dans l’affaire de l’assassinat du général Wissam al-Hassan. « Le chef des Forces libanaises, qui est condamné dans une série de grands crimes qu’il avait perpétrés contre des individus et des groupes libanais, et notamment contre l’ancien Premier ministre Rachid Karamé, nous a gratifiés d’une rengaine d’accusations infondées à propos d’un rôle d’exécutant qu’aurait tenu le Hezbollah dans l’assassinat du général martyr Wissam el-Hassan », indique le communiqué. « Nous rejetons entièrement ces accusations et nous y voyons une tentative flagrante de jeter de l’huile sur le feu sectaire et d’aggraver la tension dans le pays ». « Cela, aucun sage ne saurait l’accepter à l’exception de ceux qui ont bien voulu servir gratuitement l’ennemi israélien et ses complots criminels », conclut le communiqué.

• Les enquêteurs libanais dans l’assassinat du général Wissam al-Hassan ont reçu le soutien, jeudi, d’une équipe de la police fédérale US. Les agents du FBI sont déjà sur le lieu de l’attentat, à d’Achrafié, à la recherche d’éléments et d’indices. La venue d’enquêteurs du FBI avait été convenue lors d’un entretien téléphonique, lundi, entre Najib Mikati et Hillary Clinton. Le Hezbollah avait exprimé son mécontentement de la venue des policiers états-uniens. Le secrétaire général adjoint du parti, cheikh Naïm Kassem, avait réclamé une enquête à 100 % libanaise.

• Selon le quotidien libanais Ad Diyar, une entreprise française spécialiste de la protection des personnalités et de la sécurité des établissements a proposé au Liban d’envoyer 300 responsables de sécurité et agents anti-terroristes contre une somme de 120 millions de dollars par an. L’entreprise indique qu’elle est en mesure de déjouer 95 % des éventuels incidents à condition qu’elle dispose d’une grande liberté d’action. Problème : pourra-t-elle se rendre dans la banlieue sud de Beyrouth ?

Déclarations et prises de positions

Michel Aoun, leader chrétien libanais, chef du Courant patriotique libre
« Nous rendons hommage à nos martyrs, mais nous devons aussi nous intéresser aux vivants. À la suite des appels de Saad Hariri et de Fouad Siniora aux manifestants de se retirer des rues, les accrochages se poursuivent avec l’armée. De ce fait, j’ai le droit de considérer que celui qui a perpétré l’attentat contre Wissam al-Hassan est derrière les incidents en cours. Les responsables de ce crime veulent semer la discorde entre les Libanais et c’est pour cela que nous appelons toutes les parties à la vigilance. La situation ne risque plus de dégénérer et nous comptons sur la justice pour juger les personnes responsables du chaos des derniers jours. »

Mohammad Rachid Kabbani, mufti sunnite de la République libanaise
« Le Liban est le pays de la démocratie, de la Constitution, de la loi et des institutions. Nous ne permettons, en aucun cas, de faire tomber le gouvernement par des manifestations de rue ou par des actes de violence. L’attentat contre le général martyr Wissam el-Hassan est un complot ourdi contre le Liban. Ce danger menace l’union de notre pays et cherche à l’anéantir. Nous devons empêcher les forces du mal et de la discorde de s’infiltrer au sein de notre société. »

Aymane Zawahiri, chef d’Al-Qaïda
« La bataille n’est pas finie, mais elle a commencé. Tous les gens sincères d’Égypte doivent mener une campagne populaire pour mener à terme la révolution, qui a été avortée. La révolution en Égypte doit se poursuivre et la communauté des musulmans doit se sacrifier jusqu’à obtenir ce qu’elle souhaite et jusqu’à ce qu’elle arrache des mains corrompues la dignité et l’honneur de l’Égypte. Les Égyptiens doivent prendre part à des manifestations visant l’ambassade israélienne et contre la normalisation des relations et le traité de paix avec Israël et l’occupation du territoire palestinien par Israël et le blocus de Gaza. Je demande à Mohammed Morsi, qui est un président sans autorité, quelles sont ses positions par rapport au jihad pour libérer la Palestine ou sur la Charia et la participation de l’Égypte à la guerre des États-Unis contre l’islam. Les musulmans doivent enlever des citoyens de pays en guerre contre les musulmans. Nos prisonniers ou le cheikh Omar Abdel-Rahman ne seront pas libérés si ce n’est par la force, qui est le seul langage qu’ils comprennent. »

