Le clan Aliyev : (de gauche à droite) le fils, la mère, le père, l’épouse, le gendre.

Le déclenchement en décembre 2010 des révoltes dites « populaires »,
qualifiées par la suite de « printemps arabe », a plongé Bakou dans
l’expectative et la crainte, tant le régime azerbaïdjanais partage de
caractéristiques avec les dirigeants de certains pays arabes chassés du
pouvoir. La crainte de la contagion a poussé les
dirigeants en place à prendre des mesures pour se protéger. Dans la
banlieue de Bakou, le buste de Hosni Moubarak qui décorait le parc dédié
à l’amitié égypto-azerbaïdjanaise a été remplacé par un monument
politiquement plus neutre.

De la même manière, concernant la Syrie, avec l’aggravation de la crise
et la division des pays de la région entre partisans et opposants au
régime du président el-Assad, l’Azerbaïdjan a tenté de poursuivre sa
politique de précaution. Sans pouvoir ouvertement soutenir les opposants
au régime qui exigent le départ du président syrien, la République du
Caucase a exprimé sa réprobation vis-à-vis de l’emploi de la violence
à l’encontre des populations civiles.

Devenu en octobre 2011 membre non permanent du Conseil de sécurité de
l’ONU pour une période de deux ans, Bakou s’est montré d’autant
plus prudent dans son appréhension de la crise syrienne qu’il est pris
en tenailles par ses deux imposants voisins turc et iranien, qui occupent
des positions diamétralement opposées dans l’équation syrienne. Ankara
est en effet le chef de file du camp qui exige le départ du dirigeant de
Damas, tandis que Téhéran soutient ce dernier sans relâche.

La position de l’Azerbaïdjan est devenue davantage critique et audible
quand les Arméniens du Karabakh ont affirmé avoir accueilli et installé
dans certains de leurs districts des familles arméniennes de Syrie qui
fuyaient les combats. Bakou a jugé inacceptable et illégale cette
installation sur des territoires dont le statut et la souveraineté
demeurent selon lui un point d’achoppement important dans ses relations
avec Erevan.

En réalité, le problème est plus grave pour Bakou. Le président Aliyev
doit se demander, tandis que ce fameux printemps s’approche de ses
frontières, s’il pourrait donner des idées à l’opposition
azerbaïdjanaise et la pousser à se lancer dans un combat similaire.
Certains pays même « amis de l’Azerbaïdjan » qui font pour
l’essentiel partie du club des « Amis de la Syrie » ne seraient pas
mécontents qu’un changement éventuel de régime en Syrie puisse
s’avérer bénéfique en termes d’impact sur l’Azerbaïdjan.

En effet, selon eux, le départ du président el-Assad, quelles que soient les
forces qui lui succèderaient, risquerait d’affaiblir le puissant voisin
iranien, avec lequel Bakou n’a jamais entretenu de relations faciles, si
bien que l’Azerbaïdjan semble parfois se rapprocher de la Turquie et du
camp anti Bachar el-Assad.

Toutefois, pour le régime d’Ilham Aliyev, soutenir le prétendu processus
démocratique dans le monde arabe reviendrait à se tirer une balle dans le
pied. La crainte de la contagion de la vague de contestation populaire est
d’autant plus forte que de nombreuses protestations populaires contre le
pouvoir en place ont eu lieu durant les mois de janvier et février
2013 à Bakou et en province. Elles ont donné lieu à de multiples
arrestations et à des détentions administratives qui ne
constituent pas une première dans ce pays.

Les Droits de l’homme

Depuis plusieurs années les différents services de police procèdent à des arrestations de tous genres touchant des journalistes,
des blogueurs, des avocats et des hommes politiques pour ensuite les faire
passer par la case Justice, qui prononce à leur encontre des condamnations
plutôt lourdes au mépris des principes les plus élémentaires des Droits
de l’homme.

