On parle de tout dans le débat politique, sauf d’une chose : la politique extérieure (et donc militaire) de l’Italie. Comme par une entente tacite entre les adversaires, on évite toute référence au rôle de l’Italie dans l’Otan, à la métamorphose de l’Alliance, au projet de l’Otan économique, aux rapports avec les USA, aux guerres en cours et en préparation, et au scénario de la nouvelle confrontation Ouest-Est dans la région Asie/Pacifique. Chaque jour on martèle les télé-électeurs avec les répercussions de la « crise », en la faisant apparaître comme une calamité naturelle, en se gardant bien d’en rechercher les causes, qui sont structurelles, c’est-à-dire congénitales du système capitaliste dans l’ère de la « globalisation » économique et financière. On crée ainsi un environnement virtuel, qui restreint le champ visuel au pays dans lequel nous vivons, en faisant disparaître le monde dont il fait partie.

Mais quelque chose nous est montré, en fabriquant des hologrammes idéologiques partagés par tout l’arc politique, y compris les partis et mouvements qui se présentent comme alternatifs. Avant tout celui du « modèle étasunien ». Nous avons donc Bersani qui, en présentant le programme du Partito democratico [1], déclare à America 24 (le 18 février) que « la politique européenne devrait un peu plus ressembler dans le domaine économique et social à celle des États-Unis  ». Dont la validité est démontrée par les 50 millions de citoyens états-uniens, dont 17 millions d’enfants, qui vivent dans des conditions d’ « insécurité alimentaire », c’est-à-dire sans suffisamment de nourriture, par manque d’argent. Nous avons ainsi Ingroia qui, en présentant le programme de Révolution civile [2], déclare à America 24 (le 14 février) qu’il est «  favorable à l’augmentation des investissements américains [étasuniens, Monsieur le Juge, NdT] en Italie ».

Emblématique notamment l’investissement de l’Aluminium Company of America (la multinationale qui a les mains pleines du sang des plus terribles coups d’État en Indonésie et au Chili) : après avoir pressé jusqu’à la dernière goutte le site de Portovesme, en obtenant des dégrèvements sur les factures d’électricité pour des milliards d’euros (payés par les utilisateurs), elle s’en est allée en laissant derrière elle chômage et dégâts environnementaux. Ingroia, en outre, définit le système étasunien comme « un système qui même du point de vue de la justice est certainement le plus efficient », dans lequel « il y a un tel respect de l’activité judiciaire de la part du politique qu’on ne pourrait pas penser à un conditionnement de la magistrature ». La preuve : la population carcérale étasunienne (la plus grande du monde avec plus de 2 millions de détenus [plus que la Chine, bien que celle-ci soit 4 fois plus peuplée, NdR]) est composée aux deux tiers de noirs et d’hispaniques, les habitants les plus pauvres qui ne peuvent pas se payer d’avocats ni de cautions ; autre preuve, l’enlisement d’importantes enquêtes comme celle sur l’assassinat de Kennedy.

Et nous avons enfin Grillo [3] qui, alors qu’il refuse en bloc les médias italiens en les définissant comme mensongers, accorde des interviews à CNN et à la Time Magazine du groupe étasunien Time Warner qui, avec plus de 300 sociétés, est l’empire multimédia le plus influent du monde. Le message subliminal qui en dérive (Casaleggio docet [4]) est que le système multimédia étasunien est fiable.

Avec les remerciements du Grand Frère.

Traduction
M.-A.
Source
Il Manifesto (Italie)

[1Partito democratico, qui a obtenu la majorité relative aux dernières élections.

[2Revoluzione civile : coalition électorale de gauche, présidée par le magistrat Ingroia, qui n’a pas obtenu suffisamment de voix pour entrer au parlement.

[3Beppe Grillo, comique satyrique, chef du Movimento 5 Stelle qui a obtenu aux élections les voix des nombreux mécontents de tous bords.

[4Casaleggio, le « gourou » du Movimento 5 Stelle, artisan de la campagne sur Internet.