Ali Abdel Karim Ali, ambassadeur de Syrie au Liban
« Il faut déployer les efforts pour éloigner le spectre de la discorde au Liban. Il est donc nécessaire d’empêcher les forces sionistes et occidentales de mettre la main sur les richesses de la région. Je suis sûr que les peuples libanais et syrien sont conscients de ce qui se tisse actuellement. Il faut consolider la sécurité au Liban. Cela rassure également Damas qui tient à la stabilité du pays. La stabilité du Liban relève de l’intérêt de la Syrie, qui est prise par la crise qui sévit sur son propre territoire. Nous avons déjà condamné l’attentat. Certains groupes fondamentalistes sont responsables de l’explosion qui profite en premier lieu à Israël. J’accuse aussi des takfiriyne qui trouvent leur intérêt dans le chaos. Je suis navré que de telles accusations soient portées contre mon pays. La Syrie n’a aucune relation avec cet acte criminel et l’a condamné. La stabilité du Liban est dans l’intérêt de la Syrie qui doit faire face à une crise intérieure et au complot dans lequel sont impliqués des agents de renseignements en Europe, dans le monde et dans la région. »

Revue de presse

As Safir (Quotidien libanais proche de la majorité, 25 octobre 2012)
Les symptômes de la confusion et du désarroi au sein du 14-Mars, manifestés au lendemain de l’assassinat du général Wissam el-Hassan, ne sont pas nouveaux. C’est l’ampleur de l’attentat d’Achrafié qui a mis en exergue les points faibles retentissants de ce camp. Force est de constater la différence frappante entre le 14-Mars de février 2005 et le 14-Mars d’octobre 2012. De toute évidence, des changements substantiels ont eu lieu tant au niveau régional qu’international entre le martyre de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, et l’assassinat du chef de la section du renseignement de la FSI, le général Wissam el-Hassan. Mais des transformations de taille sont également survenues au niveau de la structure du 14-Mars et au niveau des relations entre ses composantes.
Les griefs de la base populaire contre le commandement du 14-Mars sont multiples. Ils sont liés à l’alliance quadripartite, à l’accord syro-saoudien, à l’accord de Doha. Cette situation a donné lieu à une crise de confiance entre le prolétariat du 14-Mars et son élite politique. Les jeunes zélés du 14-Mars éprouvent le besoin d’une quelconque victoire suite aux revers répétés. Ils ont l’impression que le commandement politique a fait sortir le mouvement du 14-Mars de son contexte populaire et de « l’innocence » qui le caractérisait au tout début de sa naissance.
Le corps politique du 14-Mars est, quant à lui, épuisé et ramolli, sept ans après sa naissance, sous l’effet des divergences qui sévissent entre ses membres. Les composantes du 14-Mars étaient divisées au sujet de l’ouverture de Saad Hariri à l’égard de Damas, et du compromis auquel le chef du Courant du futur et le Hezbollah ont failli parvenir concernant le Tribunal spécial pour le Liban. Ces divisons se sont aussi manifestées au niveau de leurs positions vis-à-vis de la participation au gouvernement de Najib Mikati, du retour à la table du dialogue et de la loi électorale, sans compter la confrontation directe entre le parti Kataëb et le secrétaire général du mouvement, Farés Souaid, à tel point que le parti Kataëb a même considéré l’idée d’emboîter le pas au CPL, au PSP, et à Bkerké, lesquels ont quitté les rangs du 14-Mars. Ce qui dénote l’hémorragie dont souffre ce camp.
Le secrétariat général du 14-Mars qui constituait une « unité de coordination et de liaison » et qui était autrefois le point fort du mouvement, a été réduit au rôle d’imprimante de communiqué hebdomadaire et est devenu synonyme d’un salon politico-médiatique où se rencontrent ceux qui sont en « chômage masqué ». L’absence de Saad Hariri de la scène libanaise a, à son tour, affaibli le Courant du futur qui était autrefois le levier des forces du 14-Mars. Cette absence a fait que sa capacité de gestion sur le terrain a régressé elle aussi. Preuve en est, la recrudescence des incidents successifs dans la capitale, à Tripoli, au Akkar et au Sud qui révèle l’élargissement du périmètre des « îlots » dans les régions inféodées au Moustaqbal, parallèlement à l’ascension des mouvements salafistes extrémistes. Dans ce contexte, il convient de signaler que la difficulté financière dans laquelle se trouve Hariri a eu, aussi, un effet sur le courant bleu, d’autant plus que les aides et les prestations constituaient une artère vitale qui le liait à une tranche de son public. C’est le cumul de ces facteurs qui s’est présenté en toile de fond à la Place des Martyrs le jour des funérailles de Wissam el-Hassan.

