© UN Photo/JC McIlwaine

La séance est ouverte à 15
h
10.

Le Président, M. Liu Jieyi (Chine)
(
parle en chinois
)
 : Conformément à
l’article
37 du règlement intérieur provisoire du Conseil,
j’invite le représentant de la République centrafricaine à
participer à la présente séance.

Conformément à l’article
39 du règlement
intérieur provisoire du Conseil, j’invite S.
E.
M.
Ahmad
Allam-mi, Secrétaire général de la Communauté
économique des États de l’Afrique centrale, à participer
à la présente séance.

Conformément à l’article
39 du règlement
intérieur provisoire du Conseil, j’invite S.
E.
M.
Adonia
Ayebare, Conseiller hors classe pour la consolidation de
la paix et le développement au Bureau de l’Observateur
permanent de l’Union africaine auprès de l’Organisation
des Nations Unies, à participer à la présente séance.

Le Conseil de sécurité va maintenant aborder
l’examen de la question inscrite à son ordre du jour.

J’appelle l’attention des membres du Conseil
sur le document S/2013/677, qui contient le rapport du
Secrétaire général sur la République centrafricaine,
établi en application du paragraphe 22 de la
résolution 2121 (2013) du Conseil de sécurité.

Je souhaite la bienvenue au Vice-Secrétaire
général, S.
E.
M.
Jan Eliasson, et je lui donne la parole.

Le Vice-Secrétaire général, Jan Eliasson
(
parle en
anglais
)
 : Je vous remercie, Monsieur le Président,
de me donner l’occasion de faire au Conseil le
point sur la situation qui se détériore à vue d’oeil en
République centrafricaine (RCA).

La solidarité internationale et la responsabilité
qui nous incombe de prévenir les atrocités sont mises à
rude épreuve. Un pays au cœur de l’Afrique plonge dans
le chaos le plus total sous nos yeux. La situation requier t
que nous agissions rapidement et de façon décisive pour
placer la protection des Centrafricains au coeur de
notre attention. Voilà pourquoi le Secrétaire général a
vivement appelé l’attention du Conseil sur cette situation
la semaine dernière, et c’est pourquoi il m’a demandé
de donner aujourd’hui des informations plus détaillées
sur les conclusions de la mission d’évaluation technique
qui est revenue dernièrement de la RCA, et sur nos
obser vations sur ces conclusions. Ces der niers jours, il a
été aussi en contact avec des dir igeants af r icains, qui ont
fait part de leur inquiétude devant la situation et indiqué
qu’il était nécessaire que la communauté internationale
y réagisse énergiquement.

Comme le rapport (S/2013/677) dont est saisi le
Conseil de sécurité l’indique, le pays est confronté à une
situation désespérée en matière de sécurité. Il y a une
détérioration généralisée de l’ordre public. La population
endure des souffrances inimaginables. Comme nous le
constatons bien trop souvent, les femmes et les enfants
sont les plus exposés. L’utilisation d’enfants soldats est
augmentation, tout comme les violences sexuelles. De
nombreuses informations font état de pillages, de postes
de contrôle illégaux, d’extorsion de fonds, d’arrestations
arbitraires, de torture et d’exécutions sommaires. Le
Secrétaire général est particulièrement préoccupé par
la montée alarmante des violences interethniques.
L’harmonie qui a toujours existé entre les communautés
a fait place à la polarisation et à l’horreur généralisée.

La manipulation des appartenances religieuses à des
fins politiques attise une violence jamais vue entre
musulmans et chrétiens, surtout dans le nord-ouest du
pays.

Les ex-combattants de la Séléka sont jugés
responsables de la plupart des violations des droits de
l’homme commises contre la population civile. Mais
nous ne sommes pas moins profondément inquiets des
exactions commises par les groupes d’autodéfense et
les milices « 
antibalaka
 » bien organisés. La situation
conflictuelle peut déboucher sur une conflagration.

L’influence qu’ont les chefs religieux de prévenir la
violence diminue au fur et à mesure que le conflit jette
la lumière sur la marginalisation et la discrimination
endurées pendant des années par les populations du
nord à prédominance musulmane.

