Tripoli, abcès de fixation de la guerre contre la Syrie
Par Pierre Khalaf
Journalistes et analystes parlent du 14ème round de violences à Tripoli (Nord du Liban) avec une amère résignation. Rien que pour la journée de dimanche, pas moins de six personnes sont mortes et une quarantaine ont été blessées, ce qui porte à 20 le nombre de tués, dont deux enfants, depuis le début des combats, mardi dernier.
Des combats à la mitrailleuse et aux roquettes ont éclaté dans les quartiers pauvres de Bab al-Tebbané et Jabal Mohsen. La recrudescence des combats intervient alors qu’un déploiement de l’Armée libanaise avait obligé les miliciens à se retirer vendredi matin, même si des tireurs isolés restaient en embuscade. Pendant la nuit, des soldats étaient stationnés dans les rues autour des deux quartiers en ébullition, mais pas sur l’avenue qui sépare les deux quartiers et qui a désormais des airs de ligne de front.
La situation à Tripoli, déjà tendue depuis le début de la crise en Syrie, s’est à nouveau enflammée mardi après la mort et la disparition de 22 jihadistes libanais partis combattre aux côtés des rebelles syriens, tombés le 30 novembre dans une embuscade de l’armée syrienne. Comme si la relation de cause à effet allait de soi, les miliciens salafistes de Tripoli ont commencé à tirer contre le quartier alaouite de Jabal Mohsen, alors que des rumeurs ont circulé sur des plans d’enlèvements d’habitants de ce secteur pour les échanger contre les islamistes morts en Syrie.
Les violences se sont poursuivies bien que les autorités syriennes aient accepté de rapatrier les corps des combattants, et les trois premières dépouilles ont effectivement été amenées à la frontière dimanche, puis remises à leur famille. Selon une source officielle libanaise, les autorités syriennes ont informé Beyrouth que trois membres du groupe islamiste libanais infiltré en Syrie avaient survécu à l’embuscade du 30 novembre et qu’ils étaient actuellement interrogés.
Il existe donc une volonté claire de maintenir un état de tension continue à Tripoli afin de transformer la ville en base de soutien politique, militaire et logistique pour les rebelles syriens. Ce plan est dirigé par l’ancien Premier ministre Saad Hariri qui a installé une chambre d’opération depuis mars 2011 dans la localité de Qalamnoun, à l’entrée sud de Tripoli, animée par des agents des services de renseignements de plusieurs pays, qui coopèrent avec la section du renseignement des Forces de sécurité intérieure (FSI). Ce groupe d’action est chargé d’organiser le trafic d’armes à travers les ports du Liban-Nord et leur transfert vers la Syrie. Ces armes arrivent à bord de navires en provenance essentiellement de Libye, qui accostent dans la partie turque de Chypre. Puis les chargements sont acheminés vers le Liban à bord de petites embarcations et transportés en Syrie par les passages clandestins à dos de mulets.
La tragédie de Tripoli, qui dure depuis des mois, montre à quel point Saad Hariri et son équipe sont impliqués jusqu’au cou dans le jeu sordide de la guerre et du sang en Syrie. Et cette tragédie va se prolonger autant que va durer l’illusion que la Syrie va bientôt tomber dans l’escarcelle des pétromonarchies et des pions de l’Otan dans la région. Le plan de Hariri et de Samir Geagea consiste à provoquer une guerre civile au Liban après la chute de la Syrie, afin de préparer le terrain à une invasion israélienne, dans une réédition exacte du scénario mis au point et exécuté par Bachir Gemayel, en 1982... et qui a lamentablement échoué. Pourquoi ? parce que tous ces acteurs politiques liés à l’Occident sous-estiment les capacités d’endurance et la détermination du peuple syrien, ainsi que la force et le soutien populaire dont jouit la Résistance au Liban. Surtout que le modèle proposé aux peuples libanais et syriens est tout simplement effrayant, avec toutes ces brigades d’islamistes obscurantistes qui ne rêvent que d’imposer la charia et d’éradiquer tous ceux qui ne leur ressemblent pas.
Face à la tragédie de Tripoli, les dirigeants libanais, notamment ceux qui arborent fièrement le qualificatif de centristes, font preuve d’une mollesse inacceptable et inexpliquée. Pourtant, les miliciens s’en sont pris à l’Armée libanaise, ce dimanche, lorsqu’une roquette a touché de plein fouet une position militaire, blessant deux soldats.
Les régions du Liban-Nord et Nord-est sont victimes de l’équation suivante : plus l’armée arabe syrienne resserre l’étau sur les groupes extrémistes en Syrie, plus leurs complices au Liban réchauffent les fronts libanais. Cela prouve sans l’ombre d’un doute que ceux qui financent, arment, entrainent et manipulent les rebelles syriennes, sont également les maitres des extrémistes au Liban. Ici et là-bas ils envoient les jeunes gens à la mort sans le moindre cas de conscience.