As Safir (25 octobre 2012)
Marlène Khalifé
Selon les milieux du Premier ministre Najib Mikati, Washington, à en juger par ses dernières prises de position, a formulé le vœu d’un changement de gouvernement qui fasse l’unanimité des Libanais sans plonger le pays dans un vide politique. Les États-uniens seraient opposés à un gouvernement d’expédition des affaires courantes : un tel Cabinet ne sera pas en mesure de couvrir l’action des forces de sécurité. Il est donc inacceptable d’imposer une démission du gouvernement actuel sans avoir au préalable une vision claire concernant son successeur. Tout comme les États-Unis, la communauté internationale refuse que le Liban soit paralysé par un vide politique, ajoutent ces sources, d’autant plus que les circonstances aussi bien au Liban que dans la région sont aujourd’hui des plus critiques. De ce fait, les forces armées libanaises ont urgemment besoin d’une couverture politique officielle pour accomplir leurs missions sur le terrain et conjurer les dangers qui planent sur le Liban.

An Nahar (Quotidien libanais proche du 14-Mars)
Rosanna Bou Mouncef (25 octobre 2012)
Les parties opposées à la démission du gouvernement actuel avaient fait valoir que les contacts internationaux avec le président Nagib Mikati au lendemain des obsèques du général Wissam el-Hassan revenaient en réalité à appuyer ce gouvernement. Ce qui a fait l’affaire du camp du 8-Mars, obstinément opposé à tout changement de gouvernement, du moment que ce dernier est cautionné par la communauté internationale. Selon des sources diplomatiques occidentales, les pays occidentaux, pris de court par la révolution en Syrie, ont exhorté les forces du 14-Mars à préserver le statu quo en attendant que l’image se décante. Ce statu quo, enchaînent-elles, aurait pu être maintenu, quoique avec difficulté, si ce n’était l’assassinat du général el-Hassan, qui inquiète au plus haut point. Les pays occidentaux ont ensuite été obligés de revoir leurs comptes, par souci de ne pas mettre en péril la stabilité au Liban. D’où la question : appuieront-ils la formation d’un nouveau gouvernement ou s’en abstiendront-ils en invoquant des circonstances peu favorables ? Les forces du 8 Mars semblent avoir une réponse… qui les rassure.

An Nahar (23 octobre 2012)
Sarkis Naoum
Nul ne doute du fait que le 14-mars aie été directement visé par l’attentat contre le général Wissam al-Hassan. Le mouvement a donc voulu faire ses adieux au défunt par un mouvement populaire digne des grands hommes. Cependant, le 14-Mars n’a pas réussi à traduire cette volonté sur le terrain. D’une part, la foule n’était pas aussi nombreuse que les leaders du mouvement l’avaient espéré. D’autre part, la participation chrétienne aux funérailles était modeste.
De plus, les dirigeants du 14-Mars ont cru qu’ils pouvaient rééditer l’expérience de mars 2005 qu’ils pourraient renverser le gouvernement de Najib Mikati comme ils avaient imposé le départ du gouvernement de Omar Karamé. Ils ont donc haussé le ton, galvanisant la foule par des discours incendiaires. La suite est connue de tous. Cependant, ce que les dirigeants du 14 mars semblent avoir oublié, c’est que les gardes du Grand-Sérail attaqués par les manifestants appartiennent au département fondé par Wissam al-Hassan lui-même et qu’ils sont, dans leur grande majorité, sunnites et partisans du 14-Mars. Les dirigeants semblent également avoir oublié que les foules du 8-Mars les entouraient géographiquement. Par conséquent, si les manifestants avaient réussi à prendre le Sérail, le pays aurait immédiatement été entraîné dans une guerre civile, si chère au président syrien Bacha al-Assad.
La chute d’un gouvernement doit se faire au Parlement. Pourquoi les députés du 14-Mars, ceux du Courant du futur en particulier, n’iraient-ils pas négocier avec le leader druze Walid Joumblatt, qui est capable de faire basculer la balance en leur faveur et de leur garantir une majorité parlementaire ? Ou du moins, pourquoi ne pas demander aux grandes puissances qui les soutiennent de faire pression sur Joumblatt ? Sans doute parce que le leader druze réalise qu’une telle démarche réaliserait le rêve d’Assad qui aurait le plaisir de voir le Liban détruit par ses fils, pour la 2ème fois.