Tout est bon pour condamner : faux témoins, pièces à convictions
placées volontairement par des policiers ou par des « auxiliaires » de
ces services, sans oublier les faits inexistants auxquels sont données des
qualifications pénales, ce qui permettrait de justifier de peines plus ou
moins lourdes en fonction du délai pendant lequel il est nécessaire de se
débarrasser des accusés. Le motif réel est l’opposition politique au
clan Aliiev.

Tous les opposants sont susceptibles de subir ces poursuites, de gauche ou
de droite, laïques ou pratiquants, altermondialistes ou simples prêcheurs pour
un retour aux valeurs de l’islam.

Bien que l’Azerbaïdjan ait adhéré au Conseil de l’Europe au mois de
janvier 2001, la situation des Droits de l’homme dans ce pays reste plus
que préoccupante. Différents rapports ont été émis, même s’ils sont
parfois « édulcorés », et critiquent les agissements de ce pays
notamment concernant les situations des prisonniers politiques, le recours
à la force et à l‘arbitraire.

Les exemples sont nombreux, Emin Huseynov a été arrêté alors qu’il
observait et filmait une manifestation devant le bâtiment présidentiel à
Bakou. Plusieurs hommes en civil se sont approchés de lui et l’ont
conduit à l’intérieur du bâtiment. Sa caméra et ses papiers
d’identité ont été saisis. Après sa libération à 14 h 30, ses papiers
et sa caméra lui ont été rendus ; cependant, les hommes avaient effacé
toutes les photos et donné aucune explication au sujet de son arrestation.
Ils l’ont averti que s’il revenait sur ce site, il serait à nouveau
arrêté….

L’arrestation de Zaur Gurbanli est liée également à ses activités en
ligne et à son engagement politique. À un an de l’élection
présidentielle d’octobre 2013, Bakou semble moins que jamais disposé à
relâcher la pression sur la presse et la société civile, qui s’est de
nouveau accentuée depuis que les médias se sont retirés avec la fin de
l’Eurovision.

Ce n’est que le 1er octobre 2012 que le service de presse du ministère
de l’Intérieur a annoncé son placement en détention administrative
pour quinze jours, jusqu’à la tenue de son procès, pour ne pas avoir
coopéré avec la police dans une enquête portant sur un « trafic de
drogue
 ». Les activistes locaux craignent que de nouvelles charges ne
soient ajoutées au terme de l’enquête en cours. L’avocat de Zaur
Gurbanli, Ashabali Mustafayev, a confié à Radio Free Europe / Radio
Liberty, qu’il travaillait à ce que la détention ne soit pas prolongée
au-delà de ces quinze jours.

Le même procédé a été utilisé avec un autre opposant, le docteur
Samadov, qui, à l‘occasion d’un discours politique devant ses
partisans, aurait qualifié le président Aliyev de « Yazid », ce qui,
dans la bouche d’un chiite est assimilé à la trahison des valeurs de
l’islam. Il s’est trouvé poursuivi pour « complot contre l’État » et
pour « participation à une entreprise terroriste ».

Le docteur Samadov a été arrêté sans que personne n’ait été avisé.
Ce n’est qu’au bout de trois semaines qu’il a pu rencontrer son
avocat, qui n’a pu apprendre que par des moyens détournés le lieu
d’arrestation de son client. Actuellement, il purge une peine
de huit ans de prison ferme avec une dizaine de ses amis et membres de sa
famille.

Les blogueurs et activistes en ligne sont régulièrement la cible du
harcèlement des autorités. Après la libération
des célèbres blogueurs Emin Milli et Adnan Hajizade en 2010, une nouvelle
vague de répression s’est abattue sur les blogueurs suite aux
manifestations de l’opposition au printemps 2011, dans la foulée du
« printemps arabe ».

L’Azerbaijan est situé actuellement à la 162e place (sur 179) du
dernier classement de la liberté de la presse établi par Reporters sans
frontières.

Manifestement, Le printemps azerbaïdjanais n’a donc pas encore fleuri !