Je salue l’action menée par le Représentant spécial
du Secrétaire général,
M.
Babacar Gaye, et les autorités
de la transition pour mettre sur pied des comités de
médiation et de réconciliation et prendre d’autres
mesures pour trouver des solutions concrètes et apaiser
les tensions à Bossangoa et ailleurs. Comme le Conseil
l’a reconnu dans la résolution 2121 (2013), la capacité du
Bureau intégré
des Nations Unies pour la consolidation
de la paix en République centrafricaine dans le domaine
des droits de l’homme est clairement insuffisante. Elle
est aussi entravée par un manque d’accès découlant de
la situation qui règne sur le plan de la sécurité. Nous
saluons le prochain déploiement d’une mission des
Nations Unies chargée de la surveillance des droits de
l’homme et de la mission conjointe que compte déployer
les bureaux de la Représentant spéciale chargée de la
question des violences sexuelles commises en période
de conflit et la Représentante spéciale pour le sort des
enfants en temps de conflit armé.

Dans son rapport, le Secrétaire général demande
que des mesures urgentes soient prises pour mettre fin à
l’impunité omniprésente et pour appliquer le principe de
responsabilité. Je demande au Conseil de répondre à cet
appel en envisageant la mise en place de mécanismes
de responsabilité, telle une commission d’enquête et/ou
des sanctions ciblées. Dans le même temps, les besoins
humanitaires s’accentuent. La situation d’urgence
touche presque l’ensemble de la population s’élevant
à 4,6 millions de personnes. Une personne sur trois
dans le pays a cruellement besoin de nourriture, de
protection, de soins de santé,
d’eau, d’assainissement et
d’abri.

L’accès aux populations dans le besoin reste
difficile, et nous manquons cruellement de fonds.
L’appel global d’un montant de 195 millions de dollars
a reçu moins de la moitié des fonds nécessaires. Et les
besoins ne cessent d’augmenter. Nos collègues, les
acteurs humanitaires, ont élaboré un plan en six points
aux niveaux mondial, régional et national, et je demande
que l’on intervienne d’urgence pour parer à la crise
humanitaire.

Le rétablissement de la sécurité et de l’ordre
public est une condition préalable pour remédier aux
problèmes politiques, aux problèmes liés aux droits de
l’homme et aux problèmes humanitaires. La capacité
des forces armées et des services de sécurité du pays à
prévenir et à contrer ces menaces est pratiquement nulle.
Selon le Ministère de la défense, près de 7000 membres
des Forces armées centrafricaines sont retournés à
Bangui, mais ne sont ni déployés ni opérationnelles.
Les ex-combattants de la Séléka qui ont assumé de
fait les fonctions de forces de sécurité et de défense de
l’État. Quelque 5000 ex-combattants de la Séléka ont été
intégrés dans les services de sécurité.

Toutefois, il n’existe pas de plan ou de budget
agréé pour la reconstitution des forces nationales de
sécurité. La République centrafricaine est devenue un
terreau fertile pour extrémistes et groupes armés dans
une région déjà en proie au conflit et à l’instabilité. Si
on laisse pourrir la situation, elle peut se transformer en
conflit ethnique et religieux aux conséquences du rables,
ou même en guerre civile susceptible de s’étendre
aux pays voisins. Il est essentiel que la communauté
internationale et le Conseil agissent maintenant.
La nécessité d’une action décisive est aussi
essentielle pour faire en sorte que les préparatifs des
élections se poursuivent conformément à la Charte
nationale de transition. Comme l’ont réitéré le Conseil
et le Groupe de contact international, les élections
doivent se tenir dans un délai de 18 mois suivant l’entrée
en fonctions du chef d’État de la transition, soit d’ici à
février 2015. Nous n’avons pas de temps à perdre.

En application de la résolution 2121 (2013),
le Secrétaire général a dépêché, du 27 octobre
au 8 novembre, une mission d’évaluation technique
multidisciplinaire en République centrafricaine, sous
la direction du Sous-Secrétaire général aux opérations
de maintien de la paix, M.
Edmond Mulet, qui est
présent parmi nous aujourd’hui. La mission était
chargée d’élaborer des options possibles pour l’appui
international à la Mission international de soutien
à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA),
y compris la possibilité de transformer celle-ci en
opération de maintien de la paix des Nations Unies, sous
réserve que les conditions sur le terrain le permettent et
que le Conseil de sécurité le décide.