Al Akhbar (Quotidien libanais proche de la majorité, 25 octobre 2012)
Issa Sleibi
C’est dans un café de Tripoli que nous rencontrons le chef militaire du Courant du futur, l’officier à la retraite Amid Hammoud, entouré d’une nuée de gardes du corps. "Je sais qu’il y a une discorde entre sunnites et chiites qui est en préparation, mais ce n’est pas nous qui soufflons dessus", dit-il. Il explique que l’ancien Premier ministre Saad Hariri l’a convoqué, un jour, pour le chargé d’organiser les "partisans du Moustaqbal" (Ansar al-Mopustaqbal), desquels sont issues les "brigades du Moustaqbal", c’est-à-dire la force militaire du Courant du futur. "Au début, je me suis excusé, mais il n’a rien voulu entendre, explique-t-il. Au bout d’un certain temps, je suis revenu vers lui et lui ai dit voilà pourquoi vous êtes faibles ! Parce que tous les services de sécurité et toutes les autres forces politiques du pays ont des yeux et des oreilles dans vos rangs. Il faut fermer ce dossier et recommencer à zéro".
Selon Amid Hammoud, l’objectif est de "créer un noyau capable de faire face au Hezbollah et aux autres groupes armés". "Je souhaiterais créer une organisation qui soit aussi efficace et professionnelle que le Hezbollah, reconnait-il. À condition que je sois au service de ma communauté et de mon pays et non pas au service du projet syro-perse. Je ne suis pas opposé à l’idée que la communauté chiite soit forte car cela constitue un facteur de force pour tout le pays. Mais je refuse qu’elle soit contrôlée par la Syrie et l’Iran". Amid Hammoud reconnait qu’il exerce une influence sur les groupes armés actifs à Tripoli. "Souvent, je demande à rencontrer les responsables de la ligne de front entre Bab Tebbané et Jabal Mohsen. Je ne répondrais pas à la question de avoir si je leur fourni des armes, parce qu’il est normal que je leur donne de l’argent et eux en achète".
Hammoud dément les informations selon lesquelles il recruterait des combattants pour les envoyer en Syrie et précise que la plupart des Libanais qui se battent en Syrie le font à titre individuel. "Je suis un partisan de premier ordre de la révolution syrienne et le jour où je me vois combattre aux côtés des révolutionnaires n’est pas très loin", dit-il, avant d’assurer qu’il n’est pas impliqué dans les livraisons d’armes en Syrie. Cependant, il reconnait qu’il a aiguillé, souvent, des rebelles syriens vers des trafiquants d’armes qu’il connait.
"Je vais commencer à armer les sunnites pour faire face au Hezbollah si ce parti ne met pas un terme aux meurtres et aux attentats, ajoute Amid Hammoud. J’ai une force égale à celle du Hezbollah, qui constitue un facteur dissuasif qui poussera les sages à intervenir".

Al Akhbar (25 octobre 2012)
Othman Tezghart
Dans la prison de Lannemezan, dans le Nord-Ouest de la France, une manifestation de 200 militants et activistes a été organisée pour commémorer les 28 années d’emprisonnement du doyen des prisonniers arabes en France, Georges Ibrahim Abdallah. Cette mobilisation a eu lieu 24 heures après une nouvelle audience au cours de laquelle l’avocat du détenu, Me Jaques Vergès, a présenté la 8ème demande d’exécution de la décision de remise en liberté prise en 2003. Cependant, le gouvernement français entrave l’exécution sous des prétextes bureaucratiques.
Suite à cette audience, la décision a été remise en délibéré au 21 novembre. Toutefois, malgré un changement de ton des autorités sur la question, Vergès n’est pas optimiste : « Le procureur général n’a pas changé son style provocateur. Il a de nouveau demandé à Abdallah de présenter des excuses et d’exprimer des remords comme garantie de non-récidive. Et pourtant, Georges Abdallah est un prisonnier d’opinion et un activiste et révolutionnaire communiste. Lui demander de renier ses convictions relève de la provocation ». À cet égard, Vergès a rassuré les manifestants, en leur assurant qu’Abdallah ne reniera pas ses principes. Abdallah a été arrêté en 1984 et condamné à la prison à vie en 1987, dans le cadre d’un procès douteux dans lequel les services secrets français, américains et israéliens ont joué un rôle important. L’ancien chef du service des renseignements français, Yves Bonnet, déclare d’ailleurs : « Nous nous sommes comportés comme des voyous en ce qui concerne l’affaire Abdallah, il est temps de mettre fin à l’injustice que nous lui avons fait subir ». Cependant le ministère français de la Justice continue d’entraver l’exécution de la décision de remise en liberté conditionnelle, à cause des pressions états-uniennes.