Dans un rapport de quarante-cinq pages, rendu public le 16 novembre 2011 à
Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan, Amnesty International montre comment
le gouvernement azerbaïdjanais pratique l’intimidation et les
arrestations arbitraires afin d’éviter qu’internet ne soit utilisé
pour organiser des manifestations et diffuser des informations critiques à
son encontre.

Le rapport The spring that never blossomed : freedoms suppressed in
Azerbaijan
(Le Printemps qui n’a jamais fleuri : les libertés supprimées
en Azerbaïdjan
) démontre l’augmentation des mesures de répression dont
sont victimes en Azerbaïdjan des militants utilisant Internet, des
opposants politiques et des journalistes [1].

Malgré ce climat répressif, des centaines de personnes se rassemblent de
temps à autre à Bakou. Inspirées par les mouvements de protestation au
Proche-Orient et en Afrique du Nord, elles ont manifesté en faveur de
réformes démocratiques et de mesures contre la corruption. Ces
manifestations sont toujours sévèrement réprimées. De nombreuses
personnes ont été arrêtées et condamnées à des peines de prison.

Le rapport de Human Rights Watch de 55 pages, intitulé Crushing
Dissent : Repression, Violence and Azerbaijan’s Elections
, apporte des
informations sur des centaines d’arrestations arbitraires, des passages
à tabac, des actes de torture généralisée et des renvois de leur
emploi, pour motivations politiques, de membres et de partisans de
l’opposition suite à l’élection présidentielle du 15 octobre,
qualifiée de « frauduleuse » par une bonne partie de la communauté
internationale [2]

Le rapport de Human Rights Watch, établi suite aux dernières élections,
apporte des informations sur les violations des droits humains commises par
les autorités azéries avant, pendant et après l’élection
présidentielle. Il s’appuie sur des centaines d’entretiens
avec des victimes et des témoins conduits dans treize villes et
agglomérations du pays, en octobre et novembre.

Human Rights Watch a montré que le gouvernement avait empêché les
candidats de l’opposition de mener efficacement leur campagne. Des
brutalités policières et des arrestations arbitraires ont eu pour but
d’intimider les partisans de l’opposition et le grand public. Le jour
de l’élection, le gouvernement a mené une campagne très organisée de
fraudes à travers tout le pays afin d’assurer la victoire du candidat du
parti au pouvoir, Ilham Aliyev, à la barbe de la plus vaste équipe
internationale d’observateurs du processus électoral jamais déployée
dans le pays.

Dans les semaines qui ont suivi l’élection, les autorités azéries ont
utilisé la violence post-électorale comme prétexte à une répression
massive de l’opposition. La police a arrêté près d’un millier de personnes,
dont des responsables nationaux de l’opposition, des membres des partis
locaux d’opposition, des activistes d’organisations
non-gouvernementales, des journalistes, des responsables des élections et
des observateurs qui mettaient en avant les fraudes.

Human Rights Watch a recueilli des informations sur de nombreux cas de
torture par la police. Cette dernière a eu recours, contre les
responsables de l’opposition, à de violents passages à tabac, à des
décharges électriques et à des menaces de viols perpétrés par des
hommes. L’Unité du crime organisé du ministère de l’Intérieur a
joué ici un rôle particulièrement actif.

Human Rights Watch a montré que la domination totale exercée par la
présidence était l’une des causes des abus commis contre les Droits
humains en Azerbaïdjan. Nombre des abus étudiés par Human Rights Watch
se sont produits sous les ordres directs des autorités exécutives locales
nommées par les services du président auxquels elles rendent
exclusivement compte de leurs activités.

Les prochaines élections prévues pour le mois d’octobre pourraient
apporter leur lot de manifestations, de répression, et d’arrestations
arbitraires. Le feu qui couve doit interroger le président Aliyev à
différents niveau.

Ce feu pourrait se transformer en brasier, et les atteintes aux droits de
l’homme ne seraient que le catalyseur pour déclencher le feu des dieux, ce à l’instar de l’étincelle de Sidi Bouzid au mois de décembre
2010 en Tunisie, qui aurait été provoquée par le vendeur de légumes qui
s’est immolé.