Nous remercions l’Union africaine et la
Communauté économique des États de l’Afrique centrale
(CEEAC), qui ont été des composantes essentielles
de la mission, et il nous est agréable de constater que
l’Union africaine est représentée ici aujourd’hui par
l’Ambassadeur Ayebare. Nous saluons aussi la présence
parmi nous aujourd’hui du Secrétaire général de la
CEEAC, M.
Ahmad Allam-mi. Je remercie aussi les
autorités de la République centrafricaine d’avoir réservé
un accueil chaleureux à la mission, et je suis ravi de les
voir représentées ici. L’Union africaine et la CEEAC sont
d’accord qu’il faut que la communauté internationale
agisse de toute urgence, et qu’une opération de maintien
de la paix des Nations Unies dotée d’un mandat robuste
est nécessaire.

Comme je l’ai indiqué précédemment, le
Secrétaire général a eu ces derniers jours des discussions
productives avec la Présidente de la Commission de
l’Union africaine, M
me
Dlamini-Zuma, le Président
Déby Itno du Tchad et M.
Ahmad Allam-mi. Il a
exprimé à cette occasion sa vive préoccupation devant
la situation et il a convenu avec eux qu’une solide force
de maintien de la paix est nécessaire en République
centrafricaine.

Quand elle se trouvait en République
centrafricaine, la mission s’est entretenue avec un
large éventail de parties prenantes nationales et
internationales, qui, de manière unanime, ont demandé
une action rapide, notamment le déploiement d’une force
efficace et impartiale pour protéger les civils, empêcher
les violations des droits de l’homme, rétablir la sécurité
et prévenir une violence à grande échelle. La mission
d’évaluation technique a constaté que, malgré tous ses
efforts, la capacité de la force de maintien de la paix
de la CEEA –
la Mission de consolidation de la paix
en Centrafrique (MICOPAX) –
de protéger les civils
est sérieusement limitée. Certes, le récent déploiement
de la MICOPAX a eu un effet dissuasif dans certaines
localités, mais certains contingents semblent se ranger
du côté de communautés données sur la base de la
religion. Les soldats de la MICOPAX souffrent aussi
d’un appui logistique limité, d’un manque d’équipement
et de moyens de communication et connaissent des
problèmes de mobilité. Un appui extérieur substantiel
serait par conséquent nécessaire pour permettre à la
MISCA de s’acquitter de son mandat pour stabiliser la
situation.

Le rapport dont sont saisis les membres du
Conseil présente cinq options pour la fourniture de
l’appui de la communauté internationale à la MISCA
 :
premièrement, des dispositifs d’appui bilatéral et
multilatéral ; deuxièmement, un appui de l’ONU financé
par un fonds d’affection spéciale en complément de
l’appui bilatéral et multilatéral ; troisièmement, un
appui limité de l’ONU, financé par les contributions
des États Membres et des contributions volontaires,
en conjonction avec l’appui bilatéral et multilatéral ;
quatrièmement, un appui complet de l’ONU, financé par
les contributions des États Membres ; et cinquièmement,
la transfor mation de la MISCA en opération de maintien
de la paix des Nations Unies.

La majorité des parties avec lesquelles s’est
entretenue l’équipe de la mission se sont prononcées
en faveur de la cinquième et dernière option, à savoir
une opération de maintien de la paix des Nations Unies.
Un certain nombre d’organisations de la société civile
ont également demandé que l’on appuie cette option. La
transformation de la MISCA en opération de maintien
de la paix des Nations Unies dotée d’un effectif
militaire d’environ 6
000
soldats et d’une composante de
police constituée d’environ 1
700
membres permettrait
de préparer le terrain à la mise en place d’institutions
transparentes, responsables et résilientes. La présence
d’une opération de maintien de la paix des Nations Unies
garantirait une réponse intégrée et pluridimensionnelle
et permettrait de renforcer, nous l’espérons, la capacité
de la communauté internationale d’exercer une influence
politique.

Depuis le déploiement de la mission et la
publication du rapport du Secrétaire général, le Chef
d’État de la transition a écrit au Secrétaire général
pour lui faire part de la demande d’assistance formulée
auprès de la France. Le Chef d’État de la transition a
décrit la situation actuelle comme constituant une
menace à la paix et à la sécurité internationales. L’état
de déliquescence dans laquel se trouve la République
centrafricaine appelle une réponse cohérente, intégrée
et pluridimensionnelle permettant de s’attaquer aux
causes profondes du conflit et à ses manifestations
actuelles. Dans son analyse, le Secrétaire général
déclare que cette réponse doit être à la mesure de la
complexité de la crise et des besoins de protection de
la population. Elle doit être énergique et empêcher que
se perpétue une situation qui a de fortes chances de se
solder par des atrocités généralisées.