Al Akhbar (25 octobre 2012)
Firas El-Choufi
Des sources sécuritaires ont révélé que trois groupes armés évoluant d’une manière permanente sur la route côtière entre Beyrouth et Saïda ont pu être identifiés ces derniers temps. Le premier groupe est constitué de ce qui reste de la société SecurePlus et des milices du Courant du futur. Il demeure lié à ce courant dont il reçoit les ordres. Son armement est moins que moyen et il ne dispose pas de compétences combattantes importantes. Le deuxième groupe s’est développé en parallèle au phénomène du cheikh salafiste Ahmad al-Assir. Le frère du dignitaire religieux sunnite, Amjad al-Assir, a organisé groupes nouvellement créés à Dohat Aramoun, Dohat el-Hoss et Haret al-Nahmé. Il s’agit de combattants idéologiques bien armés et très bien entrainés. Certains se sont rendus en Syrie ces douze derniers mois et ont participé aux combats contre l’armée syrienne, ce qui leur a permis d’acquérir une expérience. Le troisième groupe, qui n’est pas organisé, profite du chaos et du désordre. C’est le plus répandu et le plus nombreux et il bouge spontanément. Ses membres utilisent leurs armes personnelles.
Les services de sécurité ont pu également localiser un ou deux groupes de l’Armée syrienne libre présents sur le littoral, dirigés par un capitaine dissident de l’armée syrienne, appelé Ahmad D., surnommé Abou Hadka. Ces deux groupes sont actifs entre les régions de Saadiyat et Nahmé.
L’Armée libanaise a perquisitionné il y a un mois des endroits suspects à Aramoun, où elle a trouvé des uniformes militaires portant l’emblème de l’Armée syrienne libre.

Al Akhbar (24 octobre 2012)
Ibrahim El-Amine
À la suite de l’assassinat du général Wissam el-Hassan, les forces du 14-Mars n’ont pas tardé à pointer du doigt la Syrie. L’unique objectif de cette accusation était de mobiliser son public, sachant qu’elle ne sort pas du contexte politique de l’action de ce camp qui mise sur la chute du régime syrien.
Cependant, les déclarations des responsables sécuritaires et des ténors du 14-Mars correspondent-elles aux éléments ressortant de l’enquête relative à l’attentat ? L’enquête s’articule, pour le moment, sur trois éléments principaux. Le premier est lié aux données tangibles concernant la scène de l’attentat. Il consiste à identifier les personnes observées par une caméra de surveillance installée dans les lieux de l’attentat. Les images montrent que quelques heures avant l’explosion, une voiture, garée dans la ruelle où l’attentat a eu lieu, a cédé sa place à la voiture Toyota de type RAV4, qui a était piégée. L’enquête est en cours pour savoir si la première voiture en question y était stationnée dans l’objectif de réserver une place au véhicule piégé. Le deuxième élément de l’enquête relève d’un procédé déductif qui consiste à analyser les données téléphonique et décrypter les appels qui ont eu lieu dans la région avant et après l’explosion dans une tentative d’identifier les auteurs potentiels de l’attentat. Le troisième élément consiste à savoir par quels moyens le général Wissam el-Hassan a été surveillé. À cet effet, les appels effectués par el-Hassan avant et après avoir quitté Berlin où il était accompagné du Directeur général des FSI, Ashraf Rifi, et d’une délégation sécuritaire, ont été examinés. Et la liste des personnes que le responsable sécuritaire a contactées durant cette période a été mise en place. Les autorités judiciaires compétentes ont rapporté qu’el-Hassan avait contacté une journaliste, et qu’ils s’étaient entendus pour se rencontrer dans son bureau secret d’Achrafié vendredi matin, soit le jour de l’attentat. La justice demandera, par conséquent, aux enquêteurs de convoquer la journaliste, qui était l’un des informateurs d’el-Hassan, afin de recueillir sa déposition. Cette mesure permettrait à la justice de répondre aux questions suivantes : Y avait-il un moyen de communication entre la journaliste et el-Hassan autre que le téléphone portable ? Le contact entre eux a-t-il eu lieu avant ou après l’arrivée d’el-Hassan au Liban ? La journaliste a-t-elle informé une partie tierce, en personne, par téléphone, ou par un autre moyen de télécommunication électronique de sa rencontre prévue avec el-Hassan ? Aurait-elle évoqué la présence du bureau secret d’el-Hassan ? La journaliste a-t-elle passé des appels téléphoniques après avoir quitté le bureau d’el-Hassan à Achrafié ?