Les particularités de l’Azerbaïdjan

La confessionnalisation des crises au Proche-Orient, orchestrée pour
permettre une meilleure exploitation de la situation, a dû faire prendre
conscience à Bakou du risque de voir sa propre population divisée.

Situé au carrefour de l’Iran, de la Russie et de la Turquie dont il
continue de recevoir les influences politiques et religieuses,
l’Azerbaïdjan possède la particularité d’être la seule république
turcophone post-soviétique à posséder une double identité religieuse,
à la fois chiite et sunnite. Ce particularisme, hérité de sa position
frontalière entre l’Empire ottoman sunnite et l’Empire safavide
chiite, était peu perceptible à l’époque de l’Union soviétique.

La quête d’identité depuis l’indépendance s’est concentrée en
partie sur le fait religieux et a donné lieu à un réveil islamique.
L’activisme des courants religieux, turcs comme iraniens, a ravivé la
flamme de la foi chez les Azerbaïdjanais mais aussi créé des divisions.
Le prosélytisme sunnite exercé par la Diyanet (département des Affaires
religieuses en Turquie,) mais également par des mouvements privés
représentés par les disciples de Sait Nursi, Fethullah Gülen, Suleyman
Tunahan et du leader naqshibendi Osman Nuri Topbas, quatre autorités
religieuses qui sont à la tête d’importants mouvements partisans d’un
islam turc et sunnite, viennent froisser pour le moins l’amour propre de
la majorité chiite, laquelle pourrait se sentir menacée dans ses
convictions

Les sunnites n’ont pas directement tenté de s’imposer dans un
Azerbaïdjan majoritairement chiite, mais en favorisant le développement
de leur doctrine, elle-même divisée entre plusieurs tendances, ils
pourraient contribuer à réveiller la ligne de fracture entre les deux
principales communautés de l’islam. Des salafistes, plus ou moins
fondamentalistes, venus de la péninsule arabique ou du Caucase du Nord,
ont ainsi réussi à imposer un radicalisme jusque-là inexistant dans le
pays.

Quand on connaît le passé commun des deux pays, l’influence des chiites
iraniens qui s’est développée à partir de 1990 semble naturelle.
Celle-ci a toutefois également contribué au réveil du clivage entre
chiites et sunnites. L’établissement de relations diplomatiques entre
Bakou et Téhéran a ouvert la voie à la promotion officielle des
préceptes du guide de la Révolution islamique, Ali Khamenei, en
Azerbaïdjan. Des centaines de jeunes Azerbaïdjanais sont partis étudier
dans les villes iraniennes de Qom et de Machhad où ils se sont
familiarisés avec les idées de plusieurs grandes figures chiites.

Avant la crise syrienne, la ligne de fracture chiites/sunnites semblait
résister. L’État cherchait d’un côté à affaiblir l’influence de
l’Iran en expulsant des fondations iraniennes et en réprimant les
personnalités et les ONG locales soupçonnés d’être pro-iraniennes, et
de l’autre côté l’on a cherché à réduire la coopération
religieuse avec Ankara et la mosquée de la place des martyrs, haut-lieu
symbolique de la présence musulmane turque en Azerbaïdjan, a été
fermée par les autorités, officiellement pour des raisons de sécurité.
Mais en fait pour réduire le poids de la Turquie dans l’islam
azerbaïdjanais.

En se transformant au moins en apparence, en conflit religieux, la crise
syrienne a ravivé les querelles confessionnelles au sein de la République
du Caucase. Elle interpelle surtout les autorités religieuses et les plus
pieux des croyants, soit une minorité d’Azerbaïdjanais.

La discrète communauté salafiste, elle-même divisée en plusieurs
branches, bien qu’elle n’ait fait aucune déclaration publique, compte
certains prêcheurs, qui ont ouvertement pris fait et cause pour les
rebelles djihadistes de Syrie. Ils appartiennent souvent à des groupes
ethniques nord caucasiens (lezgin, avar ou tchétchène) et partent
combattre en Syrie après avoir fait la guerre en Afghanistan.