Le Secrétaire général a récemment renouvelé
l’engagement de l’ONU d’honorer ses responsabilités
dans tous les cas où existe la menace de violations à
grande échelle du droit international des droits de
l’homme et du droit international humanitaire. Il est
déterminé à porter ces graves violations à l’attention des
organes compétents de l’ONU, en particulier lorsque les
autorités nationales ne sont pas en mesure de réagir.

Le rapport présenté au Conseil aujourd’hui s’inscrit
dans le cadre de cet engagement de faire du respect des
droits une priorité absolue, conformément aux buts et
principes consacrés par la Charte des Nations Unies et à
la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Nous estimons qu’une opération de maintien de
la paix des Nations Unies sera nécessaire en République
centrafricaine. Cependant, la transformation de la
MISCA en opération de maintien de la paix des
Nations Unies exigerait suffisamment de temps pour
procéder aux préparatifs à cet effet. Nous demandons
donc instamment à la communauté internationale non
seulement de fournir un appui aussi complet et prévisible
que possible à la MISCA, mais également de commencer
à étudier l’option d’une opération de maintien de la paix
des Nations Unies.

La population centrafricaine n’a presque jamais
eu la possibilité de jouir pleinement de la paix et de la
sécurité. Elle a besoin de notre aide. Certains qualifient
cette situation de crise oubliée. Le monde est hanté
par les horreurs commises lorsque les crises ont viré
aux atrocités tandis que nous restions au loin. L’ONU,
l’Union africaine, la CEEAC et les autorités de la
République centrafricaine reconnaissent toutes qu’il
est urgent de mettre un terme à cette crise avant qu’elle
ne devienne tout à fait ingérable. Il revient à présent au
Conseil de décider de quelle manière il peut contribuer
le plus efficacement à la réalisation de cet objectif.

Le Président
(
parle en chinois
)
 : Je remercie le
Vice-Secrétaire général de son exposé.

Je donne maintenant la parole au représentant de
la République centrafricaine.

M.
Dembassa Worogagoi
(République
centrafricaine)

 : Monsieur le Président, je vous remercie
de m’avoir permis d’assister à la présente séance du
Conseil de sécurité de prendre la parole. Je voudrais au
nom du peuple centrafricain, remercier les membres de
l’attention particulière qu’ils portent à notre pays dans la
situation difficile qu’il traverse actuellement. Un adage
de chez nous dit que c’est dans les moments difficiles que
l’on reconnaît les vrais amis. Le rapport du Secrétaire
général (S/2013/677), les derniers développements et
les prises de position française et américaine parlent
de pré-génocide si rien n’est fait. En conséquence,
la République centrafricaine témoigne sa gratitude
à chacun des 15
membres du Conseil ici présents en
général, et en particulier à tous les partenaires bilatéraux
et multilatéraux, à la Mission de consolidation de la
paix en Centrafrique, à la Communauté économique
des États de l’Afrique centrale, à l’Union africaine, à
l’Union européenne, à l’Organisation internationale de
la Francophonie, à l’Organisation des Nations Unies, à
la France, aux États-Unis et au Royaume-Uni, qui ont
pris sur eux cette lourde responsabilité d’accompagner
la gestion de cette crise jusqu’à ce moment.

La transition, qui doit aboutir à l’organisation
d’élections libres, transparentes et crédibles dans
un délai de 18
mois à compter du 18
août dernier, est
menacée par la très grande instabilité qui règne dans
l’ensemble du pays. Malgré les efforts des autorités de
transition visant à rétablir la sécurité dans le pays à
travers la dissolution de la Séléka, le cantonnement des
ex-rebelles dans des sites localisés et d’autres mesures,
la situation sécuritaire demeure précaire. C’est pourquoi
l’appui de l’ONU reste décisif si l’on veut sortir ce pays
des troubles qui y sévissent.

La stabilité de la République centrafricaine
repose sur la nécessité d’aider la transition à mettre
en œuvre la résolution 2121
(2013), et en particulier de
respecter la feuille de route établie par le Groupe de
contact international jusqu’aux élections. C’est dans ce
contexte que les plus hautes autorités de la transition
ont écrit au Secrétaire général de l’ONU ainsi qu’aux
membres du Conseil de sécurité pour les informer de la
demande qu’elles ont adressée à la France afin qu’elle
apporte son concours militaire en appui à l’action de la
Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous
conduite africaine (MISCA) et solliciter leur accord.