Déclarations et prises de positions
Michel Aoun, leader du Courant patriotique libre
« Les renseignements des Forces de sécurité intérieure veulent avoir les SMS des 3,7 millions de Libanais pendant les deux mois qui ont précédé l’assassinat du général Wissam el-Hassan. De cette manière tous les secrets et toute la vie privée des Libanais seront entre les mains de ce service et pourront faire l’objet de chantage (…) Le boycott du Parlement par le 14-Mars signifie la descente dans la rue, le refus du régime, de la Constitution et de la législation, et constitue un coup d’État. Nous n’accepterons pas ce coup d’État et nous sommes prêts à défendre la Constitution avec tous les moyens autorisés. Le Parlement doit être le seul lieu de rencontre. Je ne suis pas d’accord avec un changement gouvernemental, surtout dans de telles circonstances. Ils nous prennent pour des idiots, mais nous le méritons sans doute, car nous sommes trop gentils. Il n’y aura pas de vide au pouvoir que les élections aient lieu ou pas. En 2004, j’ai été déféré devant la justice et accusé d’un crime passible de 15 ans de travaux forcés pour m’être rendu aux États-Unis afin d’y réclamer l’application de la résolution 520 qui exigeait le retrait de toutes les troupes étrangères du Liban. Je n’avais ni acheté des armes ni passé du temps en Syrie pour aider les combattants. Et ceux-là mêmes qui avaient demandé que je sois condamné veulent aujourd’hui protéger “le faucon” Okab Sakr. Ces gens croient que nous n’avons pas de mémoire. Nous avons beaucoup pardonné, mais nous ne voulons pas être entraînés dans une guerre régionale. Les Syriens sont nos frères. Nous voulons qu’ils dialoguent entre eux et qu’ils tirent les leçons de notre propre expérience. »
Hervé Ladsous, secrétaire général adjoint des Nations Unies chargé des Opérations de maintien de la paix
« Les combattants armés opérant en Syrie constituent une menace pour la sécurité des forces internationales de maintien de la paix déployées sur le plateau du Golan. Certains pays se déclarent préoccupés par la sécurité de nos forces stationnées en Syrie. Décision a été prise de dépêcher des blindés lourds dans la région pour défendre le contingent de la paix. Une équipe supplémentaire d’experts militaires sera également envoyée sur place afin d’évaluer la situation. »
Événement
• Deux navires de guerre russes sont arrivés au port syrien de Tartous pour se ravitailler dans cette seule implantation navale russe en Méditerranée, a indiqué mercredi une source au sein de l’état-major de la marine russe. « Les navires de débarquement Novotcherkassk et Saratov sont arrivés pour 24 heures au port syrien de Tartous où se trouve un point de ravitaillement et de soutien technique de la marine russe », a déclaré cette source à l’agence Interfax. La base de Tartous, située à 220 kilomètres au nord-ouest de Damas, a été créée en vertu d’un accord conclu en 1971, à l’époque soviétique. Elle est équipée de casernes, bâtiments de stockage, docks flottants, d’un bateau pour effectuer des réparations, et emploie une cinquantaine de marins russes, selon les médias officiels russes.
• Le juge d’instruction militaire, Riad Abou Ghida, a clos l’enquête concernant l’affaire de l’ancien ministre Michel Samaha, accusé d’avoir transporté des explosifs de Syrie pour commettre des attentats au Liban contre des membres de l’Armée syrienne libre. Le magistrat a déféré le dossier au commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, le juge Sakr Sakr, afin qu’il en fasse une lecture sur le fond pour publier l’acte d’accusation. L’enquête a été clôturée sans contacter les autorités judicaires syriennes ou convoquer les responsables syriens, notamment Ali Mamlouk et son adjoint, dont les noms avaient cités par la presse dans le cadre de cette affaire.
Revue de presse
As Safir (Quotidien libanais proche de la majorité, 7 décembre 2012)
Paris, Mohammad Ballout
C’est une réévaluation par l’Occident de l’ADN de l’opposition syrienne armée. Au moins trois services de sécurité occidentaux ont commencé à établir une cartographie des groupes syriens armés dans le nord de la Syrie, et à passer au peigne fin la structure et les orientations de l’Armée syrienne libre, à la recherche des éléments jihadistes, dont il faudra soupeser l’influence sur la zone en passe d’être préparée au nord du pays pour devenir une zone sécurisée.
De Beyrouth, des membres du renseignement français se sont rendus dans le nord de la Syrie. Les services français avaient élargi leur présence dans la capitale libanaise depuis le début du conflit en Syrie, sous le couvert du renforcement de la sécurité du contingent français de la Finul. Des groupes des forces spéciales françaises prennent part à cette opération et s’emploient à établir une image plus claire de la configuration politique des groupes de combattants au nord de la Syrie, tout en établissant le degré de leur proximité par rapport à l’organisation Al-Qaeda.
Cette décision a été prise après que les États-Unis eurent fait part de leur détermination à faire figurer le groupe Jabhat Al-Nosra (front du soutien) sur la liste des organisations terroristes. La décision française de s’engouffrer, pour la première fois, sur le territoire syrien en profondeur, dans les régions d’Alep et d’Idleb, doit être vue comme un indice annonçant que Paris est déterminé à accentuer les pressions sur l’UE afin d’obtenir la levée de l’embargo sur les armes… Une chose semble claire : la Jabhat Al-Nosra ne sera pas la dernière à rejoindre la liste noire des organisations terroristes. D’autres factions jihadistes syriennes pourraient venir allonger cette liste, une fois les services de sécurité occidentaux auront achevé d’établir la cartographie des djihadistes dans la région.