Les milieux chiites militants sont plus diserts sur la crise syrienne. De
manière générale, leur attitude est très tranchée, ils condamnent
fermement les rebelles et les forces extérieures qui les soutiennent.
Interrogé dans son bureau de l’association des droits de l’homme
DEVAMM, Hadji Ilgar Ibrahimoglu, le leader chiite le plus charismatique, le
plus populaire et le plus politisé d’Azerbaïdjan, ne croit pas aux
motivations démocratiques et révolutionnaires de l’opposition syrienne.

D’autres associations chiites influentes expriment un point de vue
similaire. Leurs responsables sont eux aussi persuadés que « derrière le
soutien aux rebelles se cache en réalité le désir des puissances
hostiles à l’Iran, et au monde chiite, de punir le régime syrien pour
son engagement pro-iranien
 ».

Ce constat est traduit par le fait qu’ il existe une alliance entre les
États-Unis et leurs alliés sunnites de la région pour affaiblir l’Iran.

Cette tension qui couve n’est pas faite pour rassurer le président
Aliyev… Le régime en place craint que les révolutions arabes, et même
la situation en Syrie où une victoire de l’opposition pourrait ouvrir la
voie aux forces qui réclament le changement à Bakou, pourraient inspirer
l’opposition. Selon un sondage réalisé en septembre 2012, seuls un
tiers des Azerbaïdjanais (35 %) pense que leur pays va dans la bonne
direction. Un autre tiers (33,9 %) se déclare favorable à une révolution
du type printemps arabe. 14 % des personnes interrogées se disent
mécontentes du régime d’Ilham Aliyev, mais s’en accommodent pour
préserver la paix et la stabilité dans un pays encore marqué par les
conflits des premières années de son indépendance.

L’Azerbaïdjan est donc involontairement dans une tourmente qui la rend
schizophrène. D’un côté la crise syrienne la conforterait puisque
selon ses intérêts géopolitiques elle pourrait la faire profiter de la
chute éventuelle de Bachar el-Assad, ce qui serait une défaite
diplomatique pour ses voisins russe et iranien. Mais en même temps cette
chute qui parait improbable risquerait de donner des idées à son
opposition, ce notamment face à une opinion qui devient de plus en plus
hostile à son président.

Le rôle de ses amis

L’autre volet du conflit du Proche-Orient, en l’occurrence le conflit
israélo-arabe, pointe son nez à travers une alliance qui peut paraître
comme contre nature entre l’Azerbaïdjan et Israël.

En effet, Israël a commencé à cultiver des relations étroites avec
Bakou en 1994, lorsque l’entreprise israélienne de télécommunications
Bezeq a acheté une part importante de la société nationale de
téléphonie. En 1995, le marché azerbaïdjanais était plein de biens
israéliens : « Les glaces Strauss, les téléphones portables produits par
Motorola en Israël, la bière Maccabee et les autres exportations
israéliennes sont partout
 », écrivait un journaliste israélien dans le
Jerusalem Post.

En mars 1996, le ministre de la Santé d’alors, Ephraïm Sneh, devint le
premier responsable israélien de haut niveau à se rendre à Bakou, mais
certainement pas le dernier. Benjamin Netanyahou fit le voyage en 1997, et
une délégation de la Knesset en 1998, le vice Premier ministre Avigdor
Lieberman et la ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni en 2007, le
président Shimon Peres en 2009 et Lieberman à nouveau, en tant
que ministre des Affaires étrangères, en février dernier. Peres avait
été accompagné lors de sa visite à Bakou par Avi Leumi, le PDG
d’Israel Aeronautics Defense Systems, un ancien responsable du Mossad.

Les responsables du renseignement états-unien ont commencé à prendre au
sérieux en 2001 la cour que faisait Israël à l’Azerbaïdjan. En 2001, le fabricant d’armes Elbit
Systems s’était allié à l’entreprise géorgienne Tbilissi Aerospace
Manufacturing pour développer l’avion soviétique SU-25 Scorpion, un
avion d’appui aérien rapproché, et un de ses premiers clients avait
été l’Azerbaïdjan.