Le peuple centrafricain n’aspire qu’à une seule
chose
 : la paix et la sécurité. La MISCA étant en train
de se déployer sur le ter rain, nous souhaitons qu’elle soit
soutenue et équipée par l’ONU, avec un appui logistique
de la France, afin d’aider à la sécurisation totale de
Bangui, à la pacification de l’intérieur de la République
centrafricaine ainsi qu’à la restructuration de l’armée
centrafricaine. Elle doit être dotée d’un solide mandat,
au titre du Chapitre
VII de la Charte, qui permette de
l’aider d a ns sa lou rde mais noble m ission au ser vice de la
paix et de la stabilité en République centrafricaine. Tel
est l’appel que lance au Conseil le peuple centrafricain
afin de pouvoir espérer un jour du devenir de son pays.

Le Président
(
parle en chinois
)
 : Je donne
maintenant la parole à M.
Allam-mi.

Secrétaire général de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, M.
Allam-mi

 : Je voudrais tout d’abord me
féliciter du rapport qui vient d’être présenté par le Vice-
Secrétaire général (S/2013/677), et à la rédaction duquel
ont contribué la Communauté économique des États
de l’Afrique centrale (CEEAC) et l’Union africaine.
Permettez-moi aussi, Monsieur le Président, de vous
remercier, ainsi que les autres membres du Conseil,
de m’avoir associé à la présente séance consacrée à la
Centrafrique.

Je voudrais ensuite exprimer la satisfaction
de la CEEAC de voir que la situation en République
centrafricaine préoccupe désormais la communauté
internationale au plus haut niveau, en particulier
le Conseil de sécurité. En effet, alors que l’Afrique
centrale est au chevet de la Centrafrique depuis plus
d’une décennie et tente désespérément, avec l’appui du
Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation
de la paix en République centrafricaine (BINUCA) et de
quelques amis européens, dont la France, de trouver une
sortie de crise durable, la communauté internationale
semble subitement découvrir l’ampleur de la crise après
le renversement du régime Bozizé par la coalition Séléka.

L’alerte est donnée lors de la réunion de haut niveau
tenue ici même, à New York, le 25 septembre dernier,
suite à la détérioration de la situation humanitaire et
sécuritaire, devenue catastrophique.

Aujourd’hui, la République centrafricaine est un
État failli, dirigé par un Gouvernement de transition
fragile et impuissant, face à l’ampleur de la tâche, à
sortir le pays de la crise. Certes, il faut l’aider à stabiliser
le pays, tout en demeurant exigeant sur la mise en œuvre
de nos attentes en matière de protection des populations
dans le respect des droits de l’homme. À cet effet, il
est aussi indispensable d’interpeler la classe politique
centrafricaine et les leaders d’opinion pour qu’ils
renforcent le consensus politique convenu à travers la
Charte nationale de transition adoptée par le Conseil
national de transition, dans le cadre de la mise en œuvre
de l’Accord politique de Libreville de janvier 2013 et de
la Déclaration de N’Djamena d’avril 2013. La CEEAC
se réjouit que les autorités de transition centrafricaines
aient traduit ce consensus en une feuille de route pour la
transition, indiquant les différentes actions à réaliser et
leur chronogramme.

J’ai fait le déplacement à New York aujourd’hui
pour remercier le Conseil de sécurité de son soutien
à la Communauté économique des États de l’Afrique
centrale, qui n’a cessé de s’approprier la question
centrafricaine –
et pour demander que ce soutien soit
maintenu à l’avenir. Notre ambition est de pouvoir
continuer, aux côtés de l’Union africaine, à aider les
acteurs politiques et toutes les parties prenantes à se
réconcilier et à regarder dans la même direction pour
que la République centrafricaine recouvre la sécurité, la
stabilité et la démocratie.

À l’instar des performances de la Mission de
l’Union africaine en Somalie ou, récemment, de la
Brigade régionale de la Mission de l’Organisation
des Nations Unies pour la stabilisation en République
démocratique du Congo, la Communauté économique
des États de l’Afrique centrale estime que la Mission de
consolidation de la paix en Centrafrique (MICOPAX),
au sein de la Mission internationale de soutien à
la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA),
va efficacement contribuer au retour de la paix en
République centrafricaine si le futur mandat lui en
donne les prérogatives et si ses capacités sont renforcées
conformément aux recommandations de la dernière
évaluation menée conjointement par l’ONU, l’Union
africaine et la CEEAC.