La dernière tentative de lever l’embargo sur les armes s’était heurtée à un veto allemand. Mais la réduction de la période concernée, d’un an à 3 mois, permet désormais à la France, aux États-Unis et à la Grande-Bretagne d’aller jusqu’au bout dans le « tri » auxquels ils se livrent : mettre d’un côté les éléments modérés de l’ASL, et de l’autre les groupes jihadistes ou proches d’al-Qaëda. Selon des sources de sécurité occidentales, le renseignement US est déjà présent sur le territoire syrien mais ses équipes opèrent dans des zones limitrophes des frontières avec la Turquie et ne se sont pas aventurées plus en profondeur sur le territoire syrien par crainte d’une collision avec la Jabhat Al-Nosra.
L’offensive des services de sécurité français, états-uniens et britanniques pour faire la lumière sur les forces qui combattent sur le terrain semble laisser présager une levée de l’embargo européen sur les armes : la tentative française, en février prochain, d’obtenir cette levée pourrait aboutir. D’ici là, les services de renseignements présents aujourd’hui sur le sol syrien auront achevé d’établir la liste des groupes dignes de confiance pour leur livrer des armes de qualité afin de modifier le rapport des forces avec l’armée syrienne. La nouvelle mission exploratoire de ces services de sécurité s’accompagne d’efforts conçus pour fédérer les conseils militaires syriens et marginaliser les groupes jihadistes. Une réunion, qui a commencé il y a deux jours à Antalya en Turquie, en présence d’officiers britanniques, états-uniens, français, qataris, émiratis, saoudiens et turcs, vise à mettre au point un état-major qui conduise les combats dans les villes syriennes, divisées en quatre « fronts locaux »- au lieu des cinq proposés lors de réunions similaires à Amman et à Riyad le mois dernier.
Par leurs services de sécurité qui entrent en territoire syrien, ainsi que par leurs forces spéciales et la réévaluation en cours, les occidentaux imposent leurs propres critères pour purger l’opposition syrienne des éléments jihadistes. Telle est d’ailleurs la revendication de tous ceux qui, dans l’Union européenne, s’étaient opposés la semaine dernière à la levée de l’embargo sur l’armement de l’opposition syrienne. Mais l’opposition syrienne, pour obtenir le soutien occidental escompté, perdra en contrepartie ses meilleures unités de combat, dont la plupart relèvent de courants salafistes, jihadistes et pro-al-Qaëda.
As Safir (7 décembre 2012)
Imad Marmal
Le général Michel Aoun se moque des propos du chef des Forces libanaises Samir Geagea selon lesquels sa popularité est en baisse dans la rue chrétienne. Pour exprimer sa confiance et son leadership, il assure qu’il présentera sa candidature aux prochaines élections au Kesrouan, et que son objectif est de rafler les 5 sièges dans cette circonscription. « L’important est que l’argent que certains États ont pris l’habitude de verser pour financer les campagnes du 14-mars n’affluent pas », dit-il.
Mais les élections auront-elles lieu ? Le chef du bloc de la réforme et du changement ne cache pas son inquiétude que le scrutin n’ait pas lieu à la date prévue s’il est organisé selon la loi de 1960. « Franchement, je ne vais pas leur livrer ma tête et je n’accepterai pas qu’une loi électorale nous soit imposé comme fait accompli », ajoute-t-il. Le général indique que son ambition est l’adoption du mode de scrutin proportionnel dans une circonscription unique, sinon les circonscriptions de taille moyenne. « J’ai accepté la proportionnelle bien que mon bloc va perdre quelques député au Mont-Liban, mais cette loi limite l’influence de l’argent et l’achat de voix, dit-il. Je perdrais quelques sièges mais le pays aura gagné. »
Et le général Aoun de poursuivre : « Je demande à Samir Geagea et aux chrétiens de l’opposition de me retrouver au Parlement pour voter le projet orthodoxe (chaque communauté élit ses députés, ndlr) et que chaque partie assume ses responsabilités. Pour ma part, je me charge de convaincre mes alliés, Amal et le Hezbollah. »
Selon lui, les données actuelles ne justifient pas le changement du cabinet. Il appelle à élaborer d’abord une nouvelle loi électorale puis former un nouveau gouvernement, soulignant toutefois qu’un gouvernement neutre est impossible car au Liban il n’y a pas de personnalités neutres.
Sur un autre plan, le général Aoun accuse le Courant du futur de s’impliquer dans une confrontation régionale et internationale qui le dépasse, en Syrie, et de tenter d’y entrainer le Liban. Il appelle à la levée de l’immunité parlementaire de tout député soupçonné d’armer l’opposition syrienne, estimant qu’« il faut encourager les Syriens à profiter de notre propre expérience pendant la guerre et de dialoguer pour régler leurs problèmes ».