L’Azerbaïdjan bénéficie donc clairement de ses relations approfondies
avec Israël. L’État hébreu est le deuxième plus grand client de
pétrole azerbaïdjanais, transporté par le pipeline
Bakou-Tbilissi-Ceyhan, et ses ventes d’armes permettent à
l’Azerbaïdjan de développer ses capacités militaires après que
l’Organisation pour la Coopération et la Sécurité en Europe (OSCE)
l’ait frappé d’un embargo sur les armes suite à son conflit avec
l’Arménie sur la région du Haut-Karabagh.

L’État hébreu est devenu pour le régime d’Azerbaïdjan une sorte de
conseiller en sécurité intérieure, car à travers les moyens
électroniques vendus à prix d’or aux azéris et grâce aux contrats de
conseils par rapports aux risques d’agitations, les Israéliens se sont
assurés le rôle de sentinelle dans le Caucase. Ils y trouvent
leur compte non seulement pour fructifier « leur expérience » dans les
« territoires palestiniens occupés », mais également pour garder un
œil sur le voisin iranien au prétexte de choisir le bon moment pour
attaquer les installations nucléaires, but devenu de plus en plus
inatteignable….

Les États-uniens n’apprécient guère cette amitié, car elle génère
pour eux un risque qu’ils ne sauraient forcément contrôler, en
l’occurrence qu’Israël décide d’utiliser les bases aériennes de
l’Azerbaïdjan pour attaquer l’Iran, risque qu’ils tentent
d’éviter en ce moment, car ils ne veulent pas s’engager dans une
aventure militaire incontrôlée et dont les conséquences seraient
imprévisibles.

Les États-uniens ont leurs intérêts, et leurs calculs par rapport à la
situation géopolitique dans la région. Différentes questions
les intéressent dans cette région. Évidemment, le
pétrole et le gaz, mais également la situation
aux frontières de la Russie et de l’Iran. La question est de savoir si
Bakou est décidé à céder devant toutes les exigences US.

Pour le moment, l’Azerbaïdjan n’a commis aucune « grosse faute »,
puisqu’il ne s’est jamais heurté de front aux intérêts
géostratégiques des États-Unis. Cela suffira pour lui épargner des vents
du changement dans la région. Ce pays caucasien se trouve, depuis
l’effondrement de l’Union Soviétique, tout en haut sur la liste des
États prioritaires bénéficiant de l’aide US.

Dans un rapport de planification stratégique édité par l’organisation
d’aide au développement USAID, agence du ministère états-unien des
Affaires étrangères, on a pu lire le constat suivant dès juin 2000 :
« L’Azerbaïdjan possède d’énormes réserves prouvées de pétrole
et de gaz naturel. De plus, il se situe dans une zone géostratégique
cruciale entre la Russie et l’Iran
 ». Par voie de conséquence,
Washington ne néglige rien pour mettre Bakou de son côté, tandis que les
Azéris louvoient, depuis leur indépendance en 1991, entre Washington et Moscou.

Si les plans US réussissaient, Washington pourrait faire d’une
pierre deux coups : d’une part, la Russie serait encore un peu plus
houspillée hors du Caucase méridional. D’autre part, il
pourrait créer une pierre d’achoppement entre Moscou et Téhéran. Ce
plan ne semble pas fonctionner, mais il pourrait s’agir d’un coup de
billard à deux bandes. Le premier coup serait de se débarrasser du
régime Aliyev qui ressemble en plusieurs points aux régimes arabes qui
sont tombés et qui étaient pourtant dociles à l’égard des États Unis,
pour ensuite traiter avec des successeurs qu’ils auraient préparés
d’avance…

Ceci explique que le but principal des stratèges de Washington est de
favoriser une adhésion à l’OTAN de l’Azerbaïdjan. Le 3 juin 2009,
dans le magazine Eurasianet, qui s’affiche sur la grande toile, on
pouvait lire un article de Shahin Abbasov, conseiller de Georges Soros, « L’Azerbaïdjan pourrait plus vite devenir membre de
l’OTAN que la Géorgie ou l’Ukraine
 ». Ensuite, dit-on dans
l’article, l’Azerbaïdjan dispose de « quelques atouts
particuliers
 », notamment ses « liens culturels étroits » avec la
Turquie, partenaire à part entière de l’OTAN et son importance
stratégique cardinale sur le tracé prévu de l’oléoduc Nabucco.