Al Akhbar (24 octobre 2012)
Nasser Charara
Des sources diplomatiques rapportent que la secrétaire d’État US a chargé de nouveau l’ambassadeur Frederick Hoff du dossier relatif à la délimitation des frontières maritimes libano-palestiniennes et aux opérations de forage gazier et pétrolier, vu sa longue expérience dans ce domaine et la nécessité pour Washington de traiter ce dossier avec succès le plus tôt possible. Par conséquent, le diplomate reprendra les discussions qu’il avait entamées durant ses dernières visites au Liban avec les responsables libanais « du point où elles étaient arrivée ».
Ces discussions portaient sur un plan proposé par Hoff concernant la délimitation des frontières maritimes. À cet effet, l’émissaire états-unien se rendra prochainement à Beyrouth, où il y dépêchera un envoyé de sa part, afin d’obtenir l’approbation finale des différentes parties concernées au Liban à son plan. Hoff mise sur le rôle de facilitateur que le Premier ministre Najib Mikati jouera à cet égard. Il estime que ce dernier est en mesure de déterminer le moment le plus opportun pour la soumission de son plan au Conseil des ministres, sachant que la décision définitive ne revient pas à Mikati seul. Les sources diplomatiques considèrent que l’insistance du Département d’État à charger de nouveau Hoff de ce dossier reflète l’importance accordée par Washington aux ressources gazières et pétrolières découvertes dans la Méditerranée. Selon des sources de Washington, Hoff aurait affirmé que la stabilité au Liban est indispensable pour que les géants pétroliers se mettent d’accord pour entamer leurs opérations de forage dans les eux territoriales libanaises et dans toute la région.

Al Hayat (Quotidien proche de l’Arabie saoudite)
Elias Harfouche (23 octobre 2012)
Nombreux sont ceux qui ont été surpris par la capacité des meurtriers à atteindre Wissam el-Hassan. Cependant, il est fort probable que lui n’aie pas été étonné vu qu’il connaissait les risques que la nature de son travail dans un pays comme le Liban lui faisait encourir. Le président de la République a d’ailleurs très bien expliqué la situation dans son discours aux funérailles d’el-Hassan. L’attentat ne vise pas uniquement Wissam el-Hassan, il vise l’État libanais tout entier. Les auteurs du crime ont voulu adressé un message clair aux Libanais.
Mais qui sont donc ces criminels ? Dans ce cadre, nombreux sont ceux qui appellent à ne pas lancer d’accusations avant la fin de l’enquête. Cependant, toute enquête sur l’attentat d’el-Hassan devrait être menée par un suicidaire qui accepterait de prendre le risque monumental de dévoiler l’identité des assassins.
Le second message est adressé au service de renseignements et au travail sécuritaire duquel il doit s’acquitter. Ce travail ne peut être efficace que lorsque la sécurité est immunisée dans le cadre d’un objectif commun. Hors le Liban assiste aujourd’hui au démantèlement de la décision de sécurité.
Ceux qui se sont approprié le droit de décider de la guerre et de la paix au Liban sont aujourd’hui ceux qui décident de qui est permis et de ce qui ne l’est pas en matière de sécurité du pays.

Ad Diyar (Quotidien libanais proche de la majorité-25 octobre 2012)
Une source officielle syrienne haut placée affirme que c’est la France qui aurait assassiné le général Wissam el-Hassan en raison de certaines informations confidentielles qui étaient en sa possession. Quant à la Syrie, qui a déjà suffisamment de problèmes, elle ne fera rien qui puisse lui en causer d’autres. Wissam el-Hassan, poursuivent ces sources, aurait commencé, grâce à Michel Samaha, à faire la lumière sur les relations secrètes entre la Syrie et la France : l’ancien ministre l’aurait en effet mis au courant d’informations dangereuses portant sur la relation entre ces deux pays ainsi que sur son propre rôle secret d’intermédiaire. Samaha aurait donc dévoilé les dessous de la relation syro-française, au niveau des services de renseignements en particulier, ce qui a poussé la France à vouloir liquider Wissam al-Hassan. Il n’est d’ailleurs pas exclu que Michel Samaha soit éliminé à son tour pour enterrer les grands secrets relatifs aux renseignements français et syriens. La France ne souhaiterait en tout cas pas que les États-uniens découvrent ses relations secrètes et son rôle en Syrie et dans la région, d’autant plus que Wissam el-Hassan avait commencé à tisser des liens avec les États-Unis.