La génération des forces en cours par la CEEAC
lui permettra de disposer de plus de 4
000
hommes
sur le théâtre des opérations, avec une unité aérienne.

Je voudrais rappeler que le financement de la
MISCA, également appelée MICOPAX II, est assuré
intégralement par la CEEAC depuis le 1
er
août, date du
début de la mise en place de la MISCA.

La situation
en République centrafricaine est sous contrôle de la
MICOPAX II mais toujours préoccupante. Le néant est
évité, mais les risques d’une détérioration de la situation
vers le chaos, la guerre civile généralisée, les conflits
ethnique et religieux sont réels.

Des élections libres et transparentes ne suffiront
pas à sortir la République centrafricaine de la crise
qui dure depuis plus d’une décennie. Il nous faut
nous attaquer aux causes profondes du conflit, ce qui
impliquerait ce qui suit.

Premièrement, il faut instaurer un pouvoir
démocratique, légitime et représentatif de toute la
République centrafricaine, au service de l’intérêt
général des Centrafricains, et non d’un clan, d’un
groupe ethnique ou d’un groupe religieux, car l’une des
causes de la persistance du conflit est la confiscation
du pouvoir et des ressources du pays par une catégorie
de Centrafricains arrivée au pouvoir par la force ou par
la voie démocratique, entraînant ainsi la révolte des
populations marginalisées.

Deuxièmement, il faut mettre en place de
véritables forces de défense et de sécurité républicaines,
professionnelles, équilibrées et représentatives en lieu
et place des milices claniques.

Troisièmement,
il faut rétablir un dialogue
permanent entre les acteurs politiques, avec la facilitation
de la communauté internationale dans le cadre d’un
comité de suivi et sur la base d’un accord politique
commun pour sauver la République centrafricaine, car
les acteurs politiques centrafricains doivent s’impliquer
dans la transition et, plus tard, autour des autorités
élues, au lieu de mener des campagnes de dénigrement
les uns contre les autres sur la place publique et de
compter sur la communauté internationale pour régler
leurs problèmes à leur place. Cette dernière ne peut que
les aider, elle ne se substituera pas à eux.

Quatrièmement, il faut mettre en place une
aide financière, économique et humanitaire dans
l’immédiat pour remédier aux multiples problèmes de
sécurité dans le pays et pour faire face à la misère que
connaissent les populations, car il ne faut pas oublier
que l’une des principales causes du conflit centrafricain
est la situation de dénuement total des populations
marginalisées, éprouvant une vie dure et contraintes à
prendre les armes, à recourir à la violence pour subvenir
à leurs besoins en s’attaquant le plus souvent aux plus
nantis.

Le déploiement d’une mission
multidimensionnelle dans l’urgence s’impose pour
sauver la République centrafricaine et sa population en
détresse. La MICOPAX II, ou MISCA ,a besoin d’être
renforcée. L’option envisagée par l’ONU doit prévoir un
appui conséquent à la MISCA, renforcer ses capacités
opérationnelles et assurer son financement. Je voudrais
également réitérer la demande des chefs d’État et de
gouvernement de la Communauté économique des
États de l’Afrique centrale lors de leur récent Sommet
de N’Djamena, le 21 octobre, d’un mandat fort en
vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies
pour permettre à la MICOPAX, socle de la MISCA,
d’accomplir pleinement sa mission de stabilisation et
créer les conditions optimales à la mise en œuvre de la
mission civile de la MISCA avec l’appui du BINUCA
renforcé.

L’heure n’est plus à la dénonciation stérile de la
dure réalité que vivent les Centrafricains, ni aux larmes
de crocodile sur leurs malheurs. Il est temps d’agir et
d’appuyer la France, la Communauté économique des
États de l’Afrique centrale et l’Union africaine dans
leur volonté de secourir les Centrafricains, d’aider la
transition centrafricaine à réussir la mise en œuvre
de sa feuille de route pour surmonter la crise que
traverse le pays. La communauté internationale doit
donner à la MISCA les moyens de son action et aussi
soutenir la transition, évidemment tout en exigeant
d’elle son assainissement et des comptes afin que nos
objectifs communs soient atteints
 : la paix, la sécurité
des populations centrafricaines, victimes innocentes
d’un enfer au quotidien, la stabilisation durable et
la construction de leur pays et, en conséquence, la
préservation de la sécurité et la stabilité des pays de la
région.