Mais avant que les démarches ne soient entreprises en vue de l’adhésion
de l’Azerbaïdjan au sein de l’OTAN, l’on cherche d’abord à briser
les relations qui existent entre Bakou et Moscou. La Russie a conservé,
depuis la fin de l’Union Soviétique, la station de radar de Gabala en
Azerbaïdjan, une station de haute importance stratégique. Le bail s’est
terminé au mois de décembre 2012. Moscou a refusé la reconduction de ce
bail jusqu’en 2025 en raison du prix de la location exigé par Bakou qui
voulait le faire passer de 7 millions de dollars à 300 millions.

Bien sûr, il faut également tenir compte de solides intérêts
économiques. À ce propos, on a pu lire les lignes suivantes dans le texte
qui exposait en juin 2000 la planification stratégique de l’USAID : « La
participation de firmes américaines dans le développement et
l’exportation du pétrole et du gaz naturel azerbaïdjanais s’avère
importante pour la diversification des importations américaines
d’énergie et pour la promotion des exportations américaines. Les
Etats-Unis soutiennent l’utilisation de divers tracés d’oléoducs pour
faciliter l’exportation du pétrole d’Azerbaïdjan
 ». Il s’agit
surtout de contourner la Russie et l’Iran dans l’acheminement du
pétrole et du gaz naturel. Le tracé Bakou/Tiflis (Tbilissi)/Ceyhan
achemine déjà le gros du pétrole de la zone caspienne via la Géorgie en
direction de la côte méditerranéenne de la Turquie. Cet oléoduc est
contrôlé par un consortium anglo-américain sous la direction du géant
pétrolier britannique BP.

D’autres tracés d’oléoducs devront être construits à court ou moyen
terme. On est actuellement en train de boucler les négociations quant à
la construction de l’oléoduc TANAP (“Trans-Anatolian Pipeline”) qui
devrait acheminer le gaz naturel azerbaïdjanais en Europe via la Turquie.
Le projet TANAP, qui aura coûté 7 milliards d’euro, devrait avoir
une capacité de 16 milliards de m3 par an, ce qui constitue une
concurrence majeure pour la Russie, et aussi, bien sûr, pour l’Iran.

Cette coopération économique suffirait elle aux États-uniens, rien n’est
moins sûr ! Le clan Aliyev ne les rassure pas et dans leur fausse
promotion de la démocratie qui n’est utilisée que pour des intérêts
politiques et stratégiques, Washington cherche à déstabiliser Moscou.

Selon les spécialistes états-uniens, plus le vent de la « démocratie »
s’approche des frontières de la Russie plus l’on provoque le Tsar
Poutine. Il est évident qu’à chaque fois que cette question de
déstabilisation est évoquée par les Russes, on leur oppose qu’ils utilisent la
« théorie du complot » uniquement pour justifier
leur carence en démocratie. Mais la ficelle est grosse et la démocratie a
bon dos.

Le Clan Aliyev s’interroge toujours sur la sincérité des États-uniens à
leur égard. Même un mafiosi, puisque c’est ainsi qu’est qualifié le
régime des Aliyev, sait qu’on n’a rien sans rien et la protection des
USA a forcément son prix, et comme il a tenté d’imposer aux
Russes un prix qu’ils n’ont pas accepté, les États Unis risqueraient
de lui demander un prix qu’il ne pourra pas accepter.