L’Orient-Le Jour (Quotidien francophone proche du 14-Mars)
Sandra Noujeim (24 octobre 2012)
L’enjeu essentiel de la stabilité au Liban passe inévitablement par le maintien des institutions à l’abri de tout « vide politique ». C’est ce qu’aura porté la visite-éclair de la haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Catherine Ashton. Ses entretiens consécutifs avec les trois présidents, puis avec le commandant en chef de l’armée, entre lesquels Mme Ashton s’est abstenue de répondre aux questions de la presse, ont permis de confirmer le message des cinq grands, pour le maintien de « l’action gouvernementale ». Une précision s’impose à cet égard, rapportée par notre correspondant diplomatique Khalil Fleyhane, qui cite des participants aux réunions : la volonté de maintenir le gouvernement est motivée par l’obligation d’éviter le chaos ou la paralysie institutionnelle, sans signifier pour autant un attachement européen particulier à la personne du Premier ministre Nagib Mikati, même si l’UE apprécie son rendement jusque-là. D’ailleurs, Mme Ashton aurait veillé à tâter la volonté réelle de former un nouveau gouvernement et l’opportunité de pareille démarche.
Il reste que l’enjeu imminent à l’heure actuelle est « d’éviter le vide », un enjeu que satisferait de prime abord un retour au dialogue. Ainsi, au palais de Baabda, Mme Ashton a transmis au président de la République Michel Sleiman l’appui de l’Union européenne à « la souveraineté, l’indépendance et la stabilité du Liban », ainsi qu’aux efforts concrets du chef de l’État pour contenir la situation depuis l’attentat du 19 octobre. Les participants aux réunions déjà cités ont d’ailleurs transmis l’apaisement des diplomates européens devant la détermination du président à ne pas fléchir devant les pressions visant à faire tomber le gouvernement.
Ce message est sous-tendu par « une crainte sérieuse pour la stabilité du Liban », exprimée par Catherine Ashton au Premier ministre Nagib Mikati. Reprenant les qualificatifs de « terrible » et de « terroriste » pour dénoncer l’attentat d’Achrafieh, elle a reconnu, dans une allusion à peine voilée au régime syrien, « les tentatives d’aucuns de détourner l’attention de la situation régionale en provoquant des problèmes au Liban ». Un fait incontournable s’impose donc, qui nécessite la présence d’un gouvernement efficace. Il s’agit des menaces d’assassinat de personnalités politiques, d’autant plus graves après la disparition du général Wissam el-Hassan, indéniable assise sécuritaire pour nombre de personnalités politiques, dont le Premier ministre.
Si le cabinet devait rester, par crainte d’affrontements internes sur fond confessionnel, a-t-il au moins des garanties concrètes contre de nouvelles atteintes à la sécurité ? Interrogée sur ce point par L’Orient-Le Jour, la chef de la délégation de l’Union européenne, Angelina Eichhorst, ayant accompagné Mme Ashton dans sa tournée, a d’abord affirmé que les entretiens ont « porté longuement sur les mesures prises pour garantir la sécurité dans le pays ». « Mais ces mesures nécessitent, de toute évidence, que les moyens nécessaires soient mis à la disposition des institutions, notamment l’armée. »
L’entretien de Catherine Ashton avec le commandant en chef de l’armée, le général Jean Kahwagi, a été axé sur la responsabilité délicate de l’institution militaire. Saluant les efforts de l’armée dans le rétablissement du calme, la haute représentante européenne a transmis la détermination de l’UE à « renforcer les capacités de l’armée et la soutenir dans l’exécution de ses missions nationales ». Parmi ces missions, la protection des frontières aussi bien face à la Syrie qu’à Israël. Tous ces points ont trouvé un écho dans l’entretien d’une heure entre Catherine Ashton et le président de la Chambre Nabih Berry, favorable à la création éventuelle d’un cabinet d’union nationale.