Évoquant les armes de la Résistance, Michel Aoun déclare : « Nous sommes convenus avec le Hezbollah que ces armes ne seront utilisés que pour faire face à tout danger qui les menace. Si ce danger est interne, il faut y faire face aussi, car la Résistance doit avoir ses arrières protégés. » Prié de commenter les propos de Geagea selon lesquels il ne s’assiéra pas à une table de dialogue autour de laquelle se trouve Michel Aoun, Mohammad Raad et Assaad Hardane, le général répond avec ironie : « Je pense que les signes de la sainteté commencent à apparaitre sur Geagea. Il faut soumettre son dossier au Vatican pour qu’il soit canonisé. »
As Safir (6 décembre 2012)
Le ministre de l’Intérieur Marwan Charbel rejette les critiques dont il fait l’objet depuis qu’il a commencé à préparer les élections législatives sur la base de la loi de 1960. Il assure qu’en tant que ministre de l’Intérieur, son devoir est de mettre au point les préparatifs nécessaires, à l’approche de la date des élections, d’autant plus que certaines questions prendront du temps et ne pourront pas être réglées du jour au lendemain. Il ne convient donc pas d’attendre, pour s’y mettre, la veille du scrutin. Il souligne qu’il est dans l’obligation de lancer ce processus dès à présent, sur la base de la loi en vigueur, bien qu’il soit personnellement, affirme-t-il, farouchement opposé à la loi de 1960. Il précise même qu’il s’en réjouira si le projet du gouvernement sur la proportionnelle est adopté. Mais le temps presse, et il lui incombe de démarrer les préparatifs, tout en sachant que les mesures engagées pourront aller de pair avec n’importe quelle loi électorale. Il ajoute par ailleurs : « Si je ne craignais pas d’être traité de lâche et de fuyard, j’aurais démissionné sans plus tarder, parce que ce que j’ai découvert dans mon expérience avec la classe politique fut un véritable choc ».
As Safir (6 décembre 2012)
Nabil Haïtham
Le 14-Mars se sent plus en sécurité que le 8-Mars sur le plan électoral, car il estime que la bataille du 8-Mars pour barrer la route à la loi de 1960, si elle n’est pas perdue d’avance, est en tout cas difficile.
L’assurance du 14-Mars vient aussi du fait qu’il y a un chef d’orchestre qui s’emploie, dès maintenant, et d’une manière intelligente et professionnelle, à lui préparer sa bataille électorale. Cette réalité s’illustre dans les démarches entreprises par l’ambassade d’un grand pays arabe en direction de personnalités politiques chrétiennes indépendantes, avec qui elle discute des élections. Les diplomates de cette ambassade sont confiants qu’il n’y a pas de substitut à la loi de 1960. De plus, certains sondages donnent au 14-Mars 65 députés sans le bloc de Walid Joumblatt.
Par ailleurs, l’ambassadeur d’un pays arabe invente des occasions sociales et autres pour rencontrer des candidats potentiels hésitants, et leur promet des aides « humanitaires et sociales », notamment dans le Metn, au Kesrouan et à Zahlé.
Autre indice, la visite d’Elias Skaf en Arabie saoudite et sa rencontre avec le ministre des A-E, le prince Saoud el-Fayçal, qui l’a encouragé dans ses choix politiques indépendants. Enfin, des diplomates occidentaux ont entamé des démarches visant à barrer la route à toute tentative de proroger le mandat du Parlement actuel et à mettre l’accent sur la nécessité de renouveler la vie politique libanaise, même s’il faut maintenir la loi de 1960.
Pour sa part, un important dirigeant du 8-Mars commente la symphonie jouée ces derniers temps par le 14-Mars sur les pronostics -de Samir Geagea- annonçant la victoire de cette coalition aux élections, et sur la théorie de l’« anéantissement » des adversaires, lancée par Ahmad Hariri lors du meeting de Tripoli, dimanche dernier. Toutes ces déclarations montrent que le 14-Mars est certain que la loi de 1960 est devenue un fait accompli.
Ce même dirigeant déclare qu’il ne serait pas surpris de voir le président de la République, contaminé par ce « fait accompli », monter la vague de la loi de 1960, surtout que le chef de l’État ne cesse de répéter devant ses visiteurs que l’organisation des élections est meilleure que leur report.
Ce dirigeant n’arrive pas à trouver des justifications à la position du patriarche Béchara Raï, qui estime que le retour à la loi de 1060 est préférable au report des élections. Une telle position sape le principe de la juste représentation défendue par l’Église maronite.
Et le dirigeant du 8-Mars de conclure : « Certains proposent d’amender la loi de 1960 et d’autres refusent. Certains veulent attirer Walid Joumblatt en lui promettant des cadeaux électoraux. Il serait naïf de croire que la loi de 1960 est un fait accompli et il serait encore plus naïf de croire que le pouvoir sera offert au 14-Mars sur un plateau en or. Cela ouvre la porte à toutes les options. Il serait également naïf de penser que la carte électorale au Liban va se décanter avant que n’apparaisse la direction que prendra la crise syrienne ».