C’est ainsi que simultanément à la rencontre-surprise de Donald
Rumsfeld, patron du Pentagone, avec son homologue azéri, à l’aéroport
de Bakou, l’Agence de presse publique azérie, Azartadj, a rapporté que
les États-Unis cherchaient à déployer une force spéciale dite « Garde
de la Caspienne
 », dans la zone littorale de cette mer. L’objectif
affiché est d’assurer la sécurité des unités et des organismes
chargés de la prospection et de l’exploitation du pétrole, ainsi que de
protéger les pipelines d’éventuels attentats terroristes.

Même si l’on ne connaît pas, en détail, la teneur des pourparlers,
entre Rumsfeld et Safar Abiov, la plupart des analystes, en évoquant le
projet dit « Garde de la Caspienne  », estiment cependant que les
États-Unis tentent d’imposer à Bakou leurs desseins expansionnistes…

Le quotidien azéri Azadliq a rapporté, dans son édition du
mercredi 13 avril 2003, que le président azéri était allé, au Pakistan,
et ce, au seuil de la visite de Rumsfeld, pour éviter toute rencontre avec
le secrétaire à la Défense. Ces dernières semaines, Washington, en
consacrant 7 millions de dollars à la tenue d’élections
législatives prétendument démocratiques, en Azerbaïdjan, s’ingère
indiscutablement dans les affaires intérieures de ce pays. En réalité,
ils attendant le retour sur leur investissement.

Les rencontres de l’Ambassadeur US, à Bakou, avec les dirigeants
pro-occidentaux de l’opposition azérie montrent, en quelque sorte, que
les États-Unis cherchent à provoquer une révolution de couleur, en
République d’Azerbaïdjan, appelée « Révolution violette » ; ce qui a même inquiété certains responsables du
parti au pouvoir, à Bakou.

Dans la même veine, il a été constaté des contacts intenses entre
certaines ambassades occidentales, des opposants et des « e-citoyens »,
afin de les encourager dans leur dénonciation du régime Aliyev. Des
financements de leurs activités, de leurs moyens de communications et
évidemment les frais de leur défense devant les autorités et
juridictions azéries sont pris en charge soit directement soit par le
biais des ONG qui ont fait parler d’elles lors des « révolutions » colorées.

Des formations juridiques, économiques, et sur l’usage des médias sont
fournies soit localement, soit à travers de voyages à l’étranger en
Europe ou aux États Unis, organisés par ces mêmes ONG. Ces actions sont
menées au nom de la promotion de la démocratie et des Droits de
l’Homme, concept intéressant, voire indispensable, mais qui semble depuis
la chute du mur de Berlin totalement voué à assurer les intérêts de
certaines puissances.

La plupart des experts sont d’avis que Washington, en brandissant la
menace d’une « révolution violette » contre Bakou, tente de faire
ingurgiter aux autorités azéries ses projets expansionnistes, notamment
celui concernant la création d’une base de forces rapides et la mise en
place d’une Garde de la Caspienne, en République d’Azerbaïdjan, pour
protéger l’oléoduc Ceyhan-Bakou, de prétendus attentats
terroristes…

L’opinion publique de l’Azerbaïdjan considère toute coopération
militaire de son pays avec Washington comme allant à l’encontre de ses
intérêts nationaux, d’autant qu’une loi adoptée récemment par le
parlement azéri interdit au gouvernement de Bakou l’octroi d’une base
militaire aux pays étrangers. Si les États-Unis sont, vraiment, décidés
à imposer une « révolution violette », les concessions éventuelles du gouvernement d’Aliyev ne sauraient être
capables de l’empêcher.

Ce que Washington cherche, ce sont ses propres intérêts et non pas des
amis sûrs et permanents. C’est ainsi qu’elle a lâché en son temps le
Shah, puis Abdoullah saleh, Ben Ali et Moubarak. Seuls, les
gouvernements basés sur la volonté populaire seront à même de
résister, catégoriquement, aux exigences expansionnistes de
l’Administration yankee.

Cependant, la seule
interrogation qui demeure en suspens n’est pas de savoir si ce printemps
azéri va se produire, mais celle de savoir quand il aura lieu… ?