L’Orient-Le Jour (22 octobre 2012)
Maya Sourati
À Tripoli, les gens vivent dans la peur. Depuis la mort du chef des services de renseignements des FSI, Wissam al-Hassan, les apparitions armées et les abus se multiplient. Les habitants redoutent essentiellement les salafistes.
Il est 21 h quand Muutaz entend des de tirs alors qu’il se rend au café Ahwak, dans la rue Achir el-Dayeh. Des hommes en treillis le dévisagent. L’un d’eux, armé jusqu’aux dents, un kalachnikov à la main et deux revolvers en poche, lui reproche de ne pas pleurer la mort de Wissam el-Hassan : « Va pleurer sa mort au lieu de boire un café, tempête-t-il. On tire pour que vous fichiez le camp. »
Pour Sahar, propriétaire du café Ahwak, la constance des menaces n’est plus soutenable. « Tout à coup les tirs ont semé la panique. Encore ce matin, des voyous ont menacé de détruire mon café. On ne m’a pas demandé solennellement de fermer, on est entré chez moi et on a terrorisé tous mes clients », poursuit-elle. Des tirs en l’air s’en étaient suivis. « Statufié, j’ai vraiment eu l’impression que je n’étais plus dans ma ville. Pendant une seconde, j’ai vécu ce que me racontait mon père à propos de la guerre, comme si j’étais dans le film de West Beirut », raconte Muutaz.
Sept types armés l’entourent, alors qu’il redémarre sa moto. La pluie tambourine au rythme des coups de kalachnikov portés à sa moto. Les insultes fusent, puis des menaces de tout casser « quand la guerre se déclarera » incitent les propriétaires des cafés à fermer boutique et à évacuer les lieux.
« Ce n’est pas la Tripoli que je connais », déplore Khaled, avocat. « Depuis 2005, la religion chez certains est devenue l’apanage de ceux qui veulent appliquer leurs propres lois. Tripoli ne profite pas de la protection du Premier ministre Nagib Mikati. À ce jour, je me demande comment me défendre et si je dois, moi aussi, porter des armes. Achraf Rifi est responsable de notre sécurité mais il n’y a aucune mobilisation de l’État dans ce sens. »
Abdallah, 21 ans, a assisté à la scène. Comme ses amis, il est sous le choc. « Aujourd’hui, certains parviennent en l’absence de l’État à gagner la sympathie des musulmans modérés. Mais ce sont des armées. On compare parfois ces milices fanatiques au Hezbollah, mais on n’a pas à imiter le parti de Dieu. »
Issa, 25 ans, a lui aussi été témoin d’une scène inédite. Des dizaines d’hommes armés, parmi lesquels des islamistes, ont cerné, le soir de l’assassinat de Wissam el-Hassan, son immeuble. « On m’a demandé de lever les bras et de rentrer chez moi les mains en l’air », raconte-t-il. Comme eux, Moayad, 20 ans, n’en croit pas ses yeux. « J’avais un doute sur mes croyances religieuses mais maintenant c’est clair, je ne fais pas partie de ce radicalisme. J’ai de la tendresse pour Tripoli, mais y vivre n’est plus envisageable. »

Ria Novosti (Agence de presse russe, 24 octobre 2012)
L’Église orthodoxe russe est préoccupée par les persécutions des chrétiens en Syrie et dans d’autres pays arabes qui ont subi un brusque changement de régime politique, a déclaré mardi soir à New York le chef du département des relations extérieures du Patriarcat de Moscou, le métropolite Hilarion de Volokolamsk. « Nous sommes profondément préoccupés par ce qui se passe à présent en Syrie, où des forces radicaux appuyées par les États occidentaux tentent d’accéder au pouvoir. Et partout où elles parviennent à le faire, la communauté chrétienne en est la première victime », a annoncé Hilarion aux journalistes suite à des entretiens avec le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon.
À titre d’exemple, le métropolite a cité l’Irak où "90% des chrétiens avaient été assassinés ou avaient fui le pays » au cours de la dernière décennie.
Selon l’ecclésiastique, les persécutions des chrétiens sont passées sous silence dans les médias occidentaux et ne figurent pas dans l’agenda de l’Onu et d’autres organisations internationales.
« Il ne s’agit pas d’une tolérance insuffisante, mais de persécutions d’envergure qui se sont propagées à plusieurs pays et dont des dizaines et des centaines de milliers de chrétiens sont les victimes », a déclaré le métropolite.
Et d’ajouter que la Russie constituait « la force principale » soucieuse de prévenir une réédition du scénario « à la libyenne ou à l’irakienne » en Syrie.

Source
New Orient News