Pour terminer, je me permets de réaffirmer que la
Communauté économique des États de l’Afrique centrale
est disposée à poursuivre ses efforts légitimes en vue du
règlement définitif et durable de la crise centrafricaine
dans le cadre d’un mécanisme, d’une bonne coopération
et d’une coordination avec l’ONU et l’Union africaine et
ce sans oublier notre participation au Groupe de contact
international et notre rôle de médiateur, assumé par la
République du Congo.

Le Président
(
parle en chinois
)
 : Je remercie
M.
Allam-mi de sa déclaration.

Je donne maintenant la parole au Conseiller
hors classe pour la consolidation de la paix et le
développement au Bureau de l’observateur permanent
de l’Union africaine auprès de l’ONU.

M.
Ayebare
(Union africaine)
(
parle en anglais
)
 :
Je voudrais tout d’abord remercier le Conseil de
sécurité de l’ONU d’avoir organisé la présente séance
à un moment décisif de l’histoire de la République
centrafricaine. Je remercie aussi le Secrétaire général
de l’ONU pour son rapport (S/2013/677) sur la situation
en République centrafricaine et, de façon plus générale,
pour ses efforts en faveur de la promotion de la paix, la
sécurité et la stabilité sur le continent africain.

La présente séance se tient dans un contexte
d’aggravation de la situation en République
centrafricaine. Comme nous le savons tous, la situation
est maintenant caractérisée par un effondrement
total de l’ordre public et par des abus et des sévices
systématiques commis contre la population civile par
des éléments des ex-rebelles de la Séléka, y compris des
exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, des
arrestation et actes de détention arbitraires, des actes
de torture et violence sexuelle, ainsi que le recrutement
et l’utilisation d’enfants-soldats. Ceci a provoqué
l’émergence de groupes d’autodéfense et autres groupes
armés.

L’Union africaine est activement saisie de la
situation en République centrafricaine. Nous avons
travaillé en étroite coopération avec la Communauté
économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC)
et appuyé sans réserve les efforts régionaux visant
à remédier à la situation à la suite de la reprise, en
décembre 2012, des hostilités par les rebelles de la Séléka
en violation des décisions prises par les dirigeants de
la région. Ces efforts ont abouti à l’Accord historique
de Libreville de janvier 2013,
qui a constitué une base
viable à une solution durable à la crise à laquelle le pays
est confronté.

Dès le mois de décembre 2012, l’Union africaine
a appelé l’attention sur le danger que poserait la reprise
des hostilités. Nous craignions effectivement que
cela saperait les efforts consentis par les dirigeants
de la région et entraînerait des violences généralisées
contre la population civile, et pourrait exacerber les
tensions entre différentes communautés et avoir de ce
fait des conséquences de grande portée pour le pays
et l’ensemble de la région. À la suite de l’entrée des
rebelles de la Séléka à Bangui, le Conseil de paix et de
sécurité de l’Union africaine est immédiatement passé
à l’action en suspendant la République centrafricaine
de toutes les activités de l’Union africaine, et a adopté
des sanctions ciblées contre certaines personnes. Nous
avons, en l’occurrence, cherché l’appui du Conseil de
sécurité.

Ces derniers mois, nous avons travaillé en étroite
coopération avec la CEEAC pour appuyer les efforts des
dirigeants de la région. Qu’il me soit permis, à ce stade,
d’exprimer encore une fois toute la reconnaissance
de l’Union africaine au Président Idriss Deby Itno,
Président en exercice de la CEEAC, et au Président
Denis Sassou Nguesso, Président du Comité de suivi
de la CEEAC sur la République centrafricaine. La
région a montré qu’elle était déterminée à remédier à
la situation. La CEEAC a tenu des pourparlers de paix,
déployé des forces de maintien de la paix et fourni
une aide financière à la République centrafricaine. Le
Conseil devrait reconnaître et appuyer pleinement cet
engagement proactif.

Les décisions de la CEEAC fournissent une
base à la transition en République centrafricaine. Nous
devons insister, encore une fois, sur la nécessité pour
les autorités de transition de respecter intégralement
ces décisions, notamment eu égard à la durée de la
transition –
18 mois –
et à l’inéligibilité des autorités
actuelles à se présenter aux élections qui seront
organisées pour rétablir l’ordre constitutionnel. Nous
devons insister pour que les autorités de transition
assument l’intégralité de leurs responsabilités,
notamment eu égard à la protection des populations
civiles et au contrôle, par l’État, de ses sources de
revenu.