An Nahar (Quotidien libanais proche du 14-Mars)
Ibrahim Bayram (5 décembre 2012)
Dimanche soir, une réunion non prévue a regroupé des dirigeants du 8-Mars pour débattre du meeting organisé par le Courant du futur (CDF) à Tripoli en commémoration du quarantième du général Wissam al-Hassan. Les participants à la discussion ont convenu que les discours prononcés à cette occasion ne comportent nullement un plan de confrontation clair et net pour faire face à l’adversaire. Le CDF a seulement décidé de couper tous les ponts avec ses rivaux et a adopté une attitude que n’est pas à la hauteur de l’objectif difficile qu’il s’est fixé il y a deux mois, celui de renverser le gouvernement actuel et de jeter les bases d’une nouvelle étape politique caractérisée par l’« anéantissement » des rivaux, selon les termes utilisés par les orateurs du meeting de Tripoli. Les mots « vengeance » et « anéantissement », qui étaient hier encore étrangers au lexique politique libanais, sont devenus familiers dans les discours du 14-Mars. Ils sont censés refléter un état de guerre et une confrontation supposée qui signifie : « Que la guerre éclate et que le gagnant règne ». Mais encore une fois, le discours ne propose à la base populaire aucun plan, à part les résultats d’élections législatives tout aussi hypothétiques.
Les milieux dirigeants du 8-Mars estiment que le 14-Mars commet toujours un double « pêché » politique : il sous-estime les capacités de ses adversaires à contrôler le jeu politique et les équations du pouvoir ; il utilise toujours le langage de l’intimidation pour empocher immédiatement des dividendes politiques. C’est ce qu’il a fait après l’assassinat du général Wissam el-Hassan, lorsqu’il a brandi l’épée du boycott total, de l’escalade et de la « grève politique », pour obtenir, en vain, le départ du gouvernement de Najib Mikati.
Mais ces mêmes milieux assurent que le procédé utilisé ces deux derniers mois par le 14-Mars a atteint ses limites et s’est essoufflé. Dorénavant, le 14-Mars devra traiter avec une nouvelle étape, celle de l’après-embuscade de Tal Kalakh.
Al Akhbar (Quotidien libanais proche de la majorité, 7 décembre 2012)
Nasser Charara
Le président de la Chambre, Nabih Berry, est convaincu qu’un grave danger pèse sur le Liban en raison de l’enchevêtrement de la crise locale avec les événements qui secouent la région. Face à cette situation, M. Berry adopte une position basée sur les cinq éléments suivants :
1-Le maintien du gouvernement actuel en place ou sa démission n’est pas une question essentielle. « Dès le début, dit-il, je me suis prononcé, tout comme le député Walid Joumblatt, en faveur d’un gouvernement d’union nationale. D’autres seraient d’un avis différent. Par conséquent, il est nécessaire d’entamer le dialogue afin de parvenir à une entente entre toutes les formations concernant la mouture du prochain gouvernement » ;
2-Il faut faire la distinction entre la table du dialogue national qui se tient à Baabda et son appel à engager des concertations en vue de mettre fin à la rupture politique, provoquée par l’assassinat du général Wissam al-Hassan, de trouver une issue à la crise qui a « paralysé la vie politique dans le pays et de discuter de tous les dossiers, y compris la question gouvernementale et la loi électorale ;
3-Berry encourage les initiatives en faveur du dialogue, telle que l’initiative lancée par Walid Joumblatt ;
4-En ce qui concerne la loi électorale, le chef de l’Assemblée le dit d’emblée : « Personnellement, et en tant que chef du Mouvement Amal, je prône l’adoption d’une loi basée sur la proportionnelle avec une circonscription unique. Mais si les partis chrétiens conviennent d’une autre loi, je ne m’y opposerai pas » ;
5-Le président du Parlement a enfin évoqué la nécessité de relancer le travail des commissions parlementaires, exprimant dans ce cadre son optimisme quant aux résultats de sa réunion avec le 14-Mars, sans toutefois en dévoiler les détails.
Al Akhbar (7 décembre 2012)
Jean Aziz
Quelle est la relation entre la demande des services de sécurité des Forces de sécurité intérieure (FSI) de violer les droits des usagers du téléphone mobile et d’Internet au Liban et l’enquête dans l’assassinat de Wissam al-Hassan ? Trois hypothèses sont avancées par des experts qui connaissent les méthodes de travail employées par les services de sécurité.
Selon la première hypothèse, l’équipe qui mène l’enquête dans l’attentat d’Achrafié ne serait pas parvenue à un résultat utile permettant d’élucider les circonstances du crime ou d’en identifier les auteurs. Il n’y aurait par conséquent aucune relation logique directe entre l’action des enquêteurs et la demande de porter atteinte à la vie privée des citoyens. Le camp politique qui soutient l’équipe des enquêteurs aurait voulu, dans ce cas, saisir cette occasion afin d’avoir accès au réservoir d’informations individuelles.
Selon la deuxième hypothèse, les enquêteurs, n’ayant repéré aucun fil suspect dans le mouvement des appels téléphoniques, auraient conclu que les assassins ont utilisé un autre moyen de communication, tels les textos ou les applications téléphoniques.
Selon la troisième hypothèse, les enquêteurs ont trouvé un fil qui les aiderait à identifier les auteurs de l’attentat. Dans ce cas, l’information ou les données recherchées concernent une personne ou à un groupe de personnes. Cependant, en raison du manque de confiance qui existe entre les enquêteurs et l’équipe politique qui le soutient d’une part et les institutions de l’État, tout particulièrement le gouvernement de l’autre, les enquêteurs craignent que s’ils présentent une demande ciblée, les assassins n’en prennent connaissance. Ils pourraient, le cas échéant, louvoyer, manipuler les preuves voire liquider les parties qui les pourchassent.
Face à ce dilemme, la solution réside dans l’application des lois, en se basant sur leur esprit, selon lequel les droits de l’homme ne doivent pas être violés sous n’importe quel prétexte.
Al Akhbar (7 décembre 2012)
Okab Sakr a vidé son sac au sujet des enregistrements qui établissent son implication dans le jeu des armes et du sang en Syrie. Entre la date de publication de ces conversations et celle de la conférence qu’il a donnée, où il n’a fait que vociférer et lancer des injures, les commandes d’armes sont devenues des commandes de lait, et les obus se sont transformés en couvertures chaudes. Ce qu’Okab Sakr n’a pas dit dans sa conférence, c’est que jusqu’à avant-hier soir, il n’a cessé de faire des propositions à Al-Akhbar pour qu’il cesse de publier les documents des autres enregistrements qu’il possède, moyennant d’importantes sommes d’argent. Il a attendu une semaine pour sortir de nouveaux enregistrements, en prétendant qu’ils complétaient ceux publiés par Al-Akhbar. Pourquoi attendre tout ce temps ? Pourquoi n’a-t-il pas immédiatement réagi ? Une seule raison l’explique : il a tenté, par l’intermédiaire de certains de ses amis, de savoir quels étaient les autres enregistrements dont dispose Al-Akhbar, et savoir en particulier si, parmi eux, figuraient des passages révélant le véritable rôle de Bandar Ben Sultan et de Saad Hariri. De plus, Sakr a pris son temps pour ajouter des passages vocaux aux enregistrements initiales , alors que la différence entre le produit de cette manipulation et le document d’origine n’échappera pas à un ingénieur du son débutant.
Al Akhbar (6 décembre 2012)
Maysam Rizk
Le 14-Mars n’a pas été en mesure de trouver une issue à la crise dans laquelle il s’est engouffré, sans passer par le président de la Chambre, Nabih Berry. Suite à sa décision de boycotter les travaux des Commissions parlementaires et la table du dialogue, l’opposition n’a pas pu passer outre au dossier de la loi électorale. Elle n’a pas pu non plus parvenir à une formule unifiée sur ce sujet. De plus, les rencontres qui ont eu lieu au domicile du député Boutros Harb, entre les présidents et les rapporteurs des commissions parlementaires appartenant à ce camp, n’ont pas abouti. Leur dernier recours fut alors le chef du Législatif.
En effet, une délégation parlementaire du 14-Mars s’est rendue chez Berry afin de discuter des sujets qui sont en suspens entre le gouvernement et l’opposition. Lors de la réunion qualifiée de positive par les parlementaires du 14-Mars, un mémorandum, préparé par les présidents et les rapporteurs des commissions parlementaires appartenant à l’opposition, a été remis au président de la Chambre. Les discussions ont porté également sur l’importance de parvenir à une sortie de crise. Berry s’est engagé, pour sa part, à convoquer les commissions conjointes sans la présence des ministres et des représentants du gouvernement. Selon les sources du 14-Mars, les deux côtés ont convenu d’une formule susceptible de satisfaire les deux camps et à même de relancer le travail des commissions sans porter atteinte à la décision de boycott prise par l’opposition. La formule en question ne sera annoncée qu’une fois examinée par les différentes composantes de l’opposition.
Al Akhbar (6 décembre 2012)
Nicolas Nassif
Trois ambassadeurs européens en poste à Beyrouth ont évoqué avec les responsables libanais plusieurs idées exprimant l’intérêt qu’ils attachent au renforcement de la stabilité à la veille des élections législatives. Ils ont sondé les protagonistes libanais sur un arrangement qui fusionnerait l’élaboration d’une nouvelle loi électorale et la formation d’un nouveau gouvernement.
Des milieux proches des dirigeants libanais relèvent les observations suivantes : il existe une dynamique de contacts entrepris par des diplomates de l’Union européenne, de France et d’Italie, ainsi que de Grande-Bretagne, loin des projecteurs ; les ambassadeurs européens ne cessent d’évoquer, lors de leurs rencontres avec les protagonistes et les responsables, la question de la stabilité du Liban. Ils insistent sur la nécessité d’organiser les élections à la date prévue et invitent les différentes parties à ne pas faire en sorte que ce scrutin aboutisse à une rupture entre elles. Ils les encouragent à s’entendre sur une nouvelle loi électorale qui décrisperait la situation et aboutirait à un véritable exercice démocratique ; au vu de leurs observations de la situation, les diplomates sont convaincus que l’escalade qui a accompagné la demande de l’opposition au sujet de la démission du gouvernement n’a pas atteint ses objectifs. Cette impasse les a poussé à consulter le président Michel Sleiman et le chef du Législatif Nabih Berry sur une possible sortie de crise. La solution commencerait par l’élaboration d’une nouvelle loi électorale qui ouvrirait la voie du dialogue entre les protagonistes, et qui s’achèverait par la formation d’un nouveau cabinet chargé de superviser les élections et qui provoquerait, en même temps, un « choc psychologique ». Le président Sleiman a appuyé devant ses interlocuteurs une nouvelle loi électorale qui ne serait pas en contradiction avec l’esprit de l’accord de Taëf et garantirait une plus grande justice au niveau de la représentativité populaire et politique. Il s’est dit favorable au mode de scrutin proportionnel et l’un des ambassadeurs n’a pas hésité à soutenir également cette option.