De concert avec la CEEAC, nous continuons de
mobiliser la communauté internationale par l’entremise
du Groupe de contact international sur la République
centrafricaine. À ce jour, le Groupe a tenu trois réunions.

La dernière, tenue à Bangui le 8 novembre 2013, énonce
une série de mesures que doivent prendre les autorités
de transition. Il est d’une importance capitale que le
Conseil de sécurité accorde tout son appui à ces mesures.
Compte tenu de la précarité des conditions de
sécurité sur le terrain, l’Union africaine, en étroite
coopération avec la CEEAC, a décidé de renforcer la
Mission de consolidation de la paix en Centrafrique
(MICOPAX) en déployant la Mission internationale
de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine
(MISCA). Forte de 3
652
agents militaires, civils et de
police, la Mission a pour mandat d’aider à rétablir l’ordre,
de stabiliser le pays, de protéger la population civile, de
réformer le secteur de la défense et de la sécurité, et
de créer les conditions propices à la fourniture d’une
assistance humanitaire. Ce faisant, la Mission fera fond
sur les efforts continus déployés par la MICOPAX dans
un environnement particulièrement difficile.

L’Union africaine et la CEEAC ont travaillé en
étroite collaboration afin de faciliter la transition de la
MICOPAX à la MISCA.

À la suite de consultations avec
la CEEAC, le Président de la Commission a nommé
la
direction de la Mission. Le transfert d’autorité entre
les deux Missions doit avoir lieu le 19 décembre 2013.

Qu’il me soit permis de rappeler que l’Union africaine
et la CEEAC œuvrent de concert pour veiller à ce
que le continent puisse effectivement relever les défis
existants. Nous sommes unis et sur la même longueur
d’onde. Les problèmes de la République centrafricaine
sont les problèmes de l’Afrique. Pour en triompher, il
faut que le continent tout entier se mobilise.

Dans ce contexte, la priorité pour la communauté
internationale, et pour l’ONU en particulier, doit être de
renforcer les efforts déployés actuellement en assurant
un appui adéquat pour le déploiement et le maintien de
la MISCA.

Cet appui sera conforme aux dispositions
du Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies sur le
rôle des arrangements régionaux dans la promotion et
le maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Nous prenons note des diverses options figurant dans
le rapport du Secrétaire général de l’ONU.

Lorsqu’il
prendra une décision, le Conseil de sécurité ne devra
pas oublier la nécessité d’assurer à la Mission un appui
prévisible et durable.

Je tiens à exprimer notre gratitude aux partenaires
de l’Union africaine qui ont déjà signalé leur volonté
d’aider la MISCA.

Je tiens ici à mentionner l’Union
européenne, la France et les États-Unis d’Amérique.

Sur le terrain, nous déciderons des modalités de la
coordination des opérations avec les forces françaises.

À sa réunion du 13 novembre 2013, le Conseil de paix
et de sécurité de l’Union africaine a dit attendre avec
intérêt cette coopération avec la MISCA.

J’appelle les
partenaires de l’Union africaine à accorder à la MISCA
toute l’aide dont elle a besoin.

Nous sommes convaincus qu’un appui effectif
de l’ONU aidera énormément la MISCA à créer les
conditions requises pour le déploiement d’une opération
de maintien de la paix des Nations Unies qui favoriserait
la stabilisation à long terme et la reconstruction du
pays. Nous appelons le Conseil de sécurité à accorder
son plein appui aux efforts politiques de la CEEAC.

Les
dirigeants de la région n’ont jamais abandonné leurs
efforts. Ils méritent un appui entier et constant de la
communauté internationale.

Je voudrais, pour terminer, réitérer la
détermination de l’Union africaine,
en étroite
coopération avec la CEEAC, à traiter de la situation
en République centrafricaine. Nous espérons que
la communauté internationale accordera l’appui et
l’assistance nécessaires. À cet égard, nous attendons
avec intérêt l’adoption rapide d’une résolution du Conseil
de sécurité qui renforcerait les efforts consentis par la
CEEAC et l’Union africaine et signalerait une solidarité
active de la communauté internationale avec les
souffrances du peuple de la République centrafricaine.

Le Président
(
parle en chinois
)
 : Il n’y a pas
d’autre orateur inscrit sur ma liste. J’invite à présent les
membres du Conseil à poursuivre le débat dans le cadre
de consultations.

La séance est levée à 15 h 50.