Al Joumhouria (Quotidien libanais proche du 14-Mars, édition du 7 décembre 2012)
Commentant la conférence de presse du député du Courant du Futur Okab Sakr, des sources du Hezbollah ont affirmé : « Deux heures et demie de vociférations et d’insultes ne siéent pas à un député cultivé qui siège au Parlement. Il est peu probable qu’un communiqué soit publié par le Hezbollah en réponse aux propos de Sakr. Le parti ne s’abaisse pas à un tel niveau de discours ». Pour des sources du 8-Mars « Okab Sakr a été incendiaire. Il semblait avoir perdu ses nerfs. Sur le fond, il a sous-estimé l’intelligence des gens. Il a perdu l’argument qu’il a invoqué. Pour entrer dans le vif du sujet, posons-nous la question suivante : pourquoi enregistre-t-il ses conversations téléphoniques ? Les enregistrements qu’il a présentés sont montés de toutes pièces. De nouveaux enregistrements seront bientôt diffusés. Et il ne pourra pas recourir à la même technique pour mettre en question leur authenticité.
L’Orient-Le Jour (Quotidien libanais francophone proche du 14-Mars)
Khalil Fleihane (7 décembre 2012)
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu voit d’un bon œil les craintes de l’administration américaine concernant l’éventuelle utilisation d’armes chimiques par le régime de Bachar el-Assad. Il martèle même sa disposition à participer à toute intervention militaire, que ce soit par voie de terre ou par des bombardements aériens, tout en massant davantage de troupes aux frontières avec la Syrie et le Liban, et en élevant le niveau d’alerte.
Au Liban, tant le gouvernement Mikati que le 8 Mars et le 14 Mars, tous noyés dans des bisbilles internes, qu’ils sont d’ailleurs incapables de résoudre, n’ont toujours pas pris conscience du réel et véritable danger auquel le pays pourrait faire face, ne serait-ce qu’à des frappes israéliennes qui ne surprendraient personne si jamais le président Barack Obama lançait l’ordre de sévir contre la Syrie. Cela sans compter plusieurs inconnues, dont les réactions russe et chinoise, mais surtout celles de l’Iran et donc du Hezbollah.
La riposte se ferait-elle uniquement à partir du Liban-Sud ou serait-elle plus globale ? Des sources diplomatiques russes et chinoises estiment que les mises en garde américaines et européennes ne sont que « pure intimidation ». Dans le cas contraire, Washington sait pertinemment qu’impliquer l’État hébreu dans des frappes anticipatives contre les stocks d’armes chimiques syriennes ne serait pas accepté par les pays arabes, même par les plus anti-Assad d’entre eux. Sachant que le président Obama aurait demandé, en cas d’intervention US contre ces stocks chimiques, l’aide concrète et totale (c’est-à-dire l’envoi de soldats) de la Turquie et de la Jordanie, deux voisines de la Syrie ; une demande refusée publiquement par le roi Abdallah II : « Toute intervention militaire en Syrie serait contraire à nos convictions et aux intérêts supérieurs de notre nation », a même dit le souverain. Quant à Ankara, on ne connaît toujours pas sa réponse à la requête américaine et on ne sait pas si l’installation de missiles Patriot en Turquie a quelque chose à voir avec ce que prépare Washington contre Damas.
Une question se pose : pourquoi ce brusque réveil US ? Pourquoi maintenant, à l’aube du second mandat de Barack Obama ? Pourquoi ces craintes de voir le régime de Damas, malgré ses dénégations officielles, utiliser des armes non conventionnelles contre les Syriens eux-mêmes ? Surtout que les services de renseignements américains et français n’ont toujours pas fait état de transport de ces armes chimiques de leurs lieux de stockage vers des points névralgiques de l’opposition.
Une chose est sûre : Barack Obama ne laissera pas ce dossier en suspens. Si une opération terrestre contre ces centres de stockage s’avérait impossible, il les bombarderait à l’aide de missiles Cruise, d’autant que les rumeurs autour d’une capture de ces stocks par des combattants d’el-Qaëda bruissent davantage chaque jou : ce qui signifie que les bases US dans le Golfe seraient en grand danger ; qu’Israël serait en danger, surtout si le régime Assad livrait ces armes chimiques au Hezbollah.
D’où ce plan d’urgence concocté par Barack Obama et auquel participeraient très probablement Londres, Paris et Ankara, et qui consisterait à accuser la Syrie de violer le droit humanitaire international – un plan auquel le Conseil de sécurité de l’Onu, de surcroît, ne donnerait pas son accord en raison des veto russe et chinois.
S’il était appliqué, ce plan changerait profondément la donne en Syrie et autour de ce pays.
L’Orient-Le Jour (4 décembre 2012)
Scarlett Haddad
En dépit de la tension grandissante dans le pays et de l’implication de plus en plus évidente et grave du Liban dans la crise syrienne, une source haut placée continue d’affirmer que la situation ne devrait pas se détériorer. Cette source reconnaît que depuis quelques semaines, les diplomates avec lesquels elle s’entretient n’ont qu’une question dans la bouche : dans quelle mesure le Liban pourra-t-il rester à l’abri des développements en Syrie ? Désormais, avec le rôle clair du député Okab Sakr dans l’aide financière et militaire aux rebelles syriens et le piège tendu par l’armée syrienne à un groupe de combattants libanais en Syrie, la question devient de plus en plus pressante, d’autant qu’à Tripoli, la tension est grande depuis deux jours, notamment entre Baal Mohsen et Bab el-Tebbaneh. Il existe désormais deux importants foyers de tension quasi permanents, Tripoli au nord et Saïda au sud avec cheikh Ahmad el-Assir et son groupe qu’il promet d’agrandir.
Malgré cela, la source haut placée n’en démord pas. Selon elle, il y a au moins quatre bonnes raisons pour que la situation ne se détériore pas au Liban. Elles reposent toutes sur les intérêts de l’Occident qui a besoin de maintenir un minimum de stabilité au Liban. D’abord, parce que le Liban est une plaque tournante pour tous les services secrets actifs dans la région qui ont besoin d’une base arrière pour pouvoir travailler, collecter des informations, les gérer et les traiter. Beyrouth est une ville idéale pour toutes ces activités et elle doit rester un lieu sûr pour les agents des différents services de renseignements.
La deuxième raison est la présence des chrétiens au Liban. Ce pays est désormais le seul de la région où les chrétiens ont une présence influente et où ils ont leur mot à dire au sein du pouvoir. Si les chrétiens du Liban sont contraints à l’exode, c’est toute la présence chrétienne dans la région qui sera appelée à disparaître et le Vatican refuse totalement un tel scénario. La visite du pape Benoît XVI au Liban en septembre est la confirmation de l’importance que revêt pour l’Église catholique la présence des chrétiens dans ce pays. À partir de là, il devient clair que pour pouvoir rester, les chrétiens ont besoin de stabilité. Les grandes vagues d’exode chrétien du Liban ont toujours été liées aux développements sécuritaires, bien plus qu’à d’autres considérations. La présence des chrétiens est en quelque sorte un facteur de stabilité pour le Liban. Même divisés, ils doivent rester sur place, et pour les protéger, il faut éviter une grande explosion, notamment l’éclatement d’une discorde entre sunnites et chiites dont les chrétiens pourraient être les premières victimes.
La troisième raison est la présence de la Finul au Sud. Cette force internationale de l’ONU qui regroupe des contingents de plus d’une vingtaine de pays, dont la plupart sont européens, et qui est chargée de veiller à l’application de la résolution 1701 du Conseil de sécurité, a elle aussi besoin de stabilité pour pouvoir remplir sa mission. De plus, tous les pays ayant un contingent au Liban, dans le cadre de cette force internationale, pourraient le retirer si la situation devait s’y détériorer. En tout cas, ces pays refusent de voir leurs contingents se transformer en otages entre les mains des parties libanaises, et par conséquent, ils préfèrent maintenir la stabilité pour éviter de tels scénarios.
Enfin, la quatrième raison, selon la source haut placée, est la sécurité d’Israël, si importante pour les Occidentaux. Avec les développements en Syrie, la situation encore confuse en Égypte, la montée en flèche de l’esprit résistant à Gaza et le refus clair des États-Unis de mener une opération militaire contre l’Iran Israël n’a pas besoin d’ouvrir un nouveau front au Liban, surtout avec l’arsenal de plus en plus important du Hezbollah. Israël est sans doute en mesure de lancer une opération contre le Liban, mais il n’est pas prêt à supporter le lancement de missiles sur ses villes et ses installations touristiques, économiques et militaires. Or le secrétaire général du Hezbollah a maintes fois déclaré qu’à la moindre attaque contre le Liban, des milliers de missiles devraient tomber sur les villes israéliennes. La sécurité d’Israël exige donc le maintien d’un minimum de stabilité au Liban, pour éviter qu’un éventuel chaos ne permette à n’importe quelle faction de lancer des roquettes contre Israël ou pour qu’un conflit à large échelle ne pousse le Hezbollah à renforcer son emprise sur le pays.
La stabilité au Liban est donc nécessaire à cette étape pour des raisons qui concernent essentiellement les intérêts de l’Occident. Mais ce que cette source ne dit pas, et qui a été développé par le général Michel Aoun dans sa dernière déclaration, c’est que les forces capables de déstabiliser le Liban ne veulent pas le faire alors que les forces qui cherchent à le déstabiliser n’ont pas les moyens d’y provoquer un grand conflit. Pour toutes ces considérations et en dépit d’un pourrissement généralisé qui atteint à la fois les milieux politiques et étatiques, le Liban ne serait pas au bord de l’explosion. Au moins à ce stade
Restez en contact
Suivez-nous sur les réseaux sociaux
Subscribe to weekly